Retour aux sources du dispositif des maisons astrologiques
par Jacques Halbronn
Peut -on être un bon chercheur en astrologie sans une certaine compétence historienne, permettant de remonter dans le temps et de restituer la genése des systémes? Pour cela, il ne suffit pas de lire les ouvrages du passé mais aussi d’en avoir une approche critique ce qui manque cruellement à la plupart de ceux qui s’y sont essayés, au cours des 50 dernières annéee, en se colletant notamment avec l’étude de la Tétrabible de Ptolémée.
Il n’est pas nécessaire de découvrir de nouveaux documents pour faire avancer la recherche historique. Dans bien des cas, les documents disponibles n’auront pas été pleinement exploités. Notre relecture de la Tétrabible (ou plutôt u Tribiblos, cf notre récente étude sur ce même site NofimLe tribiblos de Claude Ptolémée ». Le dernier livre divisé en deux. ») aura montré que l’astrologie dite généthliaque avait initialement comporté deux volets, le thème de naissance mais aussi et d’abord le thème de conception. Le premier s’intéressait au cours de la vie au sortir de l’enfance et l’autre se focalisait sur le seul temps de l’enfantement et de l’enfance. Or, tout montre que la pratique actuelle du « thème astral » combine ces deux problématiques autrefois séparées et qui le sont clairement chez Ptolémée, même si cela a échappé à des astrologues qui s’y sont intéressés comme Denis Labouré, André Barbault, Elizabeth Teissier oi Yves Lenoble au cours des 30 dernières années. qiui n’ont lu la Tétrabible qu’au prisme de leur pratique courante, risquant ainsi l’anachronisme.
Il faut rappeler qu’au départ le systéme des maisons ne comportait pas le contenu que l’on connaitra par la suite. A aucun moment Ptolémée ne désigne les maisons sur la base de la distribution des significations qui s’imposeront par la suite et qui a donné d’ailleurs une iconographie largement oubliée, elle aussi – décidément, laquelle recoupe peu ou prou certaines arcanes du Tarot comme la Mort pour la maison VIII (cf nos Recherches sur l’Histoire de l’Astrologie et du Tarot, parues avec le reprint de l’Astrologie du Livre de Toth, Paris Trédaniel 1993 et en 2015 notre étude dans la Revue Française d’Histoire du Livre, consacrée aux Livres d’Heures)
Louis Cruchet propose l’historique suivant , reprenant d’ailleurs en partie nos propres travaux sur maisosns astrologiques et arcanes majeures du Tarot::
L’Anthropo-Bio-Cosmologie : l’ABC des relations
Anthropologiques entre la Biologie humaine et le Cosmos
Significations des maisons astrologiques et significations des planètes
La signification des maisons astrologiques soulève quelques
questions. Actuellement, elle n’est guère en rapport à leurs positions
relatives sur la sphère locale, car, par exemple, la maison VIII, en
relation à la mort, se situe au-dessus de l’horizon alors que sa
signification devrait la situer en-dessous. L’histoire nous apprend que
la signification des maisons fut assez tardive et qu’elle s’est précisée
par affinité avec les planètes. Nous verrons que les différentes
traditions relatives à ces affinités ne sont pas toutes contradictoires.
Mieux, il semble se dégager de l’histoire des maisons associées aux
planètes une cohérence attribuable au système des triplicités des
maisons. Nous verrons que les études statistiques peuvent aussi
contribuer à l’association des planètes aux maisons et nous introduirons
les résultats de nos propres statistiques.
Les maisons dans l’histoire astrologique
Les significations des maisons ont eu de grandes difficultés à
s’imposer et à s’harmoniser au cours de l’Antiquité grecque. Claude
Ptolémée n’en parle pas dans sa Tétrabible, au IIe siècle de
notre ère, mais les témoignages de Marcus Manulius (Manulius, pp.71-75,
2008), au début de notre ère, et ceux de Firmicus Maternus (Maternus,
p.109-113, 2002) au IVe siècle, sont intéressants. Les auteurs ne
donnaient pas les mêmes significations aux maisons, parce qu’ils
possédaient des sources différentes et les aggloméraient de façon
inégale, mais Manilius les faisait correspondre aux dieux qui, pour
certains, avaient leurs équivalents planétaires.
Les maisons ou « lieux » dans l’Antiquité
Manilius
|
Maternus
|
||||
maisons
|
lieu de
|
signification
|
dieu/planète
|
lieu de
|
signification
(faste ou néfaste)
|
I
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naissance
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destinée
|
Mercure
|
vie
|
|
II
|
Typhée
|
argent
|
Porte d’En-Bas
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III
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mort
|
Déesse
|
Lune
|
frères
|
Déesse
|
IV
|
père, enfant
|
Génie
|
Saturne
|
parents
|
|
V
|
santé, maladie
|
Génie
|
fils
|
Bonne Fortune
|
|
VI
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du travail
|
santé
|
Mauvaise Fortune
|
||
VII
|
mort (Pluton)
|
épouse
|
|||
VIII
|
Typhée
|
mort
|
Porte d’En-Bas
|
||
IX
|
(la Fortune)
|
Dieu
|
Soleil
|
Dieu
|
|
X
|
mariage
|
Vénus
|
|||
XI
|
Fortune
|
Jupiter
|
Bon Démon
|
||
XII
|
du travail
|
Mauvais Démon
|
Les premières significations des maisons étaient soucieuses d’une
certaine cohérence relative au mouvement diurne. En témoignent ces deux
auteurs qui placent la mort, la Lune ou « Déesse », la Porte d’En-Bas et
les « Daimons » (Génies) en-dessous l’horizon, plus précisément entre
la maison II et la V, et la Fortune, le Soleil ou « Dieu » et le bon
Démon en-dessous de l’horizon, entre la maison IX et la XI. Pluton et la
mort sont justifiés par Manulius dans la maison VII parce que le
couchant est le lieu des morts (chez Maternus, la mort de la maison VIII
semble être une répétition de la « Porte d’En-Bas » de la maison II).
Les dieux/planètes de Manilius seront, en Occident, les planètes
correspondant aux mêmes maisons de l’astrologue romain (excepté Vénus en
X), sans que nous sachions si l’auteur fut la source du Moyen Âge
tardif que nous allons examiner maintenant. »
En fait, Cruchet s’en tient à des données bien connues dont il
présente un tableaiu synthétique/ Or, ,notre approche va nettement
plus loin en mettant ces données en perspective, diachroniquement.Cela fait déjà longtemps que nous avions été interpellés par le fait que dans la Tétrabible, si l’on ne désignait point en effet, les maisons selon leurs appellations « classiques », celles que rappelle Cruchet dans l ‘avant dernière colonne de son tableau, en revanche, ses chapitres successifs recouvraient parfaitement les dites attributions. Comment expliquer une telle étrangeté?
Nous proposerons l’explication suivante : l’ancien dispositif des significations des maisons (cf dernière colonne du tableau de Cruchet) aura été remplacé par la colonne précédente en s’inspirant du protocole exposé dans la Tétrabible en ses Livres III et IV lequel exposé successivement ce qui est relatif au thème de conception -donc dressé pour le moment de la conception – et au thème de naissance., ce qui aura finalement conduit à placer sur un seul et même thème, celui de naissance, les domaines censés être dévolus respectivememt à chacun des deux thèmes.
Cela conduit en fait à un changement epistémologique majeur. Alors que l’astrologue était censé prévoir ce qui se passerait à la naissance à partir de l’étude du thème de conception, il allait désormais décrire ce que l’on savait déjà concernant un être déjà présent! Au lieu de prévoir, il se contenterait dès lors du moins pour ce qui est des premières maisons d’expliquer après coup, ce qui conduisait l’astrologie à renoncer à s’occuper de façon spécifique de prévoir les conditions liées à la naissance, par avance! On sait qu’une telle tendance aura fini par se répandre de préférer l’a posteriori à l’a priori avec le renoncement à l a vraie prévision de ce qui n’est pas encore advenu, chez bien des astrologues modernes.
Voilà donc un nouvel exemple d’une déperdition voire d’une perversion du savoir astrologiique ancien et qui n’a d’égal que l’abandon des étoiles fixes, lequel déséquilibre totalement la pratique astrologique notamment en mondiale alors que la Tétrabible en traite. On voit à quel point il est vain de tenter de nous présenter l’astrologie actuelle comme un aboutissement alors qu’elle nous apparait comme bien corrompue au regard de ses états antérieurs.
Nous allons ci-dessous développer notre démonstation en reprenant les têtes de chapitres du Livre III (dans l’édition de Nicolas Bourdin, L’Uranie, Paris, 1640, reprise en 1974 dans la Collection Bibliotheca Hermetica dirigée par René Alleau, pp. 122 et seq):
On sautera le préambule qui introduit et le Livre III et le Livre IV qui ne font qu’un:
I Prologue
2 De la conception et de la naissance
3 Du degré de l’horoscope
4 Division de la doctrine des nativités
Volet Conception
5 Des parents
6 Des frères et soeurs
7 Des mâles et des femelles
8 Des jumeaux
9 Des monstres
10 De ceux qui ne se peuvent nourrir
11 de la durée de vie
12 De la forme et tempérament du corps
13 Des vices et des maladies du corps
14 Des qualités de l’âme
15 Des maladies de l’âme
On reconnait le champ sémantique correspondant aux maisons I à VI : santé, parents, frères et soeurs.
le chapitre sur la durée de vie est particulièrement dévelioppé dans la Tétrabible tout comme celui sur les qualités de l’âme:
DE la durée de vie:
Rappelons que cette astrologie « natale » couvre ce qui précéde et suit immédiatement l’accouchement lequel apparait comme l’articulation centrale:
On nous rapppelle: » Entre les choses qui se considérent après l’accouchement, la principale question est la durée de la vie. En effet, il serait ridicule de juger des moeurs et de actions d’un enfant qui ne doit pas arriver aux années auxquelles ces actions conviennent. » Entendons par là que la science du thème de conception doit ici prévaloir et conditionner le travail plus en aval de la science du thème de naissance.
Des qualités de l’âme
Ce chapitre s’explique à la lecture du prologue du Livre IV
« J’ai enseigné les choses qui se doivent considérer avant la naissance de l’enfant et celles qui arrivent dans le temps de cette même naissance comme aussi entre celles qui la suivent, celles qui sont seulement attachées au tempérament et qui ne regardent que le mélange des qualités. Maintenant je traiterai de celles qui viennent d’ailleurs, entre lesquelles je parlerai premièrement des richesses et des dignités car de la même sorte que les richesses ont rapport avec le corps, ainsi les dignités conviennent à l’excellence de l’âme » (p. 198)
Passons donc au découpage du Livre IV
1 Prologue
2 Des richesses
3 Des dignités
4 De l’action
5 Des mariages
6 Des enfants
7 Des amis et ennemis
8 Des voyages
9 Du genre de mort
10 De la division des temps
On note le lien entre maruages et enfants qui n’est pas respecté dans le découpage des maisons astrologiques puisque la maison V y est celle des enfants et la maison VII, celle du mariage
« Vu que les enfants suivent le mariage, c’est ici le lieu où il convient d’en parler »
On voit donc que Ptolémée n’a nullement organisé ses chapitres en s’alignant sur un dispositif des maisons astrologiques qui aurait préexisté et son agencement est mieux conçu que celui du dit dispositif encore en vigueur de nos jours et que tant d’astrologues considérent comme « sacrosaint ».
L’on retrouve en gros les rubriques qui serviront à qualifier les maisons VII à XII : les voyages, les amis et ennemis, la mort, le mariage. On notera que la mort est placée en dernier, le dernier chapitre « de la division des temps » qu’il faudrait plutôt considérer comme la conclusion de la Tétrabible
« J’ai traité de chacune des parties dont on s’enquiert touchant le corps, les moeurs et la fortune et ce sommairement comme j’avais arrêté dès le commencement de cette oeuvre. (…) Il y faut maintenant ajouter celle de la division des temps », c’est à dire du processus de « prédiction ». (p. 254)
Comme nous l’avions exposé dans de précédents textes, il est assez logique que la mort corresponde à la dernière maison, ce qui correspond dans le dispositif « ‘classique » à la maison VIII
(dont la représentation iconographique se retrouve dans le Tarot, cf nos Recherches sur l’histoire de l’astologie et du tarot, avec le Centiloguse de Ptolémée, Paris, Ed Trédaniel 1993). Ce qui renvoie au débat sur le nombre de maisons astrologiques – question récemment soulevée par Patrice Guinard, (autour de l’octotopos) cf Colloque de 2011 enregistré sur teleprovidence) Dans le tableau repris du travail de Louis Cruchet, l’on note qu’il n’y a que 8 rubriques et non 12 et il est plus que probable que les nouvelles appellations n’étaient également qu’au nombre de 8. Ce n’est que plus tard que l’on en ajouta 4 en redistribuant certaines significations pour y parvenir comme ce sera le cas en ce qui concerne les nouvelles planétes.
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Le retour aux sources conduit généralement à observer certaines corruptions de la cohérence initiale. Il serait bon notamment que l’on arrête de rechercher la question des enfants en maison V car il ne s’agit plus ici de ce qui concerne l’enfant en train de naitre mais bien des enfants qu’il aura par la suite et cela ne reléve plus du thème de conception ou de ses représentation aui sein du thème de naissance avec les maisons I à VI. Mais on soulignera ce qu’il y a d ‘absurde à vouloir réunir en une seule figure ce qui initialement faisait l’objet de deux figures, celle de la conception et celle de la naissance. Il serait bon au fond de constituer deux thèmes divisés chacun en 4 sections, soit les 4 angles du thème. et le nombre 8 prend pleinement son sens comme la somme de deux dispositifs à base 4 que l’on aura cru bon de réunir.
JHB
04. 06. 16
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