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L'article
ci-dessous est la transcription (révisée) d'une conférence prononcée
par Robert Hand lors du Congrès astrologique 2005 de la British
Astrological Association à York, G.B.
Que signifie postmoderne?
Je devrais d'abord définir le mot "postmoderne". Le
terme postmodernisme tel qu'il est utilisé aujourd'hui décrit un
ensemble de mouvements philosophiques issus de la philosophie française
contemporaine représentés surtout par les travaux de Jacques Derrida, le
post-structuralisme et le philosophe et historien Michel Foucault.
Je ne suis pas en train de parler de cela ici parce
qu'il s'est aussi passé autre chose en astrologie. L'astrologie n'a
jamais fait partie du monde moderne et ne peut donc pas traverser une
période postmoderne similaire. Je suggérerais plutôt que l'astrologie
est idéale pour être appelée tant pré-moderne que postmoderne dans le
sens philosophique français.
"Ensuite, au 18e siècle, il y eut une très longue
pause. Les historiens traditionnels appellent cette époque le Siècle des
Lumières. Je préfère le mot "Siècle de l'Obscurité" en raison de ce qui
est arrivé à l'astrologie: elle a presque disparu."
Ce dont je parle est plutôt d'un phénomène historique
très réel en astrologie, et c'est le suivant: il y a eu jusqu'à environ
1700 une astrologie composée de certains schémas, d'idées et de
principes constants qui se voulait une tradition plus ou moins continue
de ce qui remontait - cette date est très vague - à peu près au
cinquième siècle avant notre ère. Ensuite, au 18e siècle, il y eut une
très longue pause. Les historiens traditionnels appellent cette époque
le Siècle des Lumières. Je préfère pour ma part le terme "Siècle de
l'obscurité" en raison de ce qui est arrivé à l'astrologie: elle a
presque disparu. Une réviviscence s'est amorcée plus tard, au cours de
la majeure partie du 19e siècle et a ranimé une portion de la tradition
presque disparue en 1700.
Voilà cependant qu'avec Alan Leo et, plus récemment,
avec Dane Rudhyar et, à un autre niveau, avec l'école de Hambourg et la
Cosmobiologie d'Ebertin, un nouveau type d'astrologie, qu'il serait
peut-être opportun d'appeler l'astrologie du 20e siècle mais que
j'aimerais appeler l'astrologie moderne, a commencé à voir le jour. Je
vais en réalité traiter de la question suivante: que va-t-il se passer
maintenant?
Le début de ce que j'appellerai, à défaut d'un meilleur
terme, l'astrologie postmoderne remonte à quelques années déjà.
Principalement deux personnes sont à l'origine de ce nouveau départ.
Elles sont, aux États-Unis, Robert Zoller, qui a commencé à étudier
l'astrologie médiévale dans les textes latins originaux au cours des
années '70, suivi de près ici (en Grande-Bretagne) par la défunte Olivia
Barclay, qui a enseigné l'astrologie horaire à ses étudiants
directement des textes de William Lily. Les enseignements de ces deux
personnes ont constitué un retour de l'astrologie pré 1700 ou
pré-moderne. Leurs travaux ont eu d'énormes répercussions. Aux
États-Unis, ils ont mené au mouvement dont je faisais partie, ou dont je
fais partie mais auquel je ne suis plus associé de nom et qui s'appelle
le Projet Hindsight, dont Robert Zoller et moi, de même que Robert
Schmidt, avons été les fondateurs. Plus tard, Robert Zoller a continué
son chemin comme j'ai continué le mien, mais le mouvement existe
toujours. Il y a aussi bien sûr un mouvement de traduction très
important en Espagne, et aussi en Italie.
Ainsi, le type d'astrologie pré 1700 pré-moderne
effectue un retour assez rapide. L'influence de ces mouvements n'est pas
tout à fait ce à quoi nous pourrions nous attendre. Oui, il y a des
gens, et je pense que je peux exprimer ceci sans insulter personne, tels
que Robert Zoller, qui tentent vraiment de ranimer entièrement une
astrologie pré-moderne intacte, par ailleurs connue sous le nom
d'astrologie traditionnelle. Cependant, comme certaines personnes
considèrent l'astrologie d'Alan Leo comme l'astrologie traditionnelle,
le terme "pré-moderne" est peut-être plus précis pour les styles
d'astrologie pré 1700. Mon image favorite de Robert Zoller - et
croyez-moi, je ne pense pas qu'il s'objecterait à ma description - est
celle-ci: il sourirait, se frotterait les mains avec délices et dirait:
"Les vieilles méthodes sont les bonnes méthodes!"”
Ce qui semble pourtant se produire et ce que je crois
moi-même n'est pas vraiment une réviviscence de l'astrologie
traditionnelle. Il s'agit plutôt d'une guérison de la fracture qui s'est
produite au 18e siècle. Nous n'essayons pas de pratiquer l'astrologie
exactement comme elle était pratiquée, nous essayons plutôt de recréer
l'astrologie comme elle serait si elle n'avait jamais cessé d'être une
tradition active. Il est très important de comprendre ce point parce
qu'on a souvent dit et souvent cru que l'astrologie traditionnelle ne
doit pas avoir été très efficace pour avoir disparu, ou presque.
Certains disent qu'elle devait sûrement être terriblement incomplète et
que l'astrologie moderne en est une amélioration évolutive.
Ce n'est pas le cas. L'astrologie traditionnelle a
disparu pour des raisons beaucoup plus sociopolitiques que
scientifiques. Si vous désirez un exemple de ce que je veux dire,
consultez l'excellent travail de Patrick Curry, Prophecy and Power, dans
lequel il décrit le processus de la disparition de l'astrologie en
Grande-Bretagne. Je vous assure toutefois que ce processus n'était pas
limité à la Grande-Bretagne. Nous ne faisons donc pas d'astrologie
traditionnelle, nous guérissons la fracture qui s'est produite au 18e
siècle.
L'astrologie traditionnelle
En premier lieu, qu'est-ce que l'astrologie
traditionnelle? Malheureusement, la seule définition générale que je
peux en faire est de la décrire comme l'astrologie pré 1700. À cet
égard, elle est comme presque tout le reste de l'Histoire. Je pense que
si vous faites un petit calcul rapide, vous verrez que le gros de
l'Histoire s'est déroulé avant 1700, des milliards et des milliards
d'années en fait. Cela mis à part, elle est difficile à décrire. Nous
devons nous demander "Quelle astrologie traditionnelle?"
L'hellénistique/classique? Le Jyotish? Le Jyotish est un terme que je
préfère de beaucoup à védique, d'abord parce que c'est le terme indien
correct et ensuite parce que (je sais, je vais recevoir des objections
là-dessus plus tard) il n'y pas beaucoup d'astrologie horoscopique dans
les Védas. Parlons-nous d'astrologie arabe ou, comme je préfère
l'appeler, d'astrologie perso-arabe, parce qu'elle est en fait beaucoup
plus persane qu'arabe? Parlons-nous de l'astrologie médiévale écrite en
latin, qui est essentiellement la même que l'astrologie arabe? Ou
parlons-nous des débuts de l'astrologie moderne, et je ne veux pas dire
Alan Leo? Les débuts de l'astrologie moderne sont composés de gens comme
Placide, Morinus, Kepler, qui ont tous analysé l'astrologie
traditionnelle telle qu'ils avaient apprise et ont tous cru au besoin
d'une réforme.
"Nous n'avons pas entièrement digéré les astrologies
traditionnelles; pour utiliser le bon terme, nous n'avons pas maîtrisé
leurs techniques."
De quelle astrologie parlons-nous alors? J'ai de
mauvaises nouvelles: de toutes! Nous n'avons pas entièrement digéré les
astrologies traditionnelles; pour utiliser le bon terme, nous n'avons
pas maîtrisé leurs techniques. Par exemple, on n'utilise pas et on
n'expérimente pas encore beaucoup avec les techniques prédictives de
l'astrologie hellénistique et même certaines des techniques prédictives
de l'astrologie médiévale. Elle peuvent s'avérer ne pas être très
utiles, tout comme elles peuvent signifier une percée très importante.
Je ne sais pas vraiment et nous ne le saurons pas jusqu'à ce qu'on les
ait étudiées systématiquement.
L'astrologie au 20e siècle
Cette infusion d'éléments de traditions diverses à la
tradition astrologique moderne représente l'essence du passage de
l'astrologie moderne à l'astrologie postmoderne. Certains ont appelé
cette astrologie traditionnelle néo-classique, mais c'est vraiment
mettre l'accent sur le mauvais mot. Ce n'est une astrologie
néo-classique qu'au sens du terme que lui donne la langue ordinaire.
Bien! Que faire alors du 20e siècle? Je vais vous
prouver de manière conclusive que je ne suis pas traditionaliste: nous
allons le garder! Nous allons en garder les meilleurs éléments. Le
progrès le plus important réalisé par l'astrologie du 20e siècle a été
l'acceptation que l'astrologie pouvait réellement devenir un outil du
potentiel humain et de la réalisation de soi. On trouve peut-être un peu
de ça dans le Jyotish, mais certainement pas dans l'astrologie
hellénistique, arabe ou médiévale latine. Ces trois traditions étaient
entièrement axées sur la vie quotidienne, les situations ordinaires. Par
contre, Dane Rudhyar en particulier a introduit une manière
radicalement nouvelle de penser à l'astrologie. La notion d'astrologique
psychologique est très proche de sa pensée. Je ne partage pas le mépris
que de nombreux traditionalistes affichent pour l'astrologie
psychologique. Je pense qu'elle est extrêmement importante. Ma seule
critique est que dans les mains de certains de ses praticiens les moins
habiles, elle est devenue une purée astrologique dans laquelle tout peut
vouloir dire n'importe quoi, selon l'état d'âme du client et de
l'astrologue. Le langage de l'astrologie du 20e siècle est un langage
imprécis, vague, obscur et flou. Par contre, les objectifs de
l'astrologie du 20e siècle sont parfaitement louables.
Pourquoi la tradition, à tout le moins les branches
dont j'ai parlé, n'a-t-elle jamais traité de la question de la
réalisation de soi? Ils avaient les outils s'ils avaient eu des raisons
philosophiques de le faire. La raison est très simple: tant dans le
monde musulman que chrétien, cette question était régie par autre chose,
nommément, par la religion, dont l'astrologie était largement
dissociée. Tant les astrologues musulmans que chrétiens devaient
expliquer constamment que l'astrologie ne nuisait pas à la religion, ne
traitait pas des mêmes questions, elle était donc acceptable. Il existe
en fait en astrologie occidentale une tradition d'atténuation, comme il
en existe une aussi dans l'astrologie hindoue, et cette tradition a
toujours été souterraine. C'est la magie. Mais nous, les astrologues,
avons dû prétendre que nous n'y étions pas liés pour survivre dans ce
qui était jusqu'à tout récemment un monde chrétien ou musulman.
"Nous conservons l'astrologie du 20e siècle dans la
mesure où elle fonctionne, a du sens et est suffisamment
précise pour être vérifiable."
Donc, nous conservons l'astrologie du 20e siècle dans
la mesure où elle s'adresse aux besoins de l'humanité moderne. Chaque
astrologie compose avec la culture dans laquelle elle vit, et si elle ne
le fait pas, cela n'a pas d'importance. Nous devrions conserver
l'astrologie du 20e siècle dans la mesure où elle fonctionne, a du sens
et est suffisamment précise pour être vérifiable. Pour vous montrer ce
que je veux dire par "suffisamment précise" (ou plutôt, suffisamment
imprécise), voici un exemple de prédiction (absurde, j'en conviens) qui
illustre le problème: "Il se produira des événements au cours de l'année
prochaine." Vous riez, mais j'ai entendu des prédictions astrologiques
qui étaient tout aussi 'précises'.”
Je pense aussi que certains outils de l'astrologie du
20e siècle méritent d'être gardés, comme les mi-points, le cadran de 90
degrés, et des idées extrêmement valables présentées par plusieurs
écoles, trop nombreuses pour êtres citées ici. L'astrologie du 20e
siècle ne doit pas être mise à la poubelle, mais voici ce dont elle a
besoin:
Tout d'abord, la question qu'on pose souvent:
l'astrologie traditionnelle, quelle que soit sa forme, est-elle
meilleure que l'astrologie moderne? Naturellement, les traditionalistes
répondent immédiatement "Mais bien sûr!". Ils disent qu'elle est plus
efficace. C'est probablement vrai, mais pas pour les raisons auxquelles
on pense. L'astrologie hindoue, l'astrologie arabe, l'astrologie
médiévale et, à cet égard, l'astrologie hellénistique possèdent toutes
une langue beaucoup plus précise que celle de l'astrologie du 20e
siècle. En termes simples: ces langues, en tant que langues, sont plus
claires; ces premières astrologies expriment les choses clairement et
dans la mesure où elles expriment les choses clairement, on peut savoir
si ce qu'elles disent est vrai ou non.
"J'ai offert un compliment étrangement équivoque à la
cosmobiologie du système Ebertin, j'ai dit que je l'aimais parce que
c'était un des rares systèmes astrologiques qui me permettaient de
savoir quand il ne fonctionnait pas."
J'ai offert un compliment étrangement équivoque à la
cosmobiologie du système Ebertin, j'ai dit que je l'aimais parce que
c'était un des rares systèmes astrologiques qui me permettaient de
savoir quand il ne fonctionnait pas. Je vais vous faire une déclaration
que certains penseront scandaleuse et que d'autres ont contredit
plusieurs fois au cours de ce congrès: je n'ai jamais monté une carte
incorrecte qui fonctionnait mieux qu'une carte correcte. Je ne dis pas
que cela ne peut pas se produire, mais cela ne m'est jamais arrivé. J'ai
toujours attaché une grande importance à la formulation du langage
astrologique, de sorte que je peux savoir si la déclaration que je fais
est correcte ou incorrecte. Je me souviens d'une conférence de Geoffrey
Dean, dans laquelle il parlait d'une carte qui était supposée être celle
de Petula Clark. Geoffrey ne se souvient pas de cette anecdote, mais
moi, oui, et cette carte présentait une étroite conjonction de Mars et
Neptune. Geoffrey s'exprimait en un charabia astrologique moderniste sur
la nature altruiste et généreuse de cette personne, etc. etc. Je me
disais "C'est complètement fou, cette carte ne peut pas du tout être
bonne." Plus tard, après avoir convaincu tout l'auditoire, il a révélé
qu'il s'agissait en fait de la carte de Charles Manson. Juste une petite
remarque, dans la carte astro-carto-graphique de Charles Manson, la
ligne de la conjonction Mars Neptune traverse le désert juste à l'est de
Los Angeles. Alors quand il a enfin admis que c'était la carte de
Charles Manson, je me suis dit: "Je savais que cela ne pouvait pas être
celle de Petula Clark!" Ils sont nés le même jour à un an d'intervalle.
C'est la raison pour laquelle Geoffrey a pu berner tout le monde. Le
problème, c'est qu'il a tiré parti du caractère imprécis d'une bonne
partie du langage astrologique moderne du 20e siècle. Il faut que cela
change! La réalisation de soi, l'exploration psychologique ou même
l'illumination par le biais de l'astrologie sont des objectifs, des
tâches, tout à fait nobles, mais il faut le faire en s'exprimant
clairement parce que sinon, l'astrologie ne servira plus à rien, excepté
de divertissement, ce que, je suppose, certains trouveront parfaitement
acceptable.
En plus de son langage imprécis, l'astrologie moderne a
été affligée d'une faille tragique: l'absence complète d'une base
philosophique cohérente issue d'une tradition philosophique ou
spirituelle, à l'exception du Jyotish. Le Jyotish possède un passé
philosophique et spirituel cohérent dérivé des religions de l'Inde. Pour
ceux d'entre vous qui l'ignorent, l'astrologie occidentale (et je parle
plus précisément de l'astrologie du Moyen-Orient, nous n'en pratiquons
que la branche occidentale) possède également une fondation solide dans
une philosophie dérivée de gens comme Platon, Pythagore, Aristote,
Plotin, et a des racines dans d'autres philosophies que nous ne pouvons
attribuer à une personne précise, comme les philosophies de Hermès. Nous
devons retourner à ces philosophies (et demain j'espère y arriver en
partie) parce que toute la philosophie occidentale moderne, à
l'exception possible et probable de la phénoménologie, émane d'un
ensemble d'idées qui ont vu le jour après que l'Occident eut emprunté la
voie philosophique qui rendait l'astrologie intrinsèquement impossible.
"En plus de son langage imprécis, l'astrologie moderne a
été affligée d'une faille tragique: l'absence complète d'une base
philosophique cohérente issue d'une tradition philosophique ou
spirituelle du monde."
Nous devons donc retourner aux philosophies qui ne
rendent pas l'astrologie intrinsèquement impossible, replanter des
racines, en moderniser notre compréhension et les ramener au 20e ou 21e
siècle. Nous avons un exemple brillant de tout cela dans le travail de
John Addey, dont l'astrologie, fermement enracinée dans le
néoplatonisme, pointait vers une forme d'astrologie radicalement
nouvelle. Nous ne voulons cependant pas nous servir des philosophies
mystiques du 19e siècle comme celles de Mme Blavatsky, Alice Bailey et
les autres, en partie parce qu'elles ne sont pas réellement des
philosophies de base. Elles enseignaient une forme obscure et modernisée
du néoplatonisme. Je ne dis pas que leurs travaux ne valent rien, mais
en ce qui concerne la philosophie, retournons à la base.
Alfred North Whitehead est peut-être lui aussi un
philosophe qui a des choses à nous dire, mais jusqu'à ce que j'arrive à
lui faire dire quelque chose que je comprendrai vraiment - ceux d'entre
vous qui ont essayé de lire Whitehead savent ce que je veux dire - je ne
saurai pas ce qu'il a à offrir.ead Whitehead will know what I mean – I
cannot tell what he may have to offer.
L'astrologie manque de base théorique
Il faut avoir de bonnes bases philosophiques parce
qu'elles mènent à la création en une forme quelconque de ce qui,
répètent les scientifiques, manque à l'astrologie: une base théorique.
Il faut bien sûr comprendre qu'une base théorique n'a pas besoin d'être
correcte d'emblée. Elle doit être corrigible. La théorie astrologique,
même fondée sur ses nouveaux liens avec la philosophie ancienne, ne sera
pas une théorie reconnue par la science, mais elle fonctionnera de fait
comme une théorie scientifique. C'est juste qu'elle ne fonctionnera pas
conformément au paradigme scientifique, quel qu'il soit, à tout le
moins pas à tout paradigme constitué à partir du plus vaste
métaparadigme de la science moderne.
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi: le paradigme
scientifique contemporain, à l'exception de quelques domaines de la
physique quantique, ne tient à peu près aucun compte du rôle de la
conscience dans l'univers. Dans les termes les plus forts: la vie et la
conscience, selon la version dominante du paradigme scientifique
moderne, sont des épiphénomènes des lois de la nature inanimée. Un
épiphénomène est un phénomène superficiel de second niveau, non
essentiel au système entier. En d'autres mots, nous sommes
insignifiants, négligeables, le monde n'a essentiellement aucun dessein,
il ne fait que tourner vers une fin stupide, vaine et vide de sens.
Bien sûr, la question se pose: Qui juge le monde "vide
de sens"? Il ne peut pas y avoir d'absence de sens à moins qu'il n'y ait
aussi quelqu'un pour juger une chose vide de sens. Malheureusement,
quand le 19e siècle a extirpé Dieu de la science, il a rendu
indéfinissable, hors de propos et spéculative toute la question de
sens/absence de sens. Selon un auteur "scientifique" moderne, nous
sommes comme des bactéries qui vivent sur une des particules de
poussière d'un éternuement. Voilà la description donnée de la vie dans
le Big Bang. On dit que nous vivons sur une planète qui tourne autour
d'une petite étoile dans une galaxie sans importance dans un univers
infiniment immense. Pour qui n'avons-nous pas d'importance? S'il n'y a
pas de vie dans l'univers, qui donc nous juge sans importance et depuis
quand la magnitude seule est-elle devenue le critère de l'excellence?
Des milliards et des milliards d'étoiles disait Carl Sagan, comme si
l'ajout de zéros après le un rendait les choses encore plus importantes
et plus sensées.
"À mon humble avis, l'astrologie n'a aucun sens à moins
de postuler que la vie, l'esprit et la conscience sont essentiels au
fonctionnement de l'univers et précèdent de manière significative la
matière et l'énergie ou en sont à tout le moins les concomitants, ce qui
signifie coéternels."
À mon humble avis (entendez par là qu'une "déclaration
arrogante" va suivre) l'astrologie n'a aucun sens à moins de postuler
que la vie, l'esprit et la conscience sont essentiels au fonctionnement
de l'univers et précèdent de manière significative la matière et
l'énergie, ou en sont à tous le moins les concomitants, ce qui veut dire
coéternels. Quelque chose nous parle et les choses qui parlent doivent
être vivantes et conscientes. L'idée que la vie et la conscience sont
des épiphénomènes est à l'opposé exact de la vision astrologique du
monde. C'est pourquoi nous sommes des hérétiques. De grâce, restons-le!
Je crois que plusieurs astrologues ne comprennent pas
les répercussions logiques de ce qu'ils font. Ils sont des astrologues
quand ils sont dans leur salle de consultation et des matérialistes
mécanistes ordinaires du 21e siècle quand ils font autre chose - bien
que je trouve cela de moins en moins vrai avec le passage du temps, et
cela me fait bien plaisir. Il faut toutefois reconnaître que oui, en
effet, l'astrologie, et la métaphysique de la science également connue
sous le nom de scientisme, sont réellement incompatibles. Dieu merci!
Passons maintenant à une autre facette de la nouvelle
forme d'astrologie: je rejette totalement, absolument et complètement
toute forme d'astro-intégrisme. Laissons ça à certains fanatiques
lunatiques des communautés juive, musulmane et chrétienne. Il ne faut
pas récupérer entièrement quelque forme d'astrologie ancienne que ce
soit seulement parce c'est la seule à être entièrement, absolument et
positivement vraie pour toujours. Nous les reprenons au meilleur de
notre habileté, pour apprendre d'elles, mais elles ne sont pas
nécessairement "plus vraies" que ce que nous faisons. Nos ancêtres
étaient des êtres humains, comme nous. Est-ce que je crois que
l'astrologie est née d'une révélation divine au sens biblique? Peut-être
que oui dans un autre sens, mais pas au sens biblique étroit. Elle n'a
pas été révélée pleine, entière, parfaite et complète à qui que ce soit à
quelque moment que ce soit. Elle sera peut-être complète et parfaite
éventuellement, mais seulement parce que nous aurons accompli le travail
de découvrir cette révélation. Les choses ne se passeront probablement
jamais comme ça, mais je ne veux exclure aucune possibilité.
Équilibrer les positions modernistes et traditionalistes
Nous devons donc équilibrer les positions modernistes
et traditionalistes. En passant, je désire être très clair sur un point:
si je semble insulter certains membres de la communauté Jyotish/védique
en parlant d'intégrisme astrologique, croyez-moi, je ne le fais pas. Il
y a aussi les intégristes de Lilly, les intégristes hellénistiques, les
intégristes arabes... On peut croire à n'importe quel système, à
condition qu'il ne soit pas moderne, à la manière d'un intégriste ou,
pour utiliser un terme encore plus à la mode dans les cercles religieux,
d'un littéraliste... une personne qui croit que les livres sont
littéralement et entièrement vrais.
La position moderniste prétend que seuls les plus
récents travaux sont valables et la position traditionaliste croit que
tout ce qui est moderne est entièrement mauvais et corrompu. Je suis
catégorique, ces deux positions sont erronées. Si vous n'êtes pas
d'accord avec moi, très bien, mais c'est ma position, à prendre ou à
laisser (j'ai la Lune en Scorpion).
L'astrologie postmoderne doit reconnaître que
l'astrologie est un art acquis. Bien que nous invitions l'enthousiaste
et l'amateur à participer, nous devons également reconnaître que
l'astrologue amateur jouera un rôle semblable à celui du scientifique
amateur, un rôle loin d'être insignifiant, mais un rôle plus limité.
L'astrologie n'est pas plus un divertissement que la psychologie; c'est à
dire que les deux peuvent devenir des divertissements amusants, mais ce
n'est là ni leur but ni leur valeur.
À cette fin, et je sais que plusieurs le savent déjà,
un mouvement s'est amorcé vers la création d'institutions scolaires
astrologiques. L'une de celles-ci est le collège Kepler. On y enseigne
un programme authentique d'arts libéraux qui est toutefois (et c'est
justement la devise non officielle de l'école) "filtré par la lentille
de l'astrologie", mais c'est bel et bien un programme d'arts libéraux.
Qu'est-ce que j'y enseigne? J'enseigne l'histoire ancienne et médiévale
et le latin. Naturellement, il n'y a pas que Cicéron qui a écrit en
latin. Nous lisons Jean de Séville et d'autres comme lui. (Nous ne
lisons pas Manilius, parce que personne ne peut lire Manilius.) Ici en
Grande-Bretagne, il y a bien sûr le programme de Bath Spa, le programme
de Southampton, de l'Université de Canterbury et probablement d'autres
encore que je ne connais pas.
C'est une avancée très intéressante parce que nous en
sommes désormais au point où le prochain niveau de l'astrologie doit
s'accomplir dans des milieux similaires à ceux des universités, où il y a
des congrès entre professionnels du domaine, qui présentent des travaux
très importants mais trop techniques ou ésotériques (dans le sens
original du terme) pour une conférence astrologique générale. Par
exemple, nous avons plusieurs styles de directions primaires médiévales,
leur origine, leur importance, leur application etc., c'est
certainement un sujet qui n'intéresse que les spécialistes.
Je vais vous parler d'une chose que j'ai remarquée, je
suis convaincu que Masha Allah ou le travail qui lui est attribué vient
de deux personnes, parce qu'on y trouve deux méthodes d'astrologie, mais
je n'ai pas encore trouvé le moyen d'en présenter une preuve
rigoureuse. Ce n'est pas le type de sujet qui attirerait une grande
foule même à une conférence de la AA, et les conférences de la AA sont
pourtant beaucoup plus subtiles que bien d'autres.
"Le côté "l'astrologie et votre toutou" de l'astrologie existe depuis pas mal de temps et je ne dis pas que cela doit cesser."
L'option? Chez Astrolabe, la compagnie où j'ai
travaillé dans le passé, nous avions une caricature sur le mur qui
montrait une femme rondelette à la poitrine généreuse debout derrière un
lutrin, une expression sévère sur son visage, et qui disait: "Nous ne
connaîtrons pas de repos jusqu'à ce que l'astrologie trouve sa place à
l'université." Sur le mur derrière elle, une affiche disait: "La semaine
prochaine: l'astrologie et votre toutou".
Bon, il n'y a rien de mal à ça, mais ce sont les deux
faces de l'astrologie. Le côté 'l'astrologie et votre toutou' de
l'astrologie existe depuis pas mal de temps et je ne dis pas que cela
doit cesser. J'en suis maintenant à ma quatrième année d'enseignement au
deuxième cycle, je commence donc à savoir ce qu'il se fait de bon et
d'utile au niveau universitaire pour faire progresser l'astrologie. Nous
ne l'avons pas encore en grande partie, mais nous y arrivons. Cette
"théorisation", si je peux inventer un mot, ce remaniement de
l'astrologie pour la rendre plus théorique est une étape extrêmement
importante.
Je dois maintenant vous dire quelque chose de très
important sur ce processus. Nous ne tentons pas de rendre l'astrologie
respectable. Nous tentons de forcer l'astrologie à se structurer de
l'intérieur. Ce n'est pas la même chose. Nous ne convaincrons pas les
universitaires que nous appartenons à l'université rien que parce que
nous le disons; il n'est même pas certain que nous serons un jour
intégrés à l'université. Ce n'est pas important. C'est pour nous, pour
l'efficacité de notre art, pas pour notre respectabilité. Nous serons
plus efficaces si nous faisons ces choses. Nous avons besoin de
bibliothèques internationales contenant des textes astrologiques,
imprimés ou virtuels. Nous devons retrouver tous ces vieux journaux
astrologiques qui moisissent sur nos tablettes, en faire des scans et
les rendre disponibles aux chercheurs.
"Nous ne tentons pas de rendre l'astrologie respectable.
Nous tentons de forcer l'astrologie à se structurer de l'intérieur.
Ce n'est pas la même chose."
Je ne sais pas combien d'entre vous le savez, mais il y
a sur Internet un truc qui s'appelle "Early English Books Online".
Chaque livre encore existant imprimé en Angleterre avant 1700 se
retrouve dans cette base de données. Vous pouvez les lire ou les
télécharger, à votre gré. C'est exactement ce qu'il nous faut en
astrologie. Nous avons besoin de tous ces journaux, de tous ces vieux
textes, de mettre tout à la disposition des chercheurs. Une vaste
quantité de connaissances astrologiques est sur le point de disparaître
pour toujours. Nous avons besoin de chercheurs modernes pour écrire sur
ce qui s'est passé au 20e siècle, qui a dit quoi, ce qu'ils voulaient
dire, pour expliquer leurs idées, parler de leur vie, il faut préserver
tout ça. Ironiquement, la partie la plus menacée de l'histoire de
l'astrologie est celle du 20e siècle. Elle est déjà sur le point d'être
oubliée. C'est pourquoi ce mouvement grandissant vers l'université est
nécessaire, pas pour nous rendre respectables, mais pour notre propre
usage.
Voici le point le plus important: nous aurons réussi à
créer une astrologie postmoderne dans la mesure où notre astrologie sera
complètement continue, historiquement, avec toutes les astrologies du
passé. Cela ne veut pas dire que nous utiliserons toutes leurs
techniques, tous leurs éléments, mais que nous pourrons à un certain
moment parler d'une tradition entièrement restaurée et continue.
L'astrologie postmoderne ne retournera pas simplement vers William
Lilly, ou Bonatti, ou Vettius Valens, Vahara Mihira ou qui que ce soit
d'autre; mais ils seront là, leurs travaux seront connus, étudiés et
utilisés au besoin. Et leur pertinence sera déterminée par nos besoins
modernes, pardon, nos besoins postmodernes.
Je pourrais maintenant vous donner une longue liste des
choses que j'aimerais changer sur le plan technique en astrologie, mais
je dois m'avérer d'accord avec Geoffrey Cornelius, qui disait hier dans
sa conférence qu'une technique améliorée, dans le sens qu'on lui donne
habituellement, n'est pas notre objectif ici. En chimie, à titre
d'exemple, si on se sert de la mauvaise technique pour analyser une
substance inconnue, on n'y arrivera pas. En chimie, la technique est un
ensemble de procédures absolument nécessaires pour obtenir un résultat
spécifique. Or, la technique astrologique est en réalité l'expression
d'un langage, pas juste un ensemble de bonnes procédures.
Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Si
vous feuilletez n'importe quel livre d'astrologie traditionnelle
influencée par Ptolémée, vous verrez qu'il pose une série de questions.
La nativité est-elle viable? C'est à dire, l'entité qui vient de naître
va-t-elle survivre? Quelle est la richesse des parents? Leur rang? Celui
des frères et des soeurs? Que voit-on concernant l'argent, la carrière,
les enfants? Voilà une série normale de ce que j'appelle les questions
ptolémaïques.
On se sert de techniques très précises pour répondre
aux questions ptolémaïques. La question n'est pas de savoir si ces
techniques sont "bonnes", la question est de savoir si ces techniques
sont formulées clairement. Nous préférerons ne pas poser certaines
questions, par exemple, nous continuerons probablement de ne pas parler
beaucoup de la nature et de la manière de la mort d'une personne. Nous
pourrions toutefois apprendre à mieux nous exprimer quand nous disons:
voici les domaines de votre vie que vous devez surveiller, ils sont
dangereux et peut-être devriez-vous y porter plus d'attention pendant
ces moments-là. Mais j'ai démontré à ma satisfaction une chose là-dessus
et sur d'autres choses semblables en astrologie. Pour utiliser le terme
philosophique, elles sont éventuelles. Le moment de notre mort n'a pas
encore été fixé à moins qu'il ne se produise très prochainement à la
suite de circonstances qui ne peuvent plus être changées. Il existe pour
chacun de nous un certain nombre de fois où nous pouvons mourir. Il y a
cependant des choses que nous pouvons empêcher maintenant qui ne
pouvaient pas l'être dans les temps anciens. Alors nous chercherons des
moments qui peuvent être dangereux, pas le moment de la mort. Le vrai
problème est de savoir comment répondre à la question et de voir si la
réponse est suffisamment claire pour permettre de dire si elle est bonne
ou mauvaise.
Destin contre libre-arbitre
Parlons du merveilleux problème du destin contre le
libre-arbitre. J'ai réellement trouvé une réponse à cette question que
je vais vous donner brièvement. J'ai trouvé la réponse dans un des
fragments Stoebaeus du Corpus Hermeticum, dans lequel Hermès parle à son
disciple Tat, tel qu'on transcrit habituellement son nom. Tat demande
"Parle-moi encore du destin, de la providence et de la nécessité."
Hermès, après avoir couvert bien d'autre matériel, finit par dire que
"Le destin affecte le corps, la nécessité affecte cette partie de
l'esprit qui ne fonctionne qu'avec le corps et la providence affecte
l'esprit pleinement conscient."
Ce que cet énoncé clarifie, c'est qu'il n'y a pas de
destin. Il y a le destin inhérent au fait d'être des créatures physiques
d'une certaine espèce. Malgré tous vos efforts, aucun libre-arbitre ne
vous transformera jamais en chien ou en chat pendant votre vie actuelle.
Vous ne pouvez pas voler sans avion, à moins (peut-être) que ne vous ne
soyez un méditateur, vous ne pouvez pas traverser de murs sans porte,
vous ne pouvez pas voir à travers les murs sans fenêtre, vous êtes
limité par la loi naturelle. C'est le sens essentiel du destin dans
l'ancienne philosophie grecque. C'est la loi physique.
Il y a ensuite la grosse partie du destin, le destin dû
à l'ignorance, qu'on appelle la nécessité. On s'empêtre dans des
circonstances qui ne nous permettent de penser à aucune option parce que
nous avons toutes ces idées sur ce qui doit être ainsi et ne pas être
ainsi, et les conséquences de nos décisions passées et de nos stupidités
courantes déterminent notre sort. Notre destin consiste en gros de tout
ça. Il n'a rien à voir avec les planètes!
"L'astrologie postmoderne ne sera pas une astrologie
fataliste de bonne aventure, elle sera une astrologie d'illumination, de
réalisation de soi, d'actualisation de soi et de conscience qui inclura
en même temps tout le reste de l'astrologie."
Il y a enfin cet autre destin qui est absolument
irrévocable, qu'on appelle la providence. Nous n'avons pas le choix
d'être qui nous sommes. Nous n'avons que le choix d'être ou de ne pas
être qui nous sommes au plus haut niveau possible. J'irais jusqu'à dire
que qui nous sommes réellement préexiste qui nous sommes en ce moment et
nous attire à lui, et que cette attirance est inévitable. Notre
cheminement, notre pleine réalisation, ne sont toutefois pas
inévitables. Les circonstances, les accidents et bien sûr, la
sempiternelle stupidité ou l'inconscience, appelez ça comme vous voulez,
avec toutes ses variétés de niveaux, nous empêchent d'arriver à cette
parfaite réalisation de soi. Ce n'est pas écrit dans le ciel que nous
serons un jour réalisés pleinement. Ce qui est écrit dans le ciel, c'est
la façon de procéder, si seulement nous pouvions lire la carte dans
cette optique.
C'est l'une des choses que nous a enseignées le 20e
siècle, mais le 20e siècle ne savait pas trop comment s'y prendre. Par
contre, j'ai trouvé des techniques en astrologie grecque et médiévale
qui montrent réellement comment y arriver, comment la voir (la façon de
procéder) dans une carte. L'astrologie postmoderne ne sera pas une
astrologie fataliste prédictive, elle sera une astrologie
d'illumination, de réalisation de soi, d'actualisation de soi et de
conscience qui incorporera en même temps tout le reste de l'astrologie.
Nous évaluons, nous jugeons et nous intégrons. C'est ce que je vois venir.
Merci beaucoup.
Copyright Robert Hand 2006
Traduit de l'anglais par Ghislaine Delorme |
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