La crédibilité de l’astrologie au XXIe siècle passe par l’adoption d’un modéle universel.
par Jacques Halbronn
L’émergence de l’astrologie alpha-oméga constitue un événement épistémologique de première magnitude dans l’Histoire de l’astrologie contemporaine et il nous semble désormais impossible de ne pas en tenir compte dans tout panorama à venir de l’Astrologie. Nous plaçons en annexe l’étude d’Yves Lenoble sur la seconde moitié du XXe siècle qui si l’on étudie ses références bibliographiques date d’il y a une trentaine d’années, aucune référence n’étant postérieure aux années 80 (même s’il a été mis en ligne plus tard)- alors que l’Astrologie alpha-oméga était en train de prendre sa forme finale. C’est en effet l’astrologie non plus du XXe siècle mais bien du XXIe siècle dont il s’agit.
Toutefois, des indices auraient pu être captés d’une telle évolution dès les années soixante, dans certains textes d’André Barbault qui semblent avoir été négligés. On soulignera notamment le modéle unitaire que Barbault publia en 1967 dans Les astres et l’Hiistoire (Ed Pauvert)/ Il avait parlé ailleurs de la recherche d’un modéle « universel », prenant le contre-pied de ses expériences de localisation géopolitique qui l’avaient à l’époque quelque peu déçu.
L’idée était la suivante : doter l’astrologie d’un modéle unique, qui servirait en toutes circonstances et qui comporterait une dimension dialectique, binaire. On était là aux antipodes d’une astrologie du thème astral voire même d’une astrologie comportant un clavier complexe de tonalités planétaires ou/et zodiacales.
Rappelons le principe suivi par André Barbault (né en 1921 et qui avait donc en 1967, la quarantaine) : une seule et unique courbe de sythèse (conjonctions de Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton) avec ses « hauts » et ses « bas ». On ne rentrera pas ici dans le mode d’emploi proposé par l’auteur. Tel n’est pas ici en effet notre propos qui se limitera à cerner un projet assez révolutionnaire qui nous semble être passé inaperçu par nombre d’observateurs de la vie astrologique du second XXe siècle.
On notera d’ailleurs que la pensée de Barbault est assez difficile à suivre-elle n’est pas nécessairement linéaire- et qu’elle a suivi sur des décennies des voies fort diverses et parfois peu compatibles entre elles, ce qui n’exclue pas certains reniements explicites ou implicites.
Il reste que Barbault aura eu l’intuition, il y a une soixantaine d’années (1966-2016) – et l’on fêtera en 2017 le soixantiéme anniversaire des Astres et l’Histoire même si la plupart des astrologues n’en ont pas pris toute la mesure. Il est vrai que pour être qualifié de précurseur, encore faut-il qu’il y ait une suite et cette suite, c’est justement l’astrologie alpha-oméga.
Il s’agit de la prise de pouvoir de l’astrologie mondiale sur l’astrologie personnelle- on est là à l’opposé de l’astrologie « humaniste » d’un Dane Rudhyar, né en France à la fin du XIXe siècle et parti aux Etats Unis, dans sa vingtaine.(23 mars 1895 à Paris – 13 septembre 1985 ), On notera qu’en 1968, donc l’année suivant la parution des Astres et l’Histoire, Barbault se lançait dans l’aventure Ordinastral (Astroflash) qui fut ressentie comme une remise en cause du rôle de l’astrologue praticien. En vulgarisant l ‘interprétation du thème natal, il le démystifiait. Dans les deux cas, les praticiens en prenaient pour leurs grades, ce qui nous conduit à penser que Barbault avait conscience qu’ à terme une certaine pratique astrologique était vouée à vivre son déclin.
En effet, l’idée d’un modéle universel remettait en question tout un savoir-faire articulé autour du thème- ce que nous avons appelé le mythe d’une astrologie « connectée » (avant la lettre), c’est à dire qui épargnerait à son usager de se renseigner sur le terrain puisque toutes les données aussi pointues soient-elles lui étaient fournies comme c’est le cas sur nos téléphones portables.
Or, il est clair que cette dimension artisanale de l’astrologie serait de moins en moins le fer de lance de l’astrologie, les décennies passant car comme le note Serge Bret-Morel, mille réussites de l’astrologue en tête à tête avec autant de clients ne font pas une statistique (cf son Astrologie. La fin des mystères. Tome I Ed Mensa 2016)
Bien entendu, il est aisé d’ironiser en déclarant que tout le monde n’a pas le même « destin » mais qui a dit que le modéle astrologique avait vocation à déterminer le « destin » réservé à chaque inidividu. C’est là imposer à l’astrologie un postulat que l’on peut tout à fait rejeter et refuser. Est ce que la psychanalyse prétend avec son modéle appréhender la vie de chaque personne au seul vu du dit modéle? Qu’est ce qui interdit que l’astrologie puisse se contenter de fournir une grille générale à compléter par l’usager. On sait que certains astrologues, comme Roger Héquet, s’ingénient à mettre très haut la barre du cahier de charges de l’astrologie de façon à proposer une astrologie excessivement alambiquée en affirmant que si ‘astrologie ne parvient pas à ce niveau de précision, sa pratique n’en vaudrait pas la chandelle. Il importe de ne pas basculer dans une telle surenchère toxique!
On se contentera plus modestement de prendre modéle sur Newton, sur Darwin et sur Freud qui ont élaboré des « théories » ayant valeur universelle tout en restant très générales.
Nous n’entendons pas aller plus loin, pour l’heure sur ce terrain et nous conclurons en disant qu’un bon modéle vaut mieux pour l’avenir de l’astrologie que des millions de mauvais modéles bricolés qui ne tiennent que par le savoir faire des praticiens, tout contents d’ailleurs de pouvoir apporter à l’astrologie leur propre valeur ajoutée. On ne saurait sous estimer l’impact non pas de l »interprétation par ordinateur mais par la suite, dans les années 80, des calculs complexes que réalisait l’ordinateur et qui permettait une extréme complexification de l’astrologie que l’on ne peut que déplorer. Une astrologie comme l’ACB de Roger Héquet ne pourrait pas exister sans l’aide de l’informatique, ce qui déconnecte totalement l’astrologie contemporaine- déjà dépendante des télescopes- de celles des Anciens, à l’oeil nu et sans appareil..
Juger la valeur d’une idée à ses applications, à un moment donné. Il est clair qu’au regard de l’astrologie alpha-oméga, le modéle de Barbault péchait à plus d’un titre: usage de transsaturniennes, oubli des étoiles fixes (royales), refus de choisir un seul vecteur planétaire, carence d’une philosophie digne de ce nom du fonctionnement des sciences sociales car contrairement à ce qu’écrit Yves Lenoble, l’alliance avec la psychologie dont iil soutient qu’il s’agissait d’une conquéte majeure de l’astrologie du XXe siècle va entrainer celle-ci vers ce que nous avons appelé l’objet connecté. Croire que le thème natal puisse réprésenter la personnalité est un leurre sauf si l’on s’en tient à des cas pathologiques. Car aux yeux de la sociologie, l’individu n’existe que dès lors qu’il s’éloigne de la norme sociale de son groupe d’appartenance. De la même façon, l’Astrologie ne saurait faire alliance avec l’Histoire mais avec la sociologie car l’Histoire vient perturber l’évolution normale des choses qui est cyclique. Autrement dit, l’Histoire tant individuelle que collective est anecdotique, épiphénoménale et somme toute marginale au regard de l’astrologie. Non pas qu’il faille mépriser la psychologie individuelle ou l’Histoire mais ce sont des domaines qui échappent à toute systématique. Même la psychanalyse a en fait une dimension sociiologique avec le Complexe d’Oedipe. Nous ne parlons pas ici de l’Histoire en tant qu’outil d’investigation du passé qui permet précisément de compléter les données sociologiques mais d’une Histoire qui prétendrait être une science à part entière alors qu’elle est d’abord une méthodologie..
La notion de science appliquée nous parait essentielle à comprendre. On en trouve cette définition sur Internet:
« Les sciences appliquées sont les sciences qui sont orientées vers l’application pratique des connaissances.Les sciences appliquées se distinguent des sciences fondamentales par leur objectif d’application concrète ».
Le modéle universel au sens où nous l’entendons- à la suite de Barbault- est le fondement de toute astrologie appliquée et le drame épistémologique de nos jours, c’est que l’astrologie est une science qui ne parvient pas à distinguer entre le modéle et son applicaton et que veut que ces deux plans ne fassent qu’un.
En lisant l »‘exposé de Lenoble, on est frappé par le polyplanétarisme qui s’en dégage à l’oppose de l’idée d’une graphique unique. Le plus curieux, c’est que Barbault aura contribué parallélement à cette astrologie d’un tout autre type et en ce sens il se sera totalement fourvoyé entrainant derrière lui toute une communauté. Mais De la psychanalyse à l’astrologie parut tardivement en 1961 et c’est en 1966 que Barbault connaitra son « chemin de Damas ». Il y a un Barbault d’avant et d’après Les astres et l’Histoire. Que la psychologie puisse apparaitre comme la « solution » moderne pour donner sens à la carte du ciel-est incontestable. Mais il fallait trancher le cordon ombilical entre astrologie et systéme solaire pris comme totalité – ce que jamais Jean-Pierre Nicola avec son Astrologie Conditionaliste et son RET à 10 asters, n’est parvenu à faire, ce qui fait de Nicola le plus grand astrologue de la fin du XXe siècle mais certainement pas le penseur de l’astrologie du siècle suivant.
Mais il n’en reste pas moins qu’il nous faut saluer le Barbault d’il y a 50 ans qui devait être dans un certain état de grâce en quelque sorte prophétique et c’est bien alors qu’il aura le mieux contribué à esquisser une véritable réforme de l’astrologie, les années soixante ayant été sa décennie la plus remarquable..
Revenons sur ke chapitre conclusif de Lenoble qui traite des travaux de Gauquelin, de l’astrologie sidéraliste et de l’astrologie allemande du XXe siècle car nous y trouvons des données qui ont pris de nos jours une grande importance, près de trente ans après l’exposé de Lenoble. Celui-ci présente cet ensemble ainsi: « Pour terminer ce rapide tour d’horizon, il faut encore citer quelques courants secondaires »
Selon Lenoble « L’astrologie sidérale, initiée en France par Jacques Dorsan, tient compte de la position des planètes dans les constellations, et non plus dans les signes zodiacaux » et de conclure ; « Peu développé en France, ce courant est fermement condamné (sic, c’est nous qui rajoutons) par la quasi majorité des autres astrologues, à commencer par Barbault, Nicola et Villée ». On ne peut dire raisonnablement que l’astrologie sidérale s’intéresse aux constellatiions puisqu’elle divise l’écliptique en 12 secteurs égaux alors que les constellations ne sont pas égales! En fait, cette astrologie se contente de se décaler d’environ 24/25° du point vernal, dans l’état actuel de la précession des équinoxes et ne se référe même pas à une quelconque étoile. On pourrait parler d’une astrologie précessionnelle plutôt que sidéraliste mais rappelons tout de même que la théorie des ères chère à tant d’astrologues de la fin du XXe siècle se référe bel et bien aux constellations, ce qu’omet de rappeler Lenoble. Même Rudhyar s’intéressa à l’étoile fixe Régulus et au fait que désormais il entrait dans le signe de la Vierge.
Quant à la Cosmobiologie » allemande que Lenoble aborde par le biais du Français Bernard Dumont – puisque son panorama concerne la France, il nous décrit celle -ci comme ayant « développé et perfectionné la technique des mi-points élaborée en Allemagne par Ebertin, technique d’après laquelle, si une planète se trouve à mi-distance de deux autres planètes, elle colore leur influence (…) Signalons que le mi-point est un axe qui coupe en son milieu un couple de deux planètes »
Cette notion de mi-point nous semble intéressante car on peut regretter que Barbault n’ait pas intégré le mi-point dans son Astrologie Mondiale cyclique. Selon nous en effet, l’aspect d’opposition est assimilable à un mi-point entre deux conjonctions. A la différence de la conjonction, qui est une réalité spatiale, le mi-point et l’opposition correspondent à une réalité de temps, à savoir que c’est le seuil au delà duquel l’effet conjonctionnel tend à s’épuiser.
Passons enfin au traitement par Lenoble des travaux de Gauquelin:
Ci dessous l’extrait suivant :
« Cette forme d’astrologie s’appuie sur les travaux de Michel et Françoise Gauquelin. . Au départ, ce couple de chercheurs a constitué, à partir de dictionnaires biographiques, des listes de professionnels de haut niveau afin de prouver la fausseté de l’astrologie. A leur grande surprise, ils ont découvert que la planète Mars se lève ou culmine plus souvent que le hasard ne le veut à la naissance des militaires et des sportifs de haut niveau ».
Il est clair que ces travaux ne vont pas dans le sens d’une courbe unique pour l’astrologie puisqu’ils distinguent plusieurs planétes efficientes – dont le nombre fait d’ailleurs débat (depuis la première parution de 1955)./ Si l’astrologie mondiale s’inscrit dans le temps social, l’astrologie de Gauquelin est à situer dans l’espace social.- Il y a là une complémentarité: la dimension catégorielle est centrifuge alors que le modéle universel est centiipéte. Mais le modéle universel comporte lui aussi une forme de diversité puisqu’étant cyclique, cela implique l’existence de phases successives, balisées par le découpage zodiacal de l’écliptique (quel que soit le mode de subdivision adopté).. Le fait que Gauquelin n’ait jamais rien trouvé pour les planétes transsaturniennes est un point crucial que Lenoble ne tenait apparemment pas à signaler. Selon nous, Gauquelin a mis en évidence le thème natal dans sa forme première qui se fondait sur la rotation de la Terre et non sur les révolutions sidérales des planétes, d’où l’absence de résultats concernant les signez zodiacaux. Les planétes de Gauquelin peuvent nous explquer ce que pouvait être au départ l’ascendant, à savoir un astre (planéte mais aussi étoile fixe )-et non un signe- se levant à l’horizon. LEs travaux de Gauquelin on l’aura compris, fondent une astro-sociologie (du fait des critères professionnels ) et non une astropsychologie même si l’on peut être tenté de basculer de l’une vers l’autre mais l’on passe alors au registre des sciences appliquées qui tiennent compte du terrain lequel ne fait pas partie du modéle. La carte n’est pas le territoire et contrairement à ce que veulent croire encore tant d’astrologues, le territoire n’est pas dans la carte…..
JHB
20 10 16
Annexe:(pour information)
Les grands courants astrologiques de la seconde moitié du XXème siècle en France
par Yves Lenoble
Rappel historique
Les premières traces d’une pratique astrologique que nous possédions remontent à 3000 ans avant J.-C., à Sumer. Toutefois, les premiers ouvrages qui nous soient parvenus datent du 1er siècle et du 2ème siècle après J.-C., soit, respectivement, « Les astrologiques » de Manilius et la « Tétrabible » de Ptolémée.
La « Tétrabible » est restée le standard de la pensée astrologique jusqu’à la Renaissance et même jusqu’au dernier astrologue « officiel » de la cour de France, Morin de Villefranche, qui a oeuvré dans le souci de rationaliser Ptolémée. Ensuite, après une longue éclipse, en France, le début de notre siècle a vu renaître cette vieille dame, réveillée par de respectables hommes de science (polytechniciens, ingénieurs des Mines…) passionnés d’ésotérisme. On leur doit essentiellement les premières applications de la méthode statistique à l’astrologie. Toutefois, leur astrologie restait un reflet de celle de Ptolémée et de Morin de Villefranche. A partir de là, l’astrologie française s’est adaptée, et radicalement modifiée, sous la pression des transformations de la société, intégrant, en particulier, certains concepts de la psychologie et les découvertes de l’astronomie (Pluton).
Cette évolution – beaucoup plus nette en France que dans la plupart des autres pays – a pleinement pris forme après la Seconde guerre mondiale, pour aboutir à la publication en 1950 par André Barbault et Jean Carteret, de ce que l’on peut considérer comme le manifeste de l’astrologie moderne, « Analogies de la dialectique Uranus-Neptune ». Ce document, publié dans le cadre de la section « psychologie » du Centre International d’Astrologie, proclame la nécessité de repenser l’astrologie en fonction des acquis de la psychologie. Sans ce travail de refonte, l’extraordinaire développement qu’a connu l’astrologie en France depuis 40 ans n’aurait sans doute jamais eu lieu.
A – L’ASTROLOGIE TRADITIONNELLE
Sous cette appellation un peu « fourre-tout », on trouve essentiellement des astrologues qui en sont restés – souvent sans le savoir – à Morin de Villefranche, soit au XVIIème siècle ! Il n’existe pas de chef de file de cette astrologie, ni de structure de recherche ou d’enseignement comme il en existe pour d’autres courants. C’est une astrologie de type divinatoire qui décrit l’individu par juxtaposition de notations ne permettant ni synthèse ni modulation fine. Par exemple, si l’on se réfère à un manuel d’astrologie traditionnelle, celui d’Antarès1, voici comment sera interprété le thème de Serge Gainsbourg :
« Compte tenu d’Uranus dissonant en Maison I : excentricité, rébellion, vie pleine d’imprévus désagréables, de tuiles ; caractère déconcertant, personnalité bizarre sur laquelle on ne peut pas compter.
Soleil dissonant en Maison I : excès d’ambition, luttes et obstacles au succès.
Jupiter dissonant en Maison I : indulgence de soi, arrogance, vices du sang.
Lune dissonante en Maison VI : changements constants d’occupation, mauvaise santé.
Neptune dissonant en Maison VI : santé altérée par abus de la nature sensuelle, par alcoolisme ou par abus de stupéfiants ; désordre et anarchie dans le travail, aucune méthode.
Saturne dissonant en Maison IX : étroitesse de vues, esprit bigot et intolérant ; ennuis légaux et insuccès à l’étranger ou mort loin de son pays.
Mercure dissonant en Maison XII : danger de dérangement mental, obsession, folie, actions malhonnêtes en sous-main, vols ; le sujet sera un récidiviste dans le mal. Intelligence mal employée.
Vénus dissonante en Maison XII : abus de soi, scandales et ennuis causés par les relations clandestines et la jalousie. Possibilité de maladie vénérienne, habitudes sexuelles néfastes. »
Même s’il faut quelque peu nuancer l’aspect caricatural que peuvent en donner ces extraits, il n’en reste pas moins que cette astrologie ne propose aucune technique de lecture du thème considéré comme un ensemble. En outre, elle recourt à un vocabulaire désuet qui reflète non seulement une pensée dépassée mais aussi une morale très simpliste, à travers la classification des éléments du thème en « bons » et « mauvais ». Toutefois, on ne peut nier que, dans le grand public, c’est encore cette notion de « bons » et « mauvais » signes qui fonctionne le mieux, ce qui peut expliquer que cette astrologie conserve des adeptes.
B – L’ASTROLOGIE PSYCHOLOGIQUE
En réaction à cette vision déterministe de l’existence, l’astrologie psychologique propose de l’individu une vision synthétique et, surtout, évolutive.
Elle s’est constituée dans le cadre du Centre International d’Astrologie où se sont retrouvés, dans les années 50 et 60, pratiquement tous les astrologues qui ont compté depuis quarante ans, soit André Barbault, Jean Carteret, Claire Santagostini, Jean-Pierre Nicola, Paul Colombet, Régine Ruet, Jacques Berthon, Jacqueline Aimé, Joëlle de Gravelaine… Les pionniers de la section « psychologie » se retrouvaient, rue Mouffetard, chez André Barbault : Carteret, Nicola, Knabe (un psychanalyste), Munzinger, Santagostini. De leurs travaux, visant à construire une symbolique planétaire moderne, est résultée la publication de « Uranus-Neptune », « Jupiter-Saturne », « Soleil-Lune » et, véritable innovation, de deux recueils de dates de naissance (450 musiciens et 468 peintres).
Pour les gens qui viennent aujourd’hui à l’astrologie, il est impossible de se rendre compte du changement radical introduit par ces travaux. Nous-même, qui avons découvert l’astrologie en 1963, soit deux ans après la publication du Traité de Barbault, nous n’avons pu prendre la mesure de ce bouleversement que beaucoup plus tard, en étudiant l’histoire de l’astrologie. En effet, ce groupe du C.I.A. ne s’est pas contenté de rompre avec le passé, il a posé les fondations à partir desquelles plusieurs courants ont pu se développer, y compris les opposants et ceux qui se réclament d’astrologies exotiques. Au-delà de l’ouverture réalisée sur le plan astrologique lui-même, le fait de proposer une réflexion moderne a facilité la diffusion de l’astrologie, ne serait-ce que par l’engagement d’un éditeur réputé, le Seuil, qui a publié les ouvrages de Barbault les plus lus (les douze signes de la collection Zodiaque se sont vendus, depuis 1957, à plus de 2,5 millions d’exemplaires…). Les nombreuses collections sur les signes du zodiaque ont beaucoup de mal à innover par rapport à ce modèle. Autrement dit, toute étude du phénomène astrologique aujourd’hui doit prendre en compte ce que l’on peut appeler à juste titre « l’effet Barbault ».
André Barbault avait commencé par apprendre une astrologie traditionnelle avec son frère Armand. Sa perspective a basculé quand, arrivant à Paris à la fin de la Seconde guerre mondiale, il a découvert le milieu psychanalytique et la pensée freudienne. Il a lu alors, comme il le raconte lui-même, tous les ouvrages existant sur la psychanalyse, s’est allongé sur le divan, d’où est né son premier ouvrage, « De la psychanalyse à l’astrologie », publié beaucoup plus tard, en 1961. Barbault y pose un postulat essentiel à la formation de l’astrologie moderne : le psychanalyste et l’astrologue fonctionnent sur le même mode. Il insiste sur la technique de l’association qui leur est commune. Il met également en rapport ce qu’il appelle l’automatisme de répétition avec le mouvement cyclique des planètes. Chaque planète, dit-il, correspond à un faisceau de tendances et peut se définir par un verbe. Par exemple, Vénus correspond au verbe aimer et, selon le signe zodiacal où elle se trouve, ce verbe se décline différemment. Barbault souligne que, si l’on peut préciser ce qui est de l’ordre du verbe, on se heurte, en revanche, à une indétermination en ce qui concerne l’objet. Il insiste particulièrement sur l’importance des aspects entre planètes, représentatifs de conflits ou d’associations de tendances. Une telle conception de l’astrologie ne pouvait qu’exclure, par définition, l’ancienne pratique divinatoire.
Une autre étape importante se produisit en 1965, quand Barbault se reprocha à lui-même d’avoir fait la part trop belle au déterminisme, l’indéterminé lui paraissant encore plus important qu’auparavant. Par exemple, dans le cas du thème de Picasso, il écrit : « Le thème n’indique ni que Picasso est un peintre, ni qu’il est devenu archi-milliardaire, ni qu’il est parvenu à une gloire universelle en son genre, ni même simplement qu’il a vécu 90 ans »2.
Il est important de souligner que, par sa culture psychanalytique, littéraire, artistique, historique, André Barbault s’inscrit pleinement dans son siècle. En véritable ascète de l’astrologie, il a voulu l’épurer de tout ce qui lui paraissait secondaire, magique, pour la rénover en la faisant bénéficier des acquis de la pensée moderne : « L’astrologie a besoin de se construire ; elle y parviendra mieux en se concentrant sur l’essentiel pour s’assurer la pleine possession de la maîtrise qu’en se dispersant dans une multitude de facteurs hétéroclites »3.
Une autre innovation de l’astrologie psychologique est la méthode comparative prônée par Barbault : « C’est par l’étude comparative que l’on construit une interprétation ; on ne l’échafaude pas dans le vide en se fiant à des analogies faciles ; on l’élabore, par comparaison, sur des matériaux vivants. La voie la plus impérieuse de la recherche : accumuler une masse énorme d’informations pour dégager les particularités de tous les facteurs possibles et l’éventail de leurs manifestations en fonction de contextes toujours différents »4.
Notons que Barbault n’a pas fondé d’école mais que son influence reste essentielle. Il est intéressant de savoir que c’est l’auteur astrologique moderne le plus prolifique et le plus lu, et que sa renommée s’est établie alors qu’il ne donne plus de cours depuis les années 50 ni de conférences depuis les années 70, à de très rares exceptions près. En revanche, il a créé en 1968 sa revue « L’Astrologue », un trimestriel édité par les Editions Traditionnelles qui permet de suivre l’évolution de ses recherches.
C – L’ASTROLOGIE GLOBALE
A la publication du « Traité pratique d’astrologie » de Barbault, Claire Santagostini (mai 1898-1986) – membre du groupe « psychologie » du C.I.A. – répond par « L’horoscopie cartésienne »5.
Santagostini, tout en approuvant les idées exposées par Barbault, idées à l’élaboration desquelles elle avait largement participé, lui reproche d’avoir conservé les grands défauts traditionnels : interprétation fractionnée et manichéenne. La personnalité de Santagostini joue ici un rôle fondamental. D’abord, il faut souligner que c’est la première femme à se faire entendre dans ce petit monde jusque là exclusivement masculin. Ensuite, cette ancienne directrice de collège avait une formation d’institutrice passionnée par les méthodes pédagogiques modernes. Si elle n’a pas modifié les principes dont Barbault s’était fait le porte-parole, elle a, en revanche, eu un impact fondamental sur l’enseignement de l’astrologie et les méthodes d’interprétation. Au fractionnement du thème, elle opposé la notion de globalité.
L’astrologie globale est l’héritière de l’astrologie psychologique. Il faut rappeler que Claire Santagostini a été d’abord l’élève de Barbault. Fascinée par ses idées, elle les vérifia quotidiennement dans l’école dont elle était directrice. Elle pensait, toutefois, que de notables améliorations pouvaient être réalisées quant à la pédagogie. C’est ainsi qu’elle commença à enseigner l’astrologie. Nous possédons ses premiers cours. D’abord publiés sous forme ronéotypée, ils ont été repris par la suite dans son livre « Initiation à l’astrologie globale »6 . Ces cours furent donnés dans les années 50 dans le cadre du C.I.A. Ce furent à proprement parler les premiers cours de la nouvelle astrologie.
Peut-être plus que Barbault, Santagostini veut dégager l’astrologie d’un système dépassé dans la mesure où il est mécaniste, statique et morcelé. Elle reprend la règle de valorisation de Barbault, disant qu’ »une configuration est d’autant plus importante qu’elle est spécifique à l’instantanéité de la naissance »7 . Sa première leçon reste un modèle de cours. D’emblée, elle présente l’astrologie de manière globale. Son approche pédagogique est à l’opposé de celle de Barbault, beaucoup plus didactique où les facteurs astrologiques sont abordés progressivement. Santagostini s’efforce de respecter la globalité de l’astrologie en présentant tout à la fois planètes, signes, maisons, aspects… et en faisant connaître progressivement une nouvelle planète, un nouveau signe, etc., mais toujours en intégrant chaque nouveau facteur dans l’ensemble. Elle indique clairement à chaque fois ce qui va être étudié et chaque leçon commence par une révision de ce qui a déjà été acquis. Santagostini hiérarchise nettement les divers éléments du thème : « Si l’ensemble des planètes forme la structure d’un Homme, les signes donnent seulement un mode d’être de chaque homme et les maisons indiquent seulement des plans de son existence »8.
Pour étudier globalement le thème, Santagostini répartit ses divers facteurs dans le système des quatre éléments et des quatre qualités élémentales. Ainsi peuvent être regroupés les facteurs possédant des points communs. Le tableau présente les facteurs typiques des quatre éléments :
EAU Lune, Neptune Cancer, Poissons AIR Vénus, Jupiter Balance, Sagittaire FEU Mars, Soleil, Uranus Bélier, Lion, Verseau TERRE Mercure, Saturne Gémeaux, Vierge Capricorne
L’analyse de l’Ascendant est jugée fondamentale, l’Ascendant étant mis en rapport avec le Moi. Ainsi, on considère :
– le signe de l’Ascendant
– la planète maîtresse du signe ascendant
– le signe et la maison où se trouve cette planète maîtresse
– les planètes à l’Ascendant ou en aspect de l’Ascendant
Pour chaque thème, Claire Santagostini recherche la problématique propre au thème et ce qu’elle appelle « l’échappatoire ». Par exemple, elle montre que, dans le thème d’Arthur Honegger, l’antagonisme Humide-Sec constitue la problématique du thème, et Mars son échappatoire, Mars se trouvant en aspect des planètes dominantes9 .
A travers Régine Ruet et François Villée, qu’elle avait formés elle-même, l’enseignement et les livres de Santagostini continuent d’avoir une diffusion très importante. L’astrologie globale présente l’originalité de ne jamais avoir été constituée comme mouvement mais de rester extrêmement vivace comme courant de pensée et méthode d’approche, ce dont témoignent les divers ouvrages qu’elle a inspirés, entre ceux de François Villée, Solange de Mailly Nesle ou Roselyne d’Ormesson.
Lors des 2èmes Journées de l’ARRC, François Villée a interprété le thème de notre exemple, Serge Gainsbourg, selon la méthode globale. Il décrit ainsi la conjonction Vénus-Mercure en Poissons à l’Ascendant : « C’est l’être jeune, en prise directe avec les jeunes des générations montantes ». Ensuite, il regroupe les facteurs en jeu dans l’opposition de la conjonction Mercure-Vénus en Poissons à l’Ascendant à la Lune en Vierge au Descendant : « Vénus Poissons et la Lune mettent en valeur l’élément Humide synonyme d’osmose et Mercure, faisant axe avec son signe, met en valeur l’élément Sec ; qui dit Sec dit retrait et défense pour conserver son Moi intact… Parce qu’il se défend d’une affectivité très forte, il écrit : ‘Je suis venu te dire que je m’en vais’ et encore ‘Je t’aime, moi non plus’. Le retrait suit immédiatement le don ». Villée poursuit en interprétant deux dualités. Les valeurs Poissons (inspiration, rêverie, désengagement, vulnérabilité) s’opposent d’une part aux valeurs Vierge (précision, perfection, rigueur) et d’autre part aux valeurs Bélier (instinct de suprématie).
D – L’ASTROLOGIE CONDITIONALISTE
Tout comme pour Claire Santagostini, la publication du « Traité pratique d’astrologie » de Barbault joua un rôle de déclic pour Jean-Pierre Nicola.
Sans nier les éléments intéressants de ce traité – par exemple, l’idée de la dominante par les planètes reliées aux angles ou aux luminaires -, Nicola estime dangereuse l’assimilation de l’astrologique au psychologique. La référence au symbolisme et à la psychanalyse le gêne aussi car, à ses yeux, le déterminisme astral n’est pas psychologique mais biologique. Il n’approuve pas non plus le recours à toutes sortes de typologies différentes ; c’est, à son avis, du bricolage. L’astrologie moderne, d’après Nicola, se doit de trouver un fondement plus solide. Le référentiel astronomique d’une part et le référentiel biologique d’autre part lui semblent composer la clef recherchée. Nicola structure l’humain par l’astronomique, le déterminisme astral se situant chez l’homme au niveau biologique. Ainsi, ce déterminisme devra être modulé, selon les personnes, en fonction de l’apport des autres déterminismes (psychologique, sociologique, ethnologique, etc.), d’où le nom d’astrologie conditionaliste donné par Nicola à son astrologie. A partir d’un même déterminisme biologique, des destinées complètement différentes peuvent surgir. Ce que Nicola appelle le mécanisme d’extinction typique d’une influence capricornienne peut aussi bien donner un Staline qui élimine froidement tous ses rivaux, qu’un Jean Kepler qui élimine toutes les fausses explications relatives au mouvement des planètes.
Jean-Pierre Nicola a d’abord développé sa thèse dans son cours par correspondance dès 1962, et c’est en 1965, dans « La condition solaire »10 , qu’il l’a rendue publique. Nicola pense que la référence aux données physiques est pour l’astrologie le fondement le plus naturel et le plus universel. C’est pourquoi, dans son système du R.E.T. (Représentation-Existence-Transcendance), il a réparti les planètes en fonction de critères purement astronomiques (distance des planètes au Soleil, diamètre apparent et gravité à la surface des planètes). Cette répartition s’effectue selon un système ternaire qui regroupe :
– les trois premières planètes dans le groupe « R » (Représentation) qui correspond à la sociabilité ;
– les trois planètes intermédiaires dans le groupe « E » (Existence) qui correspond au concret ;
– les trois dernières planètes dans le groupe « T » (Transcendance) qui correspond à l’ailleurs.
Chacun des trois groupes est l’objet d’une semblable division : la planète la plus volumineuse est « r » (représentation)) ce qui correspond à la synthèse ; l’intermédiaire est « e » (existence »), ce qui correspond au ressenti ; la plus petite est « t » (transcendance)et correspond à l’analyse, à la complexification.
De la sorte, chaque planète est caractérisée par deux indices qui lui sont spécifiques. Par exemple, le Soleil est rR (à prononcer : petit r de grand R), et Uranus rT (petit r de grand T). On observe trois boucles dans le R.E.T. : une grande (Soleil, Mercure, Pluton, Uranus) et deux petites (Soleil, Vénus, Mars, Jupiter d’une part, et Mars, Saturne, Pluton, Neptune d’autre part). Ainsi, même dans la systématique planétaire de Nicola, réapparaît la structure universelle de la croix. L’horizontale Vénus-Jupiter est perpendiculaire à la verticale Soleil-Pluton.
Jean-Pierre Nicola s’est d’abord rendu célèbre dans le milieu astrologique par sa découverte de la théorie des Ages. Au lieu de mettre en rapport les âges de la vie avec les sept planètes traditionnelles selon le découpage établi par Ptolémée au début de notre ère – découpage allant de la Lune (enfance) à Saturne (vieillesse) en passant par Vénus (les premières amours), Soleil (la majorité), Mars (la force de l’âge) et Jupiter (l’âge mûr) -, Nicola établit un rapport entre les âges de la vie et les révolutions planétaires. Les acquisitions situées par les psychologues pendant la période de l’évolution de l’enfant qui correspond à la durée du cycle de la planète considérée éclairent la signification de la planète. Ainsi, Jupiter, qui domine à partir de la fin du cycle de Mars (2 ans) jusqu’à l’âge de 12 ans, présente un mode de fonctionnement marqué par la pensée concrète11. Le stade de la pensée abstraite12 , qui commence à 12 ans, est à relier à Saturne dont l’intelligence, précisément, est beaucoup plus analytique.
Le courant conditionaliste s’est organisé à partir de 1980. Les conditionalistes ont alors créé le COMAC (Centre pour l’Organisation du Mouvement d’Astrologie Conditionaliste). Le mouvement comporte une quizaine d’antennes en France, et publie deux fois par an une revue qui reste confidentielle, les « Cahiers conditionalistes ». Cette revue se veut tout à la fois humoristique, rigoureuse et amicale. André Barbault a pendant longtemps été le bouc émissaire de ce groupe. Le « parti conditionaliste », comme l’a plaisamment surnommé Christophe de Cène, décoche maintenant ses flèches sur d’autres cibles : l’astrologie sidérale, l’astrologie karmique ou encore l’anti-astrologie. Ce groupe utilise un langage spécialisé, difficile d’accès pour les autres astrologues qui traitent les conditionalistes d’intellectuels et leur reprochent de défendre une astrologie sèche, « déshydratée ».
Outre les ouvrages de Jean-Pierre Nicola lui-même, on peut citer comme typiques de ce courant le « Traité d’astrologie conditionaliste »13 de Richard Pelard et le numéro spécial des « Cahiers conditionalistes » consacré à la pensée conditionaliste14 .
A titre d’illustration, reprenons le thème de Gainsbourg. Jean-Pierre Nicola l’interprète à partir des mêmes facteurs que ceux relevés par François Villée (astrologie globale) mais les décline selon sa propre approche théorique. Il insiste en particulier sur la double dominante Vénus-Uranus : »Gainsbourg se définit comme un esthète et on veut bien le croire puisqu’il est né au lever de Vénus. Mais cette planète est dans le signe des Poissons et conjointe à Uranus. Lorsque l’on sait que le signe des Poissons incite à se détacher des conventions et que la fonction uranienne est de créer de nouveaux modèles, plus personnels, plus vrais, et donc plus excentriques souvent, on comprend que Gainsbourg se soit employé à créer et imposer une esthétique nouvelle. Cette configuration se retrouve d’ailleurs chez nombre de personnages qui ont su imposer une gueule a priori ingrate (Belmondo par exemple)15″.
Il est intéressant de noter que le fondateur de l’astrologie conditionaliste explique la faiblesse du Bélier chez Gainsbourg par le fait de la valorisation du signe des Poissons. Pour lui, Poissons et Bélier ont des fonctionnements opposés : « Chez Gainsbourg, la volonté de vaincre et de s’imposer du Bélier est occultée par la passivité des Poissons, comme l’enthousiasme l’est par l’indifférence et l’optimisme par le désabusement. Ainsi le goût pour les entreprises nouvelles, pourtant si présent chez Gainsbourg, est-il contrarié ou voilé par le ‘à quoi bon’ (ne se définit-il pas lui-même comme un «aquoiboniste»?). De là, le mal de vivre et l’ennui littéralement mortel dont semble accablé Gainsbourg – tel le Poinçonneur des Lilas »16 .
C’est à cause de cette contradiction Bélier-Poissons que, d’un côté il affirme et exclut, et que de l’autre côté il nie et évite les contraires. Cela explique que les déclarations d’opposition de Gainsbourg étaient suivies de non-déclarations. Pour Nicola, on peut résumer la contradiction de Gainsbourg selon la formule « rien c’est tout, et tout c’est rien ». Françoise Hardy, formée à l’astrologie par Jean-Pierre Nicola, demanda un jour à Gainsbourg ce qu’il pensait de cette formule et il la trouva juste17 .
Jean-Pierre Nicola analyse enfin ce thème comme une parfaite illustration d’une dominante de signes d’équinoxes marquée par le choc des contraires. Il souligne aussi que l’absence de planètes dans le signe de la Balance met celui-ci en relief et expliquerait l’attrait de Gainsbourg pour des femmes natives de ce signe comme Brigitte Bardot ou Catherine Deneuve.
E – L’ASTROLOGIE HUMANISTE
Contrairement au groupe du C.I.A., dont le souci était d’intégrer les découvertes de la psychologie freudienne sans élaborer d’idéologie, le fondateur de l’astrologie humaniste, Dane Rudhyar, a voulu mettre en forme sa propre conception du monde. Le terme « humaniste » traduit ici l’anglais « humanistic », c’est-à-dire « centré sur l’individu ».
Rudhyar, de son vrai nom Daniel Chennevières (1895 -1985), est un Français qui a émigré aux Etats Unis en 1917, à la suite d’une maladie qui lui avait valu d’être réformé. De formation musicale, il s’est intéressé à l’ésotérisme et a recréé l’astrologie à partir d’une idée essentielle, le holisme. Pour lui, l’univers est une totalité, une globalité composée de parties, et il faut étudier le rapport entre le tout et la partie, toutes les parties étant en interpénétration. Rudhyar utilise un vocabulaire particulier où, par exemple, il forge le néologisme « mentat » pour traduire l’anglais « mind ». Dans son système, le mentat représente le point de rencontre de l’esprit et de la matière dans l’homme, cette notion s’ajoutant à celles de corps, âme, et esprit, qu’il utilise aussi. Une des affirmations essentielles de Rudhyar est la nécessité de construire un nouveau mentat, un nouveau type de rapport entre les individus, pour aboutir à une prise de conscience planétaire. L’objectif de l’astrologie humaniste apparaît donc comme la recherche des moyens d’atteindre à cette conscience planétaire. Dans cette optique, elle doit permettre à l’individu de faire le point sur son évolution intérieure. « En développant ses potentialité et en répondant aux défis que le thème présente à tous les niveaux de la vie (biologique, socio-culturel, individuel et transpersonnel), chacun de nous peut jouer le rôle qui est le sien dans la polyphonie humaine, selon l’intention de l’univers pendant le temps de son existence… L’astrologie humaniste permet ainsi le développement d’une meilleure compréhension, d’une meilleure expression de l’Amour » (Alexandre Ruperti)18 .
De par ses origines, l’astrologie humaniste est très ouverte aux nouvelles idées venues des Etats Unis. Son caractère international est accentué par le fait que son porte-parole en Europe, Alexandre Ruperti, est lui-même très cosmopolite. Si la philosophie « humaniste » peut sembler floue, en revanche, c’est le courant le mieux organisé du monde astrologique. Le R.A.H. (Réseau d’Astrologie Humaniste), fondé en 1984, est « né de la nécessité d’étudier, vivre et partager la philosophie de Dane Rudhyar et Alexandre Ruperti »19. D’après ses statuts, cette association « a pour but de promouvoir et diffuser l’astrologie humaniste et de permettre à toutes les activités qui s’y rattachent de s’exprimer ». Le R.A.H. compte 500 adhérents et dispose de 10 antennes en province et en Suisse. De l’avis unanime, y compris chez les contestataires de l’idéologie « humaniste », le R.A.H. offre une structure pédagogique solide, avec des animateurs de qualité.
Voici comment, lors de notre entretien, un astrologue humaniste, Jean-François Berry, a résumé le thème de notre exemple, Serge Gainsbourg :
« Nous nous trouvons devant un « thème entonnoir »20 . La planète Saturne, rétrograde en Sagittaire en Maison IX, se trouve à la pointe de l’entonnoir, ce qui indique une déchirure, une protection faible, une quête de connaissance, un problème d’identité morale. On note, avec la triple conjonction Soleil-Jupiter-Uranus en Bélier, un mécanisme de super-compensation, avec des moments où l’inconscient jaillit comme en flashes (le Bélier est intercepté21). Il faut souligner la dialectique du Bélier et du Poissons, qui apparaît nettement dans des textes comme « je suis venu te dire que je m’en vais ». La conjonction Vénus-Mercure en Maison XII – indication d’électro-magnétisme – correspond à une forte dimension poétique. C’est un thème qui parle d’une grande douleur, d’une recherche de Dieu, le thème d’un véritable clochard céleste. On retrouve la même structure, cette même difficulté d’être, dans des thèmes aussi variés que ceux de Marilyn Monroe, Georges Brassens, ou Jean-Marie Le Pen ! »
F – L’ASTROLOGIE KARMIQUE
Pour être l’une des dernières venues, ce n’est pas la moins active. Elle est surtout connue par les livres d’Irène Andrieu. Pour ses adeptes, la personnalité natale est la synthèse des existences antérieures, ce qui présuppose la croyance à la roue des renaissances décrite par le bouddhisme. Cette astrologie ne cherche pas à décrire le caractère de la personne mais à déterminer le « but vital » de sa réincarnation actuelle, c’est-à-dire le travail qu’elle a à faire pour avancer sur la voie de la libération et s’affranchir finalement du cycle des renaissances. Ce but vital « est nettement déterminé par la position des Noeuds Lunaires dans les signes et maisons du thème, ainsi que par tous les éléments du thème qui leur sont associés, planètes ou angles significatifs. Il est également inscrit dans les planètes rétrogrades »22.
Irène Andrieu est imprégnée de la philosophie bouddhiste et se réfère plus particulièrement à Krishnamurti. Elle a largement contribué à l’introduction et à la diffusion des astrologies « exotiques » en France.
Revenons à Serge Gainsbourg pour savoir comme une astrologue formée par Irène Andrieu, Anne Vigliengo, donne ses premières impressions devant son thème :
« Compte tenu de la présence du Noeud Nord en maison III, le projet de vie de Gainsbourg est un projet de communication et d’ouverture vers l’extérieur. Mercure, maître des Gémeaux, est au carré des Noeuds Nord et Sud : il a une richesse intérieure exceptionnelle mais, dès l’enfance, il lui aura fallu trouver comment l’exprimer avec, en risque constant, l’enfermement et la dépression. Saturne rétrograde au Noeud Sud en maison IX indique un karma lié à l’intolérance, en répercussion aujourd’hui dans les années de guerre qu’il a connues (port de l’étoile jaune). La triple conjonction Soleil-Jupiter-Uranus en Bélier interceptée en maison I implique la nécessité de prendre conscience de son remarquable potentiel, de son originalité et de sa capacité à se trouver à travers une créativité originale et jaillissante, à condition d’accepter de se rencontrer soi, sinon l’interception I-VII ne signifiera que fuite en avant éperdue, critique et auto-destruction (carré de Pluton) perpétuelle, tant qu’il n’y aura pas prise de conscience de son être profond. Il est intéressant de noter que Serge Gainsbourg a une soeur jumelle autiste et internée en psychiatrie. Elle se trouve signifiée dans le thème par Vénus Poissons en XII en carré de Saturne rétrograde ».
G – AUTRES COURANTS ASTROLOGIQUES
Pour terminer ce rapide tour d’horizon, il faut encore citer quelques courants secondaires qui permettent de se rendre compte de la multiplicité de systèmes astrologiques actuellement sur le marché.
L’astrologie sidérale
L’astrologie sidérale, initiée en France par Jacques Dorsan, tient compte de la position des planètes dans les constellations, et non plus dans les signes zodiacaux23 . Elle positionne les planètes par rapport aux étoiles, d’où son nom. Elle part du constat que, du fait de la précession des équinoxes, le point vernal se décale d’année en année par rapport aux constellations, l’écart se creusant d’environ un degré tous les 72 ans. Il résulte du mouvement de la précession que le décalage entre signes et maisons astrologiques est actuellement de 23 degrés. Ainsi, pour les sidéralistes, Gainsbourg ne serait pas Bélier ascendant Poissons, mais Poissons ascendant fin Verseau.
Peu développé en France, ce courant est fermement condamné par la quasi majorité des autres astrologues, à commencer par Barbault, Nicola et Villée.
La cosmobiologie de Bernard Dumont
Bernard Dumont, fondateur de la cosmobiologie, part du constat de l’inintérêt du travail à partir de la position des planètes en signe et en maison. Il considère beaucoup plus intéressant de travailler sur le rapport entre les planètes. C’est pourquoi il a développé et perfectionné la technique des mi-points élaborée en Allemagne par Ebertin, technique d’après laquelle, si une planète se trouve à mi-distance de deux autres planètes, elle colore leur influence. Depuis plusieurs années, il teste avec succès son système auprès d’un groupe de médecins, qui comptera jusqu’à trente membres. Dumont s’exprime de manière symbolique mais les médecins comprennent et retraduisent ses propos en termes médicaux. Il parvient, à partir d’un thème, à décrire la maladie dont souffre le sujet et, chose plus surprenante, l’origine de cette maladie. Aussi performant que soit ce système, il semble toutefois que seul Bernard Dumont réussit à l’utiliser correctement.
Signalons que le mi-point est un axe qui coupe en son milieu un couple de deux planètes. Là encore, on retrouve la structure de la croix.
L’astrologie statistique
Cette forme d’astrologie s’appuie sur les travaux de Michel et Françoise Gauquelin24 . Au départ, ce couple de chercheurs a constitué, à partir de dictionnaires biographiques, des listes de professionnels de haut niveau afin de prouver la fausseté de l’astrologie. A leur grande surprise, ils ont découvert que la planète Mars se lève ou culmine plus souvent que le hasard ne le veut à la naissance des militaires et des sportifs de haut niveau. Des listes de noms concernant d’autres pays et traitées selon la même méthode confirment ces résultats. Ensuite, d’autres corrélations ont été découvertes dans d’autres groupes professionnels :
. Saturne et les savants,
. Jupiter et les journalistes, les comédiens, les députés et les ministres,
. la Lune et les écrivains,
. Mars et les médecins et chefs d’entreprise.
A partir des biographies des personnages étudiés, les Gauquelin ont établi une liste de mots clefs pour cinq planètes, les quatre déjà nommées et Vénus. Françoise Gauquelin a testé la corrélation entre les traits de caractère attribués aux planètes par les auteurs de manuels d’astrologie et ses listes de mots clefs. Elle en a conclu que, à l’exception de Jupiter, les descriptions de la littérature sont exactes.
Jusqu’à présent, les travaux des Gauquelin ne permettaient pas de réaliser d’interprétations. C’est à présent chose faite : Françoise Gauquelin vient de mettre au point une typologie à partir des cinq planètes pour lesquelles elle a obtenu des résultats statistiques significatifs.
Pour aller plus loin
1 ANTARES G., « Manuel pratique d’astrologie », éditions Flandre-Artois, 1981.
2 BARBAULT A., « Connaissance de l’astrologie », Le Seuil, Paris, 1975.
3 BARBAULT A., « Traité pratique d’astrologie », Le Seuil, Paris, 1961, p. 348.
4 Op. cité, p. 353.
5 SANTAGOSTINI C., « L’horoscopie cartésienne », éditions Traditionnelles, Paris, 1965.
6 SANTAGOSTINI C., « Initiation à l’astrologie globale », éditions Traditionnelles, Paris, 1976.
7 BARBAULT A., « Traité pratique d’astrologie », éditions Le Seuil, Paris, 1961, p. 216.
8 SANTAGOSTINI C., op. cité, p. 98.
9 SANTAGOSTINI C., « Assimil astrologique », éditions Traditionnelles, Paris, 1972 p.107
10 NICOLA J.-P., « La condition solaire », éditions Traditionnelles, Paris, 1965.
11 Voir PIAGET J., « Six études de psychologie », Gonthier, Genève, 1964, p.12.
12 Id.
13 PELARD R., « Traité d’astrologie conditionaliste », éditions Dervy, Paris.
14 Cahiers conditionalistes, n°10, COMAC, Saint-Denis/Huisne, 61400 Mortagne.
15 NICOLA J.-P. et SAINT BENOIT E., »Les signes du destin : Bélier », éditions du Rocher et Radio Monte Carlo, Paris, 1981, p.27.
16 Op. c ité, p.28.
17 HARDY F.et SIMOND A.M, « Entre les lignes, entre les signes », RMC. édition 1986 p.22
18 Dépliant d’information du R.A.H.
19 Dépliant d’information du R.A.H.
20 Ce terme désigne un thème où une planète se trouve complètement isolée des autres.
21 On appelle « signe intercepté » un signe où ne se trouve aucune pointe de maison.
22 ANDRIEU I., « L’astrologie, clef des vies antérieures », éd. Dangles, Paris, 1984, p. 14.
23 DORSAN J., « Retour au zodiaque des étoiles », Dervy, Paris, 1986.
24 GAUQUELIN F., « Psychologie des planètes », ACS, Paris, 1985.
25 Op. cité, p. 32.
par Yves Lenoble
Rappel historique
Les premières traces d’une pratique astrologique que nous possédions remontent à 3000 ans avant J.-C., à Sumer. Toutefois, les premiers ouvrages qui nous soient parvenus datent du 1er siècle et du 2ème siècle après J.-C., soit, respectivement, « Les astrologiques » de Manilius et la « Tétrabible » de Ptolémée.
La « Tétrabible » est restée le standard de la pensée astrologique jusqu’à la Renaissance et même jusqu’au dernier astrologue « officiel » de la cour de France, Morin de Villefranche, qui a oeuvré dans le souci de rationaliser Ptolémée. Ensuite, après une longue éclipse, en France, le début de notre siècle a vu renaître cette vieille dame, réveillée par de respectables hommes de science (polytechniciens, ingénieurs des Mines…) passionnés d’ésotérisme. On leur doit essentiellement les premières applications de la méthode statistique à l’astrologie. Toutefois, leur astrologie restait un reflet de celle de Ptolémée et de Morin de Villefranche. A partir de là, l’astrologie française s’est adaptée, et radicalement modifiée, sous la pression des transformations de la société, intégrant, en particulier, certains concepts de la psychologie et les découvertes de l’astronomie (Pluton).
Cette évolution – beaucoup plus nette en France que dans la plupart des autres pays – a pleinement pris forme après la Seconde guerre mondiale, pour aboutir à la publication en 1950 par André Barbault et Jean Carteret, de ce que l’on peut considérer comme le manifeste de l’astrologie moderne, « Analogies de la dialectique Uranus-Neptune ». Ce document, publié dans le cadre de la section « psychologie » du Centre International d’Astrologie, proclame la nécessité de repenser l’astrologie en fonction des acquis de la psychologie. Sans ce travail de refonte, l’extraordinaire développement qu’a connu l’astrologie en France depuis 40 ans n’aurait sans doute jamais eu lieu.
A – L’ASTROLOGIE TRADITIONNELLE
Sous cette appellation un peu « fourre-tout », on trouve essentiellement des astrologues qui en sont restés – souvent sans le savoir – à Morin de Villefranche, soit au XVIIème siècle ! Il n’existe pas de chef de file de cette astrologie, ni de structure de recherche ou d’enseignement comme il en existe pour d’autres courants. C’est une astrologie de type divinatoire qui décrit l’individu par juxtaposition de notations ne permettant ni synthèse ni modulation fine. Par exemple, si l’on se réfère à un manuel d’astrologie traditionnelle, celui d’Antarès1, voici comment sera interprété le thème de Serge Gainsbourg :
« Compte tenu d’Uranus dissonant en Maison I : excentricité, rébellion, vie pleine d’imprévus désagréables, de tuiles ; caractère déconcertant, personnalité bizarre sur laquelle on ne peut pas compter.
Soleil dissonant en Maison I : excès d’ambition, luttes et obstacles au succès.
Jupiter dissonant en Maison I : indulgence de soi, arrogance, vices du sang.
Lune dissonante en Maison VI : changements constants d’occupation, mauvaise santé.
Neptune dissonant en Maison VI : santé altérée par abus de la nature sensuelle, par alcoolisme ou par abus de stupéfiants ; désordre et anarchie dans le travail, aucune méthode.
Saturne dissonant en Maison IX : étroitesse de vues, esprit bigot et intolérant ; ennuis légaux et insuccès à l’étranger ou mort loin de son pays.
Mercure dissonant en Maison XII : danger de dérangement mental, obsession, folie, actions malhonnêtes en sous-main, vols ; le sujet sera un récidiviste dans le mal. Intelligence mal employée.
Vénus dissonante en Maison XII : abus de soi, scandales et ennuis causés par les relations clandestines et la jalousie. Possibilité de maladie vénérienne, habitudes sexuelles néfastes. »
Même s’il faut quelque peu nuancer l’aspect caricatural que peuvent en donner ces extraits, il n’en reste pas moins que cette astrologie ne propose aucune technique de lecture du thème considéré comme un ensemble. En outre, elle recourt à un vocabulaire désuet qui reflète non seulement une pensée dépassée mais aussi une morale très simpliste, à travers la classification des éléments du thème en « bons » et « mauvais ». Toutefois, on ne peut nier que, dans le grand public, c’est encore cette notion de « bons » et « mauvais » signes qui fonctionne le mieux, ce qui peut expliquer que cette astrologie conserve des adeptes.
B – L’ASTROLOGIE PSYCHOLOGIQUE
En réaction à cette vision déterministe de l’existence, l’astrologie psychologique propose de l’individu une vision synthétique et, surtout, évolutive.
Elle s’est constituée dans le cadre du Centre International d’Astrologie où se sont retrouvés, dans les années 50 et 60, pratiquement tous les astrologues qui ont compté depuis quarante ans, soit André Barbault, Jean Carteret, Claire Santagostini, Jean-Pierre Nicola, Paul Colombet, Régine Ruet, Jacques Berthon, Jacqueline Aimé, Joëlle de Gravelaine… Les pionniers de la section « psychologie » se retrouvaient, rue Mouffetard, chez André Barbault : Carteret, Nicola, Knabe (un psychanalyste), Munzinger, Santagostini. De leurs travaux, visant à construire une symbolique planétaire moderne, est résultée la publication de « Uranus-Neptune », « Jupiter-Saturne », « Soleil-Lune » et, véritable innovation, de deux recueils de dates de naissance (450 musiciens et 468 peintres).
Pour les gens qui viennent aujourd’hui à l’astrologie, il est impossible de se rendre compte du changement radical introduit par ces travaux. Nous-même, qui avons découvert l’astrologie en 1963, soit deux ans après la publication du Traité de Barbault, nous n’avons pu prendre la mesure de ce bouleversement que beaucoup plus tard, en étudiant l’histoire de l’astrologie. En effet, ce groupe du C.I.A. ne s’est pas contenté de rompre avec le passé, il a posé les fondations à partir desquelles plusieurs courants ont pu se développer, y compris les opposants et ceux qui se réclament d’astrologies exotiques. Au-delà de l’ouverture réalisée sur le plan astrologique lui-même, le fait de proposer une réflexion moderne a facilité la diffusion de l’astrologie, ne serait-ce que par l’engagement d’un éditeur réputé, le Seuil, qui a publié les ouvrages de Barbault les plus lus (les douze signes de la collection Zodiaque se sont vendus, depuis 1957, à plus de 2,5 millions d’exemplaires…). Les nombreuses collections sur les signes du zodiaque ont beaucoup de mal à innover par rapport à ce modèle. Autrement dit, toute étude du phénomène astrologique aujourd’hui doit prendre en compte ce que l’on peut appeler à juste titre « l’effet Barbault ».
André Barbault avait commencé par apprendre une astrologie traditionnelle avec son frère Armand. Sa perspective a basculé quand, arrivant à Paris à la fin de la Seconde guerre mondiale, il a découvert le milieu psychanalytique et la pensée freudienne. Il a lu alors, comme il le raconte lui-même, tous les ouvrages existant sur la psychanalyse, s’est allongé sur le divan, d’où est né son premier ouvrage, « De la psychanalyse à l’astrologie », publié beaucoup plus tard, en 1961. Barbault y pose un postulat essentiel à la formation de l’astrologie moderne : le psychanalyste et l’astrologue fonctionnent sur le même mode. Il insiste sur la technique de l’association qui leur est commune. Il met également en rapport ce qu’il appelle l’automatisme de répétition avec le mouvement cyclique des planètes. Chaque planète, dit-il, correspond à un faisceau de tendances et peut se définir par un verbe. Par exemple, Vénus correspond au verbe aimer et, selon le signe zodiacal où elle se trouve, ce verbe se décline différemment. Barbault souligne que, si l’on peut préciser ce qui est de l’ordre du verbe, on se heurte, en revanche, à une indétermination en ce qui concerne l’objet. Il insiste particulièrement sur l’importance des aspects entre planètes, représentatifs de conflits ou d’associations de tendances. Une telle conception de l’astrologie ne pouvait qu’exclure, par définition, l’ancienne pratique divinatoire.
Une autre étape importante se produisit en 1965, quand Barbault se reprocha à lui-même d’avoir fait la part trop belle au déterminisme, l’indéterminé lui paraissant encore plus important qu’auparavant. Par exemple, dans le cas du thème de Picasso, il écrit : « Le thème n’indique ni que Picasso est un peintre, ni qu’il est devenu archi-milliardaire, ni qu’il est parvenu à une gloire universelle en son genre, ni même simplement qu’il a vécu 90 ans »2.
Il est important de souligner que, par sa culture psychanalytique, littéraire, artistique, historique, André Barbault s’inscrit pleinement dans son siècle. En véritable ascète de l’astrologie, il a voulu l’épurer de tout ce qui lui paraissait secondaire, magique, pour la rénover en la faisant bénéficier des acquis de la pensée moderne : « L’astrologie a besoin de se construire ; elle y parviendra mieux en se concentrant sur l’essentiel pour s’assurer la pleine possession de la maîtrise qu’en se dispersant dans une multitude de facteurs hétéroclites »3.
Une autre innovation de l’astrologie psychologique est la méthode comparative prônée par Barbault : « C’est par l’étude comparative que l’on construit une interprétation ; on ne l’échafaude pas dans le vide en se fiant à des analogies faciles ; on l’élabore, par comparaison, sur des matériaux vivants. La voie la plus impérieuse de la recherche : accumuler une masse énorme d’informations pour dégager les particularités de tous les facteurs possibles et l’éventail de leurs manifestations en fonction de contextes toujours différents »4.
Notons que Barbault n’a pas fondé d’école mais que son influence reste essentielle. Il est intéressant de savoir que c’est l’auteur astrologique moderne le plus prolifique et le plus lu, et que sa renommée s’est établie alors qu’il ne donne plus de cours depuis les années 50 ni de conférences depuis les années 70, à de très rares exceptions près. En revanche, il a créé en 1968 sa revue « L’Astrologue », un trimestriel édité par les Editions Traditionnelles qui permet de suivre l’évolution de ses recherches.
C – L’ASTROLOGIE GLOBALE
A la publication du « Traité pratique d’astrologie » de Barbault, Claire Santagostini (mai 1898-1986) – membre du groupe « psychologie » du C.I.A. – répond par « L’horoscopie cartésienne »5.
Santagostini, tout en approuvant les idées exposées par Barbault, idées à l’élaboration desquelles elle avait largement participé, lui reproche d’avoir conservé les grands défauts traditionnels : interprétation fractionnée et manichéenne. La personnalité de Santagostini joue ici un rôle fondamental. D’abord, il faut souligner que c’est la première femme à se faire entendre dans ce petit monde jusque là exclusivement masculin. Ensuite, cette ancienne directrice de collège avait une formation d’institutrice passionnée par les méthodes pédagogiques modernes. Si elle n’a pas modifié les principes dont Barbault s’était fait le porte-parole, elle a, en revanche, eu un impact fondamental sur l’enseignement de l’astrologie et les méthodes d’interprétation. Au fractionnement du thème, elle opposé la notion de globalité.
L’astrologie globale est l’héritière de l’astrologie psychologique. Il faut rappeler que Claire Santagostini a été d’abord l’élève de Barbault. Fascinée par ses idées, elle les vérifia quotidiennement dans l’école dont elle était directrice. Elle pensait, toutefois, que de notables améliorations pouvaient être réalisées quant à la pédagogie. C’est ainsi qu’elle commença à enseigner l’astrologie. Nous possédons ses premiers cours. D’abord publiés sous forme ronéotypée, ils ont été repris par la suite dans son livre « Initiation à l’astrologie globale »6 . Ces cours furent donnés dans les années 50 dans le cadre du C.I.A. Ce furent à proprement parler les premiers cours de la nouvelle astrologie.
Peut-être plus que Barbault, Santagostini veut dégager l’astrologie d’un système dépassé dans la mesure où il est mécaniste, statique et morcelé. Elle reprend la règle de valorisation de Barbault, disant qu’ »une configuration est d’autant plus importante qu’elle est spécifique à l’instantanéité de la naissance »7 . Sa première leçon reste un modèle de cours. D’emblée, elle présente l’astrologie de manière globale. Son approche pédagogique est à l’opposé de celle de Barbault, beaucoup plus didactique où les facteurs astrologiques sont abordés progressivement. Santagostini s’efforce de respecter la globalité de l’astrologie en présentant tout à la fois planètes, signes, maisons, aspects… et en faisant connaître progressivement une nouvelle planète, un nouveau signe, etc., mais toujours en intégrant chaque nouveau facteur dans l’ensemble. Elle indique clairement à chaque fois ce qui va être étudié et chaque leçon commence par une révision de ce qui a déjà été acquis. Santagostini hiérarchise nettement les divers éléments du thème : « Si l’ensemble des planètes forme la structure d’un Homme, les signes donnent seulement un mode d’être de chaque homme et les maisons indiquent seulement des plans de son existence »8.
Pour étudier globalement le thème, Santagostini répartit ses divers facteurs dans le système des quatre éléments et des quatre qualités élémentales. Ainsi peuvent être regroupés les facteurs possédant des points communs. Le tableau présente les facteurs typiques des quatre éléments :
EAU Lune, Neptune Cancer, Poissons AIR Vénus, Jupiter Balance, Sagittaire FEU Mars, Soleil, Uranus Bélier, Lion, Verseau TERRE Mercure, Saturne Gémeaux, Vierge Capricorne
L’analyse de l’Ascendant est jugée fondamentale, l’Ascendant étant mis en rapport avec le Moi. Ainsi, on considère :
– le signe de l’Ascendant
– la planète maîtresse du signe ascendant
– le signe et la maison où se trouve cette planète maîtresse
– les planètes à l’Ascendant ou en aspect de l’Ascendant
Pour chaque thème, Claire Santagostini recherche la problématique propre au thème et ce qu’elle appelle « l’échappatoire ». Par exemple, elle montre que, dans le thème d’Arthur Honegger, l’antagonisme Humide-Sec constitue la problématique du thème, et Mars son échappatoire, Mars se trouvant en aspect des planètes dominantes9 .
A travers Régine Ruet et François Villée, qu’elle avait formés elle-même, l’enseignement et les livres de Santagostini continuent d’avoir une diffusion très importante. L’astrologie globale présente l’originalité de ne jamais avoir été constituée comme mouvement mais de rester extrêmement vivace comme courant de pensée et méthode d’approche, ce dont témoignent les divers ouvrages qu’elle a inspirés, entre ceux de François Villée, Solange de Mailly Nesle ou Roselyne d’Ormesson.
Lors des 2èmes Journées de l’ARRC, François Villée a interprété le thème de notre exemple, Serge Gainsbourg, selon la méthode globale. Il décrit ainsi la conjonction Vénus-Mercure en Poissons à l’Ascendant : « C’est l’être jeune, en prise directe avec les jeunes des générations montantes ». Ensuite, il regroupe les facteurs en jeu dans l’opposition de la conjonction Mercure-Vénus en Poissons à l’Ascendant à la Lune en Vierge au Descendant : « Vénus Poissons et la Lune mettent en valeur l’élément Humide synonyme d’osmose et Mercure, faisant axe avec son signe, met en valeur l’élément Sec ; qui dit Sec dit retrait et défense pour conserver son Moi intact… Parce qu’il se défend d’une affectivité très forte, il écrit : ‘Je suis venu te dire que je m’en vais’ et encore ‘Je t’aime, moi non plus’. Le retrait suit immédiatement le don ». Villée poursuit en interprétant deux dualités. Les valeurs Poissons (inspiration, rêverie, désengagement, vulnérabilité) s’opposent d’une part aux valeurs Vierge (précision, perfection, rigueur) et d’autre part aux valeurs Bélier (instinct de suprématie).
D – L’ASTROLOGIE CONDITIONALISTE
Tout comme pour Claire Santagostini, la publication du « Traité pratique d’astrologie » de Barbault joua un rôle de déclic pour Jean-Pierre Nicola.
Sans nier les éléments intéressants de ce traité – par exemple, l’idée de la dominante par les planètes reliées aux angles ou aux luminaires -, Nicola estime dangereuse l’assimilation de l’astrologique au psychologique. La référence au symbolisme et à la psychanalyse le gêne aussi car, à ses yeux, le déterminisme astral n’est pas psychologique mais biologique. Il n’approuve pas non plus le recours à toutes sortes de typologies différentes ; c’est, à son avis, du bricolage. L’astrologie moderne, d’après Nicola, se doit de trouver un fondement plus solide. Le référentiel astronomique d’une part et le référentiel biologique d’autre part lui semblent composer la clef recherchée. Nicola structure l’humain par l’astronomique, le déterminisme astral se situant chez l’homme au niveau biologique. Ainsi, ce déterminisme devra être modulé, selon les personnes, en fonction de l’apport des autres déterminismes (psychologique, sociologique, ethnologique, etc.), d’où le nom d’astrologie conditionaliste donné par Nicola à son astrologie. A partir d’un même déterminisme biologique, des destinées complètement différentes peuvent surgir. Ce que Nicola appelle le mécanisme d’extinction typique d’une influence capricornienne peut aussi bien donner un Staline qui élimine froidement tous ses rivaux, qu’un Jean Kepler qui élimine toutes les fausses explications relatives au mouvement des planètes.
Jean-Pierre Nicola a d’abord développé sa thèse dans son cours par correspondance dès 1962, et c’est en 1965, dans « La condition solaire »10 , qu’il l’a rendue publique. Nicola pense que la référence aux données physiques est pour l’astrologie le fondement le plus naturel et le plus universel. C’est pourquoi, dans son système du R.E.T. (Représentation-Existence-Transcendance), il a réparti les planètes en fonction de critères purement astronomiques (distance des planètes au Soleil, diamètre apparent et gravité à la surface des planètes). Cette répartition s’effectue selon un système ternaire qui regroupe :
– les trois premières planètes dans le groupe « R » (Représentation) qui correspond à la sociabilité ;
– les trois planètes intermédiaires dans le groupe « E » (Existence) qui correspond au concret ;
– les trois dernières planètes dans le groupe « T » (Transcendance) qui correspond à l’ailleurs.
Chacun des trois groupes est l’objet d’une semblable division : la planète la plus volumineuse est « r » (représentation)) ce qui correspond à la synthèse ; l’intermédiaire est « e » (existence »), ce qui correspond au ressenti ; la plus petite est « t » (transcendance)et correspond à l’analyse, à la complexification.
De la sorte, chaque planète est caractérisée par deux indices qui lui sont spécifiques. Par exemple, le Soleil est rR (à prononcer : petit r de grand R), et Uranus rT (petit r de grand T). On observe trois boucles dans le R.E.T. : une grande (Soleil, Mercure, Pluton, Uranus) et deux petites (Soleil, Vénus, Mars, Jupiter d’une part, et Mars, Saturne, Pluton, Neptune d’autre part). Ainsi, même dans la systématique planétaire de Nicola, réapparaît la structure universelle de la croix. L’horizontale Vénus-Jupiter est perpendiculaire à la verticale Soleil-Pluton.
Jean-Pierre Nicola s’est d’abord rendu célèbre dans le milieu astrologique par sa découverte de la théorie des Ages. Au lieu de mettre en rapport les âges de la vie avec les sept planètes traditionnelles selon le découpage établi par Ptolémée au début de notre ère – découpage allant de la Lune (enfance) à Saturne (vieillesse) en passant par Vénus (les premières amours), Soleil (la majorité), Mars (la force de l’âge) et Jupiter (l’âge mûr) -, Nicola établit un rapport entre les âges de la vie et les révolutions planétaires. Les acquisitions situées par les psychologues pendant la période de l’évolution de l’enfant qui correspond à la durée du cycle de la planète considérée éclairent la signification de la planète. Ainsi, Jupiter, qui domine à partir de la fin du cycle de Mars (2 ans) jusqu’à l’âge de 12 ans, présente un mode de fonctionnement marqué par la pensée concrète11. Le stade de la pensée abstraite12 , qui commence à 12 ans, est à relier à Saturne dont l’intelligence, précisément, est beaucoup plus analytique.
Le courant conditionaliste s’est organisé à partir de 1980. Les conditionalistes ont alors créé le COMAC (Centre pour l’Organisation du Mouvement d’Astrologie Conditionaliste). Le mouvement comporte une quizaine d’antennes en France, et publie deux fois par an une revue qui reste confidentielle, les « Cahiers conditionalistes ». Cette revue se veut tout à la fois humoristique, rigoureuse et amicale. André Barbault a pendant longtemps été le bouc émissaire de ce groupe. Le « parti conditionaliste », comme l’a plaisamment surnommé Christophe de Cène, décoche maintenant ses flèches sur d’autres cibles : l’astrologie sidérale, l’astrologie karmique ou encore l’anti-astrologie. Ce groupe utilise un langage spécialisé, difficile d’accès pour les autres astrologues qui traitent les conditionalistes d’intellectuels et leur reprochent de défendre une astrologie sèche, « déshydratée ».
Outre les ouvrages de Jean-Pierre Nicola lui-même, on peut citer comme typiques de ce courant le « Traité d’astrologie conditionaliste »13 de Richard Pelard et le numéro spécial des « Cahiers conditionalistes » consacré à la pensée conditionaliste14 .
A titre d’illustration, reprenons le thème de Gainsbourg. Jean-Pierre Nicola l’interprète à partir des mêmes facteurs que ceux relevés par François Villée (astrologie globale) mais les décline selon sa propre approche théorique. Il insiste en particulier sur la double dominante Vénus-Uranus : »Gainsbourg se définit comme un esthète et on veut bien le croire puisqu’il est né au lever de Vénus. Mais cette planète est dans le signe des Poissons et conjointe à Uranus. Lorsque l’on sait que le signe des Poissons incite à se détacher des conventions et que la fonction uranienne est de créer de nouveaux modèles, plus personnels, plus vrais, et donc plus excentriques souvent, on comprend que Gainsbourg se soit employé à créer et imposer une esthétique nouvelle. Cette configuration se retrouve d’ailleurs chez nombre de personnages qui ont su imposer une gueule a priori ingrate (Belmondo par exemple)15″.
Il est intéressant de noter que le fondateur de l’astrologie conditionaliste explique la faiblesse du Bélier chez Gainsbourg par le fait de la valorisation du signe des Poissons. Pour lui, Poissons et Bélier ont des fonctionnements opposés : « Chez Gainsbourg, la volonté de vaincre et de s’imposer du Bélier est occultée par la passivité des Poissons, comme l’enthousiasme l’est par l’indifférence et l’optimisme par le désabusement. Ainsi le goût pour les entreprises nouvelles, pourtant si présent chez Gainsbourg, est-il contrarié ou voilé par le ‘à quoi bon’ (ne se définit-il pas lui-même comme un «aquoiboniste»?). De là, le mal de vivre et l’ennui littéralement mortel dont semble accablé Gainsbourg – tel le Poinçonneur des Lilas »16 .
C’est à cause de cette contradiction Bélier-Poissons que, d’un côté il affirme et exclut, et que de l’autre côté il nie et évite les contraires. Cela explique que les déclarations d’opposition de Gainsbourg étaient suivies de non-déclarations. Pour Nicola, on peut résumer la contradiction de Gainsbourg selon la formule « rien c’est tout, et tout c’est rien ». Françoise Hardy, formée à l’astrologie par Jean-Pierre Nicola, demanda un jour à Gainsbourg ce qu’il pensait de cette formule et il la trouva juste17 .
Jean-Pierre Nicola analyse enfin ce thème comme une parfaite illustration d’une dominante de signes d’équinoxes marquée par le choc des contraires. Il souligne aussi que l’absence de planètes dans le signe de la Balance met celui-ci en relief et expliquerait l’attrait de Gainsbourg pour des femmes natives de ce signe comme Brigitte Bardot ou Catherine Deneuve.
E – L’ASTROLOGIE HUMANISTE
Contrairement au groupe du C.I.A., dont le souci était d’intégrer les découvertes de la psychologie freudienne sans élaborer d’idéologie, le fondateur de l’astrologie humaniste, Dane Rudhyar, a voulu mettre en forme sa propre conception du monde. Le terme « humaniste » traduit ici l’anglais « humanistic », c’est-à-dire « centré sur l’individu ».
Rudhyar, de son vrai nom Daniel Chennevières (1895 -1985), est un Français qui a émigré aux Etats Unis en 1917, à la suite d’une maladie qui lui avait valu d’être réformé. De formation musicale, il s’est intéressé à l’ésotérisme et a recréé l’astrologie à partir d’une idée essentielle, le holisme. Pour lui, l’univers est une totalité, une globalité composée de parties, et il faut étudier le rapport entre le tout et la partie, toutes les parties étant en interpénétration. Rudhyar utilise un vocabulaire particulier où, par exemple, il forge le néologisme « mentat » pour traduire l’anglais « mind ». Dans son système, le mentat représente le point de rencontre de l’esprit et de la matière dans l’homme, cette notion s’ajoutant à celles de corps, âme, et esprit, qu’il utilise aussi. Une des affirmations essentielles de Rudhyar est la nécessité de construire un nouveau mentat, un nouveau type de rapport entre les individus, pour aboutir à une prise de conscience planétaire. L’objectif de l’astrologie humaniste apparaît donc comme la recherche des moyens d’atteindre à cette conscience planétaire. Dans cette optique, elle doit permettre à l’individu de faire le point sur son évolution intérieure. « En développant ses potentialité et en répondant aux défis que le thème présente à tous les niveaux de la vie (biologique, socio-culturel, individuel et transpersonnel), chacun de nous peut jouer le rôle qui est le sien dans la polyphonie humaine, selon l’intention de l’univers pendant le temps de son existence… L’astrologie humaniste permet ainsi le développement d’une meilleure compréhension, d’une meilleure expression de l’Amour » (Alexandre Ruperti)18 .
De par ses origines, l’astrologie humaniste est très ouverte aux nouvelles idées venues des Etats Unis. Son caractère international est accentué par le fait que son porte-parole en Europe, Alexandre Ruperti, est lui-même très cosmopolite. Si la philosophie « humaniste » peut sembler floue, en revanche, c’est le courant le mieux organisé du monde astrologique. Le R.A.H. (Réseau d’Astrologie Humaniste), fondé en 1984, est « né de la nécessité d’étudier, vivre et partager la philosophie de Dane Rudhyar et Alexandre Ruperti »19. D’après ses statuts, cette association « a pour but de promouvoir et diffuser l’astrologie humaniste et de permettre à toutes les activités qui s’y rattachent de s’exprimer ». Le R.A.H. compte 500 adhérents et dispose de 10 antennes en province et en Suisse. De l’avis unanime, y compris chez les contestataires de l’idéologie « humaniste », le R.A.H. offre une structure pédagogique solide, avec des animateurs de qualité.
Voici comment, lors de notre entretien, un astrologue humaniste, Jean-François Berry, a résumé le thème de notre exemple, Serge Gainsbourg :
« Nous nous trouvons devant un « thème entonnoir »20 . La planète Saturne, rétrograde en Sagittaire en Maison IX, se trouve à la pointe de l’entonnoir, ce qui indique une déchirure, une protection faible, une quête de connaissance, un problème d’identité morale. On note, avec la triple conjonction Soleil-Jupiter-Uranus en Bélier, un mécanisme de super-compensation, avec des moments où l’inconscient jaillit comme en flashes (le Bélier est intercepté21). Il faut souligner la dialectique du Bélier et du Poissons, qui apparaît nettement dans des textes comme « je suis venu te dire que je m’en vais ». La conjonction Vénus-Mercure en Maison XII – indication d’électro-magnétisme – correspond à une forte dimension poétique. C’est un thème qui parle d’une grande douleur, d’une recherche de Dieu, le thème d’un véritable clochard céleste. On retrouve la même structure, cette même difficulté d’être, dans des thèmes aussi variés que ceux de Marilyn Monroe, Georges Brassens, ou Jean-Marie Le Pen ! »
F – L’ASTROLOGIE KARMIQUE
Pour être l’une des dernières venues, ce n’est pas la moins active. Elle est surtout connue par les livres d’Irène Andrieu. Pour ses adeptes, la personnalité natale est la synthèse des existences antérieures, ce qui présuppose la croyance à la roue des renaissances décrite par le bouddhisme. Cette astrologie ne cherche pas à décrire le caractère de la personne mais à déterminer le « but vital » de sa réincarnation actuelle, c’est-à-dire le travail qu’elle a à faire pour avancer sur la voie de la libération et s’affranchir finalement du cycle des renaissances. Ce but vital « est nettement déterminé par la position des Noeuds Lunaires dans les signes et maisons du thème, ainsi que par tous les éléments du thème qui leur sont associés, planètes ou angles significatifs. Il est également inscrit dans les planètes rétrogrades »22.
Irène Andrieu est imprégnée de la philosophie bouddhiste et se réfère plus particulièrement à Krishnamurti. Elle a largement contribué à l’introduction et à la diffusion des astrologies « exotiques » en France.
Revenons à Serge Gainsbourg pour savoir comme une astrologue formée par Irène Andrieu, Anne Vigliengo, donne ses premières impressions devant son thème :
« Compte tenu de la présence du Noeud Nord en maison III, le projet de vie de Gainsbourg est un projet de communication et d’ouverture vers l’extérieur. Mercure, maître des Gémeaux, est au carré des Noeuds Nord et Sud : il a une richesse intérieure exceptionnelle mais, dès l’enfance, il lui aura fallu trouver comment l’exprimer avec, en risque constant, l’enfermement et la dépression. Saturne rétrograde au Noeud Sud en maison IX indique un karma lié à l’intolérance, en répercussion aujourd’hui dans les années de guerre qu’il a connues (port de l’étoile jaune). La triple conjonction Soleil-Jupiter-Uranus en Bélier interceptée en maison I implique la nécessité de prendre conscience de son remarquable potentiel, de son originalité et de sa capacité à se trouver à travers une créativité originale et jaillissante, à condition d’accepter de se rencontrer soi, sinon l’interception I-VII ne signifiera que fuite en avant éperdue, critique et auto-destruction (carré de Pluton) perpétuelle, tant qu’il n’y aura pas prise de conscience de son être profond. Il est intéressant de noter que Serge Gainsbourg a une soeur jumelle autiste et internée en psychiatrie. Elle se trouve signifiée dans le thème par Vénus Poissons en XII en carré de Saturne rétrograde ».
G – AUTRES COURANTS ASTROLOGIQUES
Pour terminer ce rapide tour d’horizon, il faut encore citer quelques courants secondaires qui permettent de se rendre compte de la multiplicité de systèmes astrologiques actuellement sur le marché.
L’astrologie sidérale
L’astrologie sidérale, initiée en France par Jacques Dorsan, tient compte de la position des planètes dans les constellations, et non plus dans les signes zodiacaux23 . Elle positionne les planètes par rapport aux étoiles, d’où son nom. Elle part du constat que, du fait de la précession des équinoxes, le point vernal se décale d’année en année par rapport aux constellations, l’écart se creusant d’environ un degré tous les 72 ans. Il résulte du mouvement de la précession que le décalage entre signes et maisons astrologiques est actuellement de 23 degrés. Ainsi, pour les sidéralistes, Gainsbourg ne serait pas Bélier ascendant Poissons, mais Poissons ascendant fin Verseau.
Peu développé en France, ce courant est fermement condamné par la quasi majorité des autres astrologues, à commencer par Barbault, Nicola et Villée.
La cosmobiologie de Bernard Dumont
Bernard Dumont, fondateur de la cosmobiologie, part du constat de l’inintérêt du travail à partir de la position des planètes en signe et en maison. Il considère beaucoup plus intéressant de travailler sur le rapport entre les planètes. C’est pourquoi il a développé et perfectionné la technique des mi-points élaborée en Allemagne par Ebertin, technique d’après laquelle, si une planète se trouve à mi-distance de deux autres planètes, elle colore leur influence. Depuis plusieurs années, il teste avec succès son système auprès d’un groupe de médecins, qui comptera jusqu’à trente membres. Dumont s’exprime de manière symbolique mais les médecins comprennent et retraduisent ses propos en termes médicaux. Il parvient, à partir d’un thème, à décrire la maladie dont souffre le sujet et, chose plus surprenante, l’origine de cette maladie. Aussi performant que soit ce système, il semble toutefois que seul Bernard Dumont réussit à l’utiliser correctement.
Signalons que le mi-point est un axe qui coupe en son milieu un couple de deux planètes. Là encore, on retrouve la structure de la croix.
L’astrologie statistique
Cette forme d’astrologie s’appuie sur les travaux de Michel et Françoise Gauquelin24 . Au départ, ce couple de chercheurs a constitué, à partir de dictionnaires biographiques, des listes de professionnels de haut niveau afin de prouver la fausseté de l’astrologie. A leur grande surprise, ils ont découvert que la planète Mars se lève ou culmine plus souvent que le hasard ne le veut à la naissance des militaires et des sportifs de haut niveau. Des listes de noms concernant d’autres pays et traitées selon la même méthode confirment ces résultats. Ensuite, d’autres corrélations ont été découvertes dans d’autres groupes professionnels :
. Saturne et les savants,
. Jupiter et les journalistes, les comédiens, les députés et les ministres,
. la Lune et les écrivains,
. Mars et les médecins et chefs d’entreprise.
A partir des biographies des personnages étudiés, les Gauquelin ont établi une liste de mots clefs pour cinq planètes, les quatre déjà nommées et Vénus. Françoise Gauquelin a testé la corrélation entre les traits de caractère attribués aux planètes par les auteurs de manuels d’astrologie et ses listes de mots clefs. Elle en a conclu que, à l’exception de Jupiter, les descriptions de la littérature sont exactes.
Jusqu’à présent, les travaux des Gauquelin ne permettaient pas de réaliser d’interprétations. C’est à présent chose faite : Françoise Gauquelin vient de mettre au point une typologie à partir des cinq planètes pour lesquelles elle a obtenu des résultats statistiques significatifs.
Pour aller plus loin
1 ANTARES G., « Manuel pratique d’astrologie », éditions Flandre-Artois, 1981.
2 BARBAULT A., « Connaissance de l’astrologie », Le Seuil, Paris, 1975.
3 BARBAULT A., « Traité pratique d’astrologie », Le Seuil, Paris, 1961, p. 348.
4 Op. cité, p. 353.
5 SANTAGOSTINI C., « L’horoscopie cartésienne », éditions Traditionnelles, Paris, 1965.
6 SANTAGOSTINI C., « Initiation à l’astrologie globale », éditions Traditionnelles, Paris, 1976.
7 BARBAULT A., « Traité pratique d’astrologie », éditions Le Seuil, Paris, 1961, p. 216.
8 SANTAGOSTINI C., op. cité, p. 98.
9 SANTAGOSTINI C., « Assimil astrologique », éditions Traditionnelles, Paris, 1972 p.107
10 NICOLA J.-P., « La condition solaire », éditions Traditionnelles, Paris, 1965.
11 Voir PIAGET J., « Six études de psychologie », Gonthier, Genève, 1964, p.12.
12 Id.
13 PELARD R., « Traité d’astrologie conditionaliste », éditions Dervy, Paris.
14 Cahiers conditionalistes, n°10, COMAC, Saint-Denis/Huisne, 61400 Mortagne.
15 NICOLA J.-P. et SAINT BENOIT E., »Les signes du destin : Bélier », éditions du Rocher et Radio Monte Carlo, Paris, 1981, p.27.
16 Op. c ité, p.28.
17 HARDY F.et SIMOND A.M, « Entre les lignes, entre les signes », RMC. édition 1986 p.22
18 Dépliant d’information du R.A.H.
19 Dépliant d’information du R.A.H.
20 Ce terme désigne un thème où une planète se trouve complètement isolée des autres.
21 On appelle « signe intercepté » un signe où ne se trouve aucune pointe de maison.
22 ANDRIEU I., « L’astrologie, clef des vies antérieures », éd. Dangles, Paris, 1984, p. 14.
23 DORSAN J., « Retour au zodiaque des étoiles », Dervy, Paris, 1986.
24 GAUQUELIN F., « Psychologie des planètes », ACS, Paris, 1985.
25 Op. cité, p. 32.
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