Site de l'Association La Vie Astrologique (ex Mouvement Astrologique Universitaire). 8, rue de la Providence. 75013 Paris/ Une approche historico-critique de la littérature astrologique.
Faculté Libre d'Astrologie de Paris (FLAP)
Le but de ce blog est lié à la création en 1975 du Mouvement Astrologique Universitaire (MAU) . Il sera donc question des passerelles entre Astrologie et Université mais aussi des tentatives de constituer des enseignements astrologiques.
Constatant les lacunes des astrologues dans le domaine des
sciences sociales (hommes et femmes, structures
nationales et supranationales etc), la FLAP assurera à ses
étudiants des connaissances de première main et les plus
récentes qui leur serviront de socle pour appréhender
l'astrologie et en repenser les contours.
.
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mercredi 2 mars 2022
Michael Mandl Les dignités et les débilités planétaires
Les dignités et les débilités planétaires
Conférence du 13 novembre 2017 par Michaël MANDL
Institut Astrologique Belge
e vous propose une exploration des dignités et débilités planétaires, au sens où j’espère
vous faire découvrir les faits sous un autre angle, pour une meilleure compréhension,
mais en proposant aussi quelques hypothèses ou tout au moins des pistes de réflexion.
S’agissant d’une exploration, les terrains qui restent à développer sont encore nombreux…
Les dignités et débilités planétaires sont un sujet classique de l’astrologie, sur lequel
tout le monde semble plus ou moins s’entendre, mais qui conserve sa part de mystère,
notamment s’agissant des exaltations, dont personne à ce jour n’a pu comprendre la logique.
Pour préciser notre sujet, qui est très vaste, il importe de faire d’emblée une distinction
entre les dignités (et débilités) essentielles et les dignités (et débilités) accidentelles :
Les dignités essentielles renvoient aux attributions zodiacales et elles ont pour pendant
les débilités essentielles.
Les dignités accidentelles sont liées à la spécificité d’une carte du ciel et de chaque
position en particulier, en maisons mais pas seulement.
Nous allons nous intéresser ici aux dignités et débilités essentielles.
L’astrologie grecque retenait surtout cinq dignités essentielles : le domicile, l’exaltation,
le trigone (ou triplicité), le terme et le décan. Si l’on se réfère toutefois à Ptolémée, on
constate qu’il n’accorde aucun intérêt aux décans ni aux chutes planétaires d’ailleurs, qui ne
sont cités nulle part dans son œuvre, alors que le « prince des astrologues » assigne un autre
ordre d’importance aux dignités : les domiciles en premier, ensuite les trigones, puis les
exaltations, les termes et les « autres » (sic)…
Parmi ces dignités, les domiciles et les exaltations ont survécu, pourrait-on dire, tandis
que les triplicités, les termes et les décans sont quelque peu tombés en désuétude, sans doute
parce qu’il n’y a pas d’unanimité quant à leurs attributions, plusieurs systèmes coexistant, ce
qui n’est pas le cas des domiciles et des exaltations.
Notre sujet se concentre donc sur ces deux dignités, ainsi que sur les deux débilités qui
en découlent : l’exil et la chute.
Les dignités et les débilités essentielles traduisent la manière dont les énergies
planétaires s’expriment, le cadre et les outils qui leur sont donnés, mais s’agit-il pour autant
de positions favorables et défavorables a priori ?
Denis Labouré s’est attaqué à la question : dans sa perspective, « la dignité essentielle
(…) renforce l’essence de la planète. La débilité essentielle empêche la planète d’agir selon
sa nature propre »
1
. Fait pour le moins étonnant chez cet auteur qui se revendique de la
Tradition, il s’en réfère pourtant à Morin de Villefranche (XVIe siècle), qui a pour sa part
marqué un tournant annonciateur de l’astrologie contemporaine… : « L’action bienfaisante
des planètes bénéfiques par nature et par l’état céleste se manifeste par la production directe
du bien, lorsqu’elles sont en maisons heureuses ; par la suppression du mal en maisons
1 Denis LABOURÉ, Rôle de chacune des 5 dignités dans l’interprétation du thème, in Les maîtrises planétaires,
Actes du Congrès d’Hermès, Agapé, 2000, p. 36.
J
2
malheureuses. L’action malfaisante des maléfiques par nature ou par état, par la production
directe du mal en maisons malheureuses et par la suppression du bien en maisons
heureuses »
2
.
Les choses sont finalement simples avec Morin de Villefranche : une bénéfique par
nature ou par état céleste produit des événements favorables en maisons heureuses et
supprime les événements défavorables en maisons malheureuses ; une maléfique par nature
ou par état céleste supprime les événements favorables en maisons heureuses et, en maisons
malheureuses, elle produit des événements nocifs. Sachant toutefois que le principe du Soleil
est de créer et de mettre en lumière, que le principe de Jupiter est le développement et
l’expansion, il est difficile de suivre Morin sur ce terrain : comment ces astres pourraient-ils
diminuer quoi que ce soit, ce y compris dans les maisons dites « malheureuses » ? Le même
principe vaut bien sûr pour Vénus, la « petite bénéfique ».
Il est évident que le raisonnement de Morin de Villefranche, trop simpliste, ne tient pas
la route. L’expérience prouve d’ailleurs aisément le contraire : ainsi, chez la neurologue Rita
Levi-Montalcini, prix Nobel de médecine en 1986, seule Vénus est dignifiée dans son
domicile du Taureau (rien à voir avec le domaine scientifique…), tandis que Jupiter (la
reconnaissance publique) est dans son exil de la Vierge et Saturne (la plus haute autorité) dans
sa chute du Bélier, ce qui ne devrait pas être de bon augure pour une scientifique, du moins si
l’on suit les indications de Morin…
Ce qui pose problème dans ce type d’approche est son aspect
dichotomique, qui exclut toute dynamique interne, figeant les
situations et les êtres selon des règles qui seraient
prétendument strictes et immuables : les planètes
bénéfiques n’apportent que des avantages ou, au
pire, elles réduisent les inconvénients, tandis que
les maléfiques ne sont que des sources d’ennuis,
augmentant les maléfices et réduisant les
bénéfices…
Sommes-nous pour autant tous égaux devant
les astres ? S’il faut se rendre aux faits et à la
raison, force est d’admettre que non : il existe des
situations, particulières sans doute, qui sont plus
difficiles à vivre que d’autres, comme le montrent
certains évènements de la vie et comme le
démontrent certaines configurations célestes.
C’est une réalité d’autant plus vraie s’agissant des exaltations et de leur pendant, les
chutes, qui mettent en exergue ou mettent en péril l’orientation de l’énergie planétaire ;
ensuite, il faut toujours considérer l’astre dans son contexte. Avec les exaltations et les chutes,
on se distingue, en bien comme en mal… Ce sont des montées ou des descentes en puissance.
Dans le cas des domiciles et des exils, la situation est différente, moins prononcée
pourrait-on dire : en domicile, l’astre est chez lui, là où il fonctionne à sa guise, selon son
expression naturelle ; en exil, il est dans un cadre qui lui est étranger, où il dépend de
conditions différentes des siennes et où il est question d’une nécessaire adaptation. Avec les
domiciles et les exils, on s’exprime selon sa nature ou contre sa nature, on est ou on nie…
Les domiciles montrent ainsi les signes où les planètes sont ce qu’elles sont, dans leur
essence, tandis que les exaltations sont les signes où les planètes montrent leur puissance, leur
2 Denis LABOURÉ, Op. cit., pp. 41-42.
Figure 1
3
potentiel et, d’une certaine façon, leur finalité. Domiciles et exaltations sont des positions de
développement. En revanche, une planète en exil est confrontée à des situations qu’elle ne
maîtrise pas, qu’elle n’est pas habilitée à gérer, tandis qu’une planète en chute est dans un
contexte qui la contrarie et qui peut ainsi la pousser à bout. Contrairement à une idée
courante, une planète en chute n’est pas nécessairement « mauvaise » : elle est exacerbée,
pour le meilleur ou pour le pire, au même titre qu’une planète en exaltation est en effet
exaltée, pour le meilleur ou pour le pire, en fonction de son contexte.
De nombreux auteurs s’accordent pour dire que parler de domicile au sens propre
comme au figuré est sensé : une planète dans son domicile est en effet comme une personne
chez elle ; elle dispose de ce dont elle a besoin pour s’exprimer, ce qu’elle fait conformément
à sa nature, ou plutôt à une composante de sa nature puisque, mis à part les luminaires, les
planètes se partagent plusieurs domiciles. Mercure en Gémeaux exprime une facette de la
composante mercurienne, l’autre étant représentée par son domicile en Vierge : Mercure de
type Gémeaux renvoie à la figure d’Hermès (le dieu grec des échanges, du commerce,
messager du panthéon, mais aussi rusé, menteur et voleur…), tandis que Mercure de type
Vierge correspond au dieu babylonien Nabou, fils de Mardouk (comme Hermès l’est de
Zeus), qui n’est autre que le « scribe divin », qui tient les comptes et le calame, veillant au
respect des engagements pris. Autant Vénus est sensorielle et hédoniste dans son domicile du
Taureau : elle y trouve son confort, quitte à s’y installer ; autant elle est intouchable et
esthétique dans son domicile de la Balance : elle y trouve ses repères, quitte à trop s’y fier ; en
revanche, sa sensualité est souvent exacerbée dans son exaltation des Poissons : elle s’y
épanouit, au risque de s’y dissoudre et de devenir insaisissable. Mars est le combattant
impulsif en Bélier : il permet de se battre pour s’affirmer, d’agir et de réagir, de ne pas subir et
d’aller de l’avant, quitte à être impulsif et à aller trop vite en besogne… ; il est le guerrier
stratège en Scorpion : il permet de faire face aux coups durs, de parer aux tuiles, mais il peut
aussi donner la tendance à se complaire dans les difficultés et à s’acharner, à être revanchard,
voire destructeur… ; il se hisse en commandant en chef en Capricorne : il peut alors orienter
l’issue du combat, sans relâche et jusqu’au bout, quitte à être impitoyable. Jupiter, par ses
maîtrises, exprime les niveaux du savoir (Sagittaire), de la sagesse (Poissons) et il se pose en
connaisseur en Cancer, mais il peut dans tous les cas s’avérer envahissant. Quant à Saturne, la
dernière planète du septennaire incarne dans ses domiciles la responsabilité et les charges,
factuelles (Capricorne) et sociales (Verseau), les freins matériels (Capricorne) et les avancées
conceptuelles (Verseau), tandis qu’il s’érige au rang de juge en Balance : impartial, équitable
mais froid également, sans états d’âme.
On le voit : autant le Soleil n’est pas meilleur en Lion, autant Saturne n’est pas mieux
placée en Capricorne ; en réalité, l’énergie que ces astres expriment alors se traduit plus
spontanément, conformément à leur valeur (au moins partielle). Saturne en Capricorne permet
de faire face aux rigueurs hivernales, avec l’attitude qui s’impose, qui n’est forcément pas
vouée à la légèreté : c’est le détachement de la matérialité ; ainsi, une planète en Capricorne
doit veiller à agir avec raison, sans précipitation, conformément aux « préceptes » de son
maître. Saturne en Verseau conceptualise : il émet quelque chose de l’ordre de la pensée ; une
planète en Verseau est ainsi orientée vers les idées, suivant également les « préceptes » de son
maître, mais dans sa version émettrice cette fois (le Verseau est un signe masculin).
Lorsqu’une planète n’est pas dans son domicile, elle n’est plus comme quelqu’un qui
occupe son bien et qui a donc les pleins pouvoirs : c’est alors un locataire, donc redevable
d’un autre propriétaire. En ce sens, la gestion du bien appartient au maître du signe mais
l’usage revient à l’occupant, qui dispose des lieux à sa façon, sachant que le propriétaire pose
ses conditions et qu’il a toujours un droit de regard. Il est d’ailleurs logique de supposer que,
4
s’il n’intervient pas directement dans les affaires du secteur concerné, la situation du maître
des lieux peut déterminer la manière dont les occupants sont amenés à agir ; ainsi, en
supposant le Cancer au Fond du Ciel et la Lune affligée en Gémeaux et en maison 3, il est
difficile de concevoir que le sujet en question parvienne à habiter longtemps au même endroit.
En réalité, le maître gouverne, et c’est en effet sa fonction : il dispose le cadre et le
contexte selon sa nature (sa signification essentielle) et sa disposition (sa signification
accidentelle) et c’est lui aussi qui est en droit de réclamer des comptes, un peu comme un
propriétaire peut exiger des dégâts locatifs au moment de l’état des lieux. Si aucune planète
n’occupe une maison déterminée, celle-ci n’est pas pour autant inopérante : le secteur est
orienté vers la maison où se trouve le maître et si celui-ci est fort, l’expression du secteur
gouverné est évidente. Si plusieurs planètes occupent un secteur, celui-ci constitue une des
orientations prioritaires dans la vie du sujet ; les planètes qui s’y trouvent y injectent pourraiton dire leurs significations essentielles et accidentelles ; dans ce cas, le maître est un peu
comme le chef d’orchestre, qui dispose : c’est lui qui donne le ton et il oriente certes, mais ce
n’est pas lui qui est la force agissante ; en revanche, dans sa manifestation, il peut non
seulement développer les registres relatifs aux secteurs qu’il gouverne, mais il peut aussi
exprimer les énergies des astres qui sont sous sa tutelle. D’une certaine manière, on peut dire
que l’occupation d’une maison indique l’action qui y est menée, tandis que sa maîtrise indique
sa vocation.
La logique des domiciles
Venons-en plus précisément aux domiciles.
Les domiciles planétaires sont un reflet parfait de ce que l’intelligence grecque a
produit : un système à la fois simple, logique et cohérent, qui plus est heuristique, autrement
dit susceptible de nous en apprendre toujours davantage.
Il est difficile de ne pas saisir sans
admirer cette distribution en éventail du
cortège planétaire, commençant par le couple
soli-lunaire qui ouvre le bal avec la saison
estivale. Partant de ce couple fondateur, les
autres attributions se suivent dans une
logique spéculaire, se déployant de part et
d’autre en fonction de l’éloignement de
l’astre par rapport au Soleil. Les domiciles se
répartissent ainsi en deux hémisphères :
L’hémisphère du domicile solaire :
dans le sens antihoraire, du Soleil en Lion à
Saturne en Capricorne.
L’hémisphère du domicile lunaire :
dans le sens horaire, de la Lune en Cancer à
Saturne du Verseau.
Figure 2
5
Yves Lenoble3
indique que ce système rend compte du caractère « bénéfique » ou
« maléfique » des planètes : Saturne, la « grande maléfique », est en rapport d’opposition aux
deux luminaires, tandis que Mars, la « petite maléfique », forme dans l’hémisphère lunaire un
carré à la Lune (depuis le Bélier) et dans l’hémisphère solaire un carré au Soleil (depuis le
Scorpion) ; en revanche, Jupiter, la « grande bénéfique », est d’une part (Poissons) en trigone
à la Lune et d’autre part (Sagittaire) en trigone au Soleil, tandis que Vénus, la « petite
bénéfique » est en sextile à la Lune (depuis le Taureau) et au Soleil (depuis la Balance). On
peut même en déduire une analogie entre planètes et aspects : les domiciles de Mars évoquent
par aspect son rôle et sa fonction, analogues à celle du carré (agir, trancher, décider), tandis
que Saturne évoque l’opposition (réfléchir, temporiser, inhiber) ; Jupiter, de son côté, est en
rapport avec le trigone (développement, facilitation et facilité), au même titre que Vénus avec
le sextile (croissance, liens et relations), tandis que Mercure reste « ambidextre », sorte de
couteau suisse planétaire…
Traditionnellement, cette répartition
permettait de disposer également des
domiciles diurnes et nocturnes pour chaque
planète puisque l’hémisphère solaire
correspond aux domiciles diurnes et
l’hémisphère lunaire aux domiciles
nocturnes. Le Soleil étant un principe diurne
et la Lune nocturne, on comprend aisément
que l’astrologie antique soit partie de l’idée
que les domiciles lunaires s’appliquent à des
naissances nocturnes, tandis que les
domiciles solaires s’appliquent aux
naissances diurnes. La distinction s’est
estompée et relativisée avec le temps et rares
sont les astrologues qui l’utilisent encore
dans leur pratique. Or, très concrètement,
cela signifie que Mars en Bélier, pour
prendre un exemple, est à considérer dans son domicile uniquement en cas de naissance
nocturne.
Il y a en revanche une tendance assez courante à confondre les domiciles diurnes et
nocturnes avec les polarités des signes (masculins/féminins) ; dans ce cas, Mars aurait son
domicile diurne en Bélier, signe émetteur, et son domicile nocturne en Scorpion, signe
récepteur, alors que c’est exactement le contraire : nous avons vu que Mars est en domicile
nocturne en Bélier et en domicile diurne en Scorpion. La répartition qui attribue les domiciles
diurnes aux signes émetteurs et les domiciles nocturnes aux signes récepteurs est un apport
récent de l’astrologie qui ne cadre pas avec la logique originaire du système des maîtrises.
Il existe en fait trois polarités distinctes, que l’on a souvent tendance à confondre :
Le masculin et le féminin : il s’agit de l’alternance des signes émetteurs (signe de Feu
et d’Air) et récepteurs (signes de Terre et d’Eau). Ce sont donc des attributions
zodiacales.
Le solaire et le lunaire : c’est la répartition des signes et leurs attributions respectives
suivant qu’ils se déploient dans l’hémisphère dévolu au Soleil (du Lion au Capricorne)
ou dans celui dévolu à la Lune (du Verseau au Cancer). Le solaire est plus conscient,
3 Yves LENOBLE, Origine et histoire des maisons, des aspects, des maîtrises, du zodiaque, Document Sep.
Figure 3
6
plus secondaire, tandis que le lunaire est plus instinctif, plus primaire. Ce sont d’autres
attributions zodiacales.
Le diurne et le nocturne : dans ce cas, nous avons affaire à la répartition des maisons
selon leur emplacement au-dessus (maison de VII à 12, hémisphère diurne) ou en
dessous (maisons de I à 6, hémisphère nocturne) de l’axe Ascendant/Descendant. Le
diurne et le nocturne sont deux principes liés à la rotation de la Terre, le diurne étant
forcément plus visible que le nocturne. Ce sont donc des attributions sectorielles,
relatives aux maisons.
On peut certes trouver des analogies entre le masculin, le diurne et le solaire, comme
entre le féminin, le nocturne et le lunaire, mais il n’y a pas une identité entre ces trois
registres, comme il n’y a aucune identité entre les signes et les maisons. Il ne faut pas
confondre analogie et identité. Le masculin est émetteur, le diurne est visible, le solaire est
une expression consciente et secondaire ; le féminin est récepteur, le nocturne est peu visible,
le lunaire est une expression instinctive et primaire. Pour poursuivre avec l’exemple de Mars,
il est évident que dans son domicile lunaire (Bélier) la planète est plus impulsive que dans son
domicile solaire (Scorpion) où elle est plus stratège ; dans un signe féminin, Mars a plutôt
tendance à encaisser avant de réagir, alors que dans un signe masculin il entreprend d’abord
pour voir les résultats ; dans l’hémisphère diurne, Mars agit de façon visible et claire, tandis
que dans l’hémisphère nocturne l’action est plus souterraine, moins apparente.
Quoi qu’il en soit, le principe des domiciles s’est désormais étendu, sans doute à coups
de simplifications successives, sans plus accorder d’importance à la distinction entre
l’hémisphère solaire (les domiciles dits diurnes) et l’hémisphère lunaire (les domiciles dits
nocturnes).
La répartition entre les deux hémisphères permet de saisir en un coup d’œil la logique
du système.
La ligne de démarcation entre les deux hémisphères est située au début d’un signe Fixe,
le Lion. Toutefois, cette orientation du cercle zodiacal fait émerger une autre caractéristique
du système ; partant du Taureau (dans le sens zodiacal), il y a en effet un autre axe, horizontal
et perpendiculaire au premier, qui partage les signes en deux groupes :
L’hémisphère individuel, régi par les
astres individuels (intérieurs à l’orbite
terrestre) : de Vénus en Taureau à Vénus en
Balance.
L’hémisphère social, régi par les
astres sociaux (extérieurs à l’orbite
terrestre) : de Mars en Scorpion à Mars en
Bélier.
Bien entendu, les maîtrises
traditionnelles n’intègrent pas Uranus,
Neptune et Pluton et, encore de nos jours,
certains affirment qu’il n’y a aucun sens à
leur attribuer des dignités, prétextant le
temps qu’elles séjournent dans chaque signe
(un minimum de sept ans pour Uranus et
Figure 4
7
jusqu’à plus de trente ans pour Pluton). Ce serait toutefois se priver d’un outil plus affiné que
celui dont nos prédécesseurs disposaient (avant ces découvertes) car, s’il est vrai que ces
positions en signes sont partagées par d’innombrables personnes, leurs emplacements en
maisons et leurs maîtrises sur différents secteurs (autrement dit leurs dignités et leurs
significations accidentelles) sont pour leur part des faits spécifiquement individuels. Cela a
donc une importance non seulement en termes interprétatifs mais aussi prévisionnels.
L’attribution des transsaturniennes
La découverte de nouvelles planètes, à commencer par celle d’Uranus, a révolutionné
beaucoup de choses au monde et donc aussi en astrologie, que ce soit en termes d’approche ou
de perspectives. Il a fallu d’un coup intégrer ce que les astronomes eux-mêmes ont exprimé
sous forme d’un acte manqué : en effet, alors qu’ils avaient l’opportunité de balayer leur
embarrassante sœur ennemie, l’astrologie, en optant pour des noms de planètes hors contexte
mythologique, ce qui a été presque fait à l’époque4
, ils ont choisi de continuer à cautionner
notre art en suivant la mythologie gréco-romaine.
Maigre consolation toutefois car, pour ce qui est des attributions des transsaturniennes,
les divergences n’ont pas manqué, à commencer par le fait de savoir si les nouvelles planètes
« détrônaient » les anciennes de leur place… Uranus, attribuée au Verseau, balaye-t-elle de
son trône Saturne, jusque-là seul maître à bord de deux signes successifs, avec le privilège et
le poids de faire face aux luminaires ? La logique des domiciles étant basée sur le déploiement
planétaire partant du couple soli-lunaire, déposséder Jupiter de son domicile des Poissons au
profit de Neptune serait du même coup porter atteinte au système et donc le débiliter, au sens
propre comme au figuré.
Il est logique qu’Uranus, l’astre qui a fait voler en éclats les limites saturniennes, dans
lesquelles l’autorité solaire trouve tout de même une structure, soit dévolu au Verseau, signe
qui s’oppose au centralisateur Lion. Dans le même ordre d’idées, Neptune, dont on ne peut
nier la connotation aquatique, est harmonieusement reliée depuis les Poissons par trigone au
domicile lunaire. Quant à Pluton, située dans l’hémisphère solaire, son carré au domicile du
Soleil répond évidemment à sa connotation « maléfique » : l’astre recèle en effet une énergie
transformatrice, réformatrice et destructrice aussi.
Toutefois, si les domiciles d’Uranus et de Neptune, respectivement en Verseau et en
Poissons, font quasiment l’unanimité, il n’en va pas de même pour Pluton : certains auteurs
l’ont attribuée au Bélier, d’autres aux Poissons, sans parler de ceux qui l’associent au Cancer
ou au Sagittaire… Il est vrai que l’attribution de ces trois nouvelles planètes pose un problème
de logique au système des maîtrises : il eût semblé évident en particulier de placer Pluton à la
suite d’Uranus et de Neptune, avec donc un domicile en Bélier… Les affinités entre cette
planète et le signe du Scorpion paraissent toutefois tellement évidentes que force est de
constater qu’elle y a toute sa place.
Ces attributions étant établies, on constate que le système n’en conserve pas moins sa
cohérence, se partageant toujours entre deux axes :
L’axe soli-lunaire, délimité par les signes Fixes Lion/Verseau.
L’axe individuel/social, délimité par les signes Fixes Taureau/Scorpion.
4 Voir à ce propos l’histoire de la découverte d’Uranus, Neptune et Pluton relatée dans mon ouvrage
Considérations sidérantes, thebookedition.com, 2013.
8
Restent évidemment, du côté de l’axe social, trois signes qui ne partagent pas un double
domicile : le Bélier, le Capricorne et le Sagittaire. Faut-il leur attribuer quelque planète ?
Certes, nos « frères ennemis » vont de découvertes en découvertes s’agissant de nouveaux
objets célestes, au point que cela a suscité une controverse quant au statut de Pluton,
finalement déclassée au rang de planétoïde, au même titre que Cérès et Éris, la déesse de la
discorde… Faut-il alors attribuer un domicile à Cérès et à Éris, mais lequel… ? Ou faut-il
suivre la piste d’une analogie entre Pluton et le signe du Bélier, ce qui en ferait le co-maître
des deux signes martiens ? Dès lors, pourquoi ne pas étendre le principe à Uranus et Neptune
en leur adjoignant une maîtrise respectivement sur le Capricorne et sur le Sagittaire ? Dans ce
cas, l’hémisphère social serait comblé.
Il n’est d’ailleurs pas illogique de
supposer que les signes de l’hémisphère
social aient tous une double maîtrise : ainsi,
les astres individuels sont « seuls maîtres à
bord », puisque les deux luminaires
gouvernent chacun un signe, tandis que
Mercure et Vénus en gouvernent deux ;
quant aux astres sociaux et collectifs, ils sont
en situation de partage…
Partant d’un autre point de vue
(planétaire et non zodiacal), André Barbault
arrive à la même conclusion : « Or, à partir
d’Uranus, il tend à se produire un retour
vers les signes des luminaires : Uranus a
maîtrise sur le Verseau, sans doute aussi sur
le Capricorne ; Neptune a maîtrise sur les
Poissons, sans doute aussi sur le Sagittaire ;
Pluton a maîtrise sur le Scorpion, et sans doute aussi sur le Bélier. »
5
Il suffit en effet de
repartir dans l’autre sens, depuis le solstice d’hiver, pour retrouver une parfaite symétrie dans
ce système des maîtrises. Tout devient alors une question de dosage : le Bélier est de type
Mars-Pluton, tandis que le Scorpion est de type Pluton-Mars ; partageant les mêmes maîtrises,
les Poissons sont davantage neptuniens que jupitériens et le Sagittaire est plus jupitérien que
neptunien ; de même, le Verseau est plus uranien que saturnien, alors que le Capricorne est
davantage saturnien qu’uranien. Le Scorpion, le Verseau et les Poissons sont simplement plus
typiquement sous l’égide des transsaturniennes, mais l’incidence de leurs domiciles
traditionnels n’en est pas pour autant réduite ; pour les trois autres signes (Bélier, Capricorne
et Sagittaire), la maîtrise des transsaturniennes est un peu moins évidente, mais pas moins
réelle. Sur le plan pratique, les transsaturniennes sont alors les co-maîtres de leurs signes
respectifs, aux côtés et non en remplacement des maîtres classiques.
Les exils
Pour ce qui est des exils, l’image la plus communément admise est celle d’une personne
qui est hébergée chez autrui : elle doit donc faire attention car elle n’a pas ses repères et elle
ne dispose pas non plus des outils souhaités à portée de main ; elle doit s’adapter à un
contexte qui n’est pas le sien. De là à affirmer qu’une planète en exil est mal placée, il n’y a
5 André BARBAULT, Astrologie – Symboliques, Calculs et Interprétation, Ed. Seuil, 2005, p. 364.
Figure 5
9
qu’un pas qu’il est loisible de franchir, mais les choses ne sont pas aussi simples : tout dépend
de ses aspects, de son emplacement en maison, de son rapport à son maître et de la disposition
de celui-ci. Tout est encore une fois question de canalisation des énergies.
En réalité, cette image n’est pas correcte sachant que toute planète qui n’est pas dans
son domicile est forcément hébergée par une autre, mais sans pour autant être en situation
d’exil : outre le fait de savoir par qui elle est gouvernée, se pose ici la question des conditions
dans lesquelles elle se trouve.
Dans le cas de l’exil, le contexte zodiacal n’est pas conforme à l’expression spontanée
de l’énergie planétaire, qui nécessite donc une adaptation aux conditions environnantes,
pouvant être déviée si tant est que le cadre (aspects, maîtrises, emplacement) s’y prête : c’est
alors un peu le cas de l’éléphant dans un magasin de porcelaine… Mars en Balance est
interventionniste là où il faudrait être diplomate et il est attentiste lorsqu’une intervention
musclée serait nécessaire, tandis que Saturne en Cancer a tendance à plomber l’atmosphère ou
à faire pencher des éléments structurels…
André Barbault, qui s’est penché sur les monarques européens, offre une excellente
synthèse des domiciles et des exils en se référant au Soleil, le symbole par excellence de la
monarchie : en bien ou en mal, les figures ayant le Soleil en Lion manifestent grandeur, elles
cumulent les records ou alors elles prévalent avec force et puissance, mais elles peuvent aussi
développer un super-égocentrisme… Quant au Soleil en Verseau, on trouve « d’un côté les "
débiles " par faiblesse vitale, physique ou morale, et de l’autre, les " sages " hommes de
lumière, de progrès, de réformes, de culture »
6
.
Assez circonspect dans son interprétation, l’auteur ne veut « rien conclure en faveur du
jeu des dignités et débilités ». S’il est en effet difficile de déterminer quelle position serait la
meilleure sans tomber dans le piège moralisateur, on distingue tout de même clairement des
orientations très différentes de l’énergie vitale selon que l’astre diurne soit en domicile ou en
exil, ce qui n’est pas anodin.
Cette étude démontre en tout cas que, contrairement à
ce qu’affirme Morin de Villefranche, les dignités ou les
débilités d’un astre ne suffisent pas pour
déterminer si celui-ci agit à la manière d’une
« bénéfique » ou d’une « maléfique ». Les
exemples pour prouver l’inanité de cette
règle ne manquent d’ailleurs pas. Ainsi,
puisqu’une planète bénéfique par nature et
par état céleste est supposée produire
directement des événements favorables
lorsqu’elle est en maison heureuse, que dire
de Gaston Dominici, le pivot d’une des
affaires criminelles les plus intriquées qu’ait
connu la France, qui présente Jupiter en
Sagittaire en maison 11 ? Que dire de
Roland Dumas dont Vénus (conjointe à
Jupiter !) est en Balance dans la maison 5 ?
Personne ne mettra en doute le fait qu’il ait
mené la grande vie, mais les scandales n’ont
6 André BARBAULT, La justification des maîtrises, article figurant sur le site de l’auteur, pp. 13-14.
Figure 6
10
pas moins fini par le rattraper… A contrario, il est aisé de trouver des personnalités dont le
thème présente une maléfique par nature et par état céleste en maison malheureuse et qui
n’ont pourtant pas vécu d’événements particulièrement funestes…
En négatif, un des exemples les plus frappants est
celui d’Edward Gein, tueur en série, nécrophile et voleur de
cadavres américain, diagnostiqué schizophrène et donc
interné à vie, jusqu’à son décès. Son histoire
a inspiré des thrillers et d’autres films
d’horreur, dont Psychose (1960) et Le
Silences des agneaux (1991). Aucun astre
n’est débilité ni par exil ni par chute dans
son thème ; au contraire, car les deux
« bénéfiques » sont en très bon état céleste :
Jupiter est dans son exaltation du Cancer en
maison I (angulaire), tandis que Vénus est
dans son domicile de la Balance en maison
5, formant d’ailleurs plusieurs aspects
harmonieux. Suivant les critères de Morin,
les biens signifiés par la maison auraient dû
se réaliser facilement, abondamment et
donner des possessions heureuses et
paisibles…
Les chutes
L’autre débilité essentielle est la
chute. Les chutes sont le pendant des
exaltations. L’opinion communément
admise veut que, dans ce cas, l’énergie
planétaire soit « au rabais » pourraiton dire : elle est contrariée.
Au même titre que les exils, la
tentation est grande de considérer les
chutes comme de « mauvaises »
positions. Il faut toutefois préciser que
la chute d’une planète n’implique pas
son inexistence, voire sa négation :
ainsi, Mars en chute du Cancer
n’empêche nullement l’affirmation de
soi : encore faut-il qu’il soit soutenu,
mais il augmente proportionnellement les risques que cette énergie ne chute, au sens propre
comme au figuré.
Les exemples de grands sportifs présentant Mars en Cancer sont nombreux à prouver
que cette position ne nuit nullement à l’expression des qualités martiennes ; ainsi, parmi les
footballeurs, on compte notamment deux célébrités françaises : Michel Platini et Zinedine
Zidane. Or, sans entrer dans les détails de leurs biographies, tous deux ont subi un véritable
choc : Michel Platini lors du drame du Heysel (1985), surtout après qu’il ait marqué un
pénalty qui fit polémique ; Zinedine Zidane lors de la finale de la Coupe du monde contre
Figure 7
Figure 8
11
l’Italie (2006), avec son fameux coup de boule sur le thorax d’un adversaire : une illustration
caricaturale du fonctionnement de Mars dans ce signe. Comme dans l’exaltation, on est aussi
emporté dans la chute.
Dans un autre registre, un exemple encore plus frappant est celui du créateur de haute
couture John Galliano, longtemps directeur artistique chez Dior, qui a rencontré un succès
immense en perçant littéralement dans le monde féminin et qui, en raison de propos racistes et
antisémites tenus en 2011, a aussi connu une chute vertigineuse…
Dans un article publié sur le net, Marc Cerbère (sic) s’est penché sur la question des
violences conjugales, d’où il ressort que Mars en Cancer prédispose aux agressions dans le
registre de la vie privée, surtout si la planète est angulaire et qu’elle est en conjonction, en
carré ou en opposition au Soleil, à Saturne, à Uranus ou à Pluton. Les quelques études de cas
sont éloquentes et elles semblent en effet démontrer que, dans ces conditions, la chute est une
position plutôt inconfortable, voire difficile, qui exige une grande maîtrise en termes de
canalisation.
Finalement, dans le cas de la chute, le signe en question présente les conditions d’une
sorte de retournement de l’énergie dans son contraire et, si l’exaltation correspond à l’image
de la personne qui pétille après avoir bu un verre de champagne, la chute intervient lorsque
celle-ci en arrive au troisième verre puis au quatrième et là tout dépend de la capacité
d’absorption du sujet, qui peut certes briller un temps mais qui court aussi le danger que
« plus dure sera la chute »…
Les exaltations
La logique du système grec des domiciles présente une cohérence indéniable et elle
intègre aisément les trois planètes transsaturniennes, ce qui en corrobore a posteriori la
validité, mais ne peut-on pas trouver un sens aux exaltations ? Malgré quelques idées à ce
propos, ce n’est pas le cas jusqu’à présent : il serait temps de rendre à cette attribution
planétaire sa… dignité.
Les auteurs s’étant penchés sur la
question s’accordent pour dire que
l’exaltation représente une sorte d’emphase,
d’amplification, de valorisation et
d’élévation pour la planète concernée, mais
force est de constater que la logique interne
de ce système n’a pas encore été percée et
n’est donc pas comprise.
L’explication qui sous-tend
l’attribution des exaltations semble nous
échapper, au point de mener parfois sur la
piste des étoiles fixes (via les degrés qui leur
sont traditionnellement rattachés) mais,
malgré des recherches parfois assez
fouillées, aucune démonstration
suffisamment convaincante n’a pu être
donnée à ce jour. Les degrés d’exaltation
Figure 9 : les exaltations
12
seraient en fait un apport ultérieur par rapport à l’attribution des exaltations elles-mêmes, un
apport qui semble surtout avoir donné du fil à retordre… De toute façon, rares sont les
praticiens qui font encore appel à ces degrés.
Une autre explication courante, que l’on trouve notamment chez Denis Labouré, fait
appel à la relation harmonique existant entre les domiciles et les exaltations : « Pour les
planètes diurnes (Soleil, Jupiter, Saturne), l’exaltation de chaque planète est en trigone au
domicile de cette planète. (…) Pour les planètes nocturnes (Lune, Vénus, Mars), l’exaltation
de chaque planète est en sextile à son domicile. »
7 Outre un problème de logique puisque les
exaltations sont des attributions antérieures aux domiciles et que leur sens ne peut donc pas
dépendre de ces derniers, l’auteur n’évoque pas Mercure, dont l’exaltation ne répond pas à ce
critère puisqu’elle se situe en Vierge, en conjonction à l’un de ses domiciles et en carré à
l’autre.
L’origine mésopotamienne des exaltations nous plonge de toute façon dans un puits
profond, quasiment insondable…
Ptolémée, pour sa part, n’a livré qu’une seule piste : « Le célèbre astronome insiste sur
l’ordonnancement dialectique du système des maîtrises par exaltation : Saturne-Balance
s’oppose à Soleil-Bélier, Jupiter-Cancer à Mars-Capricorne, Mercure-Vierge à VénusPoissons. La Lune maîtresse du Taureau est le seul facteur à ne pas être en dialectique avec
un autre : il en résulte que le Scorpion a ceci d’original qu’il correspond à la chute de la
Lune et qu’aucune maîtrise par exaltation n’a lieu dans ce signe. »
8
Les axes sont en effet une composante fondamentale en astrologie, que ce soit en termes
de signes, de maisons ou de maîtrises, par domicile ou par exaltation.
Le discours de Ptolémée est cohérent : le Soleil a Saturne, l’astre le plus lointain,
comme « opposant », tandis que les deux planètes intérieures à l’orbite terrestre, Mercure et
Vénus, qui ne s’éloignent jamais beaucoup du Soleil, forment elles aussi un axe, au même
titre que les deux premières planètes extérieures, Mars et Jupiter.
Pour comprendre les attributions en termes d’exaltations, il faut toutefois sortir de la
logique grecque et tenter d’approcher les racines mésopotamiennes de notre art ; or, dans ce
cas, outre l’absence de documents explicites, la perspective est forcément différente. Si les
attributions des domiciles sont un reflet de l’approche hellénistique, alors les exaltations
expriment pour leur part quelque chose de significatif concernant la culture mésopotamienne,
avec sa conception spécifique.
On remarque d’emblée que les deux signes Cardinaux où prédomine la lumière, le
Bélier (équinoxe du printemps) et le Cancer (solstice d’été), correspondent respectivement
aux exaltations des deux astres d’éclat : le Soleil et Jupiter ; ce sont respectivement des
périodes de développement et d’expansion. Quant aux deux signes Cardinaux où l’ombre
prévaut, la Balance (équinoxe d’automne) et le Capricorne (solstice d’hiver), leurs exaltations
sont attribuées aux deux astres funestes par excellence : Saturne et Mars ; ce sont
respectivement les périodes de déclin et d’issue, de difficultés et de complications. Il y a donc
une évidente accentuation des axes Cardinaux et, ainsi, des fondements même de la réalité
zodiacale : le cycle des saisons.
Le début de l’équinoxe du printemps, le moment où la durée du jour se fait égale à la
durée de la nuit pour s’allonger de plus en plus, cette période où la vie renaît, correspond à
l’exaltation du Soleil, le donneur de vie ; Jupiter, l’astre bénéfique par excellence, s’exalte au
7 Denis LABOURÉ, Rôle de chacune des 5 dignités dans l’interprétation du thème, in Les maîtrises planétaires,
Actes du Congrès d’Hermès, Agapé, 2000, p. 50.
8 Yves LENOBLE, Origine et histoire des maisons, des aspects, des maîtrises, du zodiaque, Document Sep
Hermès n°2, p. 53.
13
début du solstice d’été, lorsque les jours sont les plus longs, en pleine phase d’expression et
d’expansion de la nature, la période de l’année la plus généreuse, quand les ressources sont
abondantes et qu’on peut se détendre ; la période de retrait commence à l’équinoxe
d’automne, ce moment où la durée de la nuit équivaut à celle du jour pour la dépasser ensuite,
et ce déclin, là où les ennuis commencent, est forcément attribué à Saturne qui, en raison de sa
symbolique, s’y exalte ; l’autre astre traditionnellement « maléfique », Mars, s’exalte en
revanche au début du solstice d’hiver, là où les nuits sont les plus longues, dans les conditions
qui sont donc les plus dures et aussi les plus dangereuses pour la survie : Mars ne représente-til pas les dangers et la capacité à relever les défis ? Le système des exaltations révèle ainsi,
avant celui des domiciles, pourquoi Mars et Saturne sont deux « maléfiques » étant donné
qu’elles gouvernent les deux périodes de l’année au cours desquelles le principe nocturne est
supérieur au principe diurne.
L’exaltation est une mise en exergue des énergies planétaires.
Sans pour autant en chercher la justification, André Barbault relève l’importance
évidente des exaltations. Ainsi, dans ses recherches déjà évoquées sur les monarques
européens, il est limpide à ce propos : « avec l’axe exaltation-chute (…) nous nous trouvons
en présence d’un résultat tout à fait probant. Puissance de l’irruption de l’instinct et de la
force animale, le Soleil-Bélier s’observe en majorité chez les souverains conquérants,
installateurs de règne, dominateurs et bâtisseurs. (…) » Quant à « ceux qui sont en face (ce
sont des) faibles sous le coup de l’amenuisement vital du Soleil-Balance »… 9
Cela pourrait donner à penser que la position du Soleil en Balance est moins favorable
que celle du Soleil en Bélier, mais ce serait oublier que cette étude porte sur des monarques,
qui incarnent pleinement les valeurs solaires ; des archétypes du Soleil en quelque sorte, qui
montrent donc d’une part la poussée (exaltation) de ce principe et d’autre part son déclin
(chute). Un monarque a intérêt à disposer d’un Soleil dignifié, mais tout le monde n’est pas
destiné à régner dans la vie et donc à exprimer pleinement des valeurs solaires.
Contrairement aux domiciles, axés sur les signes Fixes, les exaltations répondent aux
axes Cardinaux, qui sont les seuls à être comblés. Or, Jupiter, Saturne et Mars figurent parmi
les principales divinités mésopotamiennes, respectivement : Mardouk, Ea et Nergal, qui
président donc au début de chaque saison. Autrement dit, après avoir posé un pôle vital à
l’équinoxe de printemps, le système des exaltations met en exergue l’importance
fondamentale et même structurelle des trois autres signes Cardinaux. Il s’agit d’une structure
quaternaire comme on en trouve un peu à tous les niveaux dans la vie, que ce soit dans
l’espace (les points cardinaux, les directions, etc.) ou dans le temps (les moments de la
journée, les phases lunaires, les saisons, etc.). Nous les trouvons notamment dans les
tentatives de compréhension et de systématisation du psychisme humain de la psychologie
moderne : qu’il s’agisse des typologies comportementales (l’inerte, l’excitable, l’équilibré et
l’inhibé) ou des fonctions psychologiques jungiennes (intuition, sensation, pensée et
sentiment), pour prendre deux exemples assez connus, on n’échappe pas au principe
quaternaire. Plus significatif encore : la quaternité se retrouve dans la biologie moléculaire, au
cœur même du vivant, l’ADN étant formé de quatre bases divisées en deux groupes (Adénine
et Guanine, Cytosine et Thymine)10
.
Pour en rester à la psychologie moderne et à ses tentatives de systématisation du
psychisme humain, il n’y a là « rien de nouveau sous le soleil » : l’approche quaternaire
remonte à Hippocrate (Ve siècle avant J.-C.) et à sa subdivision en quatre tempéraments, le
9 André BARBAULT, La Justification des maîtrises, article figurant sur le site de l’auteur, p. 14.
10 Voir à ce propos mon ouvrage Considérations sidérantes, thebookedition.com, 2013, pp.28 et 42.
14
colérique (ou bilieux), le mélancolique (ou nerveux), le sanguin et le flegmatique (ou
lymphatique).
Sommes-nous toutefois certains que Hippocrate ne se soit pas inspiré de sources plus
anciennes ? Celles-ci, manifestement d’origine mésopotamienne, instituent le principe
quaternaire fondé sur les quatre saisons, associées à quatre types que nous pourrions
aujourd’hui définir psychologiques :
Partant du solstice d’hiver, l’obscurité est prépondérante mais la lumière augmente :
une période hostile et difficile, mais pendant laquelle chaque jour de gagné est une
victoire. Nous sommes donc dans le registre de Mars.
Partant de l’équinoxe de printemps, la lumière est en augmentation constante et elle
est prépondérante : c’est la pleine affirmation du principe vital, qui correspond au
Soleil.
Partant du solstice d’été, la lumière diminue, mais elle continue à être prépondérante
par rapport à l’obscurité : une période de pleine possession de ses facultés et de
maturité, représentée par Jupiter.
Partant de l’équinoxe d’automne, la lumière continue à diminuer et l’obscurité est
prépondérante : c’est une phase de décroissance et de repli, symbolisée par Saturne.
Il est alors aisé de comprendre que Saturne est l’astre le plus « maléfique » puisqu’il est
attribué à la période où la lumière diminue tandis que l’obscurité prend le dessus (l’automne).
Pour Mars, en hiver, l’obscurité est certes prépondérante, d’où son caractère « maléfique » à
côté de Saturne, mais la lumière augmente : c’est donc la « petite maléfique ».
Nous avons ainsi trois divinités majeures associés dans la mythologie mésopotamienne
et réunies dans les exaltations, en fonction des axes Cardinaux et distribuées autour d’un point
de départ : le Soleil, exalté dans le signe équinoxial du Bélier.
L’hypothèse selon laquelle les exaltations constituent la première tentative de
systématisation de l’expérience humaine est plausible et ouverte, mais il ne s’agit pas du seul
élément structurel qui émerge du système.
Un premier élément est en effet apparu avec la croix Cardinale, mais qu’en est-il des
exaltations des trois autres astres, la Lune, Mercure et Vénus ? Quelle est la logique qui les
sous-tend ? Peut-on imaginer qu’il n’y en ait pas ?
En fait, outre la croix Cardinale qui l’organise selon deux axes perpendiculaires, le
système des exaltations présente aussi un pôle qui se configure autour du Soleil avec d’une
part la Lune et d’autre part Vénus.
La place de Vénus
Les attributions par exaltation nous en apprennent davantage quand on saisit
l’importance de Vénus dans l’astrologie mésopotamienne, une astrologie très sensible aux
levers et aux couchers planétaires, ce qui conférait à Vénus (Ishtar) un statut particulier : plus
facilement visible que Mercure, elle précède le lever du Soleil ou elle suit son coucher, étant
ainsi intimement liée à l’astre diurne. On comprend alors que dans le système des exaltations
Vénus soit accolée au signe solaire, dans le signe qui le précède, comme pour annoncer sa
venue, la Lune étant de l’autre côté de l’astre diurne puisqu’elle n’est visible qu’après son
coucher, là aussi où elle commence à se manifester après leur conjonction en Bélier, le signe
de l’équinoxe de printemps et donc du début de l’année, la Lune ne pouvant de toute façon
pas être séparée du Soleil pour des raisons cosmologiques évidentes ; or, c’est exactement la
représentation qui figure sur de nombreuses stèles et autres tablettes de l’époque, associant les
15
trois astres pour former une sorte de triumvirat, Vénus étant figurée par une étoile à huit
branches.
Figure 10
Tablette de Shamash (détail)
Datant du IX siècle av. J.C., elle représente le dieu solaire Shamash sur le trône, recevant le roi babylonien Nabu-apla-iddina
précédé par un prêtre et une divinité protectrice. Au milieu : le disque solaire symbolisant le dieu, que l’on retrouve
représenté en haut à droite, entre la Lune (le dieu Sîn) et Vénus, représentée par l’étoile à huit branches (Inanna/Ishtar).
Figure 11
Stèle mésopotamienne
Le roi Melishipak II de Babylone (1186–1172 av. J.-C.) présente sa fille à la déesse Nanaya.
Le soleil représente le dieu Shamash, le croissant de lune le dieu Sîn et l’étoile la déesse Ishtar.
16
Figure 12
Tablette akkadienne (détail)
Sont notamment présents, dans l’ordre : le dieu Sîn (la Lune), la déesse Ishtar (Vénus) et le dieu Shamash (le Soleil).
Cette hypothèse est étayée par les faits : d’après Marie-Françoise Serre, spécialiste des
mythologies anciennes, Vénus, Ishtar (ou Inanna) chez les babyloniens « n’est pas une déesse
mineure : c’est la plus grande figure féminine du panthéon (…). Elle fait partie de la célèbre
trilogie sumérienne : SOLEIL/LUNE/VENUS. »
11 Les Sumériens ont vu dans Vénus (Ishtar)
« la troisième puissance des trois qui régissent plus particulièrement la vie terrestre, les deux
autres étant le Soleil et la Lune. Ces trois astres correspondent en quelque sorte à une
interprétation cosmologique de la vie sur Terre. »
12
Voilà qui a le mérite d’être clair et, surtout, de permettre de comprendre cette exaltation
de Vénus qui, forcément, devait être accolée au Soleil (Ishtar est la sœur jumelle de Shamash,
le Soleil, tous deux enfants de Sîn, la Lune), entouré des deux astres féminins.
Pour approfondir le symbolisme de cette attribution, il convient de clarifier le statut de
Vénus. Il est en effet courant de dire que Vénus est la déesse de l’amour, dans le sillage de la
figure grecque d’Aphrodite. Au XVe siècle, Sandro Botticelli avec son célèbre tableau la
Naissance de Vénus, a largement contribué à diffuser cette image : un buzz de l’époque en
quelque sorte…
11 Marie-Françoise SERRE, Les Constellations, les planètes & leurs légendes grecques – Les récits des origines
mythologiques, Ed. Vuibert, 2010, p. 167.
12 Op. cit., p. 170.
Figure 13
Sandro Botticelli :
Naissance de Vénus
(environ 1482-1485)
17
Or, l’origine d’Aphrodite est une atrocité : selon la Théogonie d’Hésiode, la déesse est
née de l’écume marine, fruit de la semence du membre d’Ouranos (Uranus), émasculé par
Cronos (Saturne), mélangé avec l’eau de mer. Il y a là un acte castrateur, barbare et cruel, qui
n’est pas anodin dans la « biographie » de la déesse, dont la naissance se mêle au sang : une
histoire qui ferait la joie des psycho-généalogistes…
Il ne faut pas non plus négliger le fait qu’Aphrodite est à l’origine de la guerre de Troie :
c’est elle qui, en promettant à Pâris la plus belle femme du monde, a déclenché la controverse
puisque celui-ci choisira Hélène, la femme du roi Ménélas.
Limiter Aphrodite au rôle de « déesse de l’amour, de la beauté, de la génération et de la
fertilité », comme on peut le lire sur certaines encyclopédies en ligne, mais comme aussi une
certaine astrologie veut l’imaginer, est pour le moins réducteur. Aphrodite est aussi une
déesse vengeresse, sans parler de la liste de ses amants et de ses enfants, tellement longue
qu’elle explique pourquoi elle était aussi la déesse de la sexualité.
Ces éléments évoquent une image
beaucoup moins agréable que celle de la
Vénus courante, une image plus conforme
avec une déesse antérieure, que nous venons
d’évoquer, et qui renvoie aux origines de
notre art : Ishtar, déesse de l’amour, de la
fertilité, de l’érotisme et de la prostitution,
déesse de la guerre dans la mythologie
babylonienne, dérivée de Inanna, la déesse
sumérienne homologue. Ishtar, « Reine du
Ciel », est clairement identifiée à la planète
Vénus, qui en a hérité les attributions
célestes. Or, considérant qu’il s’agit d’une
déesse assez redoutable et ambiguë (capable
de réunir les opposés, de les inverser,
d’outrepasser les interdits et même de vouloir
devenir reine des enfers, quitte à sacrifier
Dumuzi, le dieu berger), force est d’admettre
qu’il n’est pas question ici que d’amour et de
bons sentiments…
En raison du lien intime entre astrologie et mythologie, l’association de ces trois
divinités (Ishtar, Shamash et Sîn) dans le cadre des exaltations ne peut pas être considérée
comme un fait dû au hasard. Vénus de type Poissons est certainement fascinante et sensuelle,
mais aussi trouble, qui évoque la figure de la sirène, une figure aussi séduisante qu’ambiguë,
qui attire par son chant les navigateurs qui ne savent pas ce qui les attend… Une figure
hellénistique très lointaine de celle de la petite sirène des studios Disney, inspirée pour sa part
par les mythologies scandinaves, mais qui est nettement plus proche de la représentation
d’Ishtar. Quant à la Lune, logiquement associée au Soleil, elle est attribuée au signe qui
représente la pleine manifestation de la nature dans son développement.
Figure 14
Ishtar
18
Ce système des exaltations met ainsi en exergue un trinôme fondamental, avec le Soleil
au centre : c’est la période tout aussi fondamentale qui gravite autour du renouveau du
printemps.
Nous savons toutefois que, pour être complets, il faut ajouter l’exaltation de Mercure,
attribuée à la Vierge (pour rappel, une attribution antérieure à celle de son domicile,
également dans ce signe). Considérant les affinités entre Mercure et Nabou, dieu
mésopotamien de l’écriture et de la sagesse, qui représente les scribes et donc les comptables,
cela parait évident. L’écriture n’est pas née en effet pour le plaisir de communiquer ou de
faire de la prose, mais pour la nécessité d’énumérer et de tenir des comptes. Considérant en
outre que Mercure est un astre peu visible, il semble logique de l’accoler à Saturne, un astre
peu accessible.
Mercure est ainsi associée à la septième planète, formant un binôme qui s’oppose à
Vénus-Soleil. Autrement dit, la pensée (Mercure) fait face aux sentiments (Vénus), comme la
raison (Saturne) se confronte au cœur (Soleil).
Figure 15
La petite sirène des
productions Walt DISNEY
Figure 16
John William WATERHOUSE:
Ulysse et les sirènes (1891)
19
Dans cette optique, nous découvrons que nous avons d’un côté un pôle affectif et d’un
autre un pôle intellectif, auquel il manque toutefois une pièce que nos ancêtres n’avaient pas
encore perçue…
Les exaltations des transsaturniennes
Parmi les rares astrologues qui s’aventurent sur le sujet, l’attribution de l’exaltation
d’Uranus en Scorpion fait la quasi-unanimité ; sans entrer dans de longs développements
symboliques13, il semble que cela tombe à point : juste en face de la Lune. Nous obtenons
ainsi deux regroupements planétaires qui représentent deux pôles distincts :
13 Signalons simplement que la révolte et l’intransigeance sont deux attributs d’Uranus, mais aussi du Scorpion.
Figure 17
Figure 18
20
Le registre de l’affect, composé de Vénus (les sentiments) en Poissons, du Soleil (le
cœur) en Bélier et de la Lune (les émotions) en Taureau ;
Le registre de l’intellect, composé de Mercure (la pensée) en Vierge, de Saturne (la
raison) en Balance et d’Uranus (la logique) en Scorpion.
De ce point de vue, les exaltations ne révèlent donc pas seulement l’importance de la
structure quaternaire, mais aussi de celle ternaire et de celle binaire, les deux pôles étant
divisés en trois composantes.
L’exaltation de Neptune est plus douteuse, planète vaporeuse oblige… Les rares auteurs
qui s’aventurent sur ce sujet préconisent souvent le Lion14, une hypothèse séduisante partant
de l’idée que Neptune (par exaltation) et le Soleil (par domicile) se conjuguent dans ce signe
en raison d’un principe commun : tous deux sont en effet des astres de lumière, celle visible,
objective et forte du Soleil et celle invisible, spirituelle et intense de Neptune. Neptune
évoque l’aura, la lumière intérieure, le principe le plus diffus, non aveuglant ; tandis que le
Soleil représente le côté divin, lui aussi lumineux, le plus évident, mais aveuglant. Nous
retrouvons ici un principe cher aux anciens : la lumière, en l’occurrence celle visible et celle
invisible. Neptune est en effet le premier astre absolument invisible : il semblerait qu’Uranus
soit visible à l’œil nu dans certaines conditions particulières, étant de toute façon une planète
observable avec un petit télescope (une prothèse des yeux), tandis que s’agissant de Neptune
et de Pluton, il faut se rendre dans un observatoire astronomique pour les visualiser.
Qui plus est, et toujours en veillant à garder la cohérence du système, voire son
caractère esthétique, les attributions d’Uranus et de Neptune tombent à pic puisqu’elles
comblent deux signes qui en étaient privés : ne dit-on pas que la nature a horreur du vide ?
15
Reste alors Pluton… Difficile de la cerner : certaines voix penchent pour une exaltation
en Sagittaire, d’autres en Bélier ou alors en Verseau…
14 Certains parlent toutefois du Sagittaire, mais nous avons vu qu’il s’agirait là plutôt de son deuxième domicile.
Valérie D’Armandy, pour sa part, dans un article publié sur son site, préconise le Cancer.
15 Célèbre aphorisme d’Aristote.
Figure 19
21
Dans un ouvrage collectif16, Josette Bétaillole et Suzanne Mollard relatent l’ascendance
et l’héritage plutoniens, mettant en exergue les traits les plus typiques d’Hadès. Le chiffre
trois est à l’honneur avec ce dieu : ainsi, pour accéder au monde de Pluton, il faut passer par
Cerbère, le chien à trois têtes, gardien des enfers ; trois juges décident de l’accès au monde
souterrain et trois fleuves y coulent. Force est dès lors de constater que « ce chiffre trinitaire
se retrouve tout au long de la mythologie, tout particulièrement dans celle de Pluton »
17
.
Si le mythe renvoie en effet souvent à la triplicité, on ne trouve pas moins une
indéniable duplicité entre Hadès, le mystérieux, considéré comme un dieu terrifiant et donc
peu vénéré, et Pluton, le riche, divinité bienfaisante, qui faisait l’objet d’un culte chez les
grecs et chez les romains. Deux faits sont ici remarquables : d’une part en lien à la notion de
visibilité abordée avec Neptune puisque, afin qu’il dispense ses biens sans égard pour les
mérites propres à chacun, Ploutos fut privé de la vue par Zeus ; d’autre part, le fait que les
romains lui sacrifiaient un bélier ou une brebis de couleur noire n’est pas sans évoquer le lien
précédemment suggéré avec le premier signe du zodiaque (par second domicile ou comaîtrise).
Dans la mythologie, Hadès est connu pour avoir enlevé Perséphone, sa nièce, fille de
Déméter et de Zeus. Après ce méfait, il dut se résoudre à la garder un tiers de l’année (nous
retrouvons le chiffre trois…) pour la laisser libre le reste du temps ; en effet, Déméter,
désespérée, cessa de faire germer les semences sur Terre, ce qui obligea Zeus à intervenir :
Hermès fut chargé de faire revenir Perséphone, mais celle-ci avait déjà goûté à une grenade
rendant indissoluble l’union avec Hadès et Zeus fut ainsi contraint de trouver cet
arrangement… Cette histoire révèle qu’il y a là une forme de donnant-donnant, consenti après
marchandage et négociations parce que le jeu a entretemps subrepticement changé car Hadès
a manigancé son coup avec la grenade : c’est un côté retors, typiquement plutonien18, assez
double finalement. On notera également que dans ce récit Hermès, le messager rusé, le
négociateur par excellence, se fait abuser par Hadès, manifestement plus malin ou plus
précautionneux que lui… N’aurait-il pas trouvé, lui maître par domicile des Gémeaux, le
maître par exaltation de ce signe, c’est-à-dire le seul capable de le surpasser là où pourtant il
excelle ?
Il y a un autre fait mythologique qui instaure un lien entre Mercure et Pluton : tandis
qu’Hermès dispose d’un casque assez singulier, ailé, qui lui permet donc de voler au sens
propre comme au figuré, le casque d’Hadès lui confère un don particulier : celui de se rendre
invisible. Encore la notion d’invisibilité…
Ces éléments ne sont pas sans évoquer le troisième signe du zodiaque, signe double
gouverné par Mercure, un astre peu visible en raison de sa proximité au Soleil, ce qui
explique qu’Hermès avait accès au monde souterrain. En effet, Hermès avait une fonction
fondamentale puisque, seul à bénéficier de ce privilège, il était psychopompe, autrement dit
passeur d’âmes, habilité à pénétrer dans le royaume d’Hadès pour y accompagner l’âme des
défunts. Il est donc logique qu’il puisse partager quelque affinité avec Hadès.
Les données astronomiques vont elles aussi dans ce sens : Pluton forme un couple, un
système double avec Charon (qui est plus petit d’un tiers de diamètre), couple dont le centre
de gravité est tout simplement situé entre les deux, dans le vide…
On sait par ailleurs que le signe des Gémeaux est associé à l’adolescence, sans doute la
période de plus grande transformation corporelle qu’on connaisse au cours de l’existence ; or,
Pluton est l’astre de la transformation par excellence. L’adolescence est aussi la période de
l’acné juvénile (le pus est plutonien) ; c’est l’âge de la découverte des premières expériences
sexuelles (encore Pluton), des passions et de la révolte. Cet âge est souvent considéré d’or
16 Atelier d’Astrologie d’Aquitaine, L’irréductible Pluton, AAA, 2009.
17 Op. cit., p. 34.
18 Toujours en relation avec l’invisibilité de l’astre, les plutoniens cachent bien leur jeu.
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quand on l’a franchi (Pluton, le riche), mais que faut-il en penser depuis que James Dean, Jack
Kerouac, Jimi Hendrix, Janis Joplin et bien d’autres sont passés par là ? Les épreuves, les
tourments et les tournants de l’adolescence sont souvent proches des affres plutoniennes…
Le lien entre Pluton, le « gardien du seuil », et les Gémeaux est encore plus profond
sachant que, dans l’astrologie mésopotamienne, « les Gémeaux correspondent aux dieux
Maslamtaéa et Lugalirra, les portiers du Monde des Trépassés ».19
Figure 20
Les exaltations comprenant les transsaturniennes
Un schéma structurel
En attribuant l’exaltation d’Uranus au Scorpion, de Neptune au Lion et de Pluton aux
Gémeaux, on constate que non seulement des « cases vides » se remplissent, mais que les
attributions prennent de plus en plus forme. En effet, après les pôles représentés par l’affect
(Vénus, Soleil et Lune) et l’intellect (Mercure, Saturne et Uranus), voilà qu’apparaît un
« fond » intégrant Pluton, Jupiter et Neptune qui fait face à la « forme » singularisée par
l’énergie martienne.
Fait considérable, après trois divinités babyloniennes autour de l’équinoxe du
printemps, ces attributions placent à leur suite et côte à côte les trois principales divinités du
panthéon grec : Jupiter (Zeus), entouré de ses deux frères, Pluton (Hadès) et Neptune
(Poséidon). Le système des exaltations étant antérieur, n’aurait-il pas finalement structuré la
vision du monde grec et occidental en général ? Ce serait un bel exemple d’expression de
l’inconscient collectif d’une culture, longtemps avant que Neptune et Pluton ne soient
découvertes ! Et si trois grandes figures avaient emboité le pas dans notre civilisation ?
Mercure (la pensée, l’analyse), Saturne (la raison, l’abstraction) et Uranus (la logique, la
conceptualisation), sont en effet là pour assurer la continuité tout en s’opposant et en se
confrontant donc aux racines mêmes de notre art : nos racines mésopotamiennes. Il s’agit en
tout cas d’une concordance remarquable, qui illustre le fait que nous ne parlons pas de
l’astrologie : c’est l’astrologie qui parle en et à travers nous et, en ce sens, les astrologues ont
une place délicate et privilégiée à la fois car ils en sont les évocateurs, celles et ceux qui
tentent de lui donner voix. ♦
19 Roland LAFFITTE, Naissance du zodiaque en Mésopotamie, p. 4.
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Figure 21
Pavement zodiacal en mosaïque, synagogue de Sepphoris, Israël (Ve siècle av
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