Site de l'Association La Vie Astrologique (ex Mouvement Astrologique Universitaire). 8, rue de la Providence. 75013 Paris/ Une approche historico-critique de la littérature astrologique.
Faculté Libre d'Astrologie de Paris (FLAP)
Le but de ce blog est lié à la création en 1975 du Mouvement Astrologique Universitaire (MAU) . Il sera donc question des passerelles entre Astrologie et Université mais aussi des tentatives de constituer des enseignements astrologiques.
Constatant les lacunes des astrologues dans le domaine des
sciences sociales (hommes et femmes, structures
nationales et supranationales etc), la FLAP assurera à ses
étudiants des connaissances de première main et les plus
récentes qui leur serviront de socle pour appréhender
l'astrologie et en repenser les contours.
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dimanche 22 octobre 2023
Pierre Costabel Claude Ptolémée (Encyclopaedia Universalis)
Niveau
2
P151161
PTOLÉMÉE CLAUDE (90 env.-env. 168)
00:00:00 Durée totale : 9min 21s
ÉCRIT PAR
Pierre COSTABEL : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Le nom de Ptolémée n'est guère connu aujourd'hui qu'en tant qu'il désigne un système : le système astronomique qui plaçait la Terre immobile au centre du monde et dont la mise en question, de Copernic à Newton, a commandé la révolution scientifique. Ce fut pourtant le nom d'une œuvre considérable, dont l'Almageste et ses élaborations astronomiques ne sont qu'une part. Œuvre très étendue – bien différente de l'image caricaturale qui eut longtemps cours –, sorte d'encyclopédie des connaissances d'une époque et qui s'est enrichie avec le temps au point de rendre difficile l'appréciation de son état originel. Œuvre sans cesse recopiée au cours des siècles, passant du grec à l'arabe et au latin, transmise à travers tout le bassin méditerranéen et dominant le Moyen Âge occidental après avoir conquis l'Islām.
Ptolémée, Juste de Gand
Ptolémée, Juste de Gand
Erich Lessing/ AKG-images
Les qualités de l'œuvre – qui firent son succès – attestent l'existence de l'écrivain Ptolémée. Mais l'histoire ne sait de lui que le dernier éclat qu'il donna à l'école d' Alexandrie au milieu du IIe siècle de l'ère chrétienne. Sans doute fut-il davantage mathématicien qu'astronome, plus polygraphe que savant. Mais il sut transmettre et perfectionner, et en définitive constituer, des rassemblements de données numériques, qui furent très longtemps utiles pour l'astronomie, la physique, l'histoire et la géographie, et qui restent, malgré tout, des références. Loué avec excès jusqu'au Moyen Âge, Ptolémée a été méprisé avec exagération depuis le XVIIe siècle. Kepler et l'astronomie nouvelle, par exemple, lui doivent davantage que de simples motifs de contradiction.
L'« Almageste »
Le principal traité de Ptolémée portait dans sa version grecque originale le titre modeste de Syntaxe mathématique ; son succès en a fait la « Grande Composition », puis simplement, en arabe, la « Très Grande », Almagesti.
La dernière observation astronomique consignée dans ce livre pouvant être datée du 22 mars 141, on possède une donnée sûre pour situer l'activité de l'auteur au milieu du IIe siècle. Ptolémée naquit probablement vers 110, peut-être en Thébaïde, à Ptolemaïs d'Hermias, mais certainement pas à Peluse comme on l'a cru longtemps. La tradition de ses disciples atteste son rôle à Alexandrie et ses ouvrages postérieurs à l'Almageste supposent qu'il vécut au moins jusqu'en 160.
Épicycle de sens direct
Épicycle de sens direct
Encyclopædia Universalis France
Syntaxe, ou Composition, est bien le titre qui convient à l'Almageste. À côté des exposés concernant le catalogue des étoiles et les mouvements des astres (Soleil, Lune, planètes), il contient un traité complet de trigonométrie plane et sphérique, puis la description des instruments nécessaires à un grand observatoire : armilles, quarts de cercles mobiles, équatoriaux, astrolabes, globes célestes à pôles mobiles, dioptres pour l'observation des diamètres apparents. Ce rassemblement, unique en son genre dans l'Antiquité, explique déjà pour beaucoup le renom de l'ouvrage. Mais ce renom tient surtout à la manière dont l'auteur met en œuvre les résultats de ses prédécesseurs, particulièrement ceux de l'astronome Hipparque, qu'il cite maintes fois. Car s'il emprunte manifestement à ce dernier la découverte de l'excentricité des trajectoires apparentes du Soleil et de la Lune par rapport à la Terre et l'idée de composer ces trajectoires à l'aide de deux mouvements circulaires (l'un, le déférent, pour l'astre moyen ; l'autre, l'épicycle, autour de l'astre moyen), il complète et perfectionne. Suffisamment pour dresser du mouvement de la Lune des tables plus exactes et déterminer à l'avance avec plus de certitude les époques des éclipses et leurs caractéristiques.
Système de Ptolémée
Système de Ptolémée
Encyclopædia Universalis France
Sans doute Ptolémée est-il obligé, pour parvenir à ce perfectionnement qu'il applique ensuite aux planètes, de compliquer la représentation du mouvement de la Lune en supposant que le cercle déférent lui-même est excentré par rapport à la Terre et que son centre est mobile ; mais il montre que quatre données de l'observation suffisent pour déterminer mathématiquement les éléments de la composition des mouvements circulaires uniformes. Et c'est là une compensation remarquable.
De manière analogue, si les variations de latitude des planètes amènent Ptolémée à introduire un balancement du plan de leurs épicycles, cette complication supplémentaire ne se traduit pas par une difficulté grave dans le calcul, et c'est à un quart de degré près que le système permet en définitive de dresser les tables des mouvements planétaires.
L'ensemble relève d'une habileté calculatrice séduisante. Si cette habileté n'est aujourd'hui connue que des spécialistes de l'astronomie, du moins est-il à la portée de tous de comprendre combien la Terre immobile au centre du monde est une formule fallacieuse pour schématiser la pensée ptoléméenne. C'est chez Copernic que le centre du monde coïncide nécessairement avec un centre de rotations uniformes. Les excentricités des représentations de Ptolémée préparaient mieux, à ce point de vue, les voies de Kepler.
Une œuvre étendue
Avec l'invention de l'imprimerie apparaissent à Venise dès la fin du XVe siècle une géographie et un traité d'astrologie judiciaire attribués à Ptolémée, puis, au XVIe siècle, en même temps que l'édition s'intéresse à l'Almageste, sont publiés de divers côtés en Europe d'autres ouvrages également déclarés ptoléméens. Une histoire critique sérieuse de cette floraison est encore fragmentaire ; mais s'il est difficile de prendre au pied de la lettre toutes les attributions proposées, il est hors de doute qu'elles s'appuyaient sur des traditions manuscrites entretenues pendant des siècles. On ne saurait sans nuances se montrer sceptique sur l'ensemble.
Le Planisphère de Ptolémée, traité de la projection stéréographique, qu'on ne possède que par une traduction latine faite sur une version arabe, semble tout devoir à Hipparque ; mais, pour l'Analemne, dont l'original grec est également perdu, il n'y a aucune raison d'en contester la paternité à Ptolémée. Il s'agit dans cet ouvrage de deux autres types de projection de la sphère, où les arcs sont représentés soit par leurs tangentes, soit par leurs sinus verses.
La Géographie relève de méthodes pratiques grossières pour déterminer les longitudes et les latitudes, et l'on peut s'étonner qu'elle ait été attribuée au même auteur que les deux précédents ouvrages. Mais elle paraît résulter, de la part d'un sédentaire, d'un effort pour tirer parti de récits de voyageurs. Et, en son genre, cette compilation est utile malgré ses erreurs et porte la marque d'un esprit organisateur.
Les Tables manuelles, dont une partie est constituée par un abrégé des tables astronomiques de l'Almageste à l'usage des astrologues, ont en faveur de leur origine ptoléméenne le témoignage d'un disciple, Théon d'Alexandrie.
Une seconde partie est formée par le Canon chronologique des Rois (Babylone, Perse, Égypte, Rome) qui livre dans une chronologie commune des traditions diverses relatives à cinquante-cinq règnes, jusqu'à celui de l'empereur romain Antonin le Pieux inclusivement. C'est un document précieux pour l'historien de l'Antiquité. Sa constitution correspond parfaitement à la nécessité qui devait se présenter à un astronome du IIe siècle pour l'usage des observations passées.
On peut signaler encore un traité des Harmoniques, auquel Kepler a explicitement puisé une inspiration, et un manuscrit latin de l'Optique intéressant par ses tables de la réfraction et par la mention, utile pour la correction des observations astronomiques, du phénomène de la réfraction atmosphérique.
Le jugement de l'histoire
L'adage selon lequel on ne prête qu'aux riches s'appliquerait-il à une telle œuvre ? On ne saurait s'étonner en tout cas qu'elle ait continué à hanter longtemps la pensée des savants – la Chronologie de Newton en est un exemple –, tandis qu'elle était déjà l'objet de critiques sévères.
Du milieu du XVIIe au début du XVIIIe siècle, des voix autorisées se sont élevées non pour arracher à l'auteur présumé des morceaux de cette œuvre, mais pour lui reprocher d'avoir été un faux astronome, un simple utilisateur des observations d'autrui, et d'avoir moins songé à la science qu'au niveau moyen du commun des hommes.
Avec la première traduction française de l'Almageste (1813-1816), l'astronome Jean-Baptiste Delambre a émis un jugement plus serein et plus précis. Il note que l'ouvrage ne contient aucune précision numérique sur les instruments qu'il prétend être soit des perfectionnements, soit des inventions proprement dites. Il explique en quoi cette absence permet de douter que l'auteur se soit effectivement servi de ces instruments. Delambre note également que les calculs astronomiques du livre sont faits pour le parallèle de Rhodes, où demeurait Hipparque, et non pour celui d'Alexandrie. Que la variation de 36 secondes par an pour la longitude des étoiles telle qu'elle est déclarée n'est que la limite inférieure des évaluations d'Hipparque et qu'il s'agit là d'une erreur de compilateur qui ne sera corrigée par les Arabes que 700 ans plus tard. Mais, après avoir ainsi étudié de près quelques aspects de l'énigme, Delambre conclut en connaissance de cause que, ce qu'il y a de bon dans l'Almageste, c'est la mathématique. Et il ajoute : « Il n'est pas très sûr que Ptolémée ait fait disparaître tout exprès les observations d'Hipparque, elles ont pu se perdre par la négligence des admirateurs exclusifs de Ptolémée sans lequel d'ailleurs nous ne saurions rien. »
C'est là, certainement, la conclusion juste, que les travaux les plus récents confirment.
— Pierre COSTABEL
Bibliographie
Œuvres
C. PTOLÉMÉE, Syntaxe, trad. P. Halma, 2 vol., Paris, 1813-1816, rééd. Composition mathématique, 2 vol., Blanchard, Paris, 1988 ; Traité de géographie, trad. P. Halma, Paris, 1828, rééd. J. Peyroux éd., ibid., 1989 ; The Geography, E. L. Stevenson éd., Dover, New York, 1991 ; Manuel d'astrologie : la Tétrabible, trad. du grec M. Bourdin, Les Belles Lettres, Paris, 1993 ; L'Optique de Claude Ptolémée, éd. critique A. Lejeune, E. J. Brill, Leyde, 1989 ; Ptolemy's Almagest, trad. et notes, G. J. Toomer, Duckworth, Londres, 1984.
Études
G. AUJAC, Claude Ptolémée, astronome, astrologue, géographe, éd. du C.T.H.S., Paris, 1993
J. P. BRITTON, Models and Precision : the Quality of Ptolemy's Observations, Garland, New York, 1992
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