Introduction Le Temps n'est pas nécessairement rayé de l'existence par l'Eternité non-temporelle; leur rapport n'est que verbalement un rapport de contradiction; en fait c'est plus vraisemblablement un rapport de dépendance. Sri Aurobindo. La préoccupation du philosophe de l'astrologie n'est pas l'érudition, qui demanderait de passer un temps infini à répertorier les différentes écoles, mais de saisir l'utilité de cette science intuitive dans ses contextes respectifs, pour en effectuer une synthèse opérative. On découvrira, une fois passée la surprise de l'exotisme, que toute astrologie locale reflète, indépendamment des critères universels (les invariants sur l'interprétation des planètes par exemple) la mentalité de la culture en question. Ce que représente vraiment une fonction planétaire dans l'absolu nécessite une étude comparative, puisque les aspects de son registre seront valorisés avec des différences importantes selon les traditions, ce qui demande au chercheur une réflexion profonde, presque anthropologique, pour venir à bout de certaines interprétations qui parfois semblent antagonistes d'une époque à l'autre ou d'un continent à l'autre, concernant le même signifiant. Et comme les planètes représentent beaucoup de choses, et qu'on peut y fonder tout notre fonctionnement psychologique, on devine dans leur signification locale la partie subjective de la mentalité en vigueur, comment un mental culturel particulier tire dans son sens une énergie pour n'en retenir que les aspects qui l'intéressent, sacrifiant ainsi d'autres données, qui auront peut-être cours ailleurs. L'astrologie, comme n'importe quelle discipline intellectuelle, s'inscrit dans un contexte donné et y correspond, elle se conforme en partie aux valeurs religieuses et philosophiques, et il est donc nécessaire d'évaluer l'impact de chaque particularisme sur l'emploi des mêmes calculs, censés représenter la morphologie du moment. Les planètes, bien sûr, demeurent les mêmes, et c'est la mentalité locale en vigueur qui ponctue ce qu'elle attend de l'astrologie dans son système de valeurs fermé. Les accents diffèrent. Où que ce soit, nous pouvons dénombrer des craintes concernant l'avenir, en face de souhaits pour se l'approprier, mais les curseurs, en quelque sorte, changent d'une civilisation à l'autre. Il n'est pas très habile de s'en tenir aux grilles déjà édifiées, surtout si elles sont utilisées ailleurs, pour une autre mentalité, car nous plaquerions alors des significations toutes faites sur la réalité immédiate, tout en étant obligé de choisir les yeux fermés un système au détriment des autres. Il est nécessaire de méditer les critères opératifs, et il est donc louable de revoir les avis les plus autorisés sur les planètes, les signes et les maisons, et la liste des signifiants spéciaux (comme les nœuds lunaires, la lune noire, les mi-points, parfois les astéroïdes, ou certains d'entre eux), dont la pratique finit par révéler un sens, qui permettra un échange profond en consultation. Et comme l'astrologie évolue, telle n'importe quelle science humaine, il faut parfois réviser la question des significations, améliorer l'éthique de la discipline, car on peut faire dire à l'astrologie tout et rien. Elle est communément employée pour tricher avec le destin, auquel cas elle devient une sorte de pratique rationnelle de la ruse pour instrumentaliser la flèche du temps, comme on peut lui faire rendre des verdicts thérapeutiques, ou carrément l'utiliser pour identifier les déterminations qui nous caractérisent et les modifier, afin de les transcender une fois localisées, ce que nous proposons ici, dans le contexte d'une évolution divine probable. C'est un point important pour le philosophe d'établir sa propre éthique, que le simple astrologue peut éviter, en appliquant des critères inflexibles. Mais celui qui veut faire de l'astrologie une sorte d'art divin voué à l'évolution, doit passer au crible tous les présupposés de l'art qu'il pratique, et exiger de sa science qu'elle soulève l'individu vers ses plus hauts potentiels, tout en lui donnant envie de les actualiser, si l'on peut évoquer le désir transcendantal comme une composante de la nature humaine. Ce désir a jusqu'à présent été récupéré par de grandes institutions qui l'ont contrôlé en manipulant des croyants craintifs devant l'Infini, dont ils ont néanmoins appris l'existence comme celle d'un être invisible, absolument souverain, inaccessible, que l'on se surprend même à aimer, avec des arrière-pensées fondées sur la peur de mourir et le besoin d'approbation. Mais ce désir existe, et se manifestera davantage dans l'humanité dans le cycle qui s'annonce, aussi le nommons-nous encore, pour le distinguer des élans de la nature, aspiration au Divin, aspiration à l'être, aspiration à la Vérité. En revanche, la pratique de cet art astrologique, faible mais régulière, pendant plus de vingt ans, me pousse à douter qu'on puisse infliger à un individu une lecture de son thème qui en révèle le potentiel divin, si lui-même n'est pas prêt pour une remise en question fondamentale, non seulement de ses valeurs, qui demeurent finalement des objets, mais de sa propre manière de percevoir le non-moi, et de se considérer lui-même. Les prises de conscience ne peuvent s'effectuer qu'à partir du vécu, et il est vain de vouloir faire comprendre intellectuellement un aspect, ou une position planétaire, tandis qu'en restant sensible aux difficultés existentielles que le consultant évoque, il est possible de les replacer dans un jeu énergétique dont la lecture est aisée dans le thème radical. Dans cette mesure, ce n'est pas à l'astrologue de monopoliser la parole, mais il doit au contraire disposer d'une écoute infaillible pour rapporter les aveux qui lui seront faits à la structure du thème. Il peut s'ensuivre, chez celui (ou celle) qui se renseigne, la vision de mécanismes intérieurs à saisir et transformer. Des présupposés culturels envahissent l'interprétation astrologique, et nous devons y revenir pour éviter d'appliquer un système où nous retrouverons les préjugés d'une culture, ce qui oblige à comparer plusieurs écoles, se libérer également de ses propres préférences, pour approcher au plus près le diagnostic objectif, dégraissé de projections. Je citerai donc volontiers mon propre exemple, avec la question de choisir un zodiaque, le sidéral hindou, ou le tropical en cours dans nos contrées, qui colportent les mêmes signes, mais décalés de 23 degrés environ. J'ai abandonné pour ma part l'astrologie hindoue qui instille dans son interprétation les préjugés même de la civilisation, soit la vision d'une fatalité régie par des répétitions cycliques inéluctables. L'être humain n'y est libre de rien, ce que l'on retrouve dans la pente même de la mentalité qui s'est enfermée dans les castes (dont le sens traditionnel s'est perdu), la souveraineté du karma, un sens scrupuleux du devoir, suffisamment écrasant pour que la spontanéité soit suspecte, toute la culture livrant les individus à des codes imprescriptibles sévères, basés sur des notions d'infériorité et de supériorité arbitraires, dont les faibles et les femmes font encore les frais à l'heure actuelle. Mais c'est justement parce que le déterminisme y est traqué, et bien souvent découvert (quand il n'est pas vénéré comme la preuve de la souveraineté de Dieu !) que certaines techniques hindoues sont efficaces en astrologie horaire, en particulier parce que les phases de la lune (et des nœuds lunaires) ont été décortiquées depuis longtemps, pour en vérifier les caractères. Ma grande surprise a été de constater que le soleil n'était pas valorisé en astrologie sidérale, alors que je suis au contraire convaincu que c'est la clé du thème. Le soleil est un pouvoir de conscience involué, individuel, et qui révèle ses capacités divines quand l'ensemble du thème a été intégré; ce qui demande, naturellement, d'avoir mené à bien l'aventure exploratoire qui mène à l'autorité intérieure, dont nous allons parler, et dans laquelle Saturne joue un rôle hiérarchique difficile, de contremaître en quelque sorte, partagé entre les demandes des ouvriers et l'exigence du patron. Cette vision m'a convaincu que l'astrologie révélait un monde quantique, c'est-à-dire que c'était une erreur de considérer toutes les planètes sur le même plan. Autant l'influence de la lune sur le plan horizontal est-elle visible, autant le soleil mérite-t-il une valeur particulière, parce qu'il est au centre, et cette valeur ne peut se considérer de la même manière que les corps en orbite. Cela m'a troublé, ce soleil presque étouffé, parce que j'espérais naturellement un consensus plus étroit sur les signifiants astrologiques, ce qui aurait été rassurant intellectuellement, tandis que d'autre part le soleil possède différents noms dans les Védas, avec des connotations spirituelles profondes. Puis j'en suis venu à la conclusion que la mentalité qui règne encore en Inde récupérait les critères de l'interprétation astrologique dans son système de valeurs homogènes. Il est difficile d'accorder au soleil une valeur pratique et précise, contrairement à la lune, et comme l'astrologue hindou cherche à faire «parler» les planètes pour en tirer des renseignements précis et pratiques, le système ne fonctionne pas avec le soleil. C'est un pouvoir synthétique, qu'on ne peut pas tirer dans un sens ou un dans autre, contrairement à Vénus et Jupiter, qui donnent par principe (quand les circonstances s'y prêtent) et à Mars et Saturne, qui prennent par principe (sauf si on les prive de leur pouvoir prédateur dans des moments particuliers), le tout dans un éventail très large des significations dérivées que l'on peut donner à ces deux verbes, tandis que Mercure possède lui aussi quelques connotations pratiques, liées aux écrits, à la connaissance, à la manière de verbaliser la perception, ou de se relier aux autres sur le plan mental. APPROCHE TECHNIQUE 01 FORME STRUCTURE PRINCIPE. Comme en Occident nous croyons faire l'histoire, et que nous sommes convaincus depuis trois cents ans que nous avons un réel pouvoir sur le monde, l'idée nous est venue de renverser peu à peu les significations de Mars et Saturne, pour voir en quoi leur côté négatif sur le plan événementiel pouvait être maîtrisé en amont, c'est-à-dire par une compréhension des principes qu'ils manifestent. C'est donc un esprit conquérant, celui qui s'est lassé au siècle des Lumières des superstitions et des dictats de l'Église, de l'emprisonnement de l'homme dans une morale inflexible et affichée, qui a repris les concepts manichéens de l'ancienne astrologie, en commençant à soulager le système de sa finalité seulement prédictive, pour aborder l'essence des planètes en amont des événements qu'elles sont censées représenter. Avec symétrie, les initiés se sont également rendus compte que les signifiants soi-disant favorables par principe dans l'événementiel, comme Vénus et Jupiter, pouvaient révéler des aspects négatifs en amont, dans leur structure même, en faisant dépendre le sujet confusément de ce qu'il s'imagine être en droit de recevoir, de l'altérité et du non-moi (ce que l'on découvre parfois renforcé par les aspects astrologiques du thème natal). Ce mouvement de l'esprit, celui de lire en amont, s'est développé sans cesse, et, contrairement à la tradition hindoue, il s'est mis en quête de la liberté qui nous reste, — une fois que les principes des déterminations auront été exposés, afin que cette liberté joue à transformer les déterminations elles-mêmes. Facilement dans leur forme, avec le feed-back, une prise de conscience des mécanismes a posteriori, soit le retour sur l'émotion et le préjudice; plus difficilement dans leur structure, ce que représente vraiment chaque psycho-planète à l'intérieur de soi, désembourbée de ses amalgames à d'autres pouvoirs. Cette branche s'est finalement développée jusqu'à l'astrologie humaniste, que j'ai pratiquée et enseignée quelque peu moi-même quelques années (1987-1992), un type d'astrologie nouveau, et économe par rapport à d'autres voies ésotériques, une démarche qui est d'ailleurs refusée et méprisée par d'excellents astrologues, spécialisés en astrologie horaire, la science des moments opportuns. L'économie des principes de l'astrologie est telle (une dizaine de signifiants majeurs répartis dans deux cercles segmentés en douze, et reliés par des angles fondés sur la division la plus simple du cercle) qu'il n'est pas surprenant de voir différents systèmes se développer à partir de grilles de critères différentes. Chacune sera, polie par l'usage, suffisamment homogène pour balayer un champ précis et limité du réel. Il suffit d'employer l'image d'une même partition de musique jouée par différents instruments l'un après l'autre, pour comprendre que les mêmes calculs peuvent servir des causes différentes. Une mauvaise interprétation astrologique ne remet pas en cause l'authenticité du schéma nommé horoscope, cette signature cosmique d'un moment donné, puisque, depuis des milliers d'années, des systèmes différents ont été mis au point pour y parvenir (sur des bases astronomiques objectives, d'ailleurs de plus en plus en précises). Il faut donc savoir en premier lieu ce qu'on demande à un calcul, et utiliser la branche correspondante, et toujours garder à l'esprit que l'astrologie du diagnostic (par exemple l'esquisse du caractère) est différente de celle de la prévision, qui nécessite la compréhension des phases d'un cycle. En ressentant ce que l'on cherche à demander à l'astrologie, on parvient à choisir les secteurs les plus nourrissants, et l'on peut être très exigeant en la matière, grâce aux découvertes contemporaines, et au nombre croissant d'astrologues remarquables qui ont déjà traversé des expériences spirituelles. L'on peut aussi s'intéresser aux correspondances, et pratiquer en survolant l'astrologie médicale, soit repérer en consultation un point faible sur le plan physique, par les carrés dans les maisons dites néfastes par exemple, et éclairer le sujet sur la conscience qu'il doit mettre dans ce secteur pour éviter les somatisations. Il n'y a pas de raison de limiter l'interprétation astrologique, qui peut s'opérer à différents niveaux. De l'autre côté, plus matériel, l'on peut s'intéresser aux prévisions, qu'il faut replacer dans leur contexte historique (je conçois pour ma part qu'un déplacement pour l'anniversaire, — ce qui fait changer l'ascendant de l'année, est le bienvenu, non pour améliorer l'ordinaire, mais pour favoriser une guérison ou la sortie d'une crise, ou surtout en cas d'urgence). Tant que l'homme ne se sent pas capable d'agir sur sa destinée par lui-même (et c'est une idée nouvelle et localisée à l'échelle de l'histoire, celle d'émerger par ses propres moyens en tant qu'individu), il accorde aux circonstances un droit de regard excessif sur le trajet de son existence, et recherche donc comment favoriser les événements gratifiants et éviter les périls, les chutes, la maladie, la pauvreté, en gros la malchance. Dans cette optique, l'astrologie se limite à une science du futur vu comme le produit du passé ou le retour des mêmes causes, puisqu'il s'avère après des milliers d'années de vérifications entassées dans de nombreux corpus d'origine différente, que certaines figures astrales président, au-delà des probabilités pures, à des catégories d'événements précis. 1/Intérioriser le cosmos À notre surface, le principal instrument de pensée et d'action qu'emploie généralement l'homme est la raison, l'intellect qui observe, comprend et dispose. Dans toute progression ou évolution intégrale de l'esprit, il ne faudra pas seulement développer l'intuition, la pénétration, les sens intérieurs, la dévotion du cœur, une expérience vivante, profonde et directe des choses de l'esprit, il faudra aussi que l'intellect soit éclairé et satisfait. La vie divine, Sri Aurobindo.. Mais notre propos est avant tout d'ordre spirituel: la philosophie de l'astrologie prépare à supporter toutes les circonstances extérieures, qu'elles apparaissent ou non produites par des configurations astrales. La connaissance intérieure que nous pouvons acquérir des signifiants, les planètes et les éléments, nous permettra de faire front à n'importe laquelle de leur manifestation dans le monde régi par la flèche du temps. C'est un point capital, puisqu'il existe différentes manières de supporter les événements difficiles, depuis leur déni colérique à la résignation humiliante dans les plans psychologiques inférieurs, jusqu'à leur reconnaissance détachée sur les plans du Soi, ou de l'être psychique. APPROCHE TECHNIQUE 02 L'INTENTION GUIDE L'INTERPRÉTATION. Nous pouvons donc intercepter les fréquences planétaires à différents niveaux de l'être, et plus le souhait d'en transformer les aspects archaïques se manifeste, plus il devient facile de trouver un sens aux obstacles. Tandis qu'auparavant ils étaient considérés comme des adversaires, ils peuvent devenir des entraîneurs. Des circonstances de plus en plus difficiles peuvent se manifester sans que cela n'entame la foi du sujet dans le Divin ou l'existence, étant donné que le moi apprend à devenir souverain par rapport aux circonstances, sans pour autant se fermer à elles ou les rejeter. Autrement dit, la connaissance intérieure de Saturne, par exemple, qui se révèle par une longue alchimie, permet de faire face à n'importe quelle situation saturnienne, puisqu'il y aura identité entre le moi et le non-moi, au moment donné où la crise saturnienne apparaîtra. On ne sera pas désarçonné par un impact saturnien événementiel, s'il se présente, car la rigueur et la profondeur de cette énergie, qui demande de traverser toutes les formes pour parvenir à l'essence imprescriptible du réel, seront déjà présentes en soi. On acceptera, avec le pouvoir de l'intégrer, une période sans joie, difficile, où tout semble se désagréger. Au-delà de cette destruction formelle des circonstances ou des habitudes, une nouvelle orientation plus inclusive sera pressentie, ce qu'une personne non avertie, ou non consacrée au spirituel, a peu de chances d'apercevoir; elle s'accrochera donc peut-être sans espoir à des objets révolus, qui, de toute façon, disparaîtront par la force de l'aspect saturnien événementiel (souvent indiqué par un type de transit). La connaissance n'escamotera pas l'épreuve, mais lui donnera une résonance évolutive et non morbide. La distance qui peut être prise sur les événements difficiles par le saturne intérieur, en amoindrit la puissance, et abrège la période de conflit. On le voit, cette manière de pousser aussi loin les signifiants de l'astrologie s'éloigne de l'acharnement à contrôler le futur qu'exerce l'astrologue horaire, qui lui, se contente d'éviter les chicanes du destin pour figer un caractère donné dans la maîtrise des événements. Il ne voit pas comment une énergie planétaire peut s'intégrer dans la conscience, et trouve ce travail inutile, puisqu'il suffit de pousser l'adversité de côté pour maintenir la structure du caractère, ce qui évite de transformer sa propre psychologie, dans la mesure où l'on parvient à la conserver telle quelle en apprivoisant les événements, pour qu'ils soient favorables ou neutres, sans tomber dans la négativité. Le philosophe de l'astrologie pousse plus loin la théorie des correspondances, qui a été conservée par toutes les écoles initiatiques, la redécouvre, et crée tout simplement un système parfaitement homogène qui relie un moi structuré au non-moi structuré de la même manière, puisque les mêmes signifiants vont caractériser l'objet intérieur, l'individu, et l'objet extérieur, le cosmos, qui a produit le premier. (Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que l'être humain soit à l'image de l'univers, puisqu'il en est méthodiquement sorti en plusieurs centaines de millions d'années, le mental finissant par apparaître comme un pouvoir réfléchissant la création). Il est donc maintenant nécessaire de comprendre que la philosophie de l'astrologie se distingue de l'astrologie elle-même. Cette philosophie, parce qu'elle implique à la fois réflexion sur des concepts opératifs et introspection sur leurs modalités d'usage, se propose d'investir les structures permanentes de la personnalité, indépendamment de tout contexte temporel, et propose donc un travail intérieur radical, purement vertical en quelque sorte, du subconscient au supraconscient. Quels que soient les événements qui nous affectent à travers les formes du temps (transits), ou le schéma de l'incarnation (thème de naissance), de toute façon la transformation intérieure du septenaire (du soleil à saturne compris) est nécessaire pour parvenir au soi, au Brahman, à l'être psychique, à la désidentification de la nature. Que l'astrologie puisse préparer en quelque sorte cette transformation, en établissant certains ordres, c'est son rôle, mais ces ordres appartiennent à la succession, et sont plutôt stratégiques. L'astrologie révèle donc deux choses, un ordre structurel, soit la prépondérance de certaines tendances et leurs combinaisons dialectiques (lecture du thème natal), et un ordre cyclique (les moments où les tendances s'égarent dans des fluctuations événementielles chaotiques, propres à désagréger le moi ou au contraire à le renforcer en le fossilisant dans des patterns). L'astrologie permet d'individualiser avec une précision étonnante ce que chacun porte de toute façon en soi, quelle que soit sa morphologie particulière. La somme des pouvoirs planétaires est différente pour chaque individu, comme l'attestent différentes méthodes de calcul des prépondérances, dont la comparaison montre à quel point les astrologues demeurent des individus subjectifs, puisque les meilleurs d'entre eux trouvent des résultats différents. C'est affligeant de voir que des «autorités» ne concordent pas sur quelque chose d'aussi essentiel, et puis cela s'explique: il est tout bonnement impossible de donner une valeur arithmétique à une planète en fonction de sa place, puisqu'elle est la plupart du temps reliée à d'autres, ou dépendante de la manière dont est vécu son élément et dont est intégré le maître de son signe. Il est impossible d'isoler ce facteur, faisant partie d'un organisme où chaque élément se répercute sur les autres pour consacrer la valeur du système énergétique. C'est donc l'ensemble qu'il faut pouvoir saisir, comme on voit une fleur avant de compter ses pétales, et cet art relève d'une virtuosité qui ne me semble personnellement accessible qu'aux possesseurs du Soi, ou éventuellement à quelques experts réceptifs qui restent sensibles à la souveraineté du spirituel. Pour les autres, la pratique astrologique demeure un moyen de se projeter soi-même sur la vie des autres, avec une efficacité assez faible, mais qui correspond aux attentes en jeu. Le philosophe de l'astrologie, lui, veut aller plus loin. Ses références ne sont pas seulement les écrits des grands astrologues et des meilleurs psychologues, mais les témoignages des maîtres de la conscience, qui, mystiques, sages, ou savants inspirés, comprennent le projet de l'univers à l'égard de l'homme. Imprégné de ce dessein transcendantal, il revient à l'astrologie en l'instrumentalisant à des fins supérieures, et laisse en cours de route les points insolubles, comme des détails à élaguer, des précisions superfétatoires car peut-être fausses ou trop approximatives. En effet, on rencontre souvent des difficultés sur le terrain, et l'on peut même se décourager. Je tiens d'ailleurs à citer quelques exemples, qui constituent «les épines dans le pied» pour tout chercheur. L'astrologie étant jusqu'à présent une activité mentale, l'esprit y projette ses propres règles d'organisation, et s'il y a un consensus sur de nombreux critères, il manque sur d'autres, ce qui oblige à préférer une méthode à une autre. Ainsi la domification ne fait pas l'unanimité, et il est vrai que c'est un processus analytique qui soudain met une barrière entre une maison et une autre, qui divise le zodiaque des maisons; mais, dans la réalité, il n'y a pas de cuspide, pas de limite définie. Le mieux est de s'en tenir au croisement des deux axes, qui fondent l'écartèlement de l'incarnation, avec le haut et le bas, (FC-MC), et l'intériorité et l'altérité (AS-DES). Savoir quel calcul est le meilleur pour diviser ensuite en trois segments ce qui se trouve dans chacun des quatre cadrans délimité par le croisement essentiel, me paraît impossible. Mais, même sur les logiciels, les différents systèmes de domification s'alignent et rivalisent... Ce qui veut dire dans la pratique qu'il peut arriver qu'on ne se sache pas à quelle «maison» appartient une planète. Selon le régime employé, elle change de secteur, ce qui est assez cocasse. Pour ma part, j'ai résolu cette difficulté en devenant très sensible aux encadrements, et à l'ordre de succession des pouvoirs depuis l'ascendant, ce qui me montre vraiment ce qu'ils représentent comme contraintes pour le sujet. La contrainte existentielle est de s'identifier à cette planète-là, où qu'elle se trouve, avec conscience, et pour les cas litigieux, un signifiant qui change de «territoire» selon le système de domification employé, il y a deux manières de procéder: l'échange avec la personne, «où» vit-elle ce pouvoir, dans quelle zone, ou bien une astuce technique, qui consiste à conférer à ce corps sa place symbolique en divisant en trois maisons égales le cadran qui la contient. À ce moment-là, la planète en litige mitoyen tombe bien dans son secteur du point de vue individuel, elle trouve sa place dans le ciel intérieur, celui de la conscience. Il s'agit là d'une vision géométrique, mais holistique: dans l'ensemble du thème, tel pouvoir a trouvé sa place proportionnellement aux autres, et c'est là qu'il devient homogène dans l'ensemble d'une répartition psychologique juste, indépendante de toute forme de calcul basée sur une division externe, géocentrique. Le problème des cuspides n'est pas le seul cauchemar de l'astrologue. Il en existe bien d'autres, comme la maîtrise de Pluton (pour moi Pluton maîtrise tous les signes pour le moment, il est le maître aussi légitime en Scorpion qu'en Poissons ou en Bélier, et Volguine le logeait en Sagittaire), l'interprétation de la lune noire, la plus belle auberge espagnole de la pratique, l'axe des nœuds, qui se prête à toutes sortes de dérives, sans compter la double maîtrise des deux derniers signes, qui divisent les astrologues. Enfin, j'en profite pour dénoncer une pratique assez courante, qui est celle d'accorder aux signes du zodiaque tropical des qualités qui reviennent aux signes du sidéral, ce qui n'a aucun sens vu le décalage de 23 degrés entre les deux zodiaques. Les qualités des signes tropicaux, les nôtres, viennent de leur place par rapport à l'équinoxe et de leur succession, et enfin de la combinaison entre l'élément et le genre du signe, fixe, cardinal ou mutable. Quelques analogies tombent particulièrement bien, mais elles sont infiniment réductrices, et parfois trompeuses. Les qualités de nos signes ne s'originent pas dans les modèles des constellations qui ont permis d'élaborer les signes du zodiaque sidéral ou hindou, mais nous en avons conservé la succession et le nom. S'inspirer de ces symboles en astrologie tropicale est inutile, et le nom des signes est donc un obstacle à leur compréhension profonde, si l'on s'en tient à ce symbolisme décalé dans l'espace. Par exemple, le signe fixe du feu, appelé Lion, correspond en partie à la symbolique de l'animal et de la constellation qui a présidé au nom du signe sidéral, mais cette analogie finit par dissimuler d'autres propriétés, tandis qu'une réflexion sur la combinaison fixité-feu révèle certains paradoxes du signe (complémentarité de l'égocentrisme et de la générosité, qui peuvent être proportionnels, la fixité «tirant à soi» et le feu se dispersant avec lumière). Et pour en revenir à des choses plus simples, n'importe quelle conjonction étroite est difficile à interpréter, puisque la manière dont les pouvoirs vont se confondre dans l'activité psychologique du sujet dépend du reste, en particulier de l'emprise de l'ascendant, dont l'énergie peut récupérer la confusion des pouvoirs sous sa tutelle. Bref, pratiquer une véritable astrologie constitue un véritable tour de force, et si j'insiste autant sur ses contraintes, c'est pour mieux en revenir à la philosophie de l'astrologie qui, elle, est à la fois plus radicale et plus simple. APPROCHE TECHNIQUE 03 L'ÉNERGIE DU SIGNE RETIENT LE POTENTIEL SOLAIRE. On peut donc pratiquer la cosmophilosophie en évitant l'astrologie proprement dite, ou en n'en comprenant que les rudiments, les sept tendances, qu'on peut éventuellement teinter de leur élément, mais cette indication ne favorise par forcément la confrontation avec elles. Enfin, je demeure convaincu que l'élément est d'autant plus important pour les signifiants subjectifs, Mars, Vénus, Mercure et soleil, primordial pour la Lune, et perd de son importance quand on s'éloigne vers la galaxie. Si l'on peut définir des caractéristiques différentes pour Saturne selon quel élément il occupe, ces différences toucheront surtout le fonctionnement vers l'extérieur, mais l'intégration intérieure de Saturne demeure une expérience profonde, et si elle semble facilitée pour le soleil en Capricorne, son domicile, c'est un piège. La planète en domicile fonctionne avec une intensité particulière, mais qui n'a rien de transcendant. Ainsi, les Lion sont favorisés pour employer la fonction solaire, mais sans un retour sur eux-mêmes, ils plafonnent dans une identité affirmée et peuvent se contenter de leurs différentes réussites. Les Cancer disposent de l'énergie lunaire en abondance, mais, justement, ce privilège de baigner dans la viscosité sensuelle entre le moi et le non-moi peut se suffire à lui-même, et le transcendant peut être refusé sous prétexte d'être ailleurs. Les Bélier et les Scorpion peuvent se satisfaire d'une fonction martienne acérée, dans l'action, l'initiative, le projet du futur pour les premiers, dans l'investigation permanente, psychologique, sexuelle, sociale pour les seconds, sans que la transformation de Mars ne se produise. La fonction mercurienne des Gémeaux se disperse sous la poussée de son propre flux, et celle des Vierge se perd dans la capture du quotidien par des procédures, et la transformation du mental n'est donc pas favorisée chez ces deux signes. Vénus est difficile à transformer chez les Taureau, qui attendent trop de la Matière, des sens et de l'esthétique, et se cristallise chez les Balance dans des attentes supérieures, de tous ordres, qui peuvent pervertir la sensation du présent, ou l'instrumentaliser en l'idéalisant. Si Jupiter fonctionne sur une base exponentielle, ce qui me paraît conforme à l'idée même de développement, il ne se rassasie jamais de rien en tant que maître du Sagittaire, et le soleil dans ce signe accroît son territoire, en passant parfois à des appropriations plus subtiles, comme celle de la compétence, mais qui se confine dans un contexte, même étendu. Le capricornien s'arrête aux meilleurs compromis possibles entre le non-moi et lui-même, dans une sorte d'identité fonctionnelle et sécurisante, et il ne s'autorise aucune avancée intuitive vraiment risquée. Il risque de refuser le transcendant faute de preuves, et de se complaire dans une réglementation, alors qu'il possède de nombreuses qualités spirituelles. Le Verseau n'est pas plus à même d'intégrer Uranus que qui ce soit d'autre, mais il en ressent l'appel, ce qui lui donne une distance naturelle vis-à-vis de tous les conformismes, et un goût certain pour l'avenir. Les Poissons ont une vision holistique naturelle, ce qui les empêche de mettre à leur place respective les désirs et les sentiments, qui empiètent les uns sur les autres, et leur manière de vivre la totalité s'arrête le plus souvent à des compulsions neptuniennes telles que l'alcool, la drogue, le fétichisme, l'occultisme, la magie. Cette esquisse nous permet d'affirmer qu'un contact soutenu avec une énergie planétaire (ici signifié par la planète maîtresse du signe solaire qui est en affinité avec elle) demeure à double tranchant, soit une opportunité rapide pour ceux qui veulent découvrir la fonction supérieure du signifiant à leur disposition, soit un piège pour les autres: ils abuseront de ce pouvoir en le laissant se manifester tel quel, poussé en avant par la puissance de la nature. La pratique a confirmé que la planète maîtresse du soleil est bien présente dans son signe, par définition, même si elle se trouve astronomiquement ailleurs, ce que les Hindous confirment. Les Lion ont une intuition naturelle de «l'identité personnelle» et pour eux le soleil est forcément dans leur signe, mais pour les autres soleils, ils dépendent de la planète maîtresse de leur signe, où qu'elle se trouve, et cela ouvre déjà une perspective très profonde en matière de psychologie: la nécessité d'une concordance consciente entre le soleil, la fonction d'identité, et sa planète maîtresse, différente (sauf pour le Lion). Autrement dit, vu la distribution des signifiants psychologiques dans l'écartèlement de l'horoscope, cette concordance est rarement donnée, elle est à obtenir: que faire d'une Lune refroidie en Capricorne quand le soleil est en Cancer, dominé par la servante de la nuit? Comment s'accommoder d'un Mars qui reçoit des carrés pour le contrecarrer quand on possède un soleil en Bélier ou Scorpion, sous l'emblème de cette planète rouge? Que faire d'une Vénus reliée à Saturne avec le soleil confiant du Taureau ou idéaliste d'une Balance? Les tendances génériques, auxquelles nul n'échappe, peuvent devenir impersonnelles et universelles, si la conscience les utilise à leur plus haut niveau vibratoire. On peut donc citer quelques exemples pour illustrer le principe, s'en imprégner, tout en se libérant de l'aspect conditionné de cette fonction, en signe et en maison. Où qu'il se trouve, Mercure devient intelligent quand il ne bavarde plus, ne s'arrête plus aux détails insignifiants des choses, et cherche à toujours conserver le sens de ce qui est perçu en fonction du Divin, de l'évolution, de son intégrité de témoin du moi, à travers son pouvoir sémantique. Ce travail est à faire pour chacun puisque Mercure, au départ, et conformément au développement de la nature physique avec la question de la petite enfance, reste entièrement rattaché aux prérogatives lunaires. Dans une certaine mesure, Mercure confond son propre pouvoir de verbalisation avec le flux émotionnel. Cet amalgame mercure-lune est admirablement bien traité dans de nombreuses voies bouddhistes, où l'on ne cesse de mettre l'accent sur le désastreux automatisme de la pensée dans le champ naturel, puisqu'elle peut demeurer une vie entière enfermée dans les craintes, sujette aux seules sensations, incapable de s'abstraire hors de l'espace-temps, ou alors seulement, dans la fuite imaginaire en avant, qui cherche à rassurer, ou bien encore le souvenir gratifiant, qui cherche à valoriser. Le cerveau se forme en combinant les fonctions lunaire et mercurienne, que l'on voit d'ailleurs ne faire qu'un chez le petit enfant, ou chez certaines personnes devenues adultes, qui vivent dans une spontanéité absolue, sans pouvoir prendre le moindre recul sur les choses, et qui, même en parlant, ne font rien d'autre qu'exprimer leurs émotions plus ou moins diluées. En simplifiant, la question de savoir qui dit je en soi-même se pose tout au long de l'existence, puisque nous sommes simultanément capables de nous décevoir et de nous féliciter, de nous aimer ou de nous déconsidérer, ce qui atteste bien d'une marge de manœuvre dans le dialogue que nous entretenons avec nous-mêmes, dans lequel Mercure verbalise les projections des pouvoirs planétaires vers leurs objets. Il existe une sorte d'embryogenèse psychologique qui permet à Mercure de verbaliser au fur et à mesure de leur apparition les fonctions psychologiques, mais il commence toujours par abstraire les sensations, et comme je l'ai déjà mentionné dans un autre ouvrage, mercure ne va pas plus loin si l'enfant n'est pas entouré d'humains. Les enfants loups ne découvrent pas la pensée conceptuelle. D'un autre côté, certains primates, bonobos ou chimpanzés, éduqués par des éthologues, réveillent leur Mercure involué, et savent utiliser une grille de concepts suffisante pour s'ériger en sujet volontaire pour désigner des objets à s'approprier. Cet exemple est suffisant pour comprendre que le travail spirituel nécessaire à l'éclosion d'un moi intemporel, impersonnel, puis divin, est à faire en lui-même, quelles que soient les place et force particulières que possèdent Mercure et Lune dans le thème. Mercure devra, à la fin de la petite enfance, étendre son domaine au-delà de l'immédiateté lunaire, pour traduire en pensée les désirs projetés (Mars) et les désirs attendus (Vénus), ce qui fait entrer en jeu la navette imprescriptible dont le moi ne pourra plus jamais s'abstraire: le va-et-vient entre le sujet et l'autre, le moi et l'altérité, le purusha et l'univers, scandé plusieurs fois par seconde. En effet, nous balayons le champ perceptif à toute vitesse, grâce aux sens et à la surprenante habileté de la pensée, ce qui permet de renouveler sans cesse notre perception de l'extérieur, d'en modifier les critères de préhension, tandis qu'avec le retour des informations, nous pouvons également nous sonder nous-mêmes, situer le non-moi par rapport à nous, et nous par rapport à lui. APPROCHE TECHNIQUE 04 MERCURE DOIT INVESTIR TOUT LE THÈME. Donc, en passant de l'astrologie à la comosphilosophie, nous établissons que Mercure s'élance dans toutes les autres maisons que la sienne propre, pour dépasser la territorialité de la pensée naturelle. Mercure dans le premier cadran ramène trop le réel à soi-même, et c'est en l'envoyant en face que l'on commence à admettre que nous dépendons de beaucoup de choses. Dans le second cadran, Mercure ramène à des préoccupations qui peuvent s'enfermer dans le court terme s'il ne s'élance pas vers le dernier cadran pour saisir des choses essentielles, des enjeux importants, des univers profonds hors de la durée, ou hors de la subjectivité. Dans le troisième cadran, Mercure risque d'être obnubilé par le non-moi et l'autre, et il convient de l'envoyer vers l'ascendant et les premières maisons saisir les besoins intérieurs. Dans le quatrième cadran, Mercure jouit d'une dimension importante, qui peut avoir de la peine à saisir les choses les plus évidentes, les plus matérielles, les contraintes les plus élémentaires, et il doit en quelque sorte apprendre la rigueur dans le rapport entre les idées et les faits. Un certain effort, ou une attention créée par l'aspiration, peut permettre d'élargir les investigations mercuriennes, dans tous les secteurs, et d'en faire ainsi le collaborateur du soleil.
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De la même manière fondamentale, soleil et saturne sont amalgamés pour donner le sentiment empirique d'une identité immuable, le moi qui se conjugue en se parlant à lui-même, et la séparation des deux fonctions est laborieuse, voire interminable. Cette confusion s'opère vers l'âge de sept ans, où l'amalgame se forme avec une conviction unique, qui donne au sujet le sentiment qu'il est réellement distinct de l'extérieur, et qu'il peut y puiser tout ce dont il a besoin. À cet âge-là, la faculté de verbaliser est presque complète, elle ne sert plus seulement à interpréter le ressenti, mais elle se dirige vers l'intérieur, et découvre l'interrogation consciente. C'est une époque décisive, où l'éducation va favoriser ou nuire à la répartition naturelle d'intérêt que le sujet se fabrique entre le non-moi et lui-même. Dès lors, le Soleil tente par tous les moyens de conserver une image positive du moi enfin éclos, en tant que dépositaire du sens absolu de l'existence, alors que Saturne au contraire, contrebalance, et dévalorise le sujet en lui montrant ses limites face à la souveraineté du non-moi, dont il se détache par le sentiment imprescriptible de l'identité. On sait aujourd'hui que «pourrir» les enfants en leur accordant trop, renforce la fonction solaire, l'égocentrisme et le narcissisme, ainsi que le manque de responsabilités; et qu'à l'inverse, les surveiller en permanence, les culpabiliser à tout bout de champ, les dégoûte de l'autorité tout en alimentant des peurs, avec le risque qu'ils ne sachent plus découvrir une confiance absolue ni dans la vie ni en eux-mêmes, remplacée par toutes sortes de compensations délétères, conformes aux excès des pouvoirs les plus prépondérants. La combinaison peut aussi fonctionner sur un mode naturel, avec une certaine complémentarité, sans que se révèle réellement une identité solaire, indépendante des constructions saturniennes. Dans ce cas, le sujet adulte ne peut pas s'identifier au-delà des valeurs morales et religieuses où le soleil intérieur se reflète, et le moi ne possède donc aucune chance de dépasser les dualités construites par l'esprit humain pour saisir le réel. Le bien restera l'opposé du mal, ad vitam aeternam, empêchant la percée du purusha en dehors du samsara. L'esprit conservera une vision binaire des choses, prête à légitimer toutes les réactions, toutes les survivances dynamiques en cas de conflit avec l'extérieur, et les conflits intérieurs seront attribués aux circonstances et non au manque d'unité intérieur. Il est donc nécessaire de descendre en soi, dans un doute profond concernant sa propre valeur, pour se libérer des modes d'identification saturniens qui seraient suffisants et nécessaires pour assumer une existence sans transcendance. C'est nécessaire de plonger vers le lieu secret où le soleil et saturne sont confondus dans ce socle d'identité imprescriptible, avec un élan absolu d'un côté vers la jouissance de sa propre existence spirituelle et la contrainte fondamentale de l'autre, celle de tenir compte du réel pour utiliser le mouvement, la flèche du temps, dans le cadre d'une évolution lumineuse. Sans cette descente, le soleil archaïque, vaniteux et ivre de lui-même, possédé par rajas davantage que sattva, empêche saturne de structurer des valeurs si l'ego est fort, tandis que saturne peut au contraire, sur des personnalités faibles, imposer des lectures permanentes du réel qui mènent à une conformité telle avec les valeurs du milieu, que le moi solaire refusera toute percée, toute confrontation, tout élan hors du cadre des représentations établies de l'identité, tout besoin de manger la lumière pour grandir et devenir l'individu. Tamas peut se déguiser en sattva chez Saturne, et rajas peut se déguiser en sattva chez soleil. Se désidentifier de ce que l'on a cru être, c'est bien la démarche qui consiste à soupçonner un ego arriviste, plein de convoitises, d'idées toutes faites, d'exigences abusives vis-à-vis des autres, de la société, et plus loin de l'existence. L'ego, c'est ce qui rêve de soumettre le Réel, ce qui voudrait que la flèche du temps, la durée, devienne notre esclave et comble tous nos caprices, l'ego, c'est ce qui voudrait transformer toute l'étendue disponible en notre territoire, notre propriété, notre bien. L'ego, lui aussi, est structuré selon un amalgame: ce sont les racines des pouvoirs planétaires qui se combinent en dessous de notre moi solaire, dans une sorte de rhizome homogène très puissant. L'ego emprunte à la Lune l'attachement au présent, à Mars l'attachement au désir, à Vénus l'attachement à la satisfaction, à Jupiter l'attachement au progrès et à l'action, à Saturne l'attachement au jugement et à l'établi, à Uranus l'attachement à l'intensité, à Neptune l'attachement à la fusion, au soleil l'attachement à sa propre image. L'exigence spirituelle, elle, cherche confusément l'unité, et apprend à ordonner. Elle se manifeste en abandonnant les modes de saisie génériques des fonctions psychologiques, elle démasque leurs systèmes de convoitise, ou bien elle les laisse faire, en les observant, mais sans y croire vraiment. L'humilité surgit quand les deux fonctions (saturne-soleil) ont été différenciées et que le soleil intérieur plie le genou devant le Divin, en découvrant qu'il n'y a là aucune perte d'identité ou de puissance, mais bien la reconnaissance du principe supérieur du moi. Tant que ce travail n'est pas achevé, l'individu porte sur lui-même un jugement faux, soit narcissique (solaire), pour masquer ses faiblesses, soit culpabilisateur (saturnien), pour renoncer aux risques de la différenciation individuelle, et tourner en rond dans les ornières du caractère. Si l'amalgame Lune-Mercure se défait assez naturellement chez la plupart, donnant lieu à la pensée abstraite qui libère Mercure de la prégnance des sensations immédiates, l'amalgame Soleil-Saturne est beaucoup plus difficile à dépasser, puisque Mercure permet une structuration personnelle de leur combinaison, qui permet au libre arbitre de naviguer entre les alternatives qui se présentent, avec la sensation de la liberté. 2/La durée au service du MystèreDe même que la lumière d'une étoile parvient à la terre des centaines d'années après que l'étoile a cessé d'exister, de même un événement déjà accompli en Brahman, au commencement, se manifeste maintenant dans notre expérience matérielle. Sri Aurobindo, aphorisme 319 L'astrologie possède un caractère pratique, fondé sur l'efficacité de l'ordre de la nature, ce qu'une mentalité chinoise ou holistique comprend instinctivement (les cycles s'accomplissent dans des renversements, et le négatif accompagne le positif), mais le travail intérieur que ses principes permettent d'entreprendre dans l'absolu, permet de structurer toute la psychologie transpersonnelle et de mener une recherche sans angles morts. Nous pouvons aujourd'hui, en tant qu'humains responsables, revenir en plus grand nombre vers le travail intérieur, parce que le contrôle extérieur a échoué, et chaque jour une nouvelle preuve nous parvient, de l'échappée belle du Réel face à nos captures économiques, politiques et religieuses. La réalité s'échappe en nous menaçant de différentes catastrophes produites par notre incurie et notre imprévoyance. L'Occident croit au pouvoir de sa propre intervention sur le monde, et nous nous sommes acharnés à l'événementiel depuis cinq siècles, en laissant en jachère le monde intérieur. Aujourd'hui, l'individu qui s'est différencié en suivant les voies de la culture matérialiste finit par souffrir, et recherche l'aide extérieure de thérapeutes, devins, psychanalystes, gourous, dont la plupart sont déjà en retard sur leur époque. On peut donc perpétuer cette erreur en astrologie, et accorder à la volonté active un pouvoir qu'elle n'aura jamais, et s'imaginer qu'en suivant les phases de sa propre évolution par une pratique habile du calcul astrologique, l'univers va répondre et prendre en charge une bonne partie de notre fardeau. Cela est une erreur, car l'immuable l'emporte sur le mouvement dans le domaine spirituel, le Brahman contient tout, et les mouvements doivent ramener à l'immuable, soit la vraie nature de chaque planète intérieure, dans son principe pur. On peut donc apprendre à se différencier correctement en quelque sorte, dans la durée, en tenant compte des cycles astrologiques, et en réfléchissant sur son propre thème, mais l'on peut aussi considérer que le Moi véritable transcende la durée elle-même, et que, quel que soit le pouvoir qu'il ait sur elle, il se satisfait de sa propre présence dans le soi, et de sa réceptivité au Divin. L'ordre temporel est donc à différencier de celui des principes, et, si l'on en croit René Guénon, la Manifestation obéit à l'inversement proportionnel. Ce qui est supérieur se manifeste en dernier, ce qui est juste psychologiquement: le Soi arrive quand tout le reste est épuisé, et le supramental quand le Soi lui-même montre ses propres limites (il est coupé de la Shakti). Si nous appliquons ce principe à la philosophie de l'astrologie, il convient admirablement bien. La fonction lunaire apparaît en premier et rampe dans l'immédiateté, elle est pure sensation. Mars s'empare du moment n'importe comment, sous la poussée du désir générique et de la jouissance du mouvement vers, il est conforme à l'animal, mais commence à choisir. Vénus se donne au moment dans le gratifiant et reconnaît en lui sa nourriture, elle idéalise la dépendance vis-à-vis du non-moi, elle est humaine et s'éprend de la durée comme source de satisfactions, et elle nourrit des attentes. Jupiter augmente le champ horizontal des satisfactions, s'éprend de l'étendue, et propose progrès et prospérité, c'est l'humain collectif, le dénominateur commun de tous les individus qui reconnaissent l'action volontaire dans leur milieu comme une ressource naturelle. Saturne structure la durée et révèle les ordres (les lois du territoire et les exigences permanentes du moi), c'est l'autorité... C'est déjà, en quelque sorte, au-dessus de l'humain, puisque nous nous plions à l'autorité, sous une forme ou une autre... Mais Uranus devient presque inaccessible consciemment et commence à nous faire rejeter toute autorité extérieure, par le bas, c'est-à-dire par des compulsions, réactions, dénis, comportements réfractaires, à nos risques et périls. Neptune nous échappe et nous fascine, nous persuade que tout se tient, sans qu'on sache pour autant tout relier dans une perception unique, alors il nous tente, par le bas lui aussi, et nous jette les succédanés de l'Unité: les addictions à l'alcool qui crée de l'homogène factice de bon cœur, à la drogue qui déchire les voiles avant que le manque les rapièce dans la torture, à la magie et l'occultisme, qui confondent à bon marché le matériel et le subtil, à une sexualité cosmique qui finit par brouiller toutes les cartes dans une onctuosité émolliente. Mercure flanque la lune en Gémeaux et le soleil en Vierge, il leur rapporte à tous les deux l'événementiel et s'élance vers le couple mars-vénus des deux côtés, Taureau Bélier vers l'Ascendant, et Balance Scorpion vers le Descendant. Il reste Pluton, qui, personnifié, veut tout obtenir, et commence donc à suggérer des prises de pouvoir dans les mondes épais et matériels, puis dans le domaine psychologique, avec la manipulation de l'autre, jusqu'à ce que le moi soit saturé de la possession elle-même, qu'il n'en veuille plus, qu'il refuse toute nouvelle appropriation, car il possède, enfin, tout. À ce moment-là, comme la glace se transforme en eau, ou l'eau en vapeur, Pluton transmute soudain: l'avoir n'est que la procédure par laquelle le moi devient conscient de lui-même. Mais avant, il épuise le besoin d'exister pour soi par toutes les formes du gratifiant, et il se subdivise dans les autres pouvoirs qui eux aussi veulent posséder les objets conformes à leurs champs. On peut simplifier en considérant que Pluton contient toutes les puissances entre la terre et lui, qui chacune le représente dans une dimension donnée. Pluton s'exerce à l'identité par l'appropriation, il convoite le moment gratifiant et apprend à le pêcher dans l'océan des possibles, par toutes sortes de séductions, de démarches, de compétences. Il s'approprie l'amour, il en jouit, puis il s'inquiète pour les objets aimés, il s'approprie alors le ciel en convoquant Jupiter et Saturne, et il convoite le Bien et le Juste, et s'empare de sa propre image pour la figer dans un sentiment d'orgueil légitime et altier, celui de l'homme de bien, le mortel qui meurt la conscience tranquille. Puis il se lasse d'être bon et juste, rêve d'être arc-bouté contre tous et de recevoir le sceptre de la main de Dieu, et Uranus l'entraîne dans des excès d'ascèse et de débauches comme pour épuiser les possibles, et forcer les portes de l'inaccessible dans un sacrifice suicidaire. Enfin, il pressent l'unité, mais il la convoite encore et elle s'échappe, elle ne se rend pas aux arrivistes, la totalité une. Alors l'enfer se présente, comme dernier recours, et Pluton propose à l'humain des tas de marchés, il reprend les séquences uraniennes à son compte et les magnifie, il vante des pouvoirs absolus en échange d'une obédience sulfureuse et secrète, il fait miroiter des jouissances invraisemblables, encore inimaginables, en échange d'une destruction des lois du monde, par l'affirmation scandaleuse du moi, comme seul pouvoir libre brisant les interdits, les tabous, répandant l'horreur ou la perversité, la cruauté ou le mensonge... Au bout de tous ces jeux, la quête de tout pouvoir cesse, toute convoitise s'évanouit, il ne reste que le feu, l'être, qui n'a plus besoin du combustible de l'avoir pour brûler. Les espaces sont conquis, les cercles ramifiés, la durée révèle l'intemporel, l'accident aura mené à la loi, l'occasion à la règle, les tentations, vécues ou rejetées, auront révélé que la seule soif qui peut être étanchée est celle de l'absolu. Une fois l'absolu connu, il ne peut rien manquer, et c'est donc ce désir d'absolu que la ronde des fonctions planétaires finit par engendrer dans l'homme, en le soumettant sans cesse à de nouveaux désirs, c'est-à-dire, à de nouvelles contraintes. Pluton est une volonté de conscience qui, sans le soleil, s'empare toujours davantage des choses pour en jouir, aussi est-il nécessaire de l'équilibrer avec les trois signifiants qui se trouvent de l'autre côté de la terre, Vénus, Mercure et Soleil, qui récupèrent le besoin d'intensité plutonien dans une quête sans limites des vérités supérieures et des plans transcendantaux. Nous subissons un complot cosmique qui nous force à projeter des désirs d'un côté, avec les fonctions centripètes ramifiées (soleil, Mars, Saturne, Uranus) et nous oblige de l'autre, une sorte de contrepartie faite d'ajournements, à projeter des attentes (soit encore des désirs, mais passifs cette fois), avec les fonctions centrifuges (lune, Vénus, Jupiter, Neptune). Et on ne peut déjouer ce complot qu'en entrant dans le jeu des conspirateurs, car les fonctions psychologiques agissent bien à l'intérieur de nous. L'intégration des fonctions psychologiques suit un ordre ascendant en théorie, par l'entremise de Mercure, puis, de la Lune à Saturne, les choses vont de soi. Le sujet «réfléchit» de plus en plus de situations, et il élabore de plus en plus de réponses possibles vis-à-vis des circonstances. On moule des comportements dans une résultante entre le milieu et sa personnalité, grâce à la pensée rationnelle qui ajuste le moi au non-moi, mais un jour la question de l'identité fondamentale se pose, et dépasse le cadre de la somme des signifiants planétaires, quelle que soit leur excellence particulière. Il faut maintenant reconnaître, pour placer notre étude dans son contexte historique, que le système occidental a jeté les bases d'une véritable différenciation individuelle au vingtième siècle, ce qui est incontestable pour tout observateur, ou tout exégète qui suit le mouvement de Freud à Stanislav Grov, en passant par Jung. Les croyances collectives échouées, chaque personne tente sa chance pour devenir un individu. Dès qu'on voyage, il appert que seules l'Europe et l'Amérique du Nord ont permis (au prix naturellement de désastres nombreux) à chaque personne d'essayer de «vivre sa vie», au lieu de rester cantonnée dans son milieu et ses valeurs traditionnelles. Il aura fallu étendre simultanément le meilleur et le pire dans la société, pour qu'elle permette d'une part au mérite individuel de surclasser les privilèges de la naissance, tandis que, d'autre part, chacun pouvait choisir la facilité matérialiste fondée sur l'opportunisme, et survivre ainsi par de nombreuses ruses personnalisées. Certaines survivances dynamiques, comme l'intimidation, la tricherie, l'hypocrisie pédagogique, l'abus de pouvoir, permettaient à «l'homme moderne» de tirer son épingle du jeu (sans développer la moindre conscience évolutive), tout en régnant sur un territoire personnel accru. Mais aujourd'hui, cet élargissement du jeu des forces planétaires dans les individus des sociétés avancées (signifié par la découverte de Pluton en 1930) ne suffit plus à faire tourner le monde, et, grâce aux catastrophes engendrées par l'Histoire depuis cette mise en scène du «maître de l'enfer», un retour aux forces spirituelles est possible, dans la sincérité de l'urgence. (Il arrive même que Pluton entre à l'intérieur de l'orbite de Neptune, et son propre trajet est si singulier qu'on peut s'attendre à tout avec cette énergie, tel l'ambassadeur visible de la galaxie, symbole d'un infini de possibles concentrés et assoiffés d'existence.) Faire correspondre un meilleur vécu à une structure de base donnée est possible, et cela facilite la tâche de l'aspirant spirituel, qui peut recourir à l'astrologie. Elle peut devenir un merveilleux outil d'évolution, en hiérarchisant les «organes» psychologiques, en leur attribuant un secteur privilégié, et même en les déployant structurellement dans la durée, ce qui réjouit l'intelligence. Mais cela peut être aussi l'arbre qui cache la forêt, si le mental en récupère la connaissance. Bénéficier de la synchronicité, et agir à des moments propices pour investir un pouvoir planétaire, cela va de soi et peut favoriser l'inspiration, évaluer des priorités dans le traitement des fonctions psychologiques, grâce à une compétence acquise en calculs cycliques, cela constitue une avancée pragmatique non négligeable. Néanmoins, comme on ne peut pas passer sous silence le nombre d'êtres humains qui se sont réalisés spirituellement (et devenus des instruments de l'univers non-manifesté pour améliorer l'existence) sans être jamais passés par l'investigation psychologique et astrologique, il convient de recadrer cette démarche comme un moyen seulement... Et admettre que l'essentiel tient dans la philosophie de l'astrologie, que n'importe quel éveillé a pu pratiquer sans s'en rendre compte, dans la mesure où elle décrit toutes les étapes de l'initiation, en les formulant seulement dans un autre cadre. Transposons les planètes dans le moi, en leur enlevant leurs majuscules, elles deviennent ainsi des fonctions internes. On peut décrire le processus dans ses grandes lignes: Désamalgamer lune/mercure, désamalgamer soleil-saturne, apparier mars/venus et sublimer le désir, dépasser le jupiter générique du Sagittaire en le déplaçant symboliquement dans les Poissons pour servir le maître intérieur, (l'appropriation de l'étendue se transforme en reconnaissance de la souveraine Totalité) intégrer saturne, soit incarner le dharma, puis équilibrer Uranus Neptune, soit le transmettre, Enfin, dé-couvrir le soleil involué et rayonner l'être. Il est nécessaire de transformer ses propres tendances, par une ascèse radicale, et les nommer avec la précision trompeuse des mots, permet seulement d'esquisser les grandes lignes du travail en éclairant l'esprit, en le persuadant que c'est possible, que des lois d'évolution gouvernent la matière animée, et que le statut humain permet une réelle exploration des modalités de la Conscience, jusqu'à en retrouver les principes premiers, cachés dans des univers libérés de la flèche du temps. J'insiste sur le fait qu'il est nécessaire de respecter les règles du jeu cosmique pour déboucher dans les espaces supérieurs, et je suis certain de ne pas contredire Sri Aurobindo en postulant, même si cela est dit différemment, que la réalisation spirituelle n'est rien d'autre qu'une sorte d'homologation du Moi par l'univers. Cette formule plairait également à rené Guénon, aux soufis qui respectent l'exigence de Dieu, aux Kabbalistes initiés qui savent que la porte est étroite, aux vrais chrétiens, assez lucides pour rejeter le dogme et agir par l'Amour. En revanche, ce concept, être homologué par l'univers, va gêner aux entournures les uraniens, qui tremblent à l'idée de se soumettre, même au Divin, et cependant je suis certain de ce que j'avance, c'est le Divin qui choisit de se révéler, et non notre liberté, même supérieure, qui peut Le soumettre. Au lieu de me répandre, comme Nisaggardhata, dans de belles formules ronflantes sur l'identité du moi et de l'absolu, ce que je trouve pour ma part d'une emphase vraiment infantile, en tout cas archaïque, je veux avancer que trouver le Brahman, le Soi, réaliser l'identité de l'Atman et du Brahman, ne consiste en rien d'autre qu'être homologué par le cosmos comme être à part entière. Je trouve stupide de faire de ce saut dans l'absolu quelque chose d'extraordinaire, puisque c'est alors la meilleure manière de reconstituer du mythe autour de l'expérience qui les abolit tous, et fournit le Réel clés en mains. Cette réalisation, dont j'ai traité certains aspects historiques dans «la racine de l'éveil», cet accomplissement que Dane Rudhyar reprend à son compte, que Jung pressent comme une différenciation aboutie du moi passant à autre chose, l'ordre à proprement parler spirituel, met en contact le sujet incarné et biologique avec un univers d'un autre ordre, qui n'a aucune raison d'être «perçu» si le sujet ne se consacre pas pleinement à cette tâche. Pour Lao-Tseu, l'impalpable peut être saisi, l'invisible vu, l'insipide goûté, une allusion, parmi des centaines d'autres répandues par les maîtres, qu'un autre monde sensible existe au-delà du monde sensible naturel. Il s'agit donc bien de traverser les juridictions des pouvoirs planétaires en nous, pour les débouter de leurs objets, de leur quête incessante, et de les rassembler en une seule aspiration qui transcende tous les mouvements d'appropriation actifs (les désirs) et tous les mouvements d'appropriation passifs (les attentes). Or, les fonctions psychologiques travaillent exclusivement pour ces deux types de mouvement, puisqu'elles agissent dans la durée, par la durée, pour la durée. Il y a donc une condition à remplir pour basculer du côté de la vérité pure, de l'absolu, de l'intemporel, de l'unité sans jointures, c'est en finir avec la soif des objets, qu'elle se projette dans l'appropriation conquérante, ou qu'elle se cultive dans l'attente religieuse par exemple, ou le calcul d'obtenir une immortalité personnelle par du renoncement à l'expérience subjective. Les fonctions psychologiques rajasiques s'emparent du moment et de l'étendue, et sont considérées comme dangereuses depuis l'Antiquité grecque en Occident, et depuis plus longtemps encore en Orient, comme étant susceptibles d'attacher le moi au non-moi par les passions et les attachements. Mais les fonctions psychologiques tamasiques peuvent en revanche soustraire le moi aux facteurs chaotiques et hétérogènes de la durée, qui précipitent dans l'expérience de sa propre vie, tout en déroulant une existence «vécue par procuration», mesquine, sans idéal, sans transgression des cercles aliénants, sans besoin de goûter l'existence pure, et les saveurs spirituelles de la consécration, c'est-à-dire sans transformations. C'est la raison pour laquelle la position de Saturne doit être inspectée, car ce pouvoir sait fermer les portes à tout ce qui peut déstructurer l'ego, et qu'il aime enraciner des certitudes. Présenter donc l'Immuable comme la Vérité, tels que le font tous les maîtres du Soi, constitue un paradoxe surprenant, puisque la flèche du temps nous manipule admirablement bien. À travers les mouvements de Mars, assez brutaux et francs, les aimantations de Vénus, qui attire du gratifiant au lieu de s'en emparer, tandis que Jupiter propose des expansions exponentielles et que Saturne élabore sans discontinuer des filtres toujours plus précis et étroits pour juger de la pertinence des événements ou des dispositions intérieures. Quant à la lune, elle agit avec une rapidité déconcertante, nous permettant (que le moi veuille ou non le reconnaître) d'éprouver des émotions immédiates en conformité avec l'âme du moment. Et si, par-dessus le marché, on stipule que Mercure pense à la vitesse de la lumière, il semble qu'il n'y ait aucune échappatoire à l'emprise souveraine du temps sur notre appareil psychologique. Tant pis, nous supposons que la vitesse peut déboucher sur l'immobile, si cela lui chante, par une consécration absolue, par «le retour», et peu importe d'où vient l'engagement exhaustif... D'une brusque intuition de la mort inévitable, d'un retour d'intégrité du moi sur lui-même, d'un amour déjà présent qui se lasse des objets et cherche le seul objet absolu, d'un besoin d'être utile au cosmos en amont des modes particulières, d'un goût immodéré pour l'intelligence, qu'on devine finalement à l'œuvre dans toute chose, d'un besoin radical d'être conforme à la Vérité... Peu importe ! A posteriori, on peut jouer à créer un discours, et se rendre compte que tel dépassement du sentiment de viscosité entre le moi et le non-moi correspond à une transformation lunaire: Les émotions s'éclairent, elles sont moins intempestives d'une part, et révèlent d'autre part spontanément du sens par leur sobriété même, alors qu'au départ les négatives obstruaient le chemin, maintenant, au contraire, parce qu'elles sont acceptées sans être redoutées, alors qu'on s'y abandonne moins volontiers, elles pointent les problèmes psychologiques, et cessent de les noyer dans les drames. L'apprivoisement du désir et de la colère appartient au fer de lance de mars, qui assujettit à l'expression brute de la nature, et demande souvent des années d'attention. Certaines retenues, qui autrefois pouvaient engendrer des frustrations, sont maintenant acceptées comme des contraintes consenties, et jouent en faveur d'un progrès caché, tandis que le moi découvre la nécessité du sacrifice et s'y plie. La cessation de la demande d'approbation et le renoncement à la séduction amoureuse représentent une mise à jour de vénus, parfois difficile pour les êtres yin, qui obtiennent en suggérant plutôt qu'en demandant, mais le moi découvre ainsi qu'il peut compter sur lui-même, et qu'il a moins besoin des autres que ce qu'il croyait. L'abandon (de vouloir exercer) toute séduction valorisante implique un jupiter dégraissé de son opportunisme rampant, ce qui demande de renoncer à des comportements directifs et à des masques opportuns. Le moi cesse de se glisser dans le personnage qu'il sait qu'on attend de lui, quitte à perdre du territoire au profit d'une expression plus sensible, qui le renvoie à ses aspirations supérieures. Le refus de manipuler quiconque signifie une rectification de saturne, tandis que la possibilité de se voir soi-même sans complaisance appartient à un soleil qui veut regrouper les tendances centrifuges et centripètes dans une harmonie transcendantale. Quant au travail qui correspond à la transformation entière du saturne générique, il ne peut être abordé en quelques mots, il est difficile, retors, permanent, et l'adversaire aime humilier l'évoluteur, comme un excellent maître d'arts martiaux qui forme un champion. Passer par de la culpabilité envahissante, ou de la dévalorisation profonde, peut être une stratégie de ce pouvoir pour démanteler les habitudes de saisie du réel par les autres tendances. Saturne est capable de faire éprouver, à un moment donné, de la honte au sujet, et si ce dernier décide alors de se désidentifier des mouvements qui provoquent ce regard sur soi, la crise devient un guide, et Saturne un maître. Normalement, une partie de la fonction solaire reste intacte malgré les attaques, et, à la sortie de la crise, le moi se sent plus intègre, plus fort, plus lumineux, plus inconditionnellement vivant et maître de lui-même. En revanche, si la fonction solaire est également écrasée dans son ensemble, le patient refuse de porter le fardeau d'une identité personnelle qu'il juge inaccessible, et des processus morbides peuvent apparaître, menant vers l'auto-destruction, tandis qu'ils aimantent les fréquences les plus basses des énergies trans-saturniennes pour plonger l'expérimentateur dans des zones interdites et régressives. On peut supposer que dans ces cas extrêmes, les comportements demeurent conformes aux réseaux planétaires du thème radical, l'auto destruction s'appuyant sur la provocation systématique avec Uranus, et le rejet de toute valeur collective, tandis que des actes dangereux mènent à la folie d'un moi simultanément déstructuré et triomphaliste dans le mal. Neptune fait régresser dans toutes sortes de comportements fusionnels délétères, et Pluton écrase le sujet sous le poids de la matière isolée du reste. La vie peut alors sembler une excroissance ridicule du rocher, vouée à se repaître des sensations les plus élémentaires, sans but ni orientation. Mais cette descente aux enfers, paradoxalement, peut déboucher sur des stratégies de survie inconscientes. Le moi, parfois, comprend qu'il peut refaire le chemin vers le haut, et redécouvrir au fur et à mesure, de par son propre fait, tout ce qu'il a perdu. Heureusement pour l'évolution, la mort n'a pas forcément à être traversée de cette manière-là pour permettre une renaissance spirituelle. La défaite de l'ego s'obtient aussi par toutes sortes de procédures fondées sur la sincérité de l'aspiration, et qui ne peuvent donc être calculées à l'avance. La discipline intérieure, si elle ne s'appuie que sur la volonté d'obtenir des résultats, ne mène pas à l'éveil. Le soi est alors seulement considéré comme un prolongement du moi dont il faut forcer la résistance, et cette technique échoue toujours, ou bien elle produit des contrefaçons, nombreuses dans les voies dévoyées du zen, et qui apparaissent également dans certains courants hindouistes, qui ensevelissent le sujet sous des prescriptions permanentes. Pour devenir le Brahman, qu'en fait on a toujours été, c'est la qualité de l'amour porté à la totalité (non réfléchie intellectuellement) qui soutient les épreuves. Les personnes qui n'ont pas assez d'envergure pour reconnaître la souveraineté du non-moi sur leur propre existence restent bloquées dans une attitude d'instrumentalisation précise du moment pour parvenir à leurs fins, l'éveil, la connaissance de Dieu, ou la Vérité, et limitent le champ de leur perception sous prétexte qu'elles savent déjà comment l'augmenter. Elles décident que le réel doit se conformer à la carte qu'elles en dressent, et courent à chaque instant vers la prétendue sortie, ce qui empêche l'immersion dans le présent pur, qui lui, ne se dirige nulle part. Bien qu'il soit évident, à cause de simples lois électromagnétiques, que des moments soient plus favorables que d'autres pour aborder le caractère dans ses aspects particuliers, il ne s'agit là que d'opportunités pour entreprendre un travail, et, en fait, parce que l'homme a perdu la lumière depuis des milliers d'années, c'est plutôt dans les moments défavorables que le sujet humain se met aujourd'hui en quête de sa structure essentielle, ensevelie et déclinée dans chaque moment de la flèche du temps, la durée qui s'écoule. L'adaptation par l'urgence pousse le moi dans ses retranchements, et confère à Pluton sa signification. 3/Fonder le soleil comme le maître de l'unité intérieure Nous pouvons espérer agrandir continuellement Notre moi d'intelligence Et même briser les murailles Qui emprisonnent notre mentalité physique enfermée dans la matière. Sri Aurobindo, la vie divine. Je tiens à terminer l'exemple que j'ai déjà donné du soleil, dont la signification est variable d'une école à l'autre, et c'est parce que j'ai décidé moi-même de modifier certains critères de l'astrologie, que j'ai fini par découvrir que ses principes annonçaient une possibilité nouvelle, si l'on était capable de comprendre que le thème était dialectique, et non linéaire, et possédait des qualités émergentes, dont le sens sera indiqué plus tard. Certaines qualités de conscience n'apparaissent qu'après de longues confrontations signifiées par des angles particuliers entre les planètes, ou de longs apprentissages naturellement positifs, puisque, si tout se tient, notre thème natal est conforme au cosmos. Ce dernier est plus puissant que nous, plus conscient que nous, il n'est pas écartelé comme nous le sommes nous-mêmes entre la conscience de l'étendue (qui fonde la préservation animale du territoire et les modes d'appropriation de la matière), et la conscience du temps, dont l'esprit s'échappe avec ses contrefaçons perpétuelles (la virtualisation du passé et de l'avenir, dans un présent impur, souillé de fantasmes et de mémoires difficiles...) Il est impossible de cesser notre évolution, puisque les ressources du thème radical, soit les manifestations des fonctions suivantes sont inépuisables, en fréquences d'énergie et qualité de conscience: soleil, Uranus, Neptune, Pluton. Intégrer harmonieusement ces quatre pouvoirs, faire en sorte que la lumière solaire ne soit pas absorbée jusqu'à saturne, mais qu'elle transparaisse au-delà de lui après avoir éclairé les fonctions précédentes, sans s'y laisser emprisonner, n'en faire qu'un, en quelque sorte, cela paraît impossible en une seule existence, à moins, justement, que le supramental ne finisse par permettre une longévité largement accrue et un nouveau type de conscience spirituel-matériel, en balbutiement aujourd'hui. 4/Une sorte de péché originelLa loi du subconscient et de la chimie intérieure. La structure du système fait apparaître que «les dés sont pipés». Les fonctions psychologiques se manipulent les unes les autres. C'est donc l'individu qui cherche l'être psychique en lui qui devient conforme au cosmos, et cela ne peut se faire dans le respect quelconque des lois du groupe, qui suit des objectifs plus superficiels, ni dans l'attachement à réussir selon les modes naturels de l'appropriation du gratifiant. Le sujet qui ne transforme pas la fonction lunaire reste attaché à l'idée que ses vrais parents sont ses géniteurs, et il ne peut se soulever suffisamment au-dessus de l'immédiateté pour reconnaître dans Ishwara, le Seigneur, son propre père, et dans Aditi ou la Mère divine, sa propre mère. Si Sri Aurobindo a raison, c'est l'évolution elle-même qui condamne ce qu'on pourrait appeler une humanité simplement animale, incapable de jouir des fonctions supérieures de transformation procurées par Mercure et Soleil, une fois qu'ils ont traversé les fondations de la nature. La capacité du moi à se libérer des contraintes de la gravitation, la ronde des événements qui fournissent accidents et occasions, ne peut être symbolisée que par le soleil. C'est autour de lui que les fonctions psychiques s'organisent, car tout moi est obligé de se connaître tant soit peu lui-même, ce qui l'oblige à organiser les couples mars-vénus et jupiter-saturne dans un ordre vertical, contraire à l'ordre horizontal. Si vers l'extérieur mars et venus collaborent, vers l'intérieur, c'est mars qui va avec saturne. Ensemble, et d'un commun accord, ils instrumentalisent l'objet au service du moi (et peuvent donc manipuler vénus). Le fameux renversement de l'amour en haine, les divorces ordinaires où l'ancien couple se déchire, attestent de ce retournement toujours potentiel de mars, comme un scénario de trahison éventuelle toujours disponible, pour ramener le moi à lui-même quand il ne se reconnaît plus dans l'altérité. Si jupiter et saturne fonctionnent comme un couple vers l'extérieur, coulant les formes et les organisations dans un système de rouages qui manifeste une structure donnée homogène, dans le monde intérieur, vénus accompagne jupiter et ils se fondent l'un dans l'autre pour sacrer le non-moi et l'altérité comme sources de nourriture, principes d'évolution, et font même du moi, ensemble et d'un commun accord, un objet pour l'amour, un disciple pour le maître, un instrument au service du Divin. Jupiter trahit saturne, qui est enseveli ou tout simplement rejeté, ou encore placé en bout de chaîne, et il assume alors sa fonction de manière perverse: il engendre l'obéissance du sujet les yeux fermés, la «soumission» par exemple, fondée sur l'identification abusive, qui vit la perte du libre arbitre comme une apothéose, alors qu'il ne s'agit, bien entendu, que d'une régression: le moi se perd dans l'identification rassurante au maître qu'il sert, et peut refuser de se connaître lui-même, au bénéfice de cette soumission protocolaire. Quand Sri Aurobindo parle de soumission au Divin, il évoque un principe qu'il connaît déjà et qui le guide déjà. Il reçoit les instructions du Divin dans une personnalité qui a été transformée par des expériences de tout premier plan. La mystique, qui se soumet au Divin, ne peut être tentée que par ceux qui cherchent l'être en eux-mêmes, pour les autres, elle constitue une fuite idéale, un rejet de soi-même maquillé en amour de Dieu, une tendance culturelle immensément répandue en Inde, et que Gautama a attaqué de front. Libérer l'humanité des soi-disant ordres de Dieu, afin qu'Il se manifeste de l'intérieur, au prix d'une expérimentation intense et exploratoire du réel, voilà ce que prêchent vraiment les avatars: la pratique personnelle. L'amour pour le Christ, le détachement pour Bouddha, la célébration pour Krishna, la reconnaissance absolue du Mystère pour Lao-Tseu, ce qui permet au moi d'être absorbé dans le Tao en s'étant débarrassé de tout le superflu. Vu que les voies essentielles de la spiritualité ont été fournies (je me permets d'en omettre quelques-unes que je connais moins) sans interruption depuis la perte du Veda, la seule explication rationnelle au peu d'empressement de la nature humaine à appliquer la recherche transcendantale me semble tenir dans la constitution même du fonctionnement bio-psychologique. Le schéma mérite d'être réfléchi, car on y trouve à la fois l'échec global des religions, saturne ne pouvant pas devenir un principe intérieur chez les croyants (ils n'atteignent pas leur propre loi), tandis qu'en sens inverse, chez les intégristes, le non-moi n'est pas vécu comme un principe supérieur auquel se conformer, mais telle une simple propriété personnelle à modeler, une extension de sa propre identité. Si l'idéalisme (vénus, jupiter, neptune) empêche d'être soi car l'on se projette sans cesse dans des objets et valeurs extérieures, sous prétexte qu'ils sont parfois transcendantaux; le culte inverse, celui de la différenciation personnelle (mars, saturne, uranus) fonde le non-moi dans le moi et l'y incorpore, puis soumet la totalité aux prérogatives du sujet, ou l'instrumentalise, ce qui empêche que certains aspects, les plus profonds, en soient découverts. Avec le jeu des trahisons potentielles, mars abandonnant vénus pour saturne, et jupiter abandonnant saturne pour vénus, les processus d'identification et de différenciation sont tous les deux soumis à des renversements intempestifs, mais radicaux, qui tombent sous la juridiction de la nature elle-même. Ce sont les glandes qui modifient la chimie du cerveau et affectent automatiquement les contenus psychologiques. Passer de l'amour à la colère, du respect à l'intimidation, de l'avertissement à la réprimande puis au châtiment, sont des processus archaïques, mais équilibrant. C'est ainsi que la vie maintient son cap dans l'homme: s'il se perd hors de soi, des émotions le rappellent à lui-même, qui repoussent les objets du non-moi qui ont provoqué cette perte, et une sorte de retour à une intégrité grossière s'effectue, qui préserve le caractère. Mars rejette vénus et se soumet à saturne. Si le sujet se trouve faussement dans l'altérité, il s'abandonne lui-même et se confond puis se laisse absorber par une identité supérieure à lui-même, à laquelle il se soumet par des processus imaginaires. Il abandonne la reconnaissance de sa propre identité pour participer à une identité plus large, censée lui donner son nom, son rôle sa place. Dans ce cas, la structuration saturnienne intérieure tourne à vide, jupiter et vénus la phagocytent puis l'absorbent. Le moi aura l'illusion de vivre dans l'unité, en piétinant tous les choix qui se présentent, jusqu'à vivre dans une idolâtrie scrupuleuse, les valeurs de sa secte, de sa nation, de sa culture politique, de sa religion, ou même de son «enseignement spirituel». La navette entre le moi et le non-moi, le percevant et le perçu, le sujet et l'objet, obéit à des règles précises, qu'il est difficile de transformer. Sans équilibre, s'identifier au non-moi, ou s'identifier à soi-même, maintient dans l'ignorance, et creuse des sillons pervers de réactions quand le cap exclusif se perd. Les partisans des pouvoirs centrifuges sont rappelées à l'ordre par de nombreuses déceptions, mais ils ne savent pas forcément en tirer les leçons, et continuent de se disperser dans l'objet malgré une série d'échecs, jusqu'à créer une seconde nature, celle de la victime. Le philosophe de l'astrologie a toutes les chances d'associer ce type de scénario à une prépondérance subie sans conscience réelle de l'amalgame (lune-vénus-jupiter-neptune). La sclérose de la projection systématique entraîne de nombreuses émotions négatives dont le but évolutif est de permettre au moi d'émerger dans la souffrance, en revendiquant autonomie et indépendance. A l'inverse, le refus de se soumettre à la réalité, à la totalité, puis au Divin, fossilise la volonté personnelle, qui cultive les angles morts du non-gratifiant, pour échapper aux secteurs incontrôlables, qui pourtant révèleraient le fonds même de la réalité, c'est-à-dire ce qui est essentiel. Dans ce cas, il est probable que l'amalgame de différenciation (soleil-mars-saturne-uranus) joue, comme dans le jeu de go, à emprisonner les puissances d'ouverture. Les échecs subis vis-à-vis de l'altérité n'ont pas d'autre fonction que celle de la réhabiliter, en révélant sa véritable souveraineté, niée par la politique abusive de l'ego différencié. Les trahisons de mars, changeant de partenaire sous le fléau des circonstances, et celles de jupiter décapitant saturne pour se fondre dans l'indifférenciation vénusienne qui dissout l'intégrité individuelle dans le non-moi, servent l'évolution, en obligeant le sujet à toujours prendre en compte, sans échappatoire, qu'il est un sujet en relation avec l'objet. Dès que le sujet se prend pour le tout sans s'y conformer, la trahison se produit pour le rappeler à l'ordre, et rétablir le non-moi comme réalité suprême, et non pas seulement comme le prolongement, l'extension du moi. Dès que le moi s'annihile dans l'objet, la trahison se produit, pour que le moi puisse revenir à sa propre différenciation, et sortir de l'emprise émolliente et exhaustive du non-moi. A chaque moment, le sujet peut se considérer comme un objet compris dans un ensemble plus vaste, et ce sont dans ces processus-là que la question d'intégrité du moi se pose. Le moi (absorbé dans un ensemble) ne s'exprime plus dans une indépendance de principe qui lui permet de se distinguer du non-moi (et de le considérer extérieur à lui), il ne fonctionne plus dans une autonomie décisionnelle, ni même dans un contrôle. S'il prétend «aimer» un objet, un être, un dieu, un itinéraire, le moi en dépend, car il s'unit à lui... La question de l'identification constitue le cœur même de la psychologie, et toute notre existence est fondée sur les valeurs que nous reconnaissons. Une recherche profonde de notre être nous pousse donc à nous demander si certaines valeurs ne sont pas choisies par les tendances planétaires, à notre place, dans une mécanique subtile qui nous échappe. Chez la plupart des êtres humains, les valeurs semblent provenir d'une réflexion du libre arbitre, mais je suis convaincu, comme Sri Aurobindo, qu'elles émergent à l'insu de l'être psychique, comme les simples pouvoirs supérieurs d'adaptation du mental au territoire écologique. Cela explique que le soi-disant amour devienne bientôt possessif et s'approprie l'être qui reçoit le désir du sujet, (mars renie vénus et se soumet à saturne), que la soi-disant défense de la vérité engendre crimes et massacres à grande échelle (jupiter renie vénus et se soumet à saturne), que notre soi-disant liberté, qui veut toujours le mieux telle qu'elle est décrite depuis les philosophes grecs qui ont soutenu notre civilisation, et qui a ressuscité depuis le 18e siècle, ne produise que des êtres aliénés à leur famille, à leur milieu, à leur société, ou encore, à leurs croyances, ce qui revient exactement au même (soleil renie jupiter et se soumet à la lune). La notion d'individu n'a jamais vraiment eu droit de cité en Inde, puisqu'il s'agit avant tout d'être identifié à un rôle, joué scrupuleusement, d'être infeodé à une morale exigeante et pointilleuse, d'adhérer non seulement à une religion mais à un de ses aspects particuliers qui impose, chaque jour, des devoirs vis-à-vis d'une divinité de prédilection. En caricaturant, la culture indoue est si codifiée que l'individu n'échappe pas à une nasse particulière qui le retient dans un comportement final obligatoire, dans laquelle toute la vie devra tenir, quitte à éviter la liberté de l'esprit et celle de l'action. La crainte de déroger aux lois cosmiques est enracinée (sauf chez une rare élite spirituelle qui ose l'expérience de la confrontation du moi à ses caractéristiques génériques), et limite l'expérience possible du jeu planétaire intérieur. Krishnamurti, déjà, avait pointé dès son adolescence la maladie collective de la psyché indoue, l'idolâtrie de la conformité, en préconisant un retour à la conscience intérieure, délivrée de la toute-puissance de la crainte du karma, et de l'autorité toute faite des écritures, condition nécessaire pour réhabiliter une authentique approche du présent pur. Dans un tel contexte décadent depuis les Veda, valoriser le soleil et sa position pourrait être conçu comme une incitation à l'insolence, à l'orgueil, à la fatuité, à l'usurpation d'une indépendance individuelle, dans un univers où chaque événement dissimule une règle. Mais comme nous abordons un nouveau cycle, avec la manifestation supramentale, nous pouvons au contraire prêcher une nouvelle parole, sans rien reprocher aux astrologies antérieures, ni aux cultures les plus sacrées, et décréter seulement que le Divin peut devenir accessible en s'appuyant sur moins de pratiques, en respectant moins de règles, remplacées par une aspiration intense, qui s'occupe de chaque moment. Le soleil devient alors, dans notre thème, le symbole du Divin involué en nous, qui regroupe ses propres qualités en dépit de l'écartèlement centrifuge du moi vers le non-moi, avec la fascination de l'altérité (lune, vénus, jupiter, neptune) et les forces d'opposition centripètes, entrelacées en quelque sorte, avec (mars, saturne, uranus). Nous élargissons alors les critères de l'astrologie pour les refondre dans une philosophie supramentale, qui explique le jeu de l'unité à travers des antagonismes, complémentaires ou opposés, selon la conscience du sujet d'une part, et les moments relatifs aux cycles d'autre part. L'objet de la quête suprême tient dans une réalité toute simple, qui obéit aux lois physiques et biologiques. L'individu parviendra-t-il à inclure les fonctions hétérogènes des planètes, dans la mesure où chacune cherche, tout en travaillant pour le tout, à se servir d'abord en premier? Cette vision naît d'une réflexion scientifique sur les «propriétés générales du Système», cette nouvelle science née de la cybernétique, et qui s'emploie à définir les règles, dans le sens de contraintes, qui naissent au sein de tout ensemble, par la simple accumulation des facteurs qui le composent. Chaque facteur possède son propre esprit, doit le conserver en dépit de la pression des autres facteurs, et doit le manifester pour l'ensemble, et l'orienter vers le tout. Ce principe saute aux yeux dans l'évolution, puisque selon les climats, les mêmes espèces développent des particularismes, qui font changer la forme ou la prépondérance de certains organes, et nous savons aussi qu'au sein de tout groupe humain, la place de chacun est variable, qu'il n'existe pas de hiérarchie réellement figée, et que la personnalité propre de chaque individu dans son rang peut créer des turbulences dans l'ordre général. Bref, le fait qu'apparaissent des limites, des frontières, entre le tout et chaque partie qui le constitue engendre, dès le départ, d'immenses variations potentielles, que la vitesse du temps suffit à produire. C'est cette vérité qui échappait à la pensée du dix-neuvième siècle, qui croyait à des ordres mécaniques rigides, le rôle perturbateur inné de la durée n'ayant pas encore été découvert. Le fait que le temps passe est suffisant pour apporter toutes sortes de ruptures, de chaos, de fractures dans les ordres les mieux établis. La durée agite l'univers à une telle vitesse que le flux transforme le champ en permanence, selon des lois dont seules les plus évidentes apparaissent, qu'elles soient les plus régulières ou les mieux observables. APPROCHE TECHNIQUE 05 LA MARGE D'AUTONOMIE DE CHAQUE SIGNIFIANT DÉSORGANISE PARFOIS LE SYSTÈME GÉNÉRAL. L'émotion peut se cultiver elle-même, emprisonnant l'ego dans la susceptibilité pathologique, comme si une partie de la lune avait décidé de ne travailler que pour elle-même et de récupérer tant faire se peut Mercure, mars et vénus. Le désir aussi, cherche à se poursuivre et s'approuver lui-même s'il perd l'équilibre avec vénus et saturne, et il ne supportera plus la moindre frustration s'il devient un pouvoir autonome. Les sentiments se nourrissent d'eux-mêmes, puisqu'ils dilatent, avec une illusion d'optique, le sentiment du moi en le dispersant dans d'autres personnes qui deviennent un miroir pour le sujet, ce qui permet alors à la nature de légitimer des demandes et des attentes vis-à-vis des êtres chers. Une vénus boulimique guette l'approbation d'autrui et exige sans cesse, comme si elle marchait sur le territoire de saturne pour rester dans l'illusion que le non-moi doit devenir du moi par introjection (appropriation intérieure de l'autre). De graves confusions sur la qualité de l'amour en découlent, et si vénus soumet la lune, la perte de toute objectivité se profile à l'horizon. Les développements tendent à s'accroître par principe sans trouver leurs limites, comme l'atteste la quête insatiable de richesses, même chez les plus riches, et de notoriété à étendre sans cesse pour les fortes personnalités. Jupiter, en quelque sorte, peut s'enivrer de l'esprit de l'étendue, ne la percevoir que dans un espace matériel, dont il justifiera sans frein l'accroissement, en empiétant sur saturne, ce qui donne toujours les mêmes résultats, opportunisme, corruption, double vie, besoin d'un train de vie supérieur, insatiabilité. La rigueur risque de se courtiser elle-même jusqu'à se fonder en une seule autorité qui ratatine les possibles en élaguant toutes les formes de chaos, toute manifestation d'hétérogénéité, jusqu'à surplomber le réel depuis un monde factice, qui le supplantera en sacrifiant toute nouveauté dans les sensations et le ressenti... Saturne a toujours de bonnes raisons de fermer, de refuser, puis de condamner, il devient facilement envahissant et tyrannique chez les personnes qui ne parviennent pas à sentir que le moment neuf, loin d'être une menace, enrichit par son imprévisibilité, tout ce qu'il suggère si on sait l'écouter et l'observer. Enfin, le besoin d'être soi peut s'emmurer dans l'orgueil, ce qui instaure une dualité constitutionnelle entre la volonté du sujet et le champ de l'altérité, ou bien il peut se perdre dans le culte de soi-même, en s'essayant à une surhumanité fantaisiste. Toutes sortes d'inflation subjectives peuvent récupérer les pièces éparses des ego particuliers à chaque fonction planétaire, pour forger une image de soi homogène, à la perfection illusoire, entretenue par un système de valeurs inventées circulant en circuit fermé. Dans cette perspective, que nous préférions voir les choses à partir des guna ou des pouvoirs planétaires, peu importe, le jeu de la succession se dessine comme une grande horloge, qui met en avant des tendances dans un moment donné, en réprime d'autres, et tout l'événementiel, cyclique ou non, apparaît finalement comme l'occasion toujours changeante de refléter les exigences du moi intérieur, qui aspire à devenir le Moi de l'univers, le Divin, qui s'ouvre à se dévoiler lui-même. La flèche du temps peut, si nous n'avons pas peur des mots, être instrumentalisée par le Divin. La durée qui passe par le seul instant devient le grand partenaire de la transformation intérieure: elle distribuera avec équité les accidents et les occasions, les évasements et rétrécissements d'itinéraires, les raccourcis et les détours. Nous avons aujourd'hui la preuve que ce processus a eu lieu en la personne de Sri Aurobindo, en la personne de Mère, qui se sont affranchis sur de nombreux plans de l'impact de la durée, tout en utilisant son matériau. Le but ultime est d'ancrer l'éternité de la Conscience suprême dans l'espace-temps, ce qui pourrait éventuellement permettre au corps physique d'atteindre une longévité incroyable, ou même de se transformer de l'intérieur, par le supramental involué, et de l'extérieur, par le supramental répandu dans l'atmosphère. 5/Bilan astrologique...Remontons, nous invite Plotin, à cette disposition que nous attribuons à l'éternel-originel, absolument positive, celle d'une vie immuable, donnée tout entière à la fois, infinie, ne penchant absolument d'aucun côté, en repos dans l'Un et tournée vers l'Un. Comment dès lors — ces êtres reposant en eux-mêmes — en est tombé le temps? Ne pouvant le demander aux Muses, on interrogea le temps lui-même, l'invitant à se réfléchir, et voici ce qu'il dirait: avant d'avoir engendré l'antériorité et de lui avoir lié la postérité, il se reposait dans l'Etre, n'étant pas le temps, et se tenait lui-même immobile. François Jullien, du mal/du négatif Le premier piège à éviter dans la pratique d'astrologie évolutive, c'est donc de respecter un système donné, de s'imaginer qu'il contient tout ce dont nous avons besoin, et d'en appliquer les principes en faisant abstraction de son propre ressenti, indispensable dans une consultation qui met en présence deux individus. Et avant de pouvoir prétendre révéler à un autre son thème, il est nécessaire d'avoir œuvré soi-même à l'intégration des énergies planétaires, dans le cadre d'une alchimie personnelle, qui ne s'embarrasse pas de jouer à l'extérieur, mais embrasse, déjà, certains caractères immuables de la conscience, à partir desquels le mouvement de la Manifestation se démystifie plus facilement. Même s'il est tentant, par exemple, de se spécialiser en astrologie humaniste, vu l'immense apport de Dane Rudhyar et d'Alexandre Ruperti, il n'y a pas de raison d'éviter de piocher ailleurs des trouvailles, des vérifications empiriques, et même des découvertes, puisque nous sommes déjà loin, trente ans plus tard, de l'astrologie humaniste, qui s'est inscrite dans une période où la fréquence vibratoire terrestre n'était pas aussi élevée qu'aujourd'hui. Les concepts transcendantaux se comprenaient plus difficilement à l'époque, Uranus envoûtait les chercheurs en leur donnant la force de se battre pour une véritable différenciation libératrice, mais c'était encore trop tôt pour l'apparier (pour équilibrer) à Neptune ipso facto, et si les adeptes intelligents savaient se différencier, grâce à la compréhension du système, peu rejoignaient la fusion neptunienne avec la totalité, qui s'exprime à son sommet par une soumission au Divin, peu savaient réellement lâcher prise dans tous les secteurs, et ils usurpaient parfois le pouvoir au nom de la connaissance. L'ego spirituel se bâtit facilement sur le cadavre de l'ego générique, mais il fonctionne sur le même principe: des individus qui se croient supérieurs, dés qu'ils ont quelque chose à défendre, tombent dans le même travers que les êtres ordinaires, la préservation de leur territoire, matériel ou philosophique, social ou spirituel, par des postures qui les campent dans une infaillibilité de principe. Ce jeu empêche l'immédiateté de faire son travail d'échanges permanents entre des êtres déjà évolués, enraye les véritables communications, et tue dans l'œuf des réflexions communes et des stratégies de groupe efficaces. J'ai vécu le même phénomène, la posture dogmatique uranienne, avec les Auroviliens de la fin des années 1970, arrogants et réfractaires, et avec un éveillé s'autoproclamant le meilleur de tous dans les années 1990, tandis qu'une longue réflexion sur les Carnets de Satprem et ses démêlés avec ses collaborateurs, me pousse aussi à considérer que le scribe de Mère s'était installé dans une dualité insurmontable, en partie signifiée par une lune noire en maison 7 et une énergie scorpion archaïque, l'empêchant de «reconnaître» l'autre, sans parler de résidus karmiques. Mon but est de théoriser les difficultés extrêmes que l'on peut rencontrer dans le yoga, afin de permettre à chacun de méditer sur l'équilibre, et d'y voir un principe supérieur, sans lequel la perfection demeure un parti pris subjectif, une ambition fermée. Vu que moi-même je n'aurais pas pu développer le yoga supramental si je n'avais pas équilibré le moi avec le non-moi, mon propre moi étant extrêmement faible par rapport à ma réceptivité permanente et exceptionnelle, je fournis ces renseignements dans l'optique de rendre la vérité plus accessible, et non dans le but de reprocher quoi que ce soit à quiconque. J'ai d'ailleurs énormément peiné à me différencier, ne serait-ce que socialement, et je suis bien placé pour savoir que concilier les pouvoirs centrifuges et centripètes relève d'une alchimie permanente, que la vie sociale rend néanmoins nécessaire, tandis que tout sujet qui intègre la complémentarité moi-non-moi devient plus souple dans ses relations, moins exigeant dans ses attentes, et plus affirmé dans sa propre individuation. Bien que l'équilibre soit différent pour chacun, et qu'on puisse évoluer avec un des pôles plus prégnant que l'autre, il est judicieux de faire progresser proportionnellement le pôle le plus faible quand le plus fort l'emporte. Or, c'est ce que la nature oublie de faire, car l'énergie qui est attribuée à un pôle monopolise les ressources du sujet, et, sans une grande vigilance, le pôle supérieur prend une avance dangereuse sur le pôle le plus faible, qui avance forcément moins vite, jusqu'au déséquilibre probable. Nous pouvons considérer que l'opposition d'Uranus à sa position natale, vers quarante ans, constitue une opportunité privilégiée pour prendre soin du pôle le plus faible. L'individu se remet alors facilement en question et souhaite une vie plus conforme à ce qu'il pressent, c'est l'occasion pour les moi forts de le rester tout en s'ouvrant à l'altérité et au lâcher prise, tandis que les personnes qui auront avancé par l'identification, les affects, le ressenti, pourront enfin se plonger dans une introspection véritable, en court-circuitant les rôles et les postures, pour parvenir à leur moi plus profond. Aujourd'hui, l'astrologie peut s'adapter à l'urgence, et survivre, en renonçant à détenir une vérité particulière, et en mettant ses outils au service de l'évolution, sans dogmatisme, grâce au repérage des patterns planétaires, soit les types d'entrelacements particuliers qui obligent le sujet à gérer la relation moi-non-moi selon certaines procédures inscrites dans son caractère, qui demeurent des contraintes tant qu'elles n'ont pas été explorées. Bien que les configurations énergétiques diffèrent énormément, les obstacles primordiaux demeurent exactement les mêmes pour chacun, et se résument finalement à éviter qu'une ou plusieurs tendances psychologiques ne se mettent à travailler pour elles-mêmes, plutôt que pour le soleil central, le Moi involué, qui cherche à se dévoiler dans le Divin. Dès qu'un pouvoir planétaire recherche sa propre complétude, en boucle en quelque sorte, il déséquilibre le cosmos intérieur, et pervertit l'échange entre le sujet et l'altérité. Il déforme le potentiel spirituel, et fait dévier la voie. Si ce processus se produit naturellement, sous le fléau des circonstances, il peut être rectifié facilement. Si, au contraire, il prend le dessus, il acquiert de plus en plus de force, c'est-à-dire d'autonomie en termes de lois physiques, et c'est sans doute comme cela que les samskaras se produisent en partie. On peut aussi trouver l'inverse, une ou plusieurs fonctions planétaires qui ne risquent vraiment pas de se réclamer d'elles-mêmes, puisque leur manifestation est étouffée dans l'ensemble, ou sporadique, ce que l'on trouve parfois avec les signifiants en signes interceptés et sans aspects. Il arrive ainsi couramment que de purs saturniens ignorent la fonction lunaire, et réciproquement, créant deux types extrêmes d'individus, les émotifs purs si malléables qu'ils courtisent l'informe, et les fermes si purs qu'ils sont psychorigides, invulnérables, logés dans un présent impeccable sans turbulence, qui présente des analogies superficielles avec le Soi, et profondes avec l'indifférence. Les personnes qui ont émergé au-dessus de saturne par l'itinéraire de la différenciation, uranien, doivent nécessairement devenir plus tolérantes et rester ouvertes à une obéissance suprême, si elles veulent donner une chance au Divin de se manifester. Celles qui y sont parvenus, comme moi-même, par un itinéraire d'absorption homogène du Réel, neptunien, doivent au contraire, en comprenant ce terme au sens d'une nécessité et non d'un devoir, s'ouvrir à une action concrète, qui les expose. Les théories transcendantales sont toujours en avance sur leur usage, car elles sont aisées à produire pour un esprit libéré, et faciles à exprimer par le verbe, mais leur pratique est très aléatoire. Nous devons donc revenir au bon sens avant de prétendre pratiquer l'alchimie planétaire: le calcul d'un horoscope n'est rien d'autre qu'une carte topographique, et ce n'est pas parce qu'on possède une carte qu'on arpente le territoire qu'elle représente. Jongler avec des concepts astrologiques peut aussi être le moyen de se dédouaner de son caractère, en justifiant ses traits, inscrits dans les combinaisons astrales. Le premier travail du philosophe de l'astrologie n'est donc pas d'interpréter un thème, mais d'identifier en lui les présences planétaires, inconditionnelles, ou fonctions psychologiques de saisir quand l'une d'entre elles se manifeste avec une puissance qui la distingue de l'homogénéité globale dans laquelle baigne notre état «ordinaire» de conscience. Et de comprendre ce qui se passe à la moindre réaction d'ensemble. 6/L'accélération historique contemporaineIl est vrai que le monde n'évolue pas en ligne droite; il y a des cycles, il y a des spirales; néanmoins le monde ne tourne pas toujours autour du même point, mais autour d'un centre qui constamment avance, et, par conséquent, il ne revient jamais exactement sur le chemin déjà parcouru, ne revient jamais réellement en arrière. Sri Aurobindo. L'urgence du changement était moindre il y a trente ans, et le mental était encore courtisé comme quelque chose de supérieur, d'autant que Dane Rudhyar évoquait une forme nouvelle d'intelligence possible, qui conserverait néanmoins de nombreuses qualités du mental, rigueur, intuition, et qui devait permettre d'agir d'une manière trans-personnelle, faisant de l'individu uranien un canal pour les forces spirituelles de l'avenir. C'était une idée intéressante, qui relativisait la réalisation individuelle du Soi, dont il était persuadé, comme Sri Aurobindo et moi-même, qu'elle demeurait un accomplissement trop rare dans le champ collectif, et entouré d'une mythologie obscure. Ce concept nouveau, à savoir que les êtres réalisés témoignent d'une manière simple et vivante pour transformer la société, sans s'enfermer dans le rôle de gourou, me paraît mériter une attention toute particulière, d'autant que l'astrologie entièrement maîtrisée permet de faire un travail analogue à celui du maître spirituel: mettre l'aspirant au pied du mur, et le guider vers lui-même. Les positions novatrices de Rudhyar peuvent s'expliquer par différentes combinaisons, sa propre vision des choses, réfractaire à la fuite vers le haut, sa formation inspirée par des prédécesseurs de qualité, mais, en tout état de cause, il survolait toute l'histoire spirituelle de l'humanité sans s'attacher aux particularismes, et citait lui-même Sri Aurobindo, avec le mérite de l'avoir découvert immédiatement. Je lui rends donc hommage d'avoir créé un système homogène, fondé sur l'astrologie, qui permet de ne pas renoncer à cet art millénaire, tout en l'utilisant dans un autre but que celui qui lui était dévolu avant lui, avec quelques autres précurseurs inspirés à la même époque. Aujourd'hui même, à cause de la vulgarisation quantique, de l'apparition de nouvelles fréquences divines dans l'atmosphère, beaucoup de personnes se fient moins à leur mental, et cherchent plutôt à l'utiliser en accéléré pour «avancer», se transformer, s'épanouir, se réaliser, et vont donc accorder moins d'importance à la pratique astrologique proprement dite, tout en se prenant moins au jeu des représentations dynamiques qu'elle fournit, pour retenir celles qui peuvent être utilisées concrètement, et immédiatement. L'ego est devenu facilement friable, puisque l'atmosphère est maintenant saturée de présence spirituelle, et qu'il est plus facile de ressentir l'évolution terrestre. L'usage conceptuel devient donc plus souple, l'intuition se développe, et la qualité de l'air subtil donne envie à beaucoup de participer d'une manière plus profonde et personnelle aux forces vives de l'univers. 7/S'ancrer dans l'écoute permanente le rigide et le mou, contre le ferme et le malléable.
La quête de Dieu est aussi, subjectivement, la quête de notre moi le plus haut, le plus vrai, le plus plein, le plus vaste. C'est la recherche d'une Réalité que masquent les apparences de la vie, parce qu'elles ne l'expriment que partiellement ou qu'elles l'expriment à travers des voiles et des images, par des oppositions et des contraires, souvent même par ce qui semble des perversions et des contradictions du Réel. Sri Aurobindo, le cycle humain Le philosophe de l'astrologie ne cherche pas à proprement parler à se couler dans les cycles cosmiques pour s'y conformer. Il s'y conforme pour évoluer, ce qui n'a strictement rien à voir, et il travaille en permanence sur les manifestations archaïques des pouvoirs planétaires, que les calculs techniques permettent parfois d'amener intellectuellement à la conscience (mais dont on peut également se passer). Il s'agit d'intégrer le septenaire, avec, primo, les trois signifiants centrifuges (lune et sa viscosité événementielle, vénus et son parti pris d'idéalisation, jupiter et sa soif d'espace gratifiant), deuxio, les trois signifiants centripètes (soleil et image de soi subjective et trompeuse, mars et sa projection désirante grossière, saturne et sa préservation intégriste de l'identité intérieure) tandis que, tertio, Mercure verbalise toutes les montées des tendances, les amalgame et les combine, avant d'œuvrer pour sa propre objectivité, et de capter la vibration uranienne, qui lui donne le talent dans la différenciation créatrice. Quand Mercure décide de travailler pour le soleil et Pluton, il parvient à investir toutes les fonctions planétaires intermédiaires, à évaluer les contenus psychologiques qui varient selon les matériaux circonstanciels, et les modulations apparaissent ainsi avec leurs risques propres. Les tendances émollientes et fusionnelles des pouvoirs centrifuges peuvent aboutir à de pernicieux résultats, la malléabilité propre à la reconnaissance du non-moi et de l'altérité finissant en processus mous, dans lesquels la plasticité triomphe, le sujet se perdant dans des identifications confuses aux objets qu'il embrasse. Identifications qui l'absorbent et le noient, ou le privent de son intégrité. La passion vénusienne, l'identification à un rôle social qui finit par caractériser l'ensemble de l'identité, la vénération superstitieuse d'un idéal ou d'une religion, ou encore d'une voie, sont autant de menaces qui pèsent sur le yin qui se sépare de toute proportion yang; inversement, le culte de sa propre action exonère de réceptivité le sujet, encourage l'acharnement à structurer des valeurs et à les mettre en œuvre dans une vision séparative et dualiste, qui soumet le non-moi à correspondre aux buts de la volonté du moi. Ou encore la recherche incessante d'une différenciation dans l'exploit et l'intrumentalisation intense de la durée donne au moi le sentiment que l'univers lui appartient par la performance et la conquête acérées, dans quelques domaines seulement, et ces tentatives représentent le yang aboutissant à la rigidité triomphaliste de l'ego souverain, qui s'est exonéré de la reconnaissance du yin. APPROCHE TECHNIQUE 06 MERCURE, CLÉ DE VOÛTE ENTRE LE YIN ET LE YANG, ENTRE LES SIGNIFIANTS CENTRIFUGES ET CENTRIPÈTES Dans les deux cas de figure, les deux moteurs du mouvement, le yin et le yang, se seront immobilisés dans leurs propres structures, soit dissolvantes soit astringentes, mais le résultat est le même, une habitude incoercible s'est emparée du moi, qui répète les mêmes catégories perceptives, empêche les transformations, passe à côté de l'immédiateté et de ses trésors de signes, pour conforter une position d'ensemble qui triche avec le réel, soit qu'on s'abandonne à vivre pour le non-moi, sans attiser le feu intérieur, soit qu'on s'abandonne à ne vivre que pour le moi, sans attiser le feu de la découverte du Divin, de l'ordre infini, de la connaissance absolue. Une fois que l'intellect a compris que la mollesse qui tend à l'informe dégrade le malléable, et le menace, et que le rigide qui tend à la cristallisation immuable dégrade le ferme, et le menace, nous comprenons que les pouvoirs centrifuges tendent à perdre le moi dans le non-moi en le dissolvant dedans, en estompant ce qui les sépare; comme il devient évident que les pouvoirs centripètes tendent à introjecter le non-moi dans le moi, jusqu'à ce que celui-ci perde toute réalité objective pour ne devenir que le reflet trompeur du moi lui-même. C'est là la vision la plus élevée et la plus métaphysique que l'on peut obtenir de la tradition taoïste si nous la mettons au service du supramental, pour proposer une voie évolutive entièrement fondée sur le développement d'un intellect intuitif pur, qui pour autant continue d'utiliser les capacités de l'intelligence que nous nommons Raison, et qui reconstruit l'univers dans des ordres qui révèlent l'imbrication des causes et des effets, avec leurs cycles, leurs turbulences ou variations, et leurs composantes essentielles, si nous retenons le yang qui se détache, et le yin qui rassemble. Chercher un itinéraire fiable, parce qu'il repose sur des lois universelles, afin d'éviter les obstacles et les impasses, d'abréger les détours, n'est pas le but de l'astrologue inspiré. Mais c'est cette voie qui est la plus courante, écrasante en Inde, où l'astrologue vous persuade que tout est joué d'avance, mais qu'il vaut mieux le savoir, pragmatique en Occident, où l'on cherche, grâce à une abondance de techniques toujours révisées, à éviter les accidents et favoriser les occasions. Dans les deux cas, le moi est autorisé à rester, grosso modo, ce qu'il est déjà, et il est simplement prévenu des champs qui lui sont favorables, où il pourra toujours puiser ce qui lui est gratifiant, et des champs difficiles où il s'épuisera en vain, s'il tient trop à déjouer le schéma négatif que révèle son horoscope, en s'y acharnant. En caricaturant, la plupart des astrologues, dans le monde entier, vous disent sur quoi vous pouvez miser (et quand, s'ils sont habiles) et vous dissuadent de parier sur certains secteurs. Ce sont toujours les mêmes domaines fondamentaux qui reviennent dans les questions et les réponses du soit-disant expert en flèche du temps, santé, amour, argent, changements importants, opportunités d'avancement ou de réussite, obstacles cachés. L'astrologue antique utilisait sa connaissance pour éviter d'offenser les dieux, choisissait des moments spéciaux conformes à certaines intentions à manifester, dates choisies pour des cérémonies qu'il accordait au pouvoir particulier d'une planète. Une étude de ces pratiques confirme, d'une part, que l'unité cosmique peut réellement se subdiviser en premiers principes dont chacun correspond à des ensembles de préoccupations humaines (cette nomenclature est aujourd'hui précise), et d'autre part, qu'il n'est pas besoin de subdiviser l'Un à l'infini pour obtenir des résultats concluants. Un jeu de sept forces (et leurs rapports) projeté sur douze secteurs formant un cercle, voilà qui est suffisant, si l'heure est précise et l'astrologue excellent, pour parvenir à choisir des moments privilégiés, en correspondance avec des mobiles ou des souhaits, et pour éviter les pires. En effet, en astrologie horaire, le zodiaque des maisons suffit pour les praticiens de génie, puisqu'il est extrêmement précis, représentant le présent qui change de place au cours d'une seule journée, depuis l'ascendant. L'on obtient forcément le cercle des signes par la même occasion, mais il ne servira pas à grand-chose, sinon à attendre que la lune, dans les jours qui suivent l'élaboration du premier calcul, en permette un nouveau où elle se trouvera non seulement bien aspectée en maison, mais dans un signe qui soutient son efficience. En élaborant plusieurs thèmes, on doit pouvoir découvrir au cours d'un cycle lunaire, soit près d'un mois, une date qui l'emporte sur toutes les autres, puisqu'en quatre semaines à peu près, la lune aura fait le tour de toutes les maisons et de tous les signes. Plus on sera exigeant sur l'opportunité, plus il faudra attendre pour trouver la date propice, et l'on peut donc chercher des critères favorables sur une période d'un an par exemple, voire davantage pour élire un événement exceptionnel. En extrapolant dans le domaine de l'existence, sans rien rechercher, chacun se trouve donc naturellement dans des moments privilégiés, plus rares, et d'autres néfastes, qui équilibrent les premiers. Mais comme le savent les taoïstes, tout est renversement, et il est donc vain de s'acharner à faire durer ce qui est exceptionnel en positif, et inutile de s'inquiéter dans des moments difficiles. Souvent, si l'ego ajoute une inflation solaire à des états «de grâce», il les abrège en les récupérant dans quelque forme de vanité qui s'accroche à un moi à moitié transformé, tandis que dramatiser des passages obscurs peut en prolonger la durée objective, prévue, en quelque sorte, par l'horloge cosmique. Les couples planétaires peuvent être étudiés dans différents systèmes, et ils concordent dans leurs grandes lignes, et rappellent en cela les concepts fondamentaux de la philosophie, qui tourne toujours autour de la question de la complémentarité ou de l'opposition des contraires, débat qui se trouve au cœur de nombreuses voies astrologiques. Avec le soleil et la lune, le moi structuré est aux prises avec le moi qui perçoit le moment, tous les sens aux aguets, ce moi est malléable par la pression du non-moi (nous l'appelons pour notre part le je, soit le moi ponctuel prêt à conjuguer l'instant sous la menace ou le charme du moment particulier). Avec mars et vénus, l'immense attraction du désir pour l'amour se manifeste, mais cette union mène rarement à bien, car mars est instantané dans son jaillissement de désir, tandis que l'amour, ou l'harmonie vénusienne, exige de la permanence. Mars peut trancher et fournir des plaisirs égoïstes et volés à l'autre, tandis que Vénus veut réunir et éprouver des plaisirs en communion avec l'autre. Elle se trouve sur le trajet du soleil, depuis la terre, avec Mercure, tandis que Mars se trouve sur le trajet de Pluton et de la galaxie, et qu'il représente dans le désir l'aspect générique et instinctuel tandis que Vénus représente son aspect subjectif et individualisé, «conscient», en quelque sorte. Jupiter et saturne définissent l'équilibre à obtenir entre le mouvement global vers l'altérité et le non-moi, avec jupiter qui s'élance dehors, dans un projet qui joue pour ou contre la préservation de la structure interne. Selon les options d'ouverture, d'écoute et de compromis, ou bien de fermeture, d'autorité et d'intégrité, l'équilibre se trouve ou fait défaut. Soit la personne se laisse absorber par l'extérieur et son rôle si jupiter l'emporte au détriment de son intégrité, elle se confond alors avec la maîtrise rusée de son territoire, soit au contraire, elle s'abandonne à l'autarcie si saturne refuse les compromis nécessaires à l'équilibre, et elle tourne en rond, sans plus pouvoir tirer de l'immédiateté la nourriture divine du signe révélateur. (La cellule possède une membrane pour ne pas se dissoudre dans les cellules avoisinantes, ce qui autorise un parallèle avec la fermeté indispensable à l'intégrité du moi, ou encore avec le yang qui distingue et sépare, contre le yin qui rassemble, amalgame, confond, par sa plasticité absorbante. Pour Cyrille Javary (éditions Albin Michel), expert en la matière, l'excès revient plutôt au yang, soit, dans notre transcription, à la différenciation, tandis que le yin aurait de «petits» excès. Appliqué à notre philosophie, ce principe s'applique aux poussées facilement repérables de mars, saturne, uranus, soleil, qui peuvent vraiment fonder des egos forts, qui déchirent le non-moi par leur violence, leur actions aux conséquences imprévues, leur contrôle abusif. Les excès de yin sont plus sournois, et les identifications à l'autre, au milieu, aux valeurs spirituelles neptuniennes étant par définition confuses et sournoises, leur développement excessif est plus difficile à cerner, quelle que soit sa taille, et c'est plutôt le moi qui se laisse absorber dans un non-moi indifférencié sans trouver sa propre créativité et son propre enjeu existentiel, un moi caméléon, incapable d'une action réelle de différenciation authentique. L'excès se trouve alors dans le surplus de conformité au milieu ambiant, et passe inaperçu). Aujourd'hui, on peut étendre le modèle complémentaire d'abandon vers l'intérieur ou l'extérieur, avec Uranus et Neptune, qui s'affrontent, ou en tout cas divergent, avant d'être réunis: Uranus pousse à l'expérience subjective radicale, soit un abandon à soi-même qui dénie la réalité objective, et qui s'effectue en opposition radicale aux valeurs établies du non-moi; tandis que Neptune représente à différents niveaux (de l'identification abusive à la soumission au Divin) l'identité entre le moi et le Tout, par un abandon à la totalité. Le champ astrologique est large dans ses manifestations, et fort économe dans ses principes. Beaucoup d'amateurs n'en reviennent pas, souvent au bout de deux ou trois ans d'études, quand ils réalisent soudain en une fraction de seconde que «tout» tient dans un malheureux dessin. Complexe mais non surchargé, comme si leur propre vie pouvait être compressée dans cet enchevêtrement dynamique de forces (une douzaine), de signes correspondant aux quatre éléments, et de secteurs d'existence, dont le schéma représente un moment de l'univers qui nous concerne, un espace assez large puisque nous tenons compte aujourd'hui de Pluton, terre lointaine (qu'on vient de rétrograder astronomiquement, dans le vain espoir inconscient d'en limiter la puissance sur Terre, car elle nous met au pied du mur de l'impossible). La découverte de Pluton avait été annoncée par quelques signes avant-coureurs, le démantèlement d'une représentation scientifique de la réalité, dans laquelle Heisenberg et Einstein ont en quelque sorte joué le rôle de terroristes, tant ils ont fait exploser les paradigmes newtoniens, révélant une organisation du réel d'une telle complexité qu'il fallait renoncer à jamais de pouvoir l'enfermer dans une théorie définitive. Le moment unique a retrouvé ses lettres de noblesse, la durée s'est vue attribuer une qualité permanente de transformation dans les deux directions essentielles du contrat entre l'espace et le temps, qui dans le fond se rejoignent, l'ordre et le chaos. La vision enfantine de Laplace, qui croyait que le monde serait représenté parfaitement si l'on connaissait la liste de ses causes, tombait définitivement aux oubliettes, tel du fétichisme dédié à la Raison. Le début du vingtième siècle fut un des virages les plus importants de la mentalité humaine depuis des millénaires, en Europe et en Amérique, qui s'accompagna de l'émergence d'une nouvelle musique et d'une nouvelle peinture. Nous n'avons pas encore saisi l'impact de cette révolution mentale, qui, partant du profane, rejoint les diamants de la spiritualité: le monde sensible n'est qu'apparences, la réalité ou vérité est cachée derrière. 8/Appliquer l'intelligence quantique C'est une erreur d'oublier les fondements astrologiques qui relèvent de la physique proprement dite, car nous retrouverons dans la symbolique psychologique les mêmes comportements qu'en physique. La première loi, celle de la réaction qui suit l'action, fait jaillir par sa simple expression une force de résistance à la transformation, un point qu'il faut toujours prendre en compte quand on soulève la question de l'évolution d'un individu, et la seconde loi, celle de la qualité émergente, soit la naissance d'une propriété qui surgit d'une combinaison de facteurs, et les transcende, alors que l'étude de sa causalité est difficile, car elle participe d'une combinaison. Le concept de qualité émergente n'est pas assez pris en compte dans les sciences humaines, puisqu'il défie la raison. Il faut prendre l'habitude de réfléchir, et apprécier les propriétés de l'intelligence pour ne pas être découragé par ce concept, qui échappe à la causalité linéaire, mais que nous retrouvons aujourd'hui dans de nombreux domaines, car la science progresse et passe au crible l'infime et l'immense. Elle recherche de nouveaux types de relations entre les objets, car il est pour le moment impossible de voir une théorie exhaustive contenir tous les faits. Les faits qui ne «rentrent» pas dans la dernière description mathématique ou physique du réel, existent bel et bien, c'est donc la théorie qui est en défaut, car si nous nous plaçons du point de vue d'un observateur qui se déplacerait sans cesse, tout existe en même temps, rien ne peut être rejeté hors de la réalité. Tous les faits qui semblent donc hétérogènes participent néanmoins de la réalité une et exhaustive, et ouvrent de nouvelles pistes. (Dans cette mesure, l'astrologue confirmé doit pouvoir trouver l'origine de n'importe quel ressenti exprimé par son client, et le placer dans le thème, en appliquant la loi de réaction, pour voir ce qui résiste au mouvement). L'intelligence cherche alors à intégrer, à emboîter l'information hétérogène, en découvrant une théorie plus inclusive. La question de la qualité émergente constitue donc à elle seule un paradigme: quand les causes n'apparaissent pas, c'est qu'elles sont placées dans un ordre sous-jacent qui échappe à l'investigation, et si le même événement se reproduit (celui qui semble ne pas avoir de cause), c'est bien qu'il découle de facteurs cachés et permanents, à chercher dans d'autres dimensions, des univers parallèles en quelque sorte, et non dans le tissu linéaire de la causalité avant après. Il est donc probable que la flèche du temps soit cousue sur une réalité immobile présente en tous points, capable d'agir parfois dans la durée elle-même en escamotant les procédés connus à ce jour. C'est au vingtième siècle que les chercheurs se lassèrent subitement de la causalité, c'est-à-dire du pourquoi et du parce que toujours associés dans un ordre chronologique, et qu'ils cherchèrent d'autres pistes pour rendre compte des phénomènes, tandis que la finalité du cosmos se posait en des termes nouveaux, la théologie ne pouvant plus endiguer la passion de l'observation, et que la religion de la rigueur scientifique s'emparait des meilleurs esprits. Le dix-neuvième avait préparé le terrain, mais la raison croyait encore en elle-même d'une manière enfantine. Les explications «mécaniques» avaient certes élargi le champ de la recherche de la causalité dans certains secteurs, en remplaçant le rapport chronologique par un paradigme plus abstrait, dans lequel les propriétés manifestent des extensions, nécessaires et suffisantes, en utilisant parfois des combinaisons strictes. Mais ce progrès, qui évacue le facteur temps dans l'enchaînement des principes vers leurs matérialisation pour cerner les processus dans des ordres fixés d'avance, restait largement insuffisant pour aborder les secrets de l'infiniment petit, un ordre du réel soumis, plus que tout autre, à la vitesse pure. Le développement des mathématiques dans le cadre des lois physiques fit apparaître la pensée cartésienne comme du pur réductionnisme, un système fermé sur lui-même, ne faisant confiance qu'à quelques propriétés élémentaires de l'esprit, qui ne suffisaient plus à aborder le domaine infinitésimal, où les probabilités remplacent les certitudes. La mécanique quantique a donc fait exploser, il y a un siècle déjà, les structures du raisonnement logique, pour y substituer des ensembles de probabilités homogènes, à la fois rivales du point de vue de leur occurrence (aléatoire ou incalculable, ce qui revient au même) et parallèles sur le plan potentiel. Au oui ou non si pratiques, si élémentaires, succédaient maintenant des séries de peut-être à condition que, des éventails de possibilités fulgurantes prêtes à s'emparer d'un moment particulier en l'informant, dans une ronde trop rapide pour l'œil et dans un espace déjà saturé d'informations et de fréquences. Là où la moindre variation fait basculer l'ensemble de l'observation dans un nouveau schéma, rendant toute mesure quasi inutile, étant donné que son exactitude ne peut pas assez durer pour être établie. Ce serait désormais impossible de prétendre à la moindre interprétation définitive d'une expérience quantique: plusieurs apparaissaient simultanément, selon le point de vue particulier d'où l'on se plaçait, plusieurs convergeraient vers une réalité si complexe qu'il serait impossible d'y capturer du sens, sans mutiler l'expérience elle-même, ou l'orienter. Le monde des particules révélait donc un ordre inexpugnable, trop vaste pour être inventorié, trop rapide pour obéir à des alternatives binaires, trop complexe pour que les effets puissent être différenciés des causes. Il ne restait plus que des facteurs entremêlés et des informations innombrables, (et même, quitte à s'arracher les cheveux, des incompatibilités compatibles, symbolisées par le conte du chat de Shrödinger, ou caricaturées en littérature A= non A). À cela venaient s'ajouter deux difficultés supplémentaires qui terrassèrent l'intelligence «logique», la confrontant à des défis majeurs. D'une part, quatre forces semblaient régner, dont les relations étaient en partie cachées, d'autre part, le nombre des constituants de la matière semblait s'accroître de décennie en décennie, avec l'apparition incessante de nouveaux objets, quarks, neutrinos, gluons, qui faisaient voler en éclats le schéma simpliste de l'atome...Tandis que l'intérêt pour découvrir la réalité croissait et s'appuyait sur des opérations mathématiques déjà fort complexes, le Réel s'échappait d'autant plus de ses conquérants exaltés et géniaux, révélant une complexité, une trame, beaucoup trop grande d'un côté et trop fine de l'autre, pour entrer dans un cadre de représentations défini. En quelques années seulement, l'humanité se rendit compte qu'elle ne jouait pas encore dans la cour des grands, tandis que Pluton apparaissait dans le ciel, et que Sri Aurobindo rétablissait le supramental. Comme le dit John Gribbin: en nombre rond, l'interaction (force) forte est 1 000 fois plus intense que la force électrique et 100 000 fois plus intense que la faible (aussi la force électrique est cent fois plus intense que la faible). Mais l'interaction forte est 10 puissance 38 fois plus forte que la gravité, et il n'est donc pas surprenant que l'édification d'une description unifiée des forces électriques, faibles et fortes, soit beaucoup plus aisée que celle d'une théorie qui mettrait en rapport la gravité avec les trois autres. La gravité demeure donc quelque chose d'essentiel, de mystérieux, d'infiniment répandu, un équilibre qui ne repose sur rien, sinon sur la résultante des forces et des masses célestes en mouvement, ce qui demeure aussi incompréhensible qu'un espace sidéral sans limites. Au lieu de s'imaginer pouvoir évoluer en comprenant intellectuellement le non-moi, l'étendue et le temps, le chercheur spirituel ressent en lui une identité accessible entre le Tout et son propre moi, à condition de déprogrammer dans le présent les structures d'appropriation qui correspondent aux pouvoirs planétaires. Il évite ainsi d'être piégé dans les dogmes éphémères des représentations totalitaires en tous genres, ésotériques ou scientifiques, qui ne font qu'enfermer le réel sur l'itinéraire d'une carte. C'est ainsi que l'évoluteur avance vers le mystère suprême, Satchitananda, qui est aussi, d'un certain point de vue, tout en bas dans la manifestation, la matière ensommeillée, presque rien en somme, des informations. Mais des informations qui deviennent lourdes car la gravitation distribue le poids, et, avec l'aide des autres forces, dissimule la porosité absolue de l'univers et de la matière en cachant les immenses quantités de vide du noyau à l'électron, de Pluton au soleil, des étoiles entre elles. Déjà, Arthur Koestler sentait la nécessité de libérer l'esprit de ses modes de représentation linéaires, chronologiques ou mécaniques. «Ainsi l'exil rigoureux auquel est condamné le mot «but» dans la science contemporaine. Il s'agit sans doute des séquelles de la réaction contre l'animisme de la physique d'Aristote, dans lesquelles les pierres accéléraient leurs chutes par hâte de rentrer chez elles... À partir de Galilée, les causes finales ou la finalité furent reléguées au royaume de la superstition et la causalité mécanique régna souverainement... Cependant, si la causalité défaille, si les événements ne sont plus rigoureusement gouvernés par les poussées et les pressions du passé, ne peuvent-ils être influencés en quelque manière par la «traction» de l'avenir, ce qui est une façon de dire que le «but» pourrait être un facteur physique concret de l'évolution de l'univers? » ( Les somnambules 1960). Les effets qui n'apparaissent plus dans le prolongement des causes possibles semblent donc tomber d'on ne sait où, ils procèdent d'une ramification exhaustive, comme si le futur remontait vers le présent, et exigent, pour être ramenés à ce qui les produit, une investigation interminable, une mesure confuse des facteurs qui les ont produits, avec le risque d'en oublier certains, d'en surestimer d'autres, et d'en faire intervenir à mauvais escient. Une qualité émergente n'apparaît donc pas comme le fruit du passé. Le meilleur exemple à donner est celui de l'illumination, le satori, qui caractérise les maîtres spirituels authentiques, et dont nul n'est jamais parvenu à refaire l'itinéraire, tant la rupture, le seuil, est abrupt. Les vraies prises de conscience, les insights, proviennent du même principe, certains flashs ne sont pas le fruit d'un raisonnement mieux abouti, mais ils participent de la vision directe, non-mentale, et il devient même inutile de trouver leur origine, sans doute holistique, ou intemporelle, puisqu'ils permettent soudain, non pas seulement de comprendre, mais d'intégrer des vérités qui feront maintenant partie de la vie elle-même, comme si elle était vue d'autre part. Même s'il comprend que tout est fondé sur une illustration de la loi de la gravitation, que les cycles des planètes sont les véritables moteurs des événements, l'Histoire apparaît comme un mouvement évolutif à l'astrologue curieux. Il ne peut donc souscrire à la validité d'une répétition identique des événements, dus au retour des mêmes causes, ce que l'on peut encore trouver dans différents types d'astrologie, cartésiens, scientifiques, ou marqués au sceau de l'hindouïsme tamasique des brahmanes. Le point de départ est simple, et c'est parce qu'on l'oublie que l'astrologie se détourne souvent de ses propres capacités pour inventer des formules éphémères, ou créer des ornières opportunistes, pour se contenter de troquer la fatalité contre un destin écrit d'avance. La plus grande surprise de l'observateur qui fait table rase, c'est de remarquer que le ciel ne nous tombe pas sur la tête, car les planètes tournent à une vitesse suffisante pour éviter d'une part d'être entraînées vers l'extérieur par la force centrifuge, et d'autre part vers l'intérieur par la force centripète. Que la vitesse faiblisse, et le corps cosmique, en quelque sorte, tombe, que la vitesse s'accroisse, et, en quelque sorte, il se perd en s'éloignant à jamais. Toute intelligence peut se pencher des heures sur cette question, sans voir apparaître la moindre solution. On étudie encore sérieusement la forme des volutes de fumée des cigarettes pour y piéger des modèles, on compare les rotations d'un café dans une tasse, tant les mouvements naturels, induits par la gravitation, sont déconcertants, riches, aléatoires, et parfois indéterminés, ce qui agace le rationaliste à l'affût d'une règle. Depuis l'expérience du seau de Newton (B Greene Robert Laffont), les éléments les plus ordinaires du réel exigent des réponses que l'on ne sait toujours pas fournir de manière exhaustive. Même si certains calculs permettent de comprendre que l'harmonie des orbites planétaires s'appuie sur des règles, saisir la nécessité de cette rotation universelle, comprendre pourquoi elle s'est imposée à la place d'autres modèles, demeure hors des facultés intellectuelles. L'intelligence s'envole vers l'illimité, puis retombe. Tout est ordonné de cette manière-là en apparence, l'équilibre exhaustif et immédiat, régulé par la vitesse, avec le mystère de cette force gravitationnelle: finalement, chaque orbite dépend de toutes les autres, et ça continue de ne pas tomber, ça absorbe sans doute de petites fluctuations, ça fonctionne! Comment, pourquoi, voilà de quoi tomber sur les limites du mental, comme quand la question de Leibniz vient nous visiter, qui semble innocente comme un chien qui nous rapporte un objet pour qu'on lui lance à nouveau: «pourquoi quelque chose plutôt que rien?». 9/Le paradigme évolutif«Le temps se meut sur sept roues; il a sept nefs.» (Atharva Veda.) Le philosophe, par définition, entraîne son intelligence à se rendre sur des lieux désertés, car il lui fait confiance, comme l'artisan croit en son savoir-faire. L'intelligence peut développer simultanément ses capacités d'analyse et d'intuition, sans jamais abandonner l'un des pôles. La raison seule rigidifie le réel, et veut le soumettre, et l'intuition seule survole la causalité, qui n'est pas un des moindres systèmes de création de la réalité, vu que la flèche du temps est bien là, et que, normalement, le présent va toujours vers l'avenir. Le mécanisme de la raison s'appuie donc sur cette évidence, mémorisée dans le cerveau depuis des millions d'années, les causes sont à rechercher en arrière, puisque ce qui arrive est la résultante du passé. On se rend compte de plus en plus que cette vision est exacte, mais insuffisante dans de nombreux domaines. Il se produit aussi des événements sans cause, des types de rencontres qui n'obéissent à aucune nécessité, aucun ordre à établir, aucune finalité à partager. Cette vision fugitive, c'est celle dont le mental décrète «que cela n'aurait pas dû se produire», c'est l'accident au sens fort, celui dont on s'imagine à tort ou à raison, que l'on n'est pas responsable. On reçoit un pot de fleurs sur la tête, on n'y est pour rien dans le déclenchement de sa chute, dont on pâtit avec une fracture du crâne, et peut-être des séquelles. Et expliquer que cela arrive parce qu'on se trouve sur la trajectoire ne justifie pas de s'y trouver, à aucun égard. Ce type d'événements appartient encore à une autre catégorie, où des causes purement physiques, et qui plus est, peu probables, engendrent des effets hors de leurs juridictions, comme une explosion de particules, nous rappelant nos craintes ancestrales de l'obscurité, où les dangers se présentent sans pouvoir être anticipés ou observés. (Les maisons 8 et 12 peuvent contenir ce type de probabilités davantage que les autres. La 8 parce qu'elle mélange les forces intérieures de l'hémisphère inférieur et celles de l'ouverture radicale de la 7; la 12, parce que la fin du cycle comprend les objets, d'une part les plus difficiles à intégrer (d'ordre purement cosmique) et, d'autre part, elle récolte les obstacles qui auront été escamotés dans les stations précédentes, avec parfois une connotation karmique). Je rappelle que le moi et le non-moi sont toujours enchevêtrés en nous, et que sont peut-être codées dans notre cerveau des attentes d'un côté (une couche vénusienne) et des craintes de l'autre (une couche saturnienne), puisque notre réalité essentielle, c'est simplement d'être traversés par la flèche du temps dans un contexte d'étendue radicale, dont les règles sont indépendantes de nos prérogatives personnelles. Bien que nous puissions en édicter nous-mêmes dans les contextes subjectifs (avec la question de leur conformité universelle), il est clair que le temps est plus fort que nous, que la durée livre des obstacles à domicile, et que nous ne pouvons pas toujours refuser au livreur l'accès de la maison. Le présent et le soi-disant avenir peuvent nous échapper, révéler des formes qui nous dérangent, nous attaquent, nous détruisent. Notre existence consiste donc à mélanger ce que nous croyons être avec tout ce qui nous échappe, des cercles immédiats où nous avons encore beaucoup de pouvoir, le couple, la famille, le travail, jusqu'à ceux dans lesquels notre propre existence se dilue pour ne représenter presque plus rien semble-t-il, quand nous nous éloignons de notre contexte personnel à l'infini, tout en oubliant l'existence même de ces cercles immenses et lointains qui semblent de moins en moins nous concerner. Et cependant, elles nous appellent tout autant que nos petites sphères subjectives les dimensions illimitées, ne serait-ce que parce que notre corps a nécessité des centaines de millions d'années d'évolution pour équilibrer en nous les poussières d'étoiles, les sels minéraux, les oligo-éléments, présents dans notre organisme, alors qu'ils proviennent de l'origine de la terre, toute matérielle, encore dépourvue de l'essor de la conscience (ou presque). L'immédiat transporte les forces universelles du passé avec les mémoires de différents types, personnelles, génétiques, transgénérationnelles, karmiques, génériques (survivances dynamiques), et peut-être contient-il aussi, grâce au potentiel des qualités émergentes, les traces du futur, que nous pouvons symboliser par nos aspirations spirituelles radicales, et les comportements nouveaux qu'elles suscitent. Si nous nous perdons dans la contemplation des étoiles, notre moi retourne parfois à la question de la mort, qui succède à l'émerveillement, car le spectacle du ciel imprime en nous un tel sentiment d'intemporalité que cela nous ramène à la brièveté de notre propre existence. L'astrologie fournit une réflexion tous azimuts, puisqu'elle nous permet de participer au grand cycle du cosmos, et nous nous préparons maintenant à comprendre qu'à l'intérieur de nous le ciel existe, sans doute sous forme fractale, avec des combinaisons subatomiques d'énergie qui correspondent au cliché du système solaire à notre naissance (Etienne Guillé). Nous sommes donc bien imprégnés de schémas fondamentaux qui cherchent à s'actualiser, nous sommes sensibles à des circuits plutôt qu'à d'autres qui manipulent les circonstances. Notre perception du monde est enchaînée dans un système de réseaux qui reproduit l'image du système solaire à notre naissance, à travers des opérations dynamiques innombrables. Il est donc possible, avec la cosmophilosophie, de se considérer comme l'enfant de l'univers, et de dépasser ainsi la naissance physique, où nous sommes seulement tributaires de nos parents et de leurs gènes, de leur éducation et de leur milieu. Nous dépassons définitivement l'incrémentation des mémoires familiales symbolisées par l'amalgame mercure-lune du côté de la mère, et qui reproduit des schémas de sécurité affective, et nous transcendons aussi l'image-père de l'amalgame soleil-saturne, qui nous confinait dans des valeurs où le moi se réalise par une conformité à des structures extérieures permanentes, de l'ordre de la morale, de la religion et de la politique. Nous interdisons à Mercure de tisser la pensée du moment à partir des mêmes canevas d'identification au non-moi, qui passent par des attachements hérités, et des mêmes canevas d'identification à soi, qui passent par le simple tri de valeurs procurant croyances et stratégies morales. Un élargissement considérable du moi est à notre portée puisque nous pouvons apprendre à comprendre les effets cosmiques en nous, et que cela soit juste ou simplement approximatif, une nouvelle symbolique s'ouvre à nous. Nous vivons maintenant les intentions de l'univers en nous-mêmes, et elles nous emmènent là où elles veulent, car elles sont plurielles. Nous reconnaissons le jeu de l'expérience, celui qui va aussi faire jouer les pièces de l'appareil psychologique, imposer des tensions entre mars et vénus qui cherchent le même objet, le désirable à long terme, mais avec une soif différente; entre jupiter et saturne qui cherchent l'homogénéité du même champ, là où le moi profitera au non-moi, et où le non-moi nourrira le moi de la manière la plus précise. Nous allons voir en nous s'opposer les habitudes lunaires, qui aiment conserver le gratifiant dans de molles répétitions, et les souhaits solaires, prêts à prendre des risques, à quitter le convenu et le conforme, à changer de quotidien de fond en comble. APPROCHE TECHNIQUE 07 RECONNAÎTRE LA DÉPENDANCE AVANT DE S'EN LIBÉRER. Nous ne cherchons pas à ressentir, mais le fait est là: nous traversons des émotions de toutes sortes, la vie a l'intention de nous soumettre à toutes formes de sensations qui provoquent des émotions, et cela revient particulièrement au calcul de la position lunaire. Certains adolescents ne cherchent pas à désirer, mais leur appareil génital achevé, ils ne pourront pas faire autrement que s'imaginer toucher un corps, en général du sexe opposé, jusqu'à oser une rencontre sexuelle, et la combinaison mars vénus rend compte en grande partie comment le sujet considère sa propre sexualité, ce qu'il en attend, et le quotient de réponse naturelle du non-moi à la fonction. Et ainsi de suite. C'est cela qui interpelle le philosophe, les contraintes de l'incarnation, tandis que l'astrologue n'a pas à entrer dans ces considérations, et cherche seulement à les escamoter, ou dans le meilleur des cas à les gérer. En astrologie supramentale, et déjà en astrologie humaniste, ces contraintes sont identifiées, le sujet admet d'en dépendre, et en transforme les caractères. Mais, sans une profonde ouverture à ce que représente Neptune (plier le genou devant l'autorité suprême), le travail intérieur n'attaque pas les risques d'enfermements conformes aux pouvoirs les plus forts. L'inflation solaire, une valorisation de soi-même qui s'effectue en circuit fermé à travers un meilleur aménagement du territoire, peut soustraire le moi aux prises de conscience les plus hautes, le perfectionnisme saturnien peut le priver de l'abandon et de la confiance absolue dans le moment pur, l'intensité de la force uranienne peut se concentrer dans une création supérieure et y plafonner. Nous devons donc toujours conserver à l'esprit le principe des vases communicants, et comprendre qu'une partie de l'énergie positive peut être récupérée par un pouvoir obscur, dans un système subconscient d'écluses. Cela explique que certains individus s'arrêtent au bord de l'illumination, car ils sont capables de progrès merveilleux dans certains secteurs, autrement dit dans certaines parties de l'horoscope de naissance, tandis que d'autres restent inchangées, et sabotent en profondeur le travail par leur force de résistance, tandis que le moi s'imagine supérieur, puisqu'il ne prend pas conscience de ses angles morts. En amont de tous les calculs opportunistes, ou de tous les modèles transcendantaux d'utilisation de l'horoscope, la vraie question est celle-ci: quelle position prenons-nous par rapport à toutes les contraintes que nous subissons, la sensation, le désir, le sentiment, la pensée, peut-on y déceler un apprentissage de la conscience universelle qui emprunterait notre corps et notre identité (tout en les soutenant), ou voulons-nous vraiment nous approprier ces intentions qui ne sont pas les nôtres, mais qui dépendent de puissances cosmiques autrement plus fondées que notre existence éphémère et sa manière empirique de «tirer son épingle du jeu»? Si nous nous les approprions, elles se mélangent inexorablement entre elles, et l'identité solaire demeure inaccessible. C'est déjà tout un travail de libérer le vrai saturne en face d'un soleil qui aura apprivoisé la lune (voir guérir par l'éveil), ou d'accepter (souvent contraint et forcé) les manifestations d'Uranus, Neptune et Pluton à travers des événements si difficiles (ou souverains vis-à-vis du moi), que le sujet finira par admettre, en état de crise, qu'il doit chercher une nouvelle piste de conformité avec la réalité exhaustive, maintenant qu'il a perdu sa route. Ruer dangereusement dans les brancards (Uranus), se diluer dans la drogue ou l'alcool (Neptune), ou tout expérimenter avec excès dans la sexualité et l'appropriation matérielle, voire la soumission de l'autre (Pluton), constituent des options contemporaines à double tranchant. Elles poussent irrémédiablement le sujet à vivre avec une intensité supérieure à la normale le sentiment de sa propre identité, tandis que les premiers moyens pour le faire s'avèrent se retourner contre lui, à brève ou longue échéance. Cette question pose à nouveau le problème philosophique par excellence de ce qui habite la nature humaine et se manifeste contre sa volonté, soit toutes les compulsions, tous les événements répertoriés depuis la nuit des temps, à propos desquels les personnes jettent cette formule autour d'elles, dans l'aveu intime ou le procès devant la tribu ou la société: c'était plus fort que moi. MORPHOLOGIE DU SYSTEME COSMOPHILOSOPHIQUE. Dans la clarté de Dieu, rien de laid, rien d'étrange. La grenouille est aussi parfaite que l'archange. (Angelus Silesius) Cette étude, jusqu'à présent, rappelle que l'humanité a beau essayer de s'imaginer être son propre maître, elle n'est ni plus ni moins qu'un objet de l'univers, un objet comme un autre, entièrement dépendant de sa morphologie, de sa localisation, de son époque, de sa structure comme un minéral, de ses besoins vitaux comme une plante, de sa sexualité comme l'animal. Que cet objet puisse dire je avec cette emphase grotesque (qui poignarde le mutant supramental des années avant qu'il s'habitue à la médiocrité du discours ordinaire), et que cet objet éphémère puisse en déduire que sa propre existence est aussi importante que tout le reste, cela fait partie de la création d'ensemble, du jeu cosmique. Chaque homme sait suffisamment qu'il est à lui seul l'univers entier pour tout sacrifier à sa propre survie (qu'on me dispense de développer cette idée assez criante dans les dessous de la guerre), sauf les héros, bien entendu, qui sont prêts à s'effacer pour que le monde survive. L'être humain veut aujourd'hui se dresser seul face à l'univers, et revendique de comprendre immédiatement quelle est sa place, d'où il débarque, ce qu'il est en droit d'attendre de l'existence, ce qu'il doit faire pour la manipuler à son avantage. Le besoin du gratifiant fonde le sentiment biologique, avec la toute puissance du désir sec et fermé, mars, et du désir ouvert et humide, venus, qui ensemble forment le mode absolu de préservation, puisqu'il sert l'espèce en passant par l'individu, qui le subit autant qu'il l'exploite dans la sexualité. Quant à la lune, d'une certaine manière, elle arrose la polarité mars-vénus, tandis que saturne l'assèche. Mais aucune des réponses essentielles n'est rapidement obtenue entre le moi microcosme et le macrocosme, et l'être humain est donc emporté par la flèche du temps, à toute allure, alors que l'ensemble de l'étendue inanimée vit à un rythme cent fois ou mille fois plus lent. Au moment où l'être humain pourrait se féliciter d'être une fractale de l'univers, et rechercher en lui-même la forme du Tout (vers un soleil transpersonnel), il se rend compte qu'il exagère: il ne vit pas le temps à la même échelle. Qu'est-ce que la vitesse vient faire dans ce modèle, nul n'en sait rien, mais le modèle fractal n'y résiste pas, ou alors il faudrait transformer la durée en autre chose, et que nos quatre-vingts ans de vie correspondent à un présent sans commencement ni fin, ce qui est bien, il faut le préciser, une des définitions du Brahman. Des millions d'années sont nécessaires pour parvenir à un quelconque résultat digne de ce nom dans la manifestation, une créature très intelligente par rapport à tout ce qui l'a précédé, mais, en contrepartie, semble-t-il, de cette identité nouvelle, être l'objet de l'univers capable de le refléter, sa vie est trop brève. Trop brève pour accomplir son programme, devenir le Tout. Il faudrait pouvoir disposer de plus de temps pour apprendre à refléter correctement le cosmos, le Tao, l'Infini, puis le Divin, mais vite, beaucoup trop vite, le corps humain décroît, et les progrès de conscience s'arrêtent, ou plafonnent. L'individu est rappelé de l'autre côté, en tant qu'âme, s'il survit à la mort physique. Grosso modo, sans élégance philosophique: nous avons trop reçu de l'univers pour actualiser ce qui nous a été donné. (Voir Pratique intégrale de Tao) Avec le supramental, la possibilité s'accroît néanmoins. Nous avons hérité des facultés de la matière qui devient consciente d'elle-même, ressentir, comme le fait déjà la fleur par rapport à d'autres espèces qui l'ont précédée, mais nous bénéficions aussi, par un processus que nul n'a jamais vraiment explicité, de la conscience réflexive, qui permet de ressentir abstraitement, par la pensée donc, non seulement notre propre moi, mais ce qui nous entoure, de cercle en cercle, tout ce sur quoi nous pouvons émettre opinions, jugements, réserves, identifications, rejets. Ce pouvoir nous dépasse dans sa fulgurante rapidité, nous pensons peut-être aussi vite ou même plus vite que la lumière, mais justement, cette rapidité explose, part dans tous les sens, ramène des milliers d'attitudes possibles comme autant d'orientations pour l'avenir, décrète des multitudes de choix rivaux pour des situations beaucoup plus stables, dans lesquelles nous sommes installés. En trois secondes, monsieur tout-le-monde peut déjà avoir quitté son épouse, y renoncer, l'avoir fait pour y revenir après avoir soufflé un peu grâce à une petite aventure sans lendemain, la conserver et s'autoriser une vie double pour la supporter, ou tout vouloir recommencer, dans la même innocence qu'au début, en effaçant l'ardoise; autant de jeux que les fonctions planétaires mettent en scène en un petit moment, quelques secondes, si un déficit profond se manifeste. Dans cet exemple, chaque planète goûte la saveur de sa propre solution, avant de laisser place à une autre option, et si le sujet laisse s'installer cette farandole d'hypothèses, il peut réellement devenir incapable de prendre la moindre décision: les fonctions psychologiques l'encerclent, exercent un rituel de malédiction en dansant en rond, chaque solution apparaissant à son tour aussi pertinente que toutes les autres. Cet exemple est suffisant pour modéliser l'activité psychologique, et admettre en profondeur que, quand le tissu homogène du moi et du non-moi est déchiré, les fonctions planétaires cessent de synthétiser le présent, et se présentent en ordre dispersé, le temps de trouver une résultante homogène. Le choix n'est pas à faire entre deux possibilités, pour les événements complexes, mais bien entre plusieurs, qui mélangent plusieurs curseurs. Si l'initiative et la passivité forment un couple, l'autorité et la soumission déroulent le tapis rouge pour l'autonomie, l'indépendance, une solution transversale, qui les renvoie dos à dos. En termes de morphologie, n'oublions pas que nous seulement nous pouvons avancer ou reculer, c'est-à-dire obéir à un système binaire conforme au symbole du temps, mais nous pouvons également tourner à gauche ou à droite, ou rester sur place, sans compter les ruses de passer par-dessus ou par-dessous. Si tant d'êtres humains souffrent, c'est qu'ils manquent d'unité, et que les pouvoirs planétaires rivalisent entre eux pour les emporter vers une solution qui en exclut d'autres, alors qu'ils s'acharnent à vouloir conserver les avantages de plusieurs stratégies incompatibles. La pensée est assez rapide pour virtualiser en quelques secondes des scénarios de situations complexes, qui s'étendraient longuement dans le vécu. Penser, c'est s'affranchir de l'irréversibilité de la flèche du temps, reconstruire du passé ou échafauder de l'avenir. Dans le présent pur, penser est inutile, car le moi ne cherche pas à se prolonger. Alors que notre constitution organique s'engouffre toujours dans le même sens, que le présent défile à toute vitesse, que chaque moment devient du passé sans que nous ne puissions y opposer aucun pouvoir, notre pensée, elle, s'amuse à tricher avec la flèche. Elle se remémore le passé et peut s'ingénier à le remettre au premier plan, elle imagine le futur sous différents angles, et, si nous n'y prenons garde, elle peut même boucher la perception réelle du moment présent en le transformant en écran pour des séquences archaïques ou futures. Ramener Mercure à l'observation pure, c'est ce qui lui permettra d'appréhender les pouvoirs planétaires à l'œuvre dans le moment. Les discours intérieurs chaotiques, qui développent une virtualisation involontaire de la durée, obligent certaines personnes à consulter un psychologue, un psychanalyste, ou à se soumettre à n'importe quel charlatan, divinatoire ou spirituel. Quand le mental révèle une sorte d'autonomie dynamique qui se déploie «toute seule» en inventant toutes sortes de chemins qui deviennent obsédants, sans même qu'on le consulte, le moi peut se sentir parasité, soumis à des forces extérieures, envoûté par un avenir qui réclame son dû, tandis que le présent perd sa saveur. Ce même procédé de projections involontaires, mais impérieuses, peut aussi bien fonctionner en sens inverse et contraindre le cerveau à se réfugier dans le passé, avec nostalgie, régressions des valeurs, ou sentiment de culpabilité. La pensée cherche à décréter ce qui doit faire partie du réel, y être conservé, en être éliminé, mais parfois, elle patine. Elle peine à maintenir la cohérence du système entier si d'autres fonctions planétaires sont blessées, atrophiées, ou excessives. Les termes de rupture, changement, bifurcation, transformation, indiquent déjà à eux seuls que l'hétérogène doit être identifié, que le moi doit examiner le non-moi, le goûter en quelque sorte sous différents aspects et potentiels, pour l'accorder aux besoins intérieurs. La pensée donc, confond le vrai présent qui se déroule, celui qu'on peut chronométrer montre en main et que les sens perçoivent, avec le film qu'elle lui impose, la rumination mentale, dès que l'équilibre est rompu entre les pouvoirs planétaires centrifuges (lune, venus, jupiter, neptune) et les pouvoirs planétaires centripètes (soleil, mars, saturne, uranus). Pour la pensée, le présent c'est le discours intérieur, et tant qu'il est léger et naturel, il reste connecté à la perception du moment objectif et confondu avec lui. L'action psychologique est homogène, la sensation et le discours s'épaulent, s'apprécient et communiquent. S'il arrive que la pensée prenne toute la place, elle supprime le sentiment du présent perçu par les sens, et elle le remplace par une préoccupation intense qui fait «perdre de vue» l'environnement et la situation «objective». C'est alors que les planètes se plaignent, car la lune, venus, mars, préfèrent de loin la sensation du présent pur à cet écran de fumée de la pensée qui coagule, et fait oublier le contexte. Chacun a déjà vécu des circonstances difficiles, et remarqué la plainte des signifiants psychologiques, la lune nous fait pleurer, mars nous mettre en colère, saturne nous fait nous fermer, vénus fait comme si elle n'existait pas et s'éloigne et parfois un mauvais soleil archaïque joue à se persuader que ce n'est rien, alors que le sujet est réellement défait, mais il assume son rôle de comédien qui sauve la face le plus longtemps possible. Le jeu de la résultante instantanée se fait automatiquement, et les enfants, par exemple, ont déjà de la peine à choisir entre les devoirs et le jeu, la soumission et l'insolence. Les intentions cosmiques jouent à nous proposer des moments différents, qui deviennent concurrentiels car le présent ne peut tout contenir à la fois, et, comme le disait Lacan, lui-même persécuté par des dilemmes affectifs, le choix est castrateur. Nous ne perdons pas de vue l'identité de notre être dans la traversée de la durée, ce qui provoquerait des dommages, perte des valeurs morales, dévalorisation, pathologies mentales, somatisations, mais si cela se produit, c'est toujours pour ouvrir la possibilité d'un franchissement de seuil, c'est donc initiatique. Se perdre permet de s'orienter correctement, chaque fois par rapport à des cercles plus larges, étant entendu que l'être qui aspire au Divin ne peut pas réellement s'exclure du Réel, et s'il s'aventure trop loin dans sa quête, la souffrance, normalement l'y ramène. Nous ne pouvons pas choisir vénus et éliminer tout le reste, ou faire comme si mars était seul, ou demander au soleil de subjuguer saturne par magie, car il ne se laisserait pas faire. On ne peut pas congédier la lune sans risquer un jour un retour de manivelle destructeur, et il semble bien que notre liberté consiste seulement à (vouloir) comprendre les forces qui nous habitent, et non de nous en affranchir par un stratagème superficiel qui leur permettrait de s'involuer davantage, de se tapir dans le subconscient, en nous laissant croire à une maîtrise du réel. Si nous rétrécissons (la conscience de) nos planètes intérieures, elles seront d'autant plus rappelées à l'ordre dans l'événementiel, par les phases des cycles. Ce sont les êtres les plus rigides d'un côté, et les plus mous de l'autre, qui supportent le moins bien les
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