Site de l'Association La Vie Astrologique (ex Mouvement Astrologique Universitaire). 8, rue de la Providence. 75013 Paris/ Une approche historico-critique de la littérature astrologique.
Faculté Libre d'Astrologie de Paris (FLAP)
Le but de ce blog est lié à la création en 1975 du Mouvement Astrologique Universitaire (MAU) . Il sera donc question des passerelles entre Astrologie et Université mais aussi des tentatives de constituer des enseignements astrologiques.
Constatant les lacunes des astrologues dans le domaine des
sciences sociales (hommes et femmes, structures
nationales et supranationales etc), la FLAP assurera à ses
étudiants des connaissances de première main et les plus
récentes qui leur serviront de socle pour appréhender
l'astrologie et en repenser les contours.
.
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mardi 19 octobre 2021
jacques Halbronn Astrologie et Philosophie chez Patrice Guinard
Jacques Halbronn Astrologie et Philosophie chez Patrice Guinard
Entretien avec Patrice Guinard
par Angeles Rocamora Cortés
Note P.G.: Ce texte est l’original d’un entretien (Février 2002) qui est paru au 3e trimestre 2002 dans le numéro 37 de la revue barcelonaise Mercurio-3 (voir la version espagnole de l’entretien sur ce site).
A.R. : Quand et comment as-tu commencé à t’intéresser à l’astrologie?
P.G. : Tardivement, et par hasard. En décembre 1977 (j’avais 20 ans), j’étais invité par des amis à un week-end « à la campagne » au pays de Van Gogh, près d’Auvers-sur-Oise. On discutait beaucoup, passionnément: politique, métaphysique, société, liberté, écologie… On buvait, on fumait, tabac et herbe. C’est dans cette atmosphère agitée et dans cet état de « conscience accrue », pour reprendre l’expression de Castaneda, que j’ai découvert l’astrologie. Je ne savais rien de l’astrologie, et ignorais même, je crois, mon signe solaire. C’est une jeune fille qui m’a « initié » en me lisant les portraits zodiacaux d’un petit manuel en vogue. Je devais admettre, comparativement, des ressemblances plus marquées entre la représentation que je me faisais de moi-même et le portrait de mon signe solaire, qu’avec n’importe quel autre signe zodiacal. Puis je lisais des descriptifs planétaires, pendant qu’elle dressait mon thème natal. Là encore les deux ou trois planètes qui me semblaient plus proches de mes aspirations que les autres, étaient celles qui se retrouvaient sur les angles, après qu’elle eût dressé son curieux schéma. J’étais soudainement conquis et par l’astrologie et par la fille. [rires] Après ce saisissement, j’ai lu en quelques mois les principaux ouvrages d’astrologie disponibles en librairie (Santagostini, Verney, Rudhyar, Barbault, Gauquelin, Halbronn, Nicola, Vouga, etc, mais aussi Manilius, Selva et quelques autres), et en juillet 1980 je rédigeais mon premier article d’astrologie pour la revue des Cahiers Conditionalistes.
A.R. : Comment t’est venue l’idée d’entreprendre une thèse de doctorat consacrée à l’astrologie?
P.G. : J’avais déjà consacré en 1981 mon mémoire de Maîtrise à l’astrologie, certes sans m’y référer explicitement: intitulé « Mémoire et Extinction dans les Essais », c’était une analyse littéraire et un commentaire philosophique des idées et du style développés par Montaigne dans ses Essais, vu sous l’angle de son signe solaire, le Poissons. En 1983, de retour de coopération en Amérique du Sud, y ayant occupé le même poste que le romancier Jean-Marie Le Clézio une vingtaine d’années auparavant, je m’inscrivais à la Sorbonne pour préparer mon D.E.A. J’avais du mal à trouver un accord avec Jacques Bouveresse, depuis rattaché au Collège de France, sur le sujet à traiter: je voulais travailler sur les origines du discours métaphysique, sur les conceptualisations initiales mises en place au moment où surgit un nouvel épistèmè dans l’activité philosophique, conduisant les philosophes à inventer de nouveaux agencements conceptuels, chez les Présocratiques grecs par exemple ou chez Descartes. Ce projet était jugé trop vaste. Après de longues discussions, j’en suis venu à me dire: pourquoi ne pas travailler sur un sujet, certes peu orthodoxe dans l’université française, mais qui me tenait à coeur, à savoir l’astrologie? C’est ainsi que je présentais en juin 1984 mon mémoire sur « Le Temps cyclique astral », repris presque entièrement dans ma thèse de 1993.
A.R. : Quelles difficultés as-tu rencontrées dans les milieux académiques au moment d’élaborer ta thèse?
P.G. : Une thèse philosophique, consacrée à l’astrologie, était un sujet nouveau, impensable même, dans les universités occidentales, a fortiori françaises, de réputation « cartésiennes ». Hisser le discours astrologique au niveau des problématiques philosophiques, de manière à ce que les philosophes puissent éventuellement s’y référer, fut le véritable dessein de mon travail, partiellement atteint. J’ai dépensé presque autant d’énergie à la recherche d’enseignants qualifiés pour cette recherche, que pour ma thèse elle-même. Une boutade bien sûr, mais qui illustre assez bien la situation. Mon premier projet de thèse, déposé à l’université de Bordeaux en 1984, reprenait la problématique de mon DEA et s’intitulait « L’Etre et le Temps dans l’Astrologie (Fondements logiques et sémiologiques de l’astrologie contemporaine) ». J’étais en désaccord avec mon directeur de thèse sur l’orientation à donner à ma recherche, et j’ai coupé les ponts: c’était ma thèse et mes idées, non celles d’un autre ou d’une institution. Après l’épisode de Bordeaux (voir le prologue à mon Manifeste), je me retrouvais seul, et continuais à travailler cette thèse en dehors de tout cadre académique. C’est en 1990 seulement que ma thèse, à cette époque aux deux tiers rédigée, trouva l’agrément d’un professeur de la Sorbonne, et j’en remercie Antoine Faivre (alors directeur de recherches à la Ve section de l’École Pratique des Hautes Études, et y ayant occupé la seule chaire en France consacrée à l’étude des courants ésotériques et mystiques), dont l’aide décisive, à quatre reprises précisément, m’a permis de mener mon projet à terme.
A.R. : Qu’est-ce que cela a impliqué, d’une part personnellement, d’autre part pour ta carrière professionnelle, de dédier ton D.E.A. et ton Doctorat à l’astrologie? Ne t’importe-t-il pas d’être reconnu comme philosophe et comme astrologue en même temps? Le fait d’être astrologue a-t-il engendré un handicap pour ta profession et ta reconnaissance académique?
P.G. : Je n’ai aucune ambition carriériste, autrement je me serais contenté de travailler sur la pensée des autres, avec les idées des autres, plus ou moins réaménagées, comme c’est le cas de la plupart des thèses universitaires. Si un poste académique m’était proposé, comme certains semblent le souhaiter, je crois que je réagirais comme Spinoza. Il ne faut pas oublier que l’université a toujours été à la remorque des innovations, et que peu de philosophes, par le passé, y ont occupé les postes exagérément enviés aujourd’hui. On connaît le parcours philosophique et l’existence des quatre principaux penseurs français des siècles précédents, à savoir Montaigne, Descartes, Rousseau et Maine de Biran: tous étrangers à l’université. Je ne me considère absolument pas comme une victime de l’idéologie scientiste anti-astrologique, car finalement je suis parvenu à trouver un équilibre et une liberté que les contraintes académiques ne pourraient me procurer. De plus, depuis l’ouverture du CURA, j’entretiens des relations amicales avec un certain nombre de ces universitaires, originaires de divers continents, et quelque peu à l’étroit dans leur carcan académique. Quant aux astrologues, pourtant marginalisés et méprisés dans les milieux intellectuels, ils reproduisent généralement à leur niveau, à travers leurs clubs, associations et regroupements, les mécanismes d’exclusion que ces milieux mettent en place envers eux, ce qui constitue une terrible menace pour les jeunes astrologues.
A.R. : Comment te perçois-tu toi-même, comme astrologue ou comme philosophe?
P.G. : Les deux, à parts égales. Tout s’est joué au début des années 80. A cette époque je lisais beaucoup plus les philosophes et les poètes que les astrologues, auteurs généralement d’une littérature très pauvre. Il y avait dans mon organisation mentale deux pôles d’égale intensité que je ne parvenais pas à départager, avec tous les conflits de représentation que cela implique: d’une part la pensée de Nietzsche qui était véritablement le sommet de la pensée occidentale (et le XXe siècle a montré, à mes yeux, que ce sommet n’a pas été dépassé), d’autre part l’astrologie. Brusquement, à un moment décisif de l’agencement de mes connexions nerveuses [rires], le pôle nietzschéen s’est écroulé: j’ai vécu mon « effondrement de Nietzsche » et la « naissance de ma philosophie ».
A.R. : En quoi ta thèse se distingue-t-elle d’autres thèses également dédiées à l’astrologie?
P.G. : Les thèses dont j’ai pris connaissance (voir mon recensement sur le site du CURA: http://cura.free.fr/01authd.html) sont asservies à une méthologie extérieure à l’astrologie, issue de disciplines diverses: histoire, psycho-statistique, psychanalyse, sociologie, théologie, médecine, odontologie… J’ai essayé dans mes travaux de définir des concepts propres à l’univers astrologique et susceptibles d’en légitimer intellectuellement la démarche, tout comme, parallèlement, de reconstituer un corpus viable par sa cohérence et aussi par sa confrontation aux exigences de la raison moderne. Il reste une grande ambiguïté dans ce travail: ces concepts (matrice, raison matricielle, impressional, quadriversité…) paraissent justifier la plupart des pratiques astrologiques, mais elles subissent en revanche une critique radicale à travers l’argumentation qui justifie la mise en place d’un modèle astrologique passé au crible de la raison. Certes criticable dans ses aspects les plus restreints, la raison moderne implique pourtant certaines exigences au niveau du discours et des représentations mentales comme au niveau du réel physique, — des vraisemblances dont l’astrologue devrait tenir compte sous peine de retomber dans l’autisme social alimenté par les petites corporations astrologiques. Ma thèse a tenté d’établir cette passerelle.
A.R. : L’astrologie devrait-elle faire partie des cursus universitaires?
P.G. : Des cursus de recherche historique ont récemment été mis en place en Grande-Bretagne au Warburg Institute de Londres et dans les universités de Southampton, de Bath et de Kent, grâce au don d’un million de Livres Sterling, je crois, mis à la disposition de la recherche par une riche donatrice britannique. On connaît aussi l’habilitation assez récente obtenue par le Kepler College de Seattle aux Etats-Unis. L’astrologie, qui est un phénomène culturel universel, était présente dans la plupart des branches du savoir jusqu’au XVIIe siècle en Europe. Les études historiques ne pourront plus se passer d’elle dans les décennies à venir, et l’ouverture de chaires d’histoire de l’astrologie ancienne est tout-à-fait probable. Quant à savoir si l’astrologie peut revendiquer la fonction d’un enseignement à part entière, comme la psychanalyse, c’est une autre question, dont la réponse dépendra de l’évolution des mentalités dans les milieux académiques, comme de la capacité des astrologues à s’adapter.
A.R. : Quel est selon toi le pire ennemi de l’astrologie?
P.G. : Les scientistes sont des ennemis déclarés de l’astrologie, mais lui nuisent beaucoup moins que les astrologues qui en font commerce. L’astrologie, en son état présent, devrait être un sacerdoce, non un négoce. (voir mon texte entièrement consacré à cette question sur le site du CURA: http://cura.free.fr/16cura.html).
A.R. : Quelle formation selon toi devrait avoir un astrologue?
P.G. : L’astrologue de consultation est un praticien. Il fait de l’astrologie appliquée, non de l’astrologie. Quelle utilité à conseiller autrui, si l’on ne possède soi-même qu’une compétence à peine supérieure à celle de ses « clients »? Comme dans la métaphore de l’aveugle voulant guider des paralytiques, c’est à la fois une illusion et une supercherie. Les astrologues prestigieux du passé étaient des savants, des érudits. Sans cette recherche de la connaissance par l’astrologie, aussi chimérique puisse-t-elle paraître dans nos sociétés hyper-spécialisées, il n’est pas d’astrologie. L’astrologue doit d’abord se confronter aux exigences de la pensée moderne, et accomplir dans ce cadre une habilitation, quelle que soit la discipline qu’il choisisse. Ensuite ou en même temps, il doit étudier l’histoire des modèles astrologiques, la philosophie et l’épistémologie, l’astronomie, et enfin la psychologie. Ces quatre disciplines sont les piliers de son savoir. Il doit faire en sorte de se mettre à niveau autant que faire se peut.
A.R. : Dans ta thèse tu soutiens que l’astrologie est un savoir ayant survécu au temps, aux changements, aux transformations culturelles et aux attaques de toutes sortes. D’un autre côté, tu développes une forte critique des pratiques des astrologues. Les astrologues ont aussi survécu quoiqu’ils sont aujourd’hui proscrits et considérés comme des fous. Quelle devrait être l’attitude des astrologues pour évoluer dans le futur?
P.G. : L’astrologie a survécu à ses détracteurs, à l’inverse de multiples pratiques, religions et idéologies tombées en désuétude, parce qu’elle recèle une part de vérité sur la nature de l’homme et du monde. L’idéologie moderne ne pourra pas refuser encore longtemps ce simple constat. Les analyses sociologiques relatives à l’astrologie n’ont pour fonction que de donner le change, mais comme elles sont aussi pauvres intellectuellement que la plupart des discours astrologiques, elles finiront très vite dans les oubliettes. L’astrologue n’a pas à prendre de posture: il doit travailler, parfaire ses armes et ses outils, de manière à être en mesure d’affronter l’hostilité.
A.R. : La grande majorité des astrologues, surtout ceux de tendance traditionaliste, pensent qu’on ne peut séparer l’astrologie de la prédiction. Pourquoi t’opposes-tu de manière si radicale à la prédiction?
P.G. : On ne prédit que l’événementiel, et l’astrologie a trait au psychique, au monde intérieur. Ce penchant a la prédiction a toujours été le talon d’Achille de l’astrologie, et le restera tant qu’elle n’en sera pas libérée. Avec la prédiction, on entre dans un univers empirique, étranger à la nature de l’astrologie, et que les sceptiques de toutes tendances auront toujours beau jeu de fustiger. Il n’existe aucun corpus de prédictions vérifiées, et justifiées par une méthode astrologique contrôlable, pas plus hier qu’aujourd’hui. Les astrologues du passé avaient besoin de persuader les divers mécènes qui les entretenaient financièrement des possibilités prédictives de l’astrologie. Cette dernière a été entraînée dans ce jeu de dupes pendant des siècles, et les faiseurs contemporains qui reprennent cette « tradition » ne sont pas loin de l’escroquerie. Je ne crois pas que les astrologues du passé, parmi les plus compétents, aient été persuadés de l’efficacité de la prédiction astrologique. Voyez par exemple Johannes Stoeffler. Il y a d’ailleurs en la matière un étrange paradoxe: d’une part l’existence de nombreuses techniques astrologiques asservies à la prédiction, et dont certaines précisément ont été inventées à une époque ou une autre à cette fin, d’autre part l’affirmation omni-présente dans les traités du passé du dogme du libre-arbitre, c’est-à-dire de l’entière liberté du jugement humain: « Le sage domine les astres ». Il s’agit là d’une adaptation politique du discours astrologique à des impératifs idéologiques et théologiques. Je suis à l’opposé de ces vues: astrologiquement, la prédiction est impossible, philosophiquement c’est le libre-arbitre qui l’est. Voyez Descartes, Spinoza etc… et Paracelse! A supposer néanmoins qu’un esprit intuitif doté de talents d’une toute autre nature que ceux que la stricte astrologie puisse lui procurer, que cet esprit se mette dans l’idée de se lancer dans la prédiction, et qu’il sache faire la part des facteurs extra-astrologiques dans l’événementiel prospecté, alors il devrait s’en tenir à une règle d’or en usage chez les anciens astrologues indiens: à savoir, abandonner ses prétentions à la première erreur. Impératif auquel je me soumets moi-même, suite à la seule « prédiction », manquée, incidemment glissée dans une note de ma thèse de 1993: j’avais envisagé un effondrement économique et financier sans précédent pour l’année 1997. La « crise asiatique » n’a pas eu l’ampleur que j’avais imaginée. Aussi, cette activité-là est terminée pour moi! [rires]
A.R. : Ta position face à l’astrologue qui dresse des thèmes natals est très claire. Penses-tu que le profane ne doit pas accéder à l’astrologie natale?
P.G. : Paul Choisnard préconisait au début du siècle de suspendre la consultation. Certains de ceux qui s’en réclament aujourd’hui multiplient les indicateurs astronomiques qui surchargent la carte natale, ce qui m’apparaît comme une pratique aberrante et irresponsable. Dresser des cartes natales est une chose, les psychologiser et les vendre en est une autre. Vouloir « adapter » le client égaré et crédule à une société et une culture sur lesquelles aucune réflexion critique n’est jamais menée me semble plus grave encore. A ce compte, l’astrologue-consultant devient le jouet, non des astres, mais de l’industrie du spectacle, rien d’autre! Bien sûr l’astrologue doit dresser des cartes natales, d’abord à ses débuts, ne serait-ce pour se convaincre de la réalité du fait astrologique. S’il poursuit cette pratique, encore faut-il savoir quel en est l’enjeu. Je ne m’oppose pas à la pratique de la carte natale, mais à la surcharge de la carte natale par une multitude d’éléments qui n’ont jamais été interrogés, à la psychologisation de ces éléments, et à leur braderie dans la consultation. De plus il est évident que ces pratiques infantilisent le public profane, le maintiennent, comme dans le cas de la psychanalyse, dans un état de servitude et de manque tout à fait malsains, et surtout donnent de l’astrologie une image tout-à-fait déplorable. Il ne faut pas oublier que la carte natale n’est qu’une application relativement marginale de l’astrologie. En faire « toute l’astrologie » relève de l’outrecuidance. La médecine ne s’élabore pas dans les cabinets médicaux, mais dans les laboratoires. Par ailleurs les astrologues praticiens, contrairement aux médecins, n’ont généralement aucun respect pour la recherche, et sont à l’affût des quelques recettes qu’ils pourront aisément exploiter avec leur clientèle.
A.R. : Si l’astrologie ne relève ni de la prédiction, ni de l’interprétation de cartes natales, ni de la psycho-astrologie, alors à quelle finalité devrait-elle servir?
P.G. : C’est la question. Faire de l’astrologie c’est raisonner astrologiquement, c’est faire usage de ce que j’ai appelé la « raison matricielle ». L’astrologie est un mode de connaissance, non un outil de vente. En ce sens elle est assez proche de la philosophie et de la religion, une religion sans dogme ni rituel, une philosophie avec des contraintes et exigences d’ordre physique, et qui présuppose une autre manière de raisonner que le raisonnement analytique et dualistique en usage dans la pensée occidentale. Le cas du bouddhisme philosophique est assez proche de celui de l’astrologie: à quoi sert-il? L’astrologie permet d’accéder à une compréhension du réel qui résulte d’une perception « naturelle », inhérente à l’organisation temporelle et structurelle du psychisme humain. En ce sens, l’astrologie est une philosophie naturelle (si ce n’est une philosophie de la nature), trans-culturelle, méta-culturelle, et même en un certain sens a-culturelle, mais non sans passé culturel. L’astrologie est ce retour aux sources de la pensée humaine, par-delà les divers orientations et conditionnements culturels qui ont façonné les esprits et les mentalités depuis quelques millénaires. Je crois qu’elle sera le principal ferment de la philosophie des prochains siècles.
A.R. : Jusqu’où penses-tu que l’astrologie va évoluer?
P.G. : Difficile à dire. L’astrologie se trouve à la croisée des chemins. Elle peut poursuivre la recherche à partir des orientations innovantes mises en place au cours du siècle précédent, ou alors adopter les consensus imposés par les divers groupes d’influence et sombrer dans le babillage commun en usage et en forte augmentation actuellement dans la plupart des revues astrologiques. Je répondrai encore autrement à ta question, Angeles: je suis persuadé que l’âge d’or de l’astrologie est devant elle, mais en raison de la nature de son savoir, qui relève essentiellement de l’équanimité, l’avènement de l’astrologie ne sera possible qu’avec la libération des consciences de leur asservissement aux représentations mentales et aux idéologies de quelque nature qu’elles soient. Ce n’est vraisemblablement pas pour demain, et il faudra sans doute passer par des temps de trouble et par la désaffection de ces représentations pour que cet avenir puisse se préciser. On a vécu il y a maintenant dix ans l’effondrement de l’idéologie soviétique, que nul n’attendait. D’autres, et de plus solides en apparence, sont en voie de déliquescence.
A.R. : Dans ta thèse, les positions académiques, scientifiques et astrologiques communes sont fortement critiquées. Comment et en quoi devraient-elles changer?
P.G. : Le monde académique devrait prendre conscience que la plupart des innovations réelles dans la connaissance se sont créées dans le passé en dehors de lui, et c’est une illusion de croire que la situation a changé. Le monde scientifique doit abandonner ses prérogatives sur la connaissance en général et admettre qu’il ne représente qu’un type de connaissance parmi d’autres, et qui ne s’applique, idéalement, qu’à certains types d’objets, qu’il crée d’ailleurs. La science expérimentale est finalement une invention récente, dont la conséquence directe est la transformation des quatre variables de notre environnement: Terre, Hommes, Objets et Images mentales. Qu’on en dresse le bilan, et qu’on en tire les conséquences.
A.R. : Que signifie: « Penser l’astrologie » ?
P.G. : Penser l’astrologie c’est s’interroger sur soi et sur le monde en même temps qu’on interroge les représentations astrologiques. C’est aussi interroger les modèles et les conceptions astrologiques. Les discours et pratiques astrologiques communes sont des bric-à-bracs absurdes d’idées et de théories diverses (les parts, les heures planétaires, les noeuds lunaires, les domifications Campanus, Placidus et autres, les quatre éléments, les progressions, les aspects mineurs, les astéroïdes…) mises en place à tel moment de son histoire, par tel astrologue ou par telle école. Ces idées et systèmes sont incompatibles entre eux et contradictoires. Ils ont été imaginés, souvent pour des raisons autres qu’astrologiques, généralement par assimilation culturelle ou simplement par des procédés numérologiques. On peut se faire une idée du chaos existant déjà dans l’univers astrologique grec en lisant l’ouvrage classique de Bouché-Leclercq (1899). Penser l’astrologie, c’est entreprendre une recherche d’ordre épistémologique, en interrogeant ces modèles et les divers éléments qui se sont incrustés dans le corpus astrologique au cours de son histoire, tout en les confrontant aux exigences de la pensée moderne. Autrement dit, c’est faire le ménage. La mathématique a trouvé son unité et sa logique. Je souhaite que l’astrologie fasse de même.
A.R. : En vérité tu penses que l’astrologie est rabaissée parce qu’elle fait peur?
P.G. : Bien sûr. Elle fait peur, et aussi elle a peur. L’astrologie a besoin de s’imposer par la pensée, mais aussi par la persuasion et par la force. N’étant ni jupitérien ni martien, je laisse ces voies à d’autres! [rires] Autrement dit, elle a besoin de diplomates, rompus aux conventions et juridictions sociales, de guerriers et -oui! – de missionnaires, non de vendeurs et de profiteurs.
A.R. : Dans ta thèse, tu abandonnes des méthodes et outils divers employés par les astrologues: points fictifs, astéroïdes, astrologie sidérale, systèmes de maisons, etc… Mais le plus innovant est l’usage d’un système de Maisons totalement différent et que tu as appelé le Dominion. Quels sont les avantages de ce système de domification? Et comment se fait-il que le système traditionnel fonctionne aussi?
P.G. : Ce qui marche ou fonctionne pour les astrologues, ce sont surtout leurs jeux de langage sur les symboles via des rapprochements analogiques unilatéraux, autrement dit « ça ne marche » qu’en raison de leur dextérité verbale, et dans leur imagination. Le Dominion est la refonte moderne de l’octotopos, c’est-à-dire d’un système des Maisons plus ancien que le système par 12, qui n’est que le décalque zodiacal sur la sphère locale, probablement imaginé pour satisfaire aux besoins de l’astrologie horaire. Le Dominion n’a rien à voir avec ce système divinatoire, abandonné d’ailleurs par un certain nombre d’astrologues au XXe siècle. Il représente les 8 directions spatiales naturelles, celles de la boussole ou celles des vents, et traduit ces différentes modalités de l’espace dans la conscience, comme modes d’intégration à l’environnement. La Maison est un opérateur extrêmement puissant et même déterminant dans l’économie psychique de la personne, puisqu’elle indique, de manière sûre, comment l’individu cherche à extérioriser ses aspirations. Savoir qu’une personne est Individuation ou Participation, Objectivation ou Allégation, est une information beaucoup plus importante, dans ma pratique, que de savoir si elle « est » Gémeaux ou Balance, ou même Vénus ou Saturne..
A.R. : Comment peut fonctionner l’astrologie, si ce n’est ni par la synchronicité, ni par des influences physiques décelables?
P.G. : La synchronicité jungienne est une idée totalement dénuée de sens pour comprendre le fait astrologique: je m’en suis expliqué à diverses reprises, et Jung lui-même a été assez clair sur ce point. Quant aux influences physiques, elles existent nécessairement, car autrement il n’y a pas d’incidence astrale possible. Entre le signal physique et les comportements observés, il existe un espace qui est à proprement parler celui dont doit s’occuper l’astrologie, l’espace psychique-astral, celui de l’anatomie et de la dynamique des processus psychiques tels qu’ils peuvent être appréhendés à la lumière de l’astrologie. Cet espace, l’astrologue le traduit généralement sous forme de symboles, mais son problème reste de faire la part entre ce psychique-astral et son imaginaire, entre ce qui peut être ressenti, indépendamment de toutes représentations mentales, et ce qui n’est que le fruit de son imagination et des jeux infinis qui se déroulent aux confins de ce qu’il sait ou croit savoir de l’astrologie.
A.R. : Que penses-tu du débat actuellement en cours en France au sujet de la thèse de Mme Teissier et de l’opposition radicale des sociologues français?
P.G. : La thèse d’Élizabeth Teissier n’est pas meilleure ni pire que la plupart des thèses soutenues en sociologie. Mais qu’est-ce qu’une bonne thèse de sociologie!? [rires] Seule une frange de la sociologie française, et non toute la sociologie française, a cherché à dénier le caractère sociologique du travail d’E.T. et s’est agitée autour de « l’affaire Teissier », qui a été le prétexte, semble-t-il, à des règlements de compte dans le milieu sociologique lui-même. Une pétition de principe a été signée avant même que les pétitionnaires n’aient pris connaissance du contenu de la thèse. Cette attitude « scientifique » rappelle celle des instigateurs du Manifeste américain de 1975 contre l’astrologie. Il faut savoir qu’en appui à Michel Maffesoli, le directeur de thèse, un autre représentant éminent de la sociologie française, Jean Baudrillard, peut-être le seul sociologue français qui passera à la postérité, a pris énergiquement parti pour la thèse et dénoncé les diktats inquisitoriaux des intrigants. Je crois qu’il s’agit essentiellement d’un problème idéologique: les sociologues français n’ont pas supporté qu’une thèse sur ce sujet ait pu être soutenue dans leur discipline par une astrologue, et de plus par une vedette médiatique. C’est pour eux toute la crédibilité de la sociologie qui est douloureusement remise en question, d’autant plus que la sociologie souffre déjà endémiquement d’un déficit de scientificité (sur ce sujet, voir mon article publié sur ce site, http://cura.free.fr/19afftei.html ).
A.R. : Beaucoup d’astrologues souhaiteraient que le fait astrologique puisse obtenir une reconnaissance scientifique. Mais ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que l’astrologie ne remplit pas les conditions scientifiques nécessaires. Les astrologues ne devraient-ils pas porter leurs efforts à situer l’astrologie du côté des connaissances herméneutiques plutôt que de vouloir la situer en vain dans le champ des sciences « dures »?
P.G. : Comment l’astrologie pourrait-elle avoir une place parmi les sciences physiques, alors qu’elle n’a pas d’objet physique? Quant à son inclusion au sein des connaissances herméneutiques, il faut s’interroger précisément sur les raisons qui font qu’elle ne satisfait pas plus aux exigences de la pensée herméneutique, sinon il n’y a aucune raison qui s’opposerait à ce qu’elle en fasse partie. Je crois que l’astrologie relève d’une tout autre épistémè que celui de l’herméneutique, et que j’ai tenté de définir par sa matricialité, et par la notion de raison matricielle. Je crois que c’est la seule hypothèse viable pour l’astrologie, mais je ne sais si l’université est prête à l’accepter, ni quand elle le sera. Ce n’est donc pas, en la matière, à l’astrologie de s’adapter, mais à l’université de se transformer. En l’état actuel, l’astrologie n’a pas sa place en tant que discipline autonome. Que ce soit regrettable ou non, et beaucoup d’astrologues ne s’en soucient guère contrairement à ce que tu dis, il est possible que l’astrologie, à plus ou moins court terme, puisse trouver sa place comme discipline auxiliaire, car la raison matricielle traverse tous les domaines de la pensée. C’est pourquoi je dis que faire de l’astrologie, c’est d’abord faire usage de la raison matricielle, c’est-à-dire mettre en place une logique plurielle, le plus souvent quadri-polaire, qui aboutisse à des « résultats » tangibles, en quelque domaine que ce soit. Et pour cela, il n’est pas même besoin de nommer explicitement les outils astrologiques (planètes, signes, etc.), mais de s’en servir. Ce n’est donc pas une lutte entre domaines de savoir dont il s’agit, mais entre les méthodes qui traversent ces domaines. A ce compte d’ailleurs, « l’astrologie » est déjà présente, peu ou prou, dans les enseignements académiques, et ce depuis longtemps.
A.R. : Comme la psychanalyse, l’astrologie affirme que l’homme est la maître de son existence. N’est-ce pas pour cette raison que l’astrologie reste proscrite depuis des siècles?
P.G. : Oui sans doute: l’astrologie a dû perpétuellement ménager le dogme du « libre arbitre » imposé par la théologie chrétienne, et aujourd’hui celui de la liberté de la conscience et de la responsabilité. La psychanalyse est en effet une concurrente directe de l’astrologie, mais plus jeune, plus adaptée à la modernité et à ses exigences, mais aussi vouée à ses idoles et à une certaine impuissance. Le fait est que de nombreux thérapeutes relativisent le contenu de l’enseignement psychanalytique et lui incorpore des données astrologiques, n’est pas de bon augure pour l’avenir de la psychanalyse, dont la scientificité est de plus en plus battue en brèche.
A.R. : Tu as défendu l’idée que les astrologues praticiens apportent une partie de leurs recettes à la création d’un fonds qui serait utilisé pour les activités de recherche, l’édition et la traduction d’ouvrages anciens, et pour la création d’une bibliothèque. N’est-ce pas contradictoire de vouloir taxer l’activité de gens que tu considères en partie comme nuisibles à la cause astrologique? Ne devrait-on pas plutôt essayer de combattre et d’éradiquer le mal à la racine?
P.G. : Cette proposition ne s’appliquerait dans un premier temps qu’aux horoscopes et prédictions des journaux, radio, web et autres médias, autrement dit aux pratiques les plus nocives selon l’avis de la majorité des astrologues « professionnels ». Cependant elle a peu de chances d’être retenue, car elle supposerait que les milieux astrologiques soient unis et aient une volonté commune, ce qui n’est pas le cas. Si toutefois ce projet pouvait se mettre en place, il permettrait le développement d’une astrologie sérieuse qui évacuerait à plus ou moins long terme ces pratiques lamentables.
A.R. : Qu’a signifié pour toi la remise du prix Gloria de Pubill au meilleur article en langue étrangère décerné par la revue Mercurio-3 ?
P.G. : J’ai été très touché de recevoir ce prix, qui signifie d’abord pour moi que les lecteurs attendent autre chose que les innombrables articles d’interprétation et de prédiction post factum, élaborés avec plus ou moins de dextérité et qui polluent la plupart des revues astrologiques. Ils se posent des questions, essayent de comprendre comment ça fonctionne, et ne se contentent pas toujours de croire que « ça fonctionne ».
A.R. : A partir de tes expériences et de tes rencontres au Ier Congrès d’Andorre, que penses-tu de l’état de l’astrologie espagnole comparativement à celui de l’astrologie française ?
P.G. : Pardonne-moi de le dire en quelques mots lapidaires: l’astrologie espagnole m’a semblé relativement jeune, et réceptive à la nouveauté; l’astrologie française est vieille et aigrie, minée depuis cinquante ans par des conflits de pouvoir entre clans rivaux et par des intérêts associatifs qui grèvent sa vitalité. Le congrès d’Andorre a été une grande réussite, et j’ai été séduit par son ambiance chaleureuse et conviviale, ainsi que par son excellente organisation. En plus du succès que connaît le CURA en Espagne et en Amérique latine, l’accueil qui m’a été réservé en Andorre et l’attention renouvelée de Jaume Martín pour mes recherches dans sa revue Mercurio-3, vont bientôt faire de moi … un auteur espagnol! [rires]
A.R. : Ta thèse a beaucoup apporté à l’astrologie. Quels projets as-tu pour l’avenir?
P.G. : Mon seul projet présent est la poursuite du travail de recherche et de diffusion, mis en place sur le site du CURA, et je te remercie Angeles, pour ta contribution inestimable au volet espagnol du site. »
Notre commentaire, aujourd’hui, à propos de cette interview de 2001, lors du congrès d’Andorre, où nous nous trouvions nous-même, en tant que représentant de la FDAF (Fédération des Astrologues francophones) au lendemain de la création du CURA, il y a donc vingt ans et au lendemain du Colloque MAU-CURA de décembre 2000. On notera que Guinard ne se référe pas à la théologie ni à l’idée de Nature, lesquelles sont en dialectique. Or, pour nous, le grand obstacle pour l’astrologie est qu’elle oscille entre Nature et Culture, alors qu’il s’agit d’une troisiéme voie, qui est celle d’une Nature repensée, reformatée mais qui n’est pas pour autant l’oeuvre de notre Humanité mais celle de « dieux » chargés de réaménager notre planéte et son systéme solaire, ce que l’on retrouve dès le premier chapitre du Livre de la Genése. Lacune donc chez Guinard à l’aune de la théologie. L’autre lacune concerne la pensée politique. Guinard ne comprend pas que l’astrologie a vocation à organiser notre Humanité et qu’en ce sens, c’est bien dans son rapport à la Cité que se situe sa fonction et non point sur le plan individuel, d’où l’importance des cycles collectifs. (cf notre texte La Pensée Astrologique, in L’Etrange Histoire de l’Astrologie de Serge Hutin, Ed Artefact, 1986, donc antérieur à la thèse de Guinard 1993 dont nous avons suivi la soutenance) Guinard déclare (cf supra)!:
» Savoir qu’une personne est Individuation ou Participation, Objectivation ou Allégation, est une information beaucoup plus importante, dans ma pratique, que de savoir si elle « est » Gémeaux ou Balance, ou même Vénus ou Saturne »..Le véritable clivage n’est pas dans l’horizontalité -appartenance à tel ou tel groupe culturel – mais dans la verticalité -compétences propres à tel ou tel groupe. La véritable dialectique est justement celle des périodes qui favorisent l’affirmation individuelle et celles qui passent par une conscience de classe, ce qui implique une cyclicité au niveau social dont Guinard ne traite guère. Autrement dit, Guinard ne maitrise ni ce qui est en amont – les dieux- ni ce qui est en aval- les classes, il se concentre sur la dimension individuelle qui dépend, en fait, de la cyclicité.
JHB
19. 10 21
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