Faculté Libre d'Astrologie de Paris (FLAP)

Le but de ce blog est lié à la création en 1975 du Mouvement Astrologique Universitaire (MAU) . Il sera donc question des passerelles entre Astrologie et Université mais aussi des tentatives de constituer des enseignements astrologiques.
Constatant les lacunes des astrologues dans le domaine des
sciences sociales (hommes et femmes, structures
nationales et supranationales etc), la FLAP assurera à ses
étudiants des connaissances de première main et les plus
récentes qui leur serviront de socle pour appréhender
l'astrologie et en repenser les contours.
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mardi 27 septembre 2022

Jacques Vanaise De l’anthropocène à l’anthropocosmogenèse

De l’anthropocène à l’anthropocosmogenèse (repris de la revue Champs Astrologiques ) par Jacques Vanaise Comme nombre de mes chroniques (parmi les soixante-sept publiées dans la Gazette de la FDAF), cet article sera plus philosophique qu’étroitement astrologique. J’en assume le propos et j’espère que vous y trouverez quelque intérêt. J’en argumente le projet comme suit. Notre outil métaphorique et symbolique est l’une des dernières démonstrations du rôle essentiel de l’imaginaire qui préfigure, sous-tend et pilote notre « venue au monde ». L’une des dernières…, dans la mesure où les neurosciences tendent à numériser les fonctions de notre cerveau et, ainsi, à comparer parfois le foisonnement de nos neurones aux performances d’une machine… « Venir au monde », c’est le découvrir, interagir avec lui, lui répondre et, en cela, prendre peu à peu conscience de notre propre palette de couleurs. « Venir au monde », c’est donc apprivoiser graduellement notre entourage, nous situer par rapport à lui et y élucider progressivement le mystère de notre personne. Car, si nous sommes pour une grande part le produit de notre environnement, nous savons bien que nous sommes, chacun et chacune, une réponse unique à la question de savoir : qu’est-ce qu’être au monde ? « Venir au monde », c’est progressivement déterminer la place et le rôle qu’il nous revient de reconnaître ou d’assumer. C’est aussi observer les circonstances contemporaines à notre naissance, notamment à travers les faits sociaux, les réalités économiques et les données culturelles propres à notre époque. Notre parcours de vie peut être perçu comme une mise en œuvre, en un temps particulier, en un lieu spécifique, dans le cours de l’histoire des hommes. Tout cela étant considéré, il nous revient encore à donner du sens à ce parcours, à mesure que nous interagissons avec le monde où il nous est « donné » de naître, de grandir, d’agir, d’évoluer, de nous accomplir. 90 Précisément, nous voici, contemporains les uns aux autres, dans un monde en complète mutation. Dans le contexte de crise que nous traversons depuis un quart de siècle et qui ne fait plus de doute, que devient notre rôle en tant qu’astrologues ? Il est d’analyser aujourd’hui les configurations astrologiques censées « mettre en équation » la remise en question de notre mode de vie et la mise en abime des affrontements économiques, idéologiques et militaires, de par le monde. Personnellement, j’opterais (aussi) pour une mise en perspective en vue de repenser l’aventure humaine en l’inscrivant dans l’histoire de l’univers. Nous nous plaisons à situer l’humain, tant dans sa dimension collective qu’en ce qui concerne notre histoire personnelle, dans une dimension qui allie la terre et le ciel. Mon propos est ici d’interroger les mouvements et les accélérations de l’histoire humaine dans une perspective plus vaste que celle circonscrite par les faits économiques, politiques et sociaux. Je laisserai de côté les questions récurrentes quant à savoir comment expliquer, voire justifier, notre relation au ciel. Est-elle symbolique, métaphorique, mythique, fantasmagorique ou, au contraire, physique, mesurable, tangible, démontrable… ? Je soulignerai simplement ma propre conviction : nous sommes chacun et collectivement dans un rapport phénoménologique au monde. Ce qui veut dire que nous nous construisons sur une frontière où se déploie le rapport entre l’imaginaire (ou la psyché) et la réalité du monde. La langue astrologique découle de cet « inter », là où il n’y a pas lieu de séparer l’être et l’astre (qui étymologiquement ont pour ainsi dire la même origine), mais de les considérer comme les deux faces d’un même processus universel. À telle enseigne qu’il est infondé de dire qu’une configuration astrale est la cause d’une situation privée ou collective. Elle ne peut qu’en être l’indice, dans un jeu de miroir. De même, lorsque nous considérons un évènement qui survient dans notre trajet de vie, nous n’affirmons pas qu’il est prescrit par une force transcendante, considérant qu’il est l’illustration de « ce qui nous ressemble ». Ce préambule cadre volontairement le propos de cet article, tandis que son titre en annonce l’intention : observer et tenter de comprendre les enjeux du temps présent (l’anthropocène) et les remettre en perspective, en interrogeant l’aventure humaine à une échelle qui nous insère dans la dimension et l’histoire de l’univers (l’anthropocosmogenèse). 91 L’univers a incontestablement une histoire, infinie dans l’espace, mais ayant eu un début. Après quelque 13,8 milliards d’années, et à un moment crucial comme celui que nous vivons actuellement, la question que je pose est : « quelle place aussi bien personnelle que collective occupons-nous dans cette histoire ? ». Mettre en rapport l’homme (l’anthropos) et l’univers (le cosmos) n’est pas une fantaisie. On en trouve le propos dans le concept de l’anthropocosmologie introduit par Edgar Morin dans plusieurs de ses ouvrages, dont Le Journal de Californie (Le Seuil, 1970) et Le Paradigme perdu : la nature humaine (Le Seuil, 1973). D’autres auteurs nous parlent de notions assez proches : « un combat anthropocosmique » (Gaston Bachelard, Le Droit de rêver, PUF, 1970) et « une hiérarchie cosmoanthropologique » (Pierre Solier, Psychanalyse et imaginal, Imago, 1980). En 1993, à la sortie de mon livre L’homme-univers, l’urgence climatique ne nous préoccupait pas autant qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, l’impact à grande échelle de l’activité humaine sur la biosphère de notre planète ne fait plus de doute. À ses effets délétères sur notre environnement s’ajoutent plusieurs crises qui nous alarment un peu plus chaque jour : la pandémie du Covid-19, les inondations, les incendies, la guerre en Ukraine, le prix exponentiel des énergies. Face au constat d’un monde soumis (selon certains auteurs) à un réel effondrement, je propose le paradigme de l’anthropocosmogenèse qui nous invite à prendre de la hauteur et à (re)situer notre aventure commune dans l’histoire de l’univers. Démarche certes d’envergure et qui peut sembler utopique face à une situation terriblement complexe et alarmante que nous devons gérer au quotidien. J’en situe l’enjeu à partir de deux questions déterminantes : si nous allons (tous ensemble) « dans le mur », où nous sommes-nous trompés ; et comment redonner du sens à notre histoire aussi bien personnelle que collective ? En 1778, le naturaliste Buffon souligne : « La face entière de la Terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme ». Trois siècles plus tard, les géologues déclarent que l’humanité est entrée dans une nouvelle ère : l’anthropocène. Avec l’anthropocène, les hommes sont devenus la principale force de transformation sur Terre. Ce changement a plusieurs visages et il vise au progrès. Mais lequel ? Au profit de qui ? Et comment l’évaluer ? Nous vivons désormais dans un « village global » où interagissent les marchés mondiaux et où se déploient les multinationales. En ce début d’un nouveau millénaire, le développement des sociétés et des cultures contribue-t-il à l’accomplissement de notre part fondamentale d’humanité ? 92 Face à ces questions, nous sommes à la fois « juges et parties ». Comment savoir, pour paraphraser la formule de Montaigne, si « nous faisons bien l’homme » ? Dans le monde devenu apocalyptique, il est urgent de réunifier les humains autour d’un même projet. Cet impératif peut surprendre dès lors que l’humanité est (en soi) une et indivisible en raison de ses origines, l’homo sapiens étant l’unique espèce humaine habitant la terre. Mais cette unité anthropologique ne semble pas suffisante pour éteindre les dissensions, les concurrences et les guerres. Une autre échelle d’espace et de temps peut-elle y contribuer ? Comment recréer, sur l’unique terre dont nous disposons, une communauté de solidarité, de partage, de pensée et de destin ? C’est à cette urgence que s’adresse le paradigme de l’anthropo - cosmo - genèse : l’aventure humaine s’inscrit dans l’histoire de l’univers. Nous ne faisons pas seulement partie de l’univers, l’univers est le fondement de ce que nous sommes. L’anthropocène caractérise donc notre époque, celle où l’activité humaine est devenue une contrainte géologique majeure, en comparaison des forces naturelles qui prévalaient jusque-là. Cette nouvelle « ère » est celle d’une influence croissante de l’être humain sur la géologie et sur les écosystèmes à l’échelle de l’histoire de la Terre. Désormais, tout se passe comme s’il était « naturel » de confier notre avenir à des normes plus quantitatives que qualitatives. Elles ont pour nom : gains, résultats, profits ; mais aussi compétition, concurrence, rapport de force, conflit. Un tel « système » doit être analysé en profondeur, seul moyen pour anticiper la suite de l’aventure humaine. La question est de savoir si les balises auxquelles nous confions notre savoirfaire et notre savoir-vivre répondent vraiment à nos aspirations humaines et à notre besoin de sens. Autrefois, ce qui faisait autorité descendait magiquement du ciel, dans un rapport vertical que se plaisaient à installer les pouvoirs absolus et les religions. Aujourd’hui, la puissance de l’argent nous place dans l’horizontalité : celle du monde « devenu un village » ; alors même que les frontières subsistent et que les inégalités et les disparités perdurent ; et alors même aussi que la course en tête conduit le monde à la fracture sociale, à l’impasse économique et au désastre écologique. 93 Face aux menaces, urgences et périls, notre sentiment d’impuissance découle de notre difficulté à consentir aux limites de notre condition humaine. Reconnaître que notre soif insatiable, sur le plan matériel, ne sera jamais entièrement satisfaite, voilà peut-être un bon début : celui d’une résilience. Après quatre-milliards d’années d’évolution, nous voici les héritiers de la vie biologique et organique. Comme tels, nous habitons un monde qui nous est familier, puisque nous sommes faits de la terre qui nous a engendrés. Légataires de cet extraordinaire patrimoine vivant, nous entendons nous affranchir de cette condition et être les acteurs du développement ; développement que nous confondons toutefois avec une croissance continue, quel qu’en soit le prix… Soustraits (croyons-nous) aux déterminants naturels et délivrés de l’emprise des dieux, nous entendons forger impunément, à notre seul profit ou au profit d’une partie seulement de l’humanité, nos systèmes sociaux, culturels et politiques. D’où cette interrogation : une approche salutaire de notre propre part d’humanité peut-elle réparer la notion même de progrès ? Celui-ci ne saurait être exclusivement matériel, technique, voire scientifique. Il sollicite aussi un agrandissement intérieur, à la fois personnel et partagé collectivement. Ce qui suppose l’appréhension d’un sens, non seulement directionnel (dans l’espace et dans le temps), mais relié à un questionnement intime. Ce questionnement commence là où nous examinons autrement notre relation à la réalité. La démarche scientifique nous y aide, incontestablement. En cela, son rôle et ses applications ne se limitent pas au développement des technologies ; ils sont de nous procurer des connaissances auxquelles nous ne pourrions accéder sans elle. Toutefois, dans les années septante (soixante-dix), au siècle dernier, André Malraux déclara : « Nous sommes la première civilisation sans valeur suprême ». Or, précisément, c’est lorsque le monde est dépourvu de sens qu’une « issue » doit être trouvée. Pour combler le vide laissé par la récusation d’une métaphysique descendue du ciel (et je songe ici bien plus aux prescrits invérifiables des religions qu’à notre outil symbolique qui emprunte au ciel extérieur les images et métaphores permettant d’illustrer notre ciel psychique intérieur), nous voici hantés par un nouveau culte rendu à l’humain lui-même, dans la valorisation de ce qui le différencie de toutes les autres formes de vie. L’homme serait-il devenu plus raisonnable ; ses pulsions de vie et de mort sontelles mieux jugulées ; une nouvelle sagesse gouverne-t-elle ses décisions ? On peut en douter et on peut se demander si l’humanité peut se prévaloir d’un réel progrès, au vu de la barbarie dont elle fait encore preuve et dont elle ne s’est pas encore amendée. 94 Par ailleurs (et nous le savons bien, évidemment, en tant qu’astrologues), le temps des hommes a beau sembler être linéaire, l’humanité progresse à travers de grands cycles et par à-coups. À chacun de ces cycles correspond une nouvelle vision du monde. Ceci étant constaté, il nous revient d’agir sur le monde pour qu’il nous interpelle autrement (puisque nous sommes le produit d’une interaction entre notre propre psyché et la réalité qui nous entoure). Serait-ce l’une des responsabilités propres à notre humanitude (pour reprendre le terme cher à Albert Jacquard) : bâtir un monde auquel nous demanderions d’être un autre miroir, un autre révélateur de notre humanité ? Observons à titre d’exemple que l’élan des cathédrales est à coup sûr bien plus inspirant que les murs de nos villes encombrées de panneaux publicitaires. En dernière analyse, le mieux qui peut nous arriver est de découvrir qu’un désaccord existe entre notre ancrage matériel dans le monde et nos interrogations à propos du sens de la vie. Et aussi de ressentir qu’un fossé se creuse entre l’extraordinaire évolution des technologies et notre trop lente évolution morale. Bien entendu, ce n’est pas l’évolution matérielle qui doit être ralentie, c’est notre évolution spirituelle qui doit s’accélérer. Mais, à supposer que nous parvenions à formuler les arguments d’un autre projet pour l’humain, comment convaincre les hommes de son urgence ? L’histoire des hommes est jalonnée de moments singuliers. Chaque fois, notre mise au travail rompt avec la routine des jours, tandis qu’une priorité fédère nos intentions et nos efforts. Tentons d’y déceler la concrétisation d’un processus universel et d’un lien profond entre l’homme et le cosmos. Aujourd’hui, la science elle-même nous propose d’élargir notre regard, chaque fois qu’elle ouvre de nouvelles perspectives où l’humain trouverait enfin son compte. Cette nouvelle perspective, nous la pressentons en astrologie à l’échelle d’un double univers : celui de l’espace infini et celui où, dans le dedans des choses et sur le seuil de notre psyché, un autre, un tout autre émerge peu à peu. Dans l’immense aventure de l’univers, nous sommes ce lieu particulier où émerge la conscience. Raisonnablement, nous ne pouvons ignorer les questions philosophiques que notre présence consciente au monde pose et nous pose. Notre venue au monde n’est pas banale. Était-elle programmée au tout début de l’univers ? Les religions répondent en faisant intervenir un créateur ou un démiurge. 95 Une seule évidence : nous ne pouvons savoir si notre venue consciente au monde était intentionnellement prévue et programmée dans l’effervescence des premières étoiles, mais nous ne pouvons que l’appréhender : elle y était assurément possible et donc virtuellement envisageable, dès l’origine… Ce qui est évident, c’est que nous vivons dans un rapport phénoménologique au monde. Or, ce rapport souligne et amplifie les deux faces d’une seule réalité : un versant physique, tangible, concret, matériel ; et un point de vue, un angle de perception, une prise de conscience. C’est ce qui fait toute la particularité de notre rapport au monde. Relevons que c’est précisément ce rapport que nous approchons lors d’une analyse astrale. Nous observons un échiquier symbolique de tendances que nous relions aux circonstances de notre vie, telles qu’elles ont sollicité l’éveil et l’expression de notre potentiel. Étant entendu que notre carte du ciel s’intercale en quelque sorte, à la manière d’un vitrail, ou d’une partition, ou d’un filtre, entre les deux dimensions préfigurées plus haut : notre psyché et le monde ou, si l’on préfère, le ciel symbolique et la terre vécue. Relevons cependant un paradoxe ou une étrangeté. Tout au long de notre existence, pour devenir celui / celle que nous serons un jour, il nous faut entreprendre un voyage à travers lequel nous devenons ce que nous sommes à mesure que nous nous singularisons, autrement dit que nous renonçons à « être tout ». Nous n’avons guère le choix : il nous faut choisir notre palette de couleurs tout en sachant que, seuls, nous ne pourrons synthétiser la totalité de l’arc-en-ciel. Quoi qu’il en soit, et contrairement à la plupart des êtres vivants, nous avons conscience de notre singularité, que celle-ci nous convienne ou, au contraire, que nous n’en soyons pas satisfaits. Non contents d’être « tout simplement », vient le jour et l’âge où nous nous posons d’autres questions, bien plus essentielles : « d’où venons-nous, pourquoi sommesnous là, l’univers a-t-il besoin de notre présence dans l’infinité originelle de ce qu’il lui était possible d’envisager et d’incarner ? ». Envisageons ce point de vue : à chaque instant, nous sommes « en train d’être » et, faisant cela, c’est la totalité de l’univers qui est en devenir. Nous ne sommes donc pas simplement « là » comme l’est la pierre, l’arbre, le nuage. Nous sommes en relation avec la difficile question de l’être, sur l’arrière-plan de notre animalité. 96 En dernière analyse, notre rapport conscient au seul fait d’être est peut-être ce qui fait notre humanité. Nous sommes un moment de l’évolution physiologique des espèces vivantes et, parallèlement, nous avons une autre origine. Et d’imaginer, ou de concevoir, ou de fantasmer, ou de reconnaître, ou d’authentifier une conscience originelle et transcendante dont nous serions les sujets, dans le double sens de personnes singulières et de serviteurs ou d’agents. Observons que ces questions d’ordre méta - physique prennent une drôle de couleur lorsqu’on considère, en contraste, nos accommodements aventureux dans l’impasse de l’anthropocène, bien loin du sens à donner à l’immense aventure de l’univers. Dans l’immensité du cosmos, nous constatons l’évidence d’une gestation aboutissant au « règne » de l’homme. Il y a toutefois un piège dans une telle « conclusion » : c’est celui de l’anthropocentrisme qui consiste à placer l’homme au sommet de la création (création qui en appelle à l’intervention d’un créateur ou d’une transcendance) ou au sommet de l’évolution (ce qui est déjà plus raisonnable, à condition de ne pas faire de ce sommet un pinacle à la gloire de l’homme). Dans cet article (on l’a compris), mon propos est de juxtaposer, comme on le ferait d’un endroit et d’un envers, l’anthropos et le cosmos, tous deux participant d’une commune genèse. Sous cet angle, c’est comme si nous considérions qu’un immense processus, parti de l’invisible et du chaos originel (notamment dans la fournaise des étoiles), n’avait cessé de suivre (ou de produire ?) le cours de l’évolution. Sur une note plus poétique, c’est comme si, dans un fabuleux déferlement de réussites et d’erreurs, l’univers s’était cherché un visage. Osons donc cette métaphore : « l’anthropos est (serait) le moyen pour le cosmos de connaître l’univers ». L’anthropos et le cosmos sont ou deviennent ainsi chacun le miroir de l’autre. Ensemble, ils relient l’univers intérieur de notre psyché aux manifestations extérieures du monde. Ensemble, ils reconnaissent l’extraordinaire performance psychique de l’anthropos dans l’immensité du cosmos. Ainsi se pose et s’interroge le phénomène humain dans la globalité des processus universels… Comme des sédiments minéraux s’accumulent et se déposent en couches et lits superposés jusqu’à produire les roches les plus dures, comme de minuscules polypes et algues symbiotiques unicellulaires construisent les récifs coralliens, comme des 97 herbes sauvages ouvrent la génération des céréales, nous participons chacun et chacune à l’émergence d’une culture et au progrès des technologies, mais aussi à la sédimentation d’un imaginaire collectif dont sera bénéficiaire la lignée des hommes et des femmes de demain. En noir et blanc ou en couleur, chaque pierre personnelle s’incorpore dans l’aventure commune. On parle à ce propos du génie de quelques-uns. Or, chaque moellon placé dans l’assise d’un bâtiment est aussi utile que la clef de voûte dont on s’empresse de faire l’éloge. Observons que l’alibi d’une transcendance, qu’elle soit scientifique, religieuse, économique ou politique, est très commode lorsqu’il externalise, dans un ailleurs, la preuve nécessaire, pour invérifiable ou surannée qu’elle soit. Il en est de même lorsque cet ultime argument convoque au cœur d’une théorie la démonstration (non pas l’opinion ni même la conviction) dont un système a besoin pour s’imposer et, ensuite, perdurer, un temps tout au moins (on a connu ce piège, à certains moments, dans le cadre de l’astrologie, lorsqu’il était question de lire des signes, des indices et des preuves dans un « ailleurs », alors que le ciel symbolique est au-dedans de nous). Souvent, on le constate, l’humanité a eu besoin d’hypostasier ainsi une transcendance susceptible de donner sens à son histoire, à son évolution et à son cheminement. Réfuter l’ascendance du ciel, ce n’est pas profaner la tradition astrologique, c’est attester, dans l’histoire humaine aussi bien que dans le cheminement de chaque individu, le levier, non pas d’une transcendance, mais d’une immanence, voire d’un enjeu. En cela, la mise en lumière (et en œuvre) d’un but, pressenti par exemple dans notre carte natale, revient tout au plus à déceler le moyen et l’outil personnels qui nous permettront de progresser jusqu’au moment où nous serons en mesure de donner librement « du sens » à notre marche. En fin de compte, comment articuler, dans et à propos de l’épopée humaine « transcendance » et « immanence » ? Cette question est d’ordre ontologique, notamment lorsqu’elle interroge le phénomène humain au niveau de l’être - en - soi tel qu’il sous-tend l’émergence d’une forme de conscience au sein de l’univers. 98 Or, tout se passe dans nos sociétés contemporaines comme si cette référence ou cette interrogation ontologique était sans importance, le principe même d’une transcendance étant plutôt devenu une question de pouvoir. Celui-ci prend plusieurs formes : religieux, politique, économique, scientifique. Ce qui mérite notre attention, c’est l’étendue de ce pouvoir. Le projet humain (dont chaque individu est en quelque manière porteur) doit-il se subordonner à une force tantôt extérieure, tantôt supérieure, qu’elle soit simplement théorisée ou carrément hypostasiée ? De plus, à quelle échelle envisager cette force ou ce pouvoir, dès lors que nous nous donnons le projet de replacer l’aventure humaine dans l’évolution de l’univers ? Cela revient à nous demander si l’aventure humaine aussi bien que notre propre existence individuelle disposent d’un projet intrinsèque ou si elles se conforment à une finalité infiniment plus globale, notre présence sur terre n’étant, dans l’univers, qu’un phénomène accessoire. Il est essentiel que nous apprenions à connaître et à comprendre le monde, dans l’interrelation où nous sommes placés, seul moyen dont nous disposons pour comprendre et connaître notre propre dessein. Et cela, dans une perspective, non pas d’installation, mais de transformation. Ce qui suppose que nous agissions sur le monde, non pour en user, mais pour qu’il nous sollicite et interpelle autrement. Selon l’anthropocosmogenèse, notre vie quotidienne est le plan nécessaire où s’effectue, à travers nous, la rencontre de l’universel et du particulier, de l’univers et de l’homme. Ceux-ci sont nécessairement juxtaposés dans une dualité qui est le foyer même de nos expériences tangibles, alors que le dehors et le dedans ne sont que les deux faces d’une même réalité en devenir. Prendre de la hauteur ou de la distance vis-à-vis de notre incarnation circonscrite au quotidien, c’est désigner la jonction des deux faces d’un même univers, dans son évolution extérieure (l’univers, le cosmos) et dans son émergence intérieure (l’imaginaire, l’anthropos). En architecture, nous commençons à construire nos maisons par leurs assises. En humanité, il conviendrait mieux de débuter par la ligne d’horizon et de décliner, ensuite, le meilleur chemin qui peut nous y conduire. Ce qui revient à baliser la trajectoire des hommes à partir d’une autre conception de ce qui est essentiel. Ce qui réclame une autre hiérarchie de nos besoins et une autre évaluation de ce qui fait notre vraie richesse. 99 Dans l’esprit du libre examen, il ne s’agit pas d’inventer une nouvelle doctrine qui serait à enseigner ou d’instaurer une nouvelle croyance qu’on s’empresserait de propager. Il est question de valider un processus sous-jacent qui, depuis l’origine, se concrétise patiemment dans la jonction de deux infinis : la psyché et l’univers. Nous sommes venus chacun au monde pour planter notre présence dérisoire et, pourtant, si révélatrice dans le trait du peintre, dans le geste du danseur, dans l’élan de l’amour. Si le monde est en train de basculer, c’est aussi l’heure de brosser les dents de la métaphysique et de songer chaque jour à l’immanence du secret qui rôde dans le monde et qui finira bien par éroder la matière. Voici le temps espéré d’une réconciliation entre l’histoire des hommes et celle de l’univers, par-delà le temps perdu, éventré, retrouvé ; tandis que s’effilochent les pierres et que le charme vient du feu subtil qui éclaire à nouveau le chemin, prisonnier qu’il était du réseau des habitudes secondaires… Hasardons-nous donc de l’autre côté du miroir, là où un processus millénaire ne se limite pas à la temporalité courante et linéaire, mais lui préfère le temps cyclique à travers lequel chaque civilisation est à la fois le grain d’une guirlande et un pépin mis en terre pour des récoltes futures… JACQUES VANAISE vanaisejacques@gmail.co

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