Site de l'Association La Vie Astrologique (ex Mouvement Astrologique Universitaire). 8, rue de la Providence. 75013 Paris/ Une approche historico-critique de la littérature astrologique.
Faculté Libre d'Astrologie de Paris (FLAP)
Le but de ce blog est lié à la création en 1975 du Mouvement Astrologique Universitaire (MAU) . Il sera donc question des passerelles entre Astrologie et Université mais aussi des tentatives de constituer des enseignements astrologiques.
Constatant les lacunes des astrologues dans le domaine des
sciences sociales (hommes et femmes, structures
nationales et supranationales etc), la FLAP assurera à ses
étudiants des connaissances de première main et les plus
récentes qui leur serviront de socle pour appréhender
l'astrologie et en repenser les contours.
.
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sciences sociales (hommes et femmes, structures
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mardi 27 septembre 2022
Jacques Vanaise De l’anthropocène à l’anthropocosmogenèse
De l’anthropocène à l’anthropocosmogenèse (repris de la revue Champs Astrologiques )
par Jacques Vanaise
Comme nombre de mes chroniques (parmi les soixante-sept publiées dans la
Gazette de la FDAF), cet article sera plus philosophique qu’étroitement astrologique.
J’en assume le propos et j’espère que vous y trouverez quelque intérêt.
J’en argumente le projet comme suit.
Notre outil métaphorique et symbolique est l’une des dernières démonstrations
du rôle essentiel de l’imaginaire qui préfigure, sous-tend et pilote notre « venue au
monde ».
L’une des dernières…, dans la mesure où les neurosciences tendent à numériser
les fonctions de notre cerveau et, ainsi, à comparer parfois le foisonnement de nos
neurones aux performances d’une machine…
« Venir au monde », c’est le découvrir, interagir avec lui, lui répondre et, en cela,
prendre peu à peu conscience de notre propre palette de couleurs.
« Venir au monde », c’est donc apprivoiser graduellement notre entourage, nous
situer par rapport à lui et y élucider progressivement le mystère de notre personne.
Car, si nous sommes pour une grande part le produit de notre environnement, nous
savons bien que nous sommes, chacun et chacune, une réponse unique à la question
de savoir : qu’est-ce qu’être au monde ?
« Venir au monde », c’est progressivement déterminer la place et le rôle qu’il
nous revient de reconnaître ou d’assumer. C’est aussi observer les circonstances
contemporaines à notre naissance, notamment à travers les faits sociaux, les réalités
économiques et les données culturelles propres à notre époque.
Notre parcours de vie peut être perçu comme une mise en œuvre, en un temps
particulier, en un lieu spécifique, dans le cours de l’histoire des hommes.
Tout cela étant considéré, il nous revient encore à donner du sens à ce parcours,
à mesure que nous interagissons avec le monde où il nous est « donné » de naître, de
grandir, d’agir, d’évoluer, de nous accomplir.
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Précisément, nous voici, contemporains les uns aux autres, dans un monde en
complète mutation.
Dans le contexte de crise que nous traversons depuis un quart de siècle et qui
ne fait plus de doute, que devient notre rôle en tant qu’astrologues ?
Il est d’analyser aujourd’hui les configurations astrologiques censées « mettre en
équation » la remise en question de notre mode de vie et la mise en abime des
affrontements économiques, idéologiques et militaires, de par le monde.
Personnellement, j’opterais (aussi) pour une mise en perspective en vue de
repenser l’aventure humaine en l’inscrivant dans l’histoire de l’univers.
Nous nous plaisons à situer l’humain, tant dans sa dimension collective qu’en ce
qui concerne notre histoire personnelle, dans une dimension qui allie la terre et le ciel.
Mon propos est ici d’interroger les mouvements et les accélérations de l’histoire
humaine dans une perspective plus vaste que celle circonscrite par les faits
économiques, politiques et sociaux.
Je laisserai de côté les questions récurrentes quant à savoir comment expliquer,
voire justifier, notre relation au ciel. Est-elle symbolique, métaphorique, mythique,
fantasmagorique ou, au contraire, physique, mesurable, tangible, démontrable… ?
Je soulignerai simplement ma propre conviction : nous sommes chacun et
collectivement dans un rapport phénoménologique au monde. Ce qui veut dire que
nous nous construisons sur une frontière où se déploie le rapport entre l’imaginaire
(ou la psyché) et la réalité du monde.
La langue astrologique découle de cet « inter », là où il n’y a pas lieu de séparer
l’être et l’astre (qui étymologiquement ont pour ainsi dire la même origine), mais de
les considérer comme les deux faces d’un même processus universel.
À telle enseigne qu’il est infondé de dire qu’une configuration astrale est la cause
d’une situation privée ou collective. Elle ne peut qu’en être l’indice, dans un jeu de
miroir. De même, lorsque nous considérons un évènement qui survient dans notre
trajet de vie, nous n’affirmons pas qu’il est prescrit par une force transcendante,
considérant qu’il est l’illustration de « ce qui nous ressemble ».
Ce préambule cadre volontairement le propos de cet article, tandis que son
titre en annonce l’intention : observer et tenter de comprendre les enjeux du temps
présent (l’anthropocène) et les remettre en perspective, en interrogeant l’aventure
humaine à une échelle qui nous insère dans la dimension et l’histoire de l’univers
(l’anthropocosmogenèse).
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L’univers a incontestablement une histoire, infinie dans l’espace, mais ayant eu
un début. Après quelque 13,8 milliards d’années, et à un moment crucial comme celui
que nous vivons actuellement, la question que je pose est : « quelle place aussi bien
personnelle que collective occupons-nous dans cette histoire ? ».
Mettre en rapport l’homme (l’anthropos) et l’univers (le cosmos) n’est pas une
fantaisie. On en trouve le propos dans le concept de l’anthropocosmologie introduit par
Edgar Morin dans plusieurs de ses ouvrages, dont Le Journal de Californie (Le Seuil, 1970)
et Le Paradigme perdu : la nature humaine (Le Seuil, 1973).
D’autres auteurs nous parlent de notions assez proches : « un combat
anthropocosmique » (Gaston Bachelard, Le Droit de rêver, PUF, 1970) et « une hiérarchie
cosmoanthropologique » (Pierre Solier, Psychanalyse et imaginal, Imago, 1980).
En 1993, à la sortie de mon livre L’homme-univers, l’urgence climatique ne nous
préoccupait pas autant qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, l’impact à grande échelle de
l’activité humaine sur la biosphère de notre planète ne fait plus de doute.
À ses effets délétères sur notre environnement s’ajoutent plusieurs crises qui
nous alarment un peu plus chaque jour : la pandémie du Covid-19, les inondations, les
incendies, la guerre en Ukraine, le prix exponentiel des énergies.
Face au constat d’un monde soumis (selon certains auteurs) à un réel
effondrement, je propose le paradigme de l’anthropocosmogenèse qui nous invite à
prendre de la hauteur et à (re)situer notre aventure commune dans l’histoire de
l’univers.
Démarche certes d’envergure et qui peut sembler utopique face à une situation
terriblement complexe et alarmante que nous devons gérer au quotidien.
J’en situe l’enjeu à partir de deux questions déterminantes : si nous allons (tous
ensemble) « dans le mur », où nous sommes-nous trompés ; et comment redonner du
sens à notre histoire aussi bien personnelle que collective ?
En 1778, le naturaliste Buffon souligne : « La face entière de la Terre porte
aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme ». Trois siècles plus tard, les géologues
déclarent que l’humanité est entrée dans une nouvelle ère : l’anthropocène.
Avec l’anthropocène, les hommes sont devenus la principale force de
transformation sur Terre. Ce changement a plusieurs visages et il vise au progrès. Mais
lequel ? Au profit de qui ? Et comment l’évaluer ?
Nous vivons désormais dans un « village global » où interagissent les marchés
mondiaux et où se déploient les multinationales.
En ce début d’un nouveau millénaire, le développement des sociétés et des
cultures contribue-t-il à l’accomplissement de notre part fondamentale d’humanité ?
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Face à ces questions, nous sommes à la fois « juges et parties ».
Comment savoir, pour paraphraser la formule de Montaigne, si « nous faisons
bien l’homme » ?
Dans le monde devenu apocalyptique, il est urgent de réunifier les humains
autour d’un même projet. Cet impératif peut surprendre dès lors que l’humanité est
(en soi) une et indivisible en raison de ses origines, l’homo sapiens étant l’unique espèce
humaine habitant la terre.
Mais cette unité anthropologique ne semble pas suffisante pour éteindre les
dissensions, les concurrences et les guerres.
Une autre échelle d’espace et de temps peut-elle y contribuer ?
Comment recréer, sur l’unique terre dont nous disposons, une communauté de
solidarité, de partage, de pensée et de destin ?
C’est à cette urgence que s’adresse le paradigme de l’anthropo - cosmo - genèse :
l’aventure humaine s’inscrit dans l’histoire de l’univers.
Nous ne faisons pas seulement partie de l’univers, l’univers est le fondement de
ce que nous sommes.
L’anthropocène caractérise donc notre époque, celle où l’activité humaine est
devenue une contrainte géologique majeure, en comparaison des forces naturelles qui
prévalaient jusque-là. Cette nouvelle « ère » est celle d’une influence croissante de
l’être humain sur la géologie et sur les écosystèmes à l’échelle de l’histoire de la Terre.
Désormais, tout se passe comme s’il était « naturel » de confier notre avenir à
des normes plus quantitatives que qualitatives. Elles ont pour nom : gains, résultats,
profits ; mais aussi compétition, concurrence, rapport de force, conflit.
Un tel « système » doit être analysé en profondeur, seul moyen pour anticiper
la suite de l’aventure humaine.
La question est de savoir si les balises auxquelles nous confions notre savoirfaire et notre savoir-vivre répondent vraiment à nos aspirations humaines et à notre
besoin de sens.
Autrefois, ce qui faisait autorité descendait magiquement du ciel, dans un
rapport vertical que se plaisaient à installer les pouvoirs absolus et les religions.
Aujourd’hui, la puissance de l’argent nous place dans l’horizontalité : celle du
monde « devenu un village » ; alors même que les frontières subsistent et que les
inégalités et les disparités perdurent ; et alors même aussi que la course en tête conduit
le monde à la fracture sociale, à l’impasse économique et au désastre écologique.
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Face aux menaces, urgences et périls, notre sentiment d’impuissance découle de
notre difficulté à consentir aux limites de notre condition humaine. Reconnaître que
notre soif insatiable, sur le plan matériel, ne sera jamais entièrement satisfaite, voilà
peut-être un bon début : celui d’une résilience.
Après quatre-milliards d’années d’évolution, nous voici les héritiers de la vie
biologique et organique. Comme tels, nous habitons un monde qui nous est familier,
puisque nous sommes faits de la terre qui nous a engendrés.
Légataires de cet extraordinaire patrimoine vivant, nous entendons nous
affranchir de cette condition et être les acteurs du développement ; développement
que nous confondons toutefois avec une croissance continue, quel qu’en soit le prix…
Soustraits (croyons-nous) aux déterminants naturels et délivrés de l’emprise des
dieux, nous entendons forger impunément, à notre seul profit ou au profit d’une partie
seulement de l’humanité, nos systèmes sociaux, culturels et politiques.
D’où cette interrogation : une approche salutaire de notre propre part
d’humanité peut-elle réparer la notion même de progrès ? Celui-ci ne saurait être
exclusivement matériel, technique, voire scientifique. Il sollicite aussi un
agrandissement intérieur, à la fois personnel et partagé collectivement. Ce qui suppose
l’appréhension d’un sens, non seulement directionnel (dans l’espace et dans le temps),
mais relié à un questionnement intime.
Ce questionnement commence là où nous examinons autrement notre relation
à la réalité. La démarche scientifique nous y aide, incontestablement. En cela, son rôle
et ses applications ne se limitent pas au développement des technologies ; ils sont de
nous procurer des connaissances auxquelles nous ne pourrions accéder sans elle.
Toutefois, dans les années septante (soixante-dix), au siècle dernier, André
Malraux déclara : « Nous sommes la première civilisation sans valeur suprême ». Or,
précisément, c’est lorsque le monde est dépourvu de sens qu’une « issue » doit être
trouvée.
Pour combler le vide laissé par la récusation d’une métaphysique descendue du
ciel (et je songe ici bien plus aux prescrits invérifiables des religions qu’à notre outil
symbolique qui emprunte au ciel extérieur les images et métaphores permettant
d’illustrer notre ciel psychique intérieur), nous voici hantés par un nouveau culte rendu
à l’humain lui-même, dans la valorisation de ce qui le différencie de toutes les autres
formes de vie.
L’homme serait-il devenu plus raisonnable ; ses pulsions de vie et de mort sontelles mieux jugulées ; une nouvelle sagesse gouverne-t-elle ses décisions ? On peut en
douter et on peut se demander si l’humanité peut se prévaloir d’un réel progrès, au vu
de la barbarie dont elle fait encore preuve et dont elle ne s’est pas encore amendée.
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Par ailleurs (et nous le savons bien, évidemment, en tant qu’astrologues), le
temps des hommes a beau sembler être linéaire, l’humanité progresse à travers de
grands cycles et par à-coups. À chacun de ces cycles correspond une nouvelle vision
du monde.
Ceci étant constaté, il nous revient d’agir sur le monde pour qu’il nous interpelle
autrement (puisque nous sommes le produit d’une interaction entre notre propre
psyché et la réalité qui nous entoure).
Serait-ce l’une des responsabilités propres à notre humanitude (pour reprendre
le terme cher à Albert Jacquard) : bâtir un monde auquel nous demanderions d’être un
autre miroir, un autre révélateur de notre humanité ?
Observons à titre d’exemple que l’élan des cathédrales est à coup sûr bien plus
inspirant que les murs de nos villes encombrées de panneaux publicitaires.
En dernière analyse, le mieux qui peut nous arriver est de découvrir qu’un
désaccord existe entre notre ancrage matériel dans le monde et nos interrogations à
propos du sens de la vie. Et aussi de ressentir qu’un fossé se creuse entre
l’extraordinaire évolution des technologies et notre trop lente évolution morale.
Bien entendu, ce n’est pas l’évolution matérielle qui doit être ralentie, c’est
notre évolution spirituelle qui doit s’accélérer. Mais, à supposer que nous parvenions
à formuler les arguments d’un autre projet pour l’humain, comment convaincre les
hommes de son urgence ?
L’histoire des hommes est jalonnée de moments singuliers. Chaque fois, notre
mise au travail rompt avec la routine des jours, tandis qu’une priorité fédère nos
intentions et nos efforts. Tentons d’y déceler la concrétisation d’un processus universel
et d’un lien profond entre l’homme et le cosmos.
Aujourd’hui, la science elle-même nous propose d’élargir notre regard, chaque
fois qu’elle ouvre de nouvelles perspectives où l’humain trouverait enfin son compte.
Cette nouvelle perspective, nous la pressentons en astrologie à l’échelle d’un
double univers : celui de l’espace infini et celui où, dans le dedans des choses et sur le
seuil de notre psyché, un autre, un tout autre émerge peu à peu.
Dans l’immense aventure de l’univers, nous sommes ce lieu particulier où
émerge la conscience. Raisonnablement, nous ne pouvons ignorer les questions
philosophiques que notre présence consciente au monde pose et nous pose.
Notre venue au monde n’est pas banale. Était-elle programmée au tout début
de l’univers ? Les religions répondent en faisant intervenir un créateur ou un démiurge.
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Une seule évidence : nous ne pouvons savoir si notre venue consciente au
monde était intentionnellement prévue et programmée dans l’effervescence des
premières étoiles, mais nous ne pouvons que l’appréhender : elle y était assurément
possible et donc virtuellement envisageable, dès l’origine…
Ce qui est évident, c’est que nous vivons dans un rapport phénoménologique
au monde. Or, ce rapport souligne et amplifie les deux faces d’une seule réalité : un
versant physique, tangible, concret, matériel ; et un point de vue, un angle de
perception, une prise de conscience. C’est ce qui fait toute la particularité de notre
rapport au monde.
Relevons que c’est précisément ce rapport que nous approchons lors d’une
analyse astrale. Nous observons un échiquier symbolique de tendances que nous
relions aux circonstances de notre vie, telles qu’elles ont sollicité l’éveil et l’expression
de notre potentiel.
Étant entendu que notre carte du ciel s’intercale en quelque sorte, à la manière
d’un vitrail, ou d’une partition, ou d’un filtre, entre les deux dimensions préfigurées
plus haut : notre psyché et le monde ou, si l’on préfère, le ciel symbolique et la terre
vécue.
Relevons cependant un paradoxe ou une étrangeté. Tout au long de notre
existence, pour devenir celui / celle que nous serons un jour, il nous faut entreprendre
un voyage à travers lequel nous devenons ce que nous sommes à mesure que nous
nous singularisons, autrement dit que nous renonçons à « être tout ».
Nous n’avons guère le choix : il nous faut choisir notre palette de couleurs tout
en sachant que, seuls, nous ne pourrons synthétiser la totalité de l’arc-en-ciel.
Quoi qu’il en soit, et contrairement à la plupart des êtres vivants, nous avons
conscience de notre singularité, que celle-ci nous convienne ou, au contraire, que nous
n’en soyons pas satisfaits.
Non contents d’être « tout simplement », vient le jour et l’âge où nous nous
posons d’autres questions, bien plus essentielles : « d’où venons-nous, pourquoi sommesnous là, l’univers a-t-il besoin de notre présence dans l’infinité originelle de ce qu’il lui était
possible d’envisager et d’incarner ? ».
Envisageons ce point de vue : à chaque instant, nous sommes « en train d’être »
et, faisant cela, c’est la totalité de l’univers qui est en devenir.
Nous ne sommes donc pas simplement « là » comme l’est la pierre, l’arbre, le
nuage. Nous sommes en relation avec la difficile question de l’être, sur l’arrière-plan
de notre animalité.
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En dernière analyse, notre rapport conscient au seul fait d’être est peut-être ce
qui fait notre humanité.
Nous sommes un moment de l’évolution physiologique des espèces vivantes et,
parallèlement, nous avons une autre origine. Et d’imaginer, ou de concevoir, ou de
fantasmer, ou de reconnaître, ou d’authentifier une conscience originelle et
transcendante dont nous serions les sujets, dans le double sens de personnes
singulières et de serviteurs ou d’agents.
Observons que ces questions d’ordre méta - physique prennent une drôle de
couleur lorsqu’on considère, en contraste, nos accommodements aventureux dans
l’impasse de l’anthropocène, bien loin du sens à donner à l’immense aventure de
l’univers.
Dans l’immensité du cosmos, nous constatons l’évidence d’une gestation
aboutissant au « règne » de l’homme.
Il y a toutefois un piège dans une telle « conclusion » : c’est celui de
l’anthropocentrisme qui consiste à placer l’homme au sommet de la création (création
qui en appelle à l’intervention d’un créateur ou d’une transcendance) ou au sommet
de l’évolution (ce qui est déjà plus raisonnable, à condition de ne pas faire de ce sommet
un pinacle à la gloire de l’homme).
Dans cet article (on l’a compris), mon propos est de juxtaposer, comme on le
ferait d’un endroit et d’un envers, l’anthropos et le cosmos, tous deux participant d’une
commune genèse.
Sous cet angle, c’est comme si nous considérions qu’un immense processus,
parti de l’invisible et du chaos originel (notamment dans la fournaise des étoiles), n’avait
cessé de suivre (ou de produire ?) le cours de l’évolution.
Sur une note plus poétique, c’est comme si, dans un fabuleux déferlement de
réussites et d’erreurs, l’univers s’était cherché un visage.
Osons donc cette métaphore : « l’anthropos est (serait) le moyen pour le
cosmos de connaître l’univers ».
L’anthropos et le cosmos sont ou deviennent ainsi chacun le miroir de l’autre.
Ensemble, ils relient l’univers intérieur de notre psyché aux manifestations extérieures
du monde. Ensemble, ils reconnaissent l’extraordinaire performance psychique de
l’anthropos dans l’immensité du cosmos. Ainsi se pose et s’interroge le phénomène
humain dans la globalité des processus universels…
Comme des sédiments minéraux s’accumulent et se déposent en couches et lits
superposés jusqu’à produire les roches les plus dures, comme de minuscules polypes
et algues symbiotiques unicellulaires construisent les récifs coralliens, comme des
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herbes sauvages ouvrent la génération des céréales, nous participons chacun et chacune
à l’émergence d’une culture et au progrès des technologies, mais aussi à la
sédimentation d’un imaginaire collectif dont sera bénéficiaire la lignée des hommes et
des femmes de demain.
En noir et blanc ou en couleur, chaque pierre personnelle s’incorpore dans
l’aventure commune. On parle à ce propos du génie de quelques-uns. Or, chaque
moellon placé dans l’assise d’un bâtiment est aussi utile que la clef de voûte dont on
s’empresse de faire l’éloge.
Observons que l’alibi d’une transcendance, qu’elle soit scientifique, religieuse,
économique ou politique, est très commode lorsqu’il externalise, dans un ailleurs, la
preuve nécessaire, pour invérifiable ou surannée qu’elle soit.
Il en est de même lorsque cet ultime argument convoque au cœur d’une théorie
la démonstration (non pas l’opinion ni même la conviction) dont un système a besoin
pour s’imposer et, ensuite, perdurer, un temps tout au moins (on a connu ce piège, à
certains moments, dans le cadre de l’astrologie, lorsqu’il était question de lire des
signes, des indices et des preuves dans un « ailleurs », alors que le ciel symbolique est
au-dedans de nous).
Souvent, on le constate, l’humanité a eu besoin d’hypostasier ainsi une
transcendance susceptible de donner sens à son histoire, à son évolution et à son
cheminement.
Réfuter l’ascendance du ciel, ce n’est pas profaner la tradition astrologique, c’est
attester, dans l’histoire humaine aussi bien que dans le cheminement de chaque
individu, le levier, non pas d’une transcendance, mais d’une immanence, voire d’un
enjeu.
En cela, la mise en lumière (et en œuvre) d’un but, pressenti par exemple dans
notre carte natale, revient tout au plus à déceler le moyen et l’outil personnels qui
nous permettront de progresser jusqu’au moment où nous serons en mesure de
donner librement « du sens » à notre marche.
En fin de compte, comment articuler, dans et à propos de l’épopée humaine
« transcendance » et « immanence » ?
Cette question est d’ordre ontologique, notamment lorsqu’elle interroge le
phénomène humain au niveau de l’être - en - soi tel qu’il sous-tend l’émergence d’une
forme de conscience au sein de l’univers.
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Or, tout se passe dans nos sociétés contemporaines comme si cette référence
ou cette interrogation ontologique était sans importance, le principe même d’une
transcendance étant plutôt devenu une question de pouvoir.
Celui-ci prend plusieurs formes : religieux, politique, économique, scientifique.
Ce qui mérite notre attention, c’est l’étendue de ce pouvoir. Le projet humain (dont
chaque individu est en quelque manière porteur) doit-il se subordonner à une force
tantôt extérieure, tantôt supérieure, qu’elle soit simplement théorisée ou carrément
hypostasiée ?
De plus, à quelle échelle envisager cette force ou ce pouvoir, dès lors que nous
nous donnons le projet de replacer l’aventure humaine dans l’évolution de l’univers ?
Cela revient à nous demander si l’aventure humaine aussi bien que notre propre
existence individuelle disposent d’un projet intrinsèque ou si elles se conforment à une
finalité infiniment plus globale, notre présence sur terre n’étant, dans l’univers, qu’un
phénomène accessoire.
Il est essentiel que nous apprenions à connaître et à comprendre le monde, dans
l’interrelation où nous sommes placés, seul moyen dont nous disposons pour
comprendre et connaître notre propre dessein.
Et cela, dans une perspective, non pas d’installation, mais de transformation. Ce
qui suppose que nous agissions sur le monde, non pour en user, mais pour qu’il nous
sollicite et interpelle autrement.
Selon l’anthropocosmogenèse, notre vie quotidienne est le plan nécessaire où
s’effectue, à travers nous, la rencontre de l’universel et du particulier, de l’univers et
de l’homme.
Ceux-ci sont nécessairement juxtaposés dans une dualité qui est le foyer même
de nos expériences tangibles, alors que le dehors et le dedans ne sont que les deux
faces d’une même réalité en devenir.
Prendre de la hauteur ou de la distance vis-à-vis de notre incarnation
circonscrite au quotidien, c’est désigner la jonction des deux faces d’un même univers,
dans son évolution extérieure (l’univers, le cosmos) et dans son émergence intérieure
(l’imaginaire, l’anthropos).
En architecture, nous commençons à construire nos maisons par leurs assises.
En humanité, il conviendrait mieux de débuter par la ligne d’horizon et de
décliner, ensuite, le meilleur chemin qui peut nous y conduire.
Ce qui revient à baliser la trajectoire des hommes à partir d’une autre
conception de ce qui est essentiel.
Ce qui réclame une autre hiérarchie de nos besoins et une autre évaluation de
ce qui fait notre vraie richesse.
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Dans l’esprit du libre examen, il ne s’agit pas d’inventer une nouvelle doctrine
qui serait à enseigner ou d’instaurer une nouvelle croyance qu’on s’empresserait de
propager. Il est question de valider un processus sous-jacent qui, depuis l’origine, se
concrétise patiemment dans la jonction de deux infinis : la psyché et l’univers.
Nous sommes venus chacun au monde pour planter notre présence dérisoire
et, pourtant, si révélatrice dans le trait du peintre, dans le geste du danseur, dans l’élan
de l’amour.
Si le monde est en train de basculer, c’est aussi l’heure de brosser les dents de
la métaphysique et de songer chaque jour à l’immanence du secret qui rôde dans le
monde et qui finira bien par éroder la matière.
Voici le temps espéré d’une réconciliation entre l’histoire des hommes et celle
de l’univers, par-delà le temps perdu, éventré, retrouvé ; tandis que s’effilochent les
pierres et que le charme vient du feu subtil qui éclaire à nouveau le chemin, prisonnier
qu’il était du réseau des habitudes secondaires…
Hasardons-nous donc de l’autre côté du miroir, là où un processus millénaire
ne se limite pas à la temporalité courante et linéaire, mais lui préfère le temps cyclique
à travers lequel chaque civilisation est à la fois le grain d’une guirlande et un pépin mis
en terre pour des récoltes futures…
JACQUES VANAISE
vanaisejacques@gmail.co
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