Le probléme des interférences au sein d’un même ensemble. Le cas de l’astrologie
par Jacques Halbronn
Le probléme des corpus est la tentation unificatrice conduisant à modifier les éléments recueillis au sein d’un même ensemble de façon à ce qu’ils s’accordent, qu’ils concordent. Autrement dit, les risques de distorsion d’une entité quelle qu’elle soit tiennent à une certaine promiscuité, à un mimétisme et, partant; à un syncrétisme.
On illustrera notre propos avec le canon astrologique que nous connaissons et que nous « pratiquons », que nous travaillons et nous nous attacherons aux commentaire, aux éxégéses de certains textes de la littérature propre à ce domaine.
Le cas du traitement du signe des Gémeaux est emblématique d’une certaine dérive herméneutique. Les Gémeaux appartiennent à une série de 12 facteurs associés au découpage de l’écliptique en 12, on parle des signes du Zodiaque dont l’origine remonte aux 12 mois de certains calendriers (articulés sur les conjonctions des luminaires, Soleil-Lune) Cela reléve du méta-langage de l’astronomie et n’a en soi au départ aucune portée proprement astrologique comme cela sera le cas par la suite.
Précisément, le fait que l’astrologie cotoie l’astronomie génére des phénoménes d’interférence qui vont la dénaturer et l’on voit ensuite des astrologues vouloir tirer du sens des noms des signes et des planétes alors que ce n’est là que l’oeuvre des astronomes dans un but purement de localisation et non de signification comme lorsque l’on donne tel nom à telle rue, tel prénom à tel enfant,. L’on en arrive ainsi, par habitude, à véhiculer des séries parfaitement inconsistantes comme celle des noms des mois de l’année, où tout d’un coup on voit apparaitrre septembre, octobre, novembre, décembre « out of space ».. Dès lors qu’une série est incohérente, c’est qu’elle n’ a qu’un rôle purement décoratif et n’offre aucun caractère d’exhaustivité, de suivi.
Cela dit, si l’on entend intégrer le symbolisme zodiacal au sein de l’astrologie, encore faut-il éviter d’y plaquer d’autres dispositifs figurant également au sein de la « traditon » astrologique, présentée comme « unitaire », d’un seul tenant, dans le temps comme dans l’espace (cf le Manifeste de Patrice Guinard sur cette tentation de valider après coup un tel syncrétisme, à coup de structuralisme sauvage)
LE cas des Gémeaux est très représentatif des effets d’une telle dérive et nous l’avions signalé il y a plus de 20 ans, notamment dans notre article « ‘Astrologie » de l’Encyclopaedia Universalis. Il est clair pour tout observateur objectif que l’iconographie du signe représente un couple enlacé dans une tonalité très vénusienne sauf que pour les astrologues « bon teint », il faut y voir l’expression d’une relation intellectuelle (cf André Barbault. LE signes des Gémeaux, Paris, Seuil, 1957, maintes fois réédité jusqu’à ce jour). A aucun moment, Barbaullt ne fait figurer dans un ouvrage riche en illustrations les vraies représentations de ce signe, telles qu’on les trouve dans les almanachs de la Renaissance. Il préfére nous parler de Castor et Pollux, c’est dire qu’il prend ce qui l’arrange. Or, dans les Livres d’Heures, le mois de Mai est celui des amours et est représenté par des couples. Et cela tient à quoi? Au fait que dans la Tétrabible (IIe siècle de notre ère), ce signe est associé aux …. Gémeaux selon une distribution qui vise à faire concorder les 7 « planétes » (luminaires inclus) et les 12 signes, ce qui est déjà un rapprochement douteux en soi mais qui tient à ce désir de relier tout ce qui fait partie de l’ensemble Astronomie-Astrologie puisque Ptolémée était à la fois auteur d’ouvrages d’astronomie (Almageste) et d’astrologie (Tétrabiblos). Visiblement le dit Claude Ptolémée de Pélouse n’avait cure de la symbolique des signes. Pas plus d’ailleurs que ceux qui plaquèrent les 4 Eléménts sur le Zodiaque faisant par exemple du verseau (en latin Aquarius) un signe d’air.. Ces gens là n »étaient pas incohérents. Simplement, le zodiaque pour eux n’avait aucun intérêt au regard du systéme astrologique. Ce n’est que bien plus tard que certains astrologues ont voulu relier les différents dispositifs avec la « symbolique » zodiacale au prix de toutes sortes de gesticulations.
La preuve de ce désintérêt des astronomes cette fois pour la mythologie dont tant d’astrologues pensent qu’elle fait partie intégrante du champ astrololgique tient au choix même totalement aléatoire, des dieux utilisés pour désigner le Septénaire.; Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Qui de Neptune, de Pluton, de Cérés etc ? Nos astrologues nous répondront candidement que ces dieux désignent désormais des planétes inconnues de l’Antiquité, oubliant de préciser que ce sont les astronomes qui les ont ainsi baptisées, à partir de la fin du XVIIIe siècle si bien que celui qui apprend l’astrologie actuellement ne prend pas conscience d’un tel décalage qui s’est maintenu pendant plusieurs millénaires. Car comment sous estimer l’importance de Neptune et de Pluton et expliquer que ces dieux soient absents du dit Septénaire? La seule explication est qu’il n’y avait pas de place pour tout le monde et qu’il a bien fallu faire un choix! Apparemment, personne ne s’en est offusqué à l’époque vu que l’on savaiit que cela ne portait pas à conséquence. La Chrétienté d’ailleurs a toléré l’usage de ces noms notamment au Moyen Age dans la littérature qui paraissait. Et ce ne sont que les astrologues modernes qui les prennent « à la lettre », au sérieux. Rappelons d’ailleurs qu’avant de porter ces noms de dieux, les astres avaient reçu d’autres désignations. Mais comme pour le Zodiaque, les astronomes se sont amusés à emprunter les éléments d’une série (Pänthéon) bien connue
La morale de cette histoire, c’est qu’au sein d’un même ensemble, les risques d’interférence, de contresens ne peuvent que se multiplier et l’on pourrait en dire autant du canon des Ecritures, ce que n’a pas manqué de faire la critique biblique (cf Pierre Monat. Histoire de la Bible. Ed Perrin, 2013). Dans le cas du canon nostradamique, la tentation aura également été grande depuis le XVIe siècle, de tout rapporter à un seul et même auteur et à une seule et même époque (cf nos travaux sur ce sujet et notamment notre post doctorat : Naissance de la critique nostradamique au XVIIe siècle, EPHE 2007)
Que dire des pays comportant un bi voire un trilinguisme? Cela a donné en Angleterre une langue bâtarde, mélange du parler français (normand) et du parler anglo-saxon qui fait de ce qu’on appelle l’anglais une langue bigarrée, discontinue sur le plan morpho-sémantique du fait même du « brassage », du melting pot (creuset) comme disent les partisans de l’immigration..
On pourrait parler à la questiion de la question juive, avec un ensemble de populations extraordinairement diverses culturellement du fait de la multiplicité même des diasporas dans le monde. Même en France, cette diversité des origines crée un ensemble fort hétérogéne et quel sens aurait la recherche d’une unité au delà d’un certain modus vivendi minimal?
L’idée de vouloir tout concilier, tout intégrer, aura conduit à dénaturer de nombreux textes, notamment du fait de l’emprunt entre des eléménts censés faire partie d’un même ensemble. Il ne n’agit pas pour nous de mettre en cause la constitution d’ensembles embrassant un grand nombre de données mais de mettre en garde contre certains excés de corrélation. Il est préférable que chaque élément se ressource, retrouve sa logique interne plutôt que de se préter à des interprétations fantaisistes qui brouillent notre compréhension et conduisent à accepter les discours en renonçant à y voir clair. Et c’est alors -deus ex machina- qu’intervient la Pratique qui va sauver la mise, à coup de synthèse produite par l’astrologue au regard de son client. ..Avec un « ça marche » qu’il faudrait compléter par un « ça marche quand même ».
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par Jacques Halbronn
Le probléme des corpus est la tentation unificatrice conduisant à modifier les éléments recueillis au sein d’un même ensemble de façon à ce qu’ils s’accordent, qu’ils concordent. Autrement dit, les risques de distorsion d’une entité quelle qu’elle soit tiennent à une certaine promiscuité, à un mimétisme et, partant; à un syncrétisme.
On illustrera notre propos avec le canon astrologique que nous connaissons et que nous « pratiquons », que nous travaillons et nous nous attacherons aux commentaire, aux éxégéses de certains textes de la littérature propre à ce domaine.
Le cas du traitement du signe des Gémeaux est emblématique d’une certaine dérive herméneutique. Les Gémeaux appartiennent à une série de 12 facteurs associés au découpage de l’écliptique en 12, on parle des signes du Zodiaque dont l’origine remonte aux 12 mois de certains calendriers (articulés sur les conjonctions des luminaires, Soleil-Lune) Cela reléve du méta-langage de l’astronomie et n’a en soi au départ aucune portée proprement astrologique comme cela sera le cas par la suite.
Précisément, le fait que l’astrologie cotoie l’astronomie génére des phénoménes d’interférence qui vont la dénaturer et l’on voit ensuite des astrologues vouloir tirer du sens des noms des signes et des planétes alors que ce n’est là que l’oeuvre des astronomes dans un but purement de localisation et non de signification comme lorsque l’on donne tel nom à telle rue, tel prénom à tel enfant,. L’on en arrive ainsi, par habitude, à véhiculer des séries parfaitement inconsistantes comme celle des noms des mois de l’année, où tout d’un coup on voit apparaitrre septembre, octobre, novembre, décembre « out of space ».. Dès lors qu’une série est incohérente, c’est qu’elle n’ a qu’un rôle purement décoratif et n’offre aucun caractère d’exhaustivité, de suivi.
Cela dit, si l’on entend intégrer le symbolisme zodiacal au sein de l’astrologie, encore faut-il éviter d’y plaquer d’autres dispositifs figurant également au sein de la « traditon » astrologique, présentée comme « unitaire », d’un seul tenant, dans le temps comme dans l’espace (cf le Manifeste de Patrice Guinard sur cette tentation de valider après coup un tel syncrétisme, à coup de structuralisme sauvage)
LE cas des Gémeaux est très représentatif des effets d’une telle dérive et nous l’avions signalé il y a plus de 20 ans, notamment dans notre article « ‘Astrologie » de l’Encyclopaedia Universalis. Il est clair pour tout observateur objectif que l’iconographie du signe représente un couple enlacé dans une tonalité très vénusienne sauf que pour les astrologues « bon teint », il faut y voir l’expression d’une relation intellectuelle (cf André Barbault. LE signes des Gémeaux, Paris, Seuil, 1957, maintes fois réédité jusqu’à ce jour). A aucun moment, Barbaullt ne fait figurer dans un ouvrage riche en illustrations les vraies représentations de ce signe, telles qu’on les trouve dans les almanachs de la Renaissance. Il préfére nous parler de Castor et Pollux, c’est dire qu’il prend ce qui l’arrange. Or, dans les Livres d’Heures, le mois de Mai est celui des amours et est représenté par des couples. Et cela tient à quoi? Au fait que dans la Tétrabible (IIe siècle de notre ère), ce signe est associé aux …. Gémeaux selon une distribution qui vise à faire concorder les 7 « planétes » (luminaires inclus) et les 12 signes, ce qui est déjà un rapprochement douteux en soi mais qui tient à ce désir de relier tout ce qui fait partie de l’ensemble Astronomie-Astrologie puisque Ptolémée était à la fois auteur d’ouvrages d’astronomie (Almageste) et d’astrologie (Tétrabiblos). Visiblement le dit Claude Ptolémée de Pélouse n’avait cure de la symbolique des signes. Pas plus d’ailleurs que ceux qui plaquèrent les 4 Eléménts sur le Zodiaque faisant par exemple du verseau (en latin Aquarius) un signe d’air.. Ces gens là n »étaient pas incohérents. Simplement, le zodiaque pour eux n’avait aucun intérêt au regard du systéme astrologique. Ce n’est que bien plus tard que certains astrologues ont voulu relier les différents dispositifs avec la « symbolique » zodiacale au prix de toutes sortes de gesticulations.
La preuve de ce désintérêt des astronomes cette fois pour la mythologie dont tant d’astrologues pensent qu’elle fait partie intégrante du champ astrololgique tient au choix même totalement aléatoire, des dieux utilisés pour désigner le Septénaire.; Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Qui de Neptune, de Pluton, de Cérés etc ? Nos astrologues nous répondront candidement que ces dieux désignent désormais des planétes inconnues de l’Antiquité, oubliant de préciser que ce sont les astronomes qui les ont ainsi baptisées, à partir de la fin du XVIIIe siècle si bien que celui qui apprend l’astrologie actuellement ne prend pas conscience d’un tel décalage qui s’est maintenu pendant plusieurs millénaires. Car comment sous estimer l’importance de Neptune et de Pluton et expliquer que ces dieux soient absents du dit Septénaire? La seule explication est qu’il n’y avait pas de place pour tout le monde et qu’il a bien fallu faire un choix! Apparemment, personne ne s’en est offusqué à l’époque vu que l’on savaiit que cela ne portait pas à conséquence. La Chrétienté d’ailleurs a toléré l’usage de ces noms notamment au Moyen Age dans la littérature qui paraissait. Et ce ne sont que les astrologues modernes qui les prennent « à la lettre », au sérieux. Rappelons d’ailleurs qu’avant de porter ces noms de dieux, les astres avaient reçu d’autres désignations. Mais comme pour le Zodiaque, les astronomes se sont amusés à emprunter les éléments d’une série (Pänthéon) bien connue
La morale de cette histoire, c’est qu’au sein d’un même ensemble, les risques d’interférence, de contresens ne peuvent que se multiplier et l’on pourrait en dire autant du canon des Ecritures, ce que n’a pas manqué de faire la critique biblique (cf Pierre Monat. Histoire de la Bible. Ed Perrin, 2013). Dans le cas du canon nostradamique, la tentation aura également été grande depuis le XVIe siècle, de tout rapporter à un seul et même auteur et à une seule et même époque (cf nos travaux sur ce sujet et notamment notre post doctorat : Naissance de la critique nostradamique au XVIIe siècle, EPHE 2007)
Que dire des pays comportant un bi voire un trilinguisme? Cela a donné en Angleterre une langue bâtarde, mélange du parler français (normand) et du parler anglo-saxon qui fait de ce qu’on appelle l’anglais une langue bigarrée, discontinue sur le plan morpho-sémantique du fait même du « brassage », du melting pot (creuset) comme disent les partisans de l’immigration..
On pourrait parler à la questiion de la question juive, avec un ensemble de populations extraordinairement diverses culturellement du fait de la multiplicité même des diasporas dans le monde. Même en France, cette diversité des origines crée un ensemble fort hétérogéne et quel sens aurait la recherche d’une unité au delà d’un certain modus vivendi minimal?
L’idée de vouloir tout concilier, tout intégrer, aura conduit à dénaturer de nombreux textes, notamment du fait de l’emprunt entre des eléménts censés faire partie d’un même ensemble. Il ne n’agit pas pour nous de mettre en cause la constitution d’ensembles embrassant un grand nombre de données mais de mettre en garde contre certains excés de corrélation. Il est préférable que chaque élément se ressource, retrouve sa logique interne plutôt que de se préter à des interprétations fantaisistes qui brouillent notre compréhension et conduisent à accepter les discours en renonçant à y voir clair. Et c’est alors -deus ex machina- qu’intervient la Pratique qui va sauver la mise, à coup de synthèse produite par l’astrologue au regard de son client. ..Avec un « ça marche » qu’il faudrait compléter par un « ça marche quand même ».
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