Jacques Halbronn, président du MAU : Quel est le profil et la fonction d’une élite astrologique?
En 1975, d’entrée de jeu, dans les mois qui suivirent sa fondation, au mois de juin, l’association MAU (Mouvement Astrologique Universitaire) se structura selon un double schéma: d’une part la Faculté Libre d’Astrologie de Paris (FLAP) et de l’autre les Journées Internationales astrologiques de Paris (JIAPs), dont la première édition datait en fait de septembre 1974.(Hôtel Méridien, Porte Maillot)
Un tel agencement- avec le recul, s’avèra des plus judicieux car il correspondait à un agencement tout à fait pertinent d’un point de vue sociologique. D’un côté, des personnes (au départ trois femmes demeurant à Paris, Catherine Aubier, Jacqueline Belluc et Marielle Clavel), soit le sigle ABC) désireuses de transmettre, de former sinon de formater des éléves,souhaitant acquérir les bases de l’Astrologie, d’en maitriser le langage comme on le ferait lors de l’apprentissage d’une nouvelle langue, « étrangère ». De l’autre, des chercheurs dispersés dans le monde entier; s’exprimant dans des langues diverses, et prêts à se retrouver périodiquement à Paris ou ailleurs à notre invitation. On retrouvera le recensement des congrès successifs organisés par le MAU dans le Guide de la Vie Astrologique, paru fin 1984.(Ed Trédaniel) Les cours – à partir de 1979 eurent lieu assez vite rue de la Providence alors que les colloques se tenaient au FIAP (Foyer International d’Accueil de Paris, FIAP) ou en province voire au delà des frontières.
Au vrai, ces deux structures communiquaient assez peu entre elles La FLAP contribuait financièrement à la tenue des JIAPS mais n’en constituait pas pour autant le public tant le niveau des débats des JIAPS dépassait celui des cours d’astrologie.
La FLAP correspondait à ce que nous appellerons la « base » et les JIAPS à l’élite. Toute communauté a besoin de ces deux plans pour exister dans le monde/ En effet, le développement d’automatismes de langage est certes un précieux ciment pour souder le dit groupe mais cela tend à le rendre incapable de communiquer avec d’autres disciplines lesquelles elles aussi ont leurs propres routines.
Quant aux JIAPs, elles devaient à contribuer à faire émerger une élite, une intelligentsia, capable d’avoir un regard critique sur un savoir consensuel, comme allant de soi et devenu en quelque sorte subconscient, c’est à dire fonctionnant sans qu’on y prenne garde, presque à l’insu du praticien ou de l’enseignant.
Un tel binôme se poursuivit durant une vingtaine d’années (1975-1995), avec donc les cours et les colloques. Mais au bout d’un certain temps, nos cours commencèrent à innover et à véhiculer un enseignement non orthodoxe, donc marqué par ce que nous appelâmes la cosmothèrapie (cf Clefs pour l’Astrologie, Seghers, 1994) et qui entendait avant tout préparer les éléves à l’ »exercice de l’astrologie et non à les exposer lourdement au savoir astrologique.
A la fin des années 80;- en 89 - apparut à Paris, à l’instigation de Solange de Mailly Nesle, une structure d’enseignement, intitulée AGAPE. -Association des Astrologues Psycho-professionnels-qui réunissait une équipe d’enseignants comme l’avait fait la FLAP, quinze ans plus tôt.. Et dès 1990; Yves Lenoble commença à tenir des congrès à Paris qui d’une certaine façon tenaient lieu de cours magistraux pour les éleves de l’AGAPE, qui suivaient en quelque sort des « travaux pratiques » (TP)
Autrement dit, la dualité que nous avions posée n’était plus respectée et les colloques organisés dans ce cadre, n’étaient plus que le prolongement des formations. Les chercheurs ne pouvaient plus se réunir entre eux et débattre librement puisqu’ils dépendaient du public des éléves et de leurs subsides, puisque la pratique allait s’instaurer d’une rémunèration des intervenants.
On aura compris que l’élite a un autre cahier de charges que la base. Elle est notamment responsable de recruter des éléments formés aux méthodes universitaires et qui n’entendent pas à faire de l’astrologie leur profession, ou du moins pas en ouvrant un cabinet ou en formatant des éléves quant aux bases. La base d’un groupe ne jure que par ses bases.
De nos jours, le milieu astrologique semble ne pas vouloir comprendre que son élite doit se caractériser par un questionnement quand à ce qu’est l’astrologie. Rien à voir évidemment avec le fait de répondre aux questions que les clients (se) posent sur ce qui les attend dans la vie.
Dès lors, la base et l’élite ne peuvent qu’entrer en conflit et on l’a vu avec Serge Bret Morel qui a décidé carrément de se situer dans l’orbite de l’anti-astrologie.(Zététique, avec son livre Astrologie: la fin des mystères, Ed Mensa, 2016). Bret Morel ne semble pas avoir compris que faire partie de l’élite d’une communauté implique de prendre ses distances avec les automatismes qui sont à l’œuvre en elle. Et de fait, le milieu astrologique semble de moins en moins disposé à tolérer des critiques portées sur l’astrologie, qu’il analyse comme une sorte de trahison.
Or, il suffit de remonter de quelques décennies en arrière, pour observer qu’une certaine élite exista au sein du milieu astrologiques, depuis le temps du Polytechnicien Choisnard, à la charnière du XXe sièce en passant par les années trente autour de l’ingénieur des Mines signant Néroman (Collége Astrologique de France)jusqu’aux années cinquante avec Michel Gauquelin suivi de Jean-Pierre Nicola dans les années soixante, au cours desquelles André Barbault entendit faire bouger les lignes du savoir astrologique. En 1976, nous publiâmes chez Seghers « Clefs pour » l’Astrologie, soit 40 ans avant l’ouvage de Bret -Morel, tout en revendiquant notre appartenance à la communauté astrologique; à commencer par l’organisation de Colloques. Et sur la 4e de couverture, était annoncé explicitement le rejet du thème natal/ Il ne semble pas qu’à l’époque on nous en ait voulu, ce qui montre bien que le milieu astrologique comprenait la nécessité pour son élite de se démarquer d’un certain ronronnement, ce qui valut d’ailleurs à Barbault que son projet pour la dite collection ne fut pas retenu, lui qui n’avait pas de références universitaires.
Résultat des courses flagrant de nos jours, qui saute aux yeux quand on entre dans la salle d’un Congrès Astrologique, tant à Lyon, Paris, Bordeaux ou Nice; des salles qui ne comportent que des femmes d’un certain âge. Certains ne veulent pas y voir un signal d’alarme, ils pratiquent la politique de l’autruche, arguant du fait que les hommes ne sont pas assez développés spirituellement et autres fadaises auxquelles personne ne croit. Qu’en sera-t-il dans dix ans alors que le renouvellement ne se produit pas et que les écoles d’astrologie servent non pas à former de futurs professionnels mais se muent en des séances hebdomadaires d’initiation à titre personnel, ce qui correspond à l’évolution de la consultation astrologique basculant vers une exposition intensive et pas forcément bénéfique au discours astrologique. On est loin de mettre en garde contre le contre-transfert et l’astrologue est censé croire à l’astrologie comme son client et là encore, il y a visiblement un manque de recul/
Tout cela, on l’aura compris, isole l’astrologie des autres disciplines car un savoir qui n’a pas su constituer son élite ne saurait communiquer avec l’élite formée au sein d’autres savoirs. Seules en effet les élites sont en mesure de créer des passerelles entre diverses communautés car comme dit l’adage, les grands esprits se rencontrent. En refusant d’approfondir l’astrologie quant à ses fondements, en ne mettant en avant que le « ça marche », les responsables actuels dotés d’un certain pouvoir, en deviennent les fossoyeurs, les gardiens d’un ghetto. Ils jouent sur une certaine paranoia selon laquelle l’astrologie serait persécutée, incomprise et n’hésitant pas à soutenir que les critiques concernant l’astrologie ne peuvent tenir qu’à l’ignorance. La moindre observation concernant telle ou telle notion astrologique ne saurait donc tenir qu’à une méconnaissance du sujet. Dès lors, les astrologues sont de moins en moins capables de défendre la cause de l’astrologie laquelle ne se réduit pas au savoir faire de l’interprétation du thème natal. Ils ne comprennent pas que l’on n’est pas dans le tout ou rien et que Gauquelin apporta en son temps des validations précieuses dont les thuriféraires de l’astrologie se contentent de déclarer qu’il n’ a pas assez cherché, faisant ainsi la fine bouche.
Ces astrologues hyper conservateurs et qui croient sauver la mise et donner le change en adoptant l’usage de nouvelles planétes, donnent au final une très mauvaise image-frileuse et sclérosée- de l’astrologie, Mais le pire c’est que ce faisant, ils montrent leur méconnaissance des réalités sociologique, des rapports de force entre l’élite et sa base, ce qui fait douter de leur aptitude à comprendre le monde et à coacher ceux qui font appel à eux. . Mais l’on sait que les savetiers sont les plus mal chaussés.
JHB
28 10 16
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