Faculté Libre d'Astrologie de Paris (FLAP)

Le but de ce blog est lié à la création en 1975 du Mouvement Astrologique Universitaire (MAU) . Il sera donc question des passerelles entre Astrologie et Université mais aussi des tentatives de constituer des enseignements astrologiques.
Constatant les lacunes des astrologues dans le domaine des
sciences sociales (hommes et femmes, structures
nationales et supranationales etc), la FLAP assurera à ses
étudiants des connaissances de première main et les plus
récentes qui leur serviront de socle pour appréhender
l'astrologie et en repenser les contours.
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lundi 7 octobre 2024

Fabienne Cusin-Berche, l'astrologie en quéte de légitimité. LEs astrologues et leurs discours

1 La communauté discursive astrologique 2 Comment se construit la légitimité dans le discours savant ? Fabienne Cusin -Berche Chapitre 6. L’astrologie en quête de légitimité : les astrologues et leurs discours p. 255-304 TEXTE INTÉGRAL Un regard rapide porté sur les présentoirs des marchands de journaux convainc immédiatement de l’ampleur sociale du phénomène astrologique, à travers une de ses formes d’expressions la plus populaire, appartenant au genre discursif médiatique : l’horoscope*. Toutefois, on ne peut réduire le discours astrologique à ce type de production prédictive, contestée par les défenseurs de l’astrologie « savante »1, même si le succès auprès d’un public quantitativement important et qualitativement hétérogène, composé des lecteurs des magazines féminins à grand tirage tout comme des chefs d’État, ne cesse d’interroger psychologues et sociologues. Ainsi, D. Boy et G. Michelat (1997) ont pu constater que « 58 % de nos concitoyens affirment que l’astrologie est une science ». Cette estimation dépasse les résultats d’un sondage, effectué par la SOFRES en 1982, qui ne comptabilisait alors que 53 % de crédules. S. Ruphy et J.-M. Huré (1996, p. 87) précisent qu’« un quart des personnes interrogées déclarent croire au pouvoir de prédiction de l’astrologie, tandis qu’un tiers croient à l’influence des astres sur le caractère des individus » et insistent sur le fait que « la croyance est plus répandue parmi les gens ayant un niveau d’étude secondaire ou même supérieur, que parmi ceux qui se sont arrêtés à l’école primaire ». Cette donnée socio-culturelle témoigne de l’existence d’une certaine représentation non institutionnelle de la science au sein d’un public de lettrés, que l’on pourrait corréler à une perception plus dynamique et critique à l’égard de l’estampillage des savoirs – par conséquent, des critères sur lesquels se fonde la société pour décider du statut scientifique ou non scientifique d’une activité. En effet, les défenseurs de ce domaine, d’après Boy et Michelat, considèrent que, à défaut d’être une science reconnue, l’astrologie est susceptible d’être une science en devenir. Aussi, le propos provocateur de R. Barthes : Ce qui définit la science (on entendra désormais par ce mot l’ensemble des sciences sociales et humaines), ce n’est ni son contenu (il est souvent mal limité et labile), ni sa méthode (elle varie d’une science à l’autre : quoi de commun entre la science historique et la psychologie expérimentale ?), ni sa morale (le sérieux ni la rigueur ne sont la propriété de la science), ni son mode de communication (la science s’imprime dans des livres comme tout le reste), mais seulement son statut, c’est-à-dire sa détermination sociale : est l’objet de science toute matière que la société juge digne d’être transmise. (Barthes 1967, p. 11) pourrait rendre recevable, à défaut d’être légitime, la requête formulée par les astrologues concernant la reconnaissance de leur activité. Cela incite l’analyste à s’interroger sur l’existence, éventuelle, d’une forme socialement définie qui validerait la science, en d’autres termes sur les fondements conceptuels, et par là même, sur la validité de la dénomination discours scientifique. Cette question entre dans le cadre théorique circonscrit par S. Moirand dans les termes suivants : analyse des formes et des conditions de circulation des connaissances scientifiques, des représentations et des valeurs que les discours véhiculent de la science, des scientifiques et des relations science/société. (Moirand 1998b) Celui-ci se révèle tout à fait adapté pour traiter les problèmes relatifs au discours astrologique, alors même que la scientificité du domaine est au centre des débats. Aussi la question centrale sera ici d’examiner par quels moyens linguistiques se construit la légitimité de ce discours. Pour une première approche, on émettra l’hypothèse que cette légitimation se fonde sur l’interdiscursivité (citations d’auteurs extérieurs servant de caution) et l’intertextualité (sollicitation des savoirs historique, astronomique, mathématique, biologique et psychologique). Elle se manifeste par la mise en scène d’un discours à coloration scientifique, inspiré sur le plan rhétorique (dispositio) de la méthode expérimentale élaborée par Claude Bernard. Ainsi l’ouvrage d’É. Teissier, L’Astrologie, science du XXIe siècle, par son sous-titré (Postulat, preuves, perspectives) met en exergue le caractère axiomatique de la démarche, puisque l’on passe directement du postulat aux preuves – bien que, par définition, un postulat ne se prouve pas2 – en faisant l’économie du questionnement, de la formulation d’hypothèses. Mais, à cet agencement programmatique peut aussi s’ajouter le recours à un style (elocutio) correspondant à une représentation dominante du discours savant, selon laquelle celui-ci serait notamment dépourvu d’ancrage subjectif3 (les graphiques, qui concernent ici essentiellement les « cartes du ciel », jouent un rôle emblématique de ce point de vue) et comporterait des définitions, des exemplifications, etc. 1 La communauté discursive astrologique Afin d’examiner la question discursive de manière plus précise, il nous faut au préalable esquisser les contours de cette communauté et distinguer les types d’écrits qu’elle produit et qui la produisent, en fonction de leur sources institutionnelles et de leurs finalités. 1.1 La production astrologique En effet la production astrologique est extrêmement volumineuse et mobilise des supports hétérogènes. Les médias sous toutes leurs formes sont concernés : émissions radiophoniques4, télévisuelles, services minitels5, lignes téléphoniques6, logiciels, presse, ouvrages scientifiques et didactiques (manuels ou dictionnaires), étant entendu que l’initiation se fait également à travers des structures de caractère traditionnel, comme des écoles7 et des stages de formation. En ce qui concerne les supports écrits, honnis des livres qui peuvent être publiés par des maisons d’édition spécialisées8 ou par des éditeurs plus généralistes – comme Albin Michel, Hachette, Larousse, les PUF, etc. – et qui sont diffusés tant par des librairies générales (Gibert, la FNAC) que par des librairies ésotériques9, on note l’existence d’une presse spécialisée composée de revues bimestrielles, telles que Nouvelle vision, la Revue de l’astropsychologie, ou trimestrielles, comme Urania magazine, Astro Plus, ou encore mensuelles telles Astres, Quel avenir ou Horoscope. Outre ces revues qui s’adressent à un public d’amateurs convaincus, la presse grand public du type France-soir, France dimanche, le Parisien et les magazines féminins10 consacrent une rubrique à l’horoscope, relayée par un service minitel ou téléphonique11. Les débuts d’années civiles favorisent l’insertion de feuillets consacrés à un horoscope annuel, dans des périodiques tels que : Paris Match, Télé 7 jours, Téléloisirs, Fémina, Dépêche mode, Modes et travaux, Marie-France et Biba. On remarquera au passage que le public cible est essentiellement féminin et que les noms des auteurs connotent la féminité12 (par exemple : Caroline Alexandre pour le Parisien, Andrée Hazan pour France-soir, Paula Delsol pour Maxi, Sara Sand pour Gala, Donatella Roberti pour Fémina, Emma Sendler pour ELLE, Marie Delclos pour Marie-France, Elisabeth Teissier pour Télé 7 jours, Béatrice Guénin pour Télé-loisirs, Françoise Hardy pour Match). On remarque que les quotidiens qui ont pour cible un public supposé plus « intellectuel », comme le Monde ou Libération, publient régulièrement des articles de vulgarisation scientifique (concernant notamment l’astronomie), et ne peuvent donc intégrer ce type d’information, sous peine de perdre leur crédit auprès de leurs lecteurs. De manière transversale par rapport aux supports, on peut classer cette production en deux genres discursifs établis à partir de leur différence de visée. D’une part, il y a les ouvrages qui ont pour ambition de transmettre un savoir et/ou un savoir faire et qui relèvent de ce fait de ce qu’on pourrait appeler l’as trologie savante ; d’autre part il y a les publications horoscopiques qui, adoptant une macrostructure fondée sur les signes zodiacaux, font part aux intéressés des résultats des investigations astrales et qui appartiennent à ce que les premiers appellent l’astrologie populaire13. Aussi retrouvons-nous la bipartition proposée qui oppose « les discours définis socialement/institutionnellement comme didactiques, d’une part » et « les discours qui seraient strictement informatifs et qui ne manifesteraient aucune intention de rendre l’autre plus compétent, d’autre part » (Beacco et Moirand 1995, p. 39). 1.2 Les discours « savants » Dans le cadre de cette étude, nous avons sélectionné des ouvrages relevant de l’astrologie savante, de manière à mettre au jour les caractéristiques constitutives de ce genre et à examiner, à travers les marqueurs linguistiques, les stratégies discursives visant à construire la légitimité du propos. Le corpus d’analyse (voir en fin de chapitre) est donc constitué de quelques productions qui tentent explicitement de convaincre de la scientificité de la discipline, qui relèvent du faire-savoir, et d’autres, plus techniques, qui concernent essentiellement l’érection des thèmes astraux et qui transmettent un savoir-faire. Sous la première catégorie, seront pris en compte : trois ouvrages de S. Fuzeau-Braesch : L’Astrologie ; Pour l’astrologie. Réflexions d’une scientifique ou l’astrologie à l’épreuve de la science; Astrologie : la preuve par deux ; un ouvrage d’A. Boudineau : Bases scientifiques de l’astrologie. Pour le calcul et l’érection du thème ; un livre d’É. Teissier : L’Astrologie, science du XXIe siècle ; une transcription d’une interview radiophonique (Radio Nantes) de P. Houdaille du 5 décembre 1995, qui avait pour titre Qu’est-ce que l’astrologie ? un livre d’A. Barbault intitulé Connaissance de l’astrologie ; un Dictionnaire pratique d’Astrologie, élaboré par C. Aubier ; un Dictionnaire de l’astrologie, de J.-L. Brau ; l’article de L’Encyclopaedia Universalis (électronique) rédigé par J. Halbronn. En ce qui concerne la seconde catégorie, nous nous référons à un Manuel pratique d’astrologie, rédigé par G. Antarès et à trois ouvrages s’inscrivant dans une perspective analogue (de type technique) : Interprétation pas à pas. Méthodologie et exemples d’interprétation, de Guy Dupuis ; Devenir astrologue en 20 leçons. De l’initiation à l’interprétation de C. Aubier ; L’Astrologie : comprendre, apprendre, enseigner le thème astral de C. Ross et A. Paquet. Ont été privilégiés à dessein des ouvrages récents (postérieurs à 1980) – celui d’A. Barbault (1975), plus ancien, a paru incontournable dans la mesure où il sert de référence à tous les autres –, de manière à dégager ce que voudrait être l’astrologie, champ d’investigation millénaire, dans une société scientifique et technique développée. 1.3 Une didactisation imprégnée de prosélytisme À l’issue d’une investigation, même superficielle, des rayonnages de librairie, il est difficile de nier l’existence d’un savoir astrologique, dont la partie la plus apparente serait d’ordre technique et dont le discours source, peu accessible, est enraciné dans l’antiquité chaldéenne, revu et corrigé au Moyen Âge14. L’ars regia – dont le postulat initial repose sur l’existence d’une influence astrale sur le caractère et la destinée de l’être humain – puise dans la pérennité de cette préoccupation une part de sa légitimité. Aussi trouvons-nous, du côté de l’astrologie savante, un discours argumentatif qui, de manière manifeste, tend à inscrire ce savoir dans une perspective scientifique, et qui cherche à obtenir une reconnaissance institutionnelle. L’astrologie informative, elle, fonde son autorité dans l’emprunt, à la première, d’un cadre d’exposition (dispositio). La macro-structure de ce type de document est organisée à partir des douze signes zodiacaux, lesquels sont abordés successivement dans un ordre calendaire qui a pour point de départ le 21 mars (signe du Bélier). On remarque, en outre, que la classification adoptée pour les ouvrages didactiques est semblable à celle en usage dans le cadre scolaire : manuel et dictionnaire apparaissent dans les titres mêmes, ce qui est la règle pour cette dernière catégorie, mais la mention spécificatrice n’est plus utilisée pour les ouvrages appartenant à la première. Le nom des auteurs est accompagné de leurs titres universitaires, lesquels fonctionnent comme un gage de sérieux, bien qu’ils ne soient pas souvent en relation avec l’astrologie (par exemple : André Boudineau Ingénieur ESE Licencié ès-Sciences, S. Fuzeau-Braesch Docteur ès sciences d’État15). Cette insistance sur les diplômes acquis dans le domaine des « sciences » semble représentative d’une perception populaire stéréotypée du scientifique, qui est celle d’un savant dont la compétence reconnue dans une discipline ne peut être partielle (résurgence de l’Honnête homme ?). En témoigne le commentaire de G. Messadié (1990, Science & vie, n°876) à propos de la nouvelle édition d’un Que sais-je ? consacré à l’astrologie : L’auteur de remplacement, docteur ès sciences de l’université de Paris, semble devoir servir de caution à une réhabilitation du sujet que nous déplorons (cité par Fuzeau-Braesch, Astrologie : la preuve par deux, p. 68). On peut remarquer, en outre, l’émergence du mot « scientifique », au sein des titres et sous-titres, qui témoigne simultanément de l’ambition persuasive des porte-paroles et de l’hypervalorisation, au sein de la communauté, d’une activité de ce type. Aussi sont fournis aux lecteurs, grâce à la notoriété des éditeurs (Larousse, PUF, etc.), aux choix des supports (dictionnaire, manuel), aux indications concernant les titres universitaires des auteurs, ou à l’insertion du mot scientifique au sein du titre de certains ouvrages, divers éléments paratextuels16 qui concourent à la promotion de l’astrologie au rang de discipline savante. 2 Comment se construit la légitimité dans le discours savant ? Cependant, la réhabilitation du discours astrologique ne se construit pas exclusivement à partir des éléments paratextuels évoqués ci-dessus, mais également par le recours au dialogisme intertextuel (convocation d’un savoir extérieur) (Moirand 1988, p. 326) dont usent les auteurs. Il se manifeste au sein du discours astrologique « savant » sous deux formes susceptibles d’être conjuguées : d’une part, des allusions à un savoir élaboré de manière autonome, mais qui sert de caution, tel que le savoir astronomique ou mathématique, et, d’autre part, des citations qui fonctionnent comme preuves17, et qui peuvent faire l’objet d’un commentaire laudatif ou dépréciatif de la part du rapportant. Ainsi existe-t-il une diversité des situations énonciatives puisque, dans le premier cas, la connaissance extérieure convoquée est assumée par le locuteur premier, intégrée à son propos comme élément constitutif de son propre discours, alors que, dans le second cas, l’insertion explicite du dire d’un locuteur extérieur, qui jouit d’une certaine renommée, donne lieu à un discours rapporté, qui est susceptible d’être commenté. Ces deux formes concourent à ancrer le discours astrologique dans des discours réputés scientifiques, la « scienticité »18 provenant de l’emprunt à un champ disciplinaire prestigieux et/ou de la notoriété de l’énonciateur second. 2.1 L’hétérogénéité énonciative au secours de la légitimation L’hétérogénéité énonciative, qui s’exprime au moyen du discours rapporté (direct ou indirect), semble être de règle. Les fragments de discours directs qui produisent un effet d’objectivité permettent de conforter la tonalité scientifique du propos et de souligner son assise historique. Ainsi, les principes fondateurs de l’astrologie sont intégrés aux dires des astrologues contemporains sous la forme du discours direct. Par exemple, É. Teissier cite à plusieurs reprises, en incipit, la phrase extraite de la Table d’émeraude, qui présente le dogme analogique fondamental dans les termes suivants : Il est vrai, sans mensonge, certain et très véritable, que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, afin que se perpétue le miracle de l’Unité. (Hermès Trimégiste, La Table d’émeraude, cité par Teissier en incipit du chapitre 1, L’Astrologie, science du XXe siècle, p. 25) L’astrologie repose donc sur un principe statique – auquel É. Teissier donne par ailleurs le statut de loi19 – de type analogique et, paradoxalement, sur un principe dynamique qui aurait pour postulat l’exercice d’une influence des astres sur l’homme : Les influences célestes sont des causes universelles […], leur action sur un individu donné dépendra en première ligne des rapports qui se présentent au moment de sa naissance entre les astres et les Maisons astrologiques, et ces rapports seront basés sur la position corporelle des astres, ou sur leurs aspects, ou sur leur domination dans telle ou telle Maison astrologique (J.-B. Morin de Villefranche, 1661, Astrologia gallica, cité par Brau, Dictionnaire de l’astrologie, p. 50) Aussi, que les astres soient conçus comme des signes – des reflets de la personnalité et/ou des indicateurs du devenir – ou comme des acteurs participant à la construction de la personnalité et/ou influençant le destin, on ne sera pas surpris que toute la démarche astrologique soit conditionnée par l’établissement de correspondances symboliques, voire symbiotiques, dont les principes fondateurs demeurent occultes20. Par exemple, S. Fuzeau-Braesch précise à propos du zodiaque qu’« à chacun des douze signes sont attribuées un certain nombre de caractéristiques définies » (L’Astrologie, p. 8) qu’elle énumère21, mais, ni le principe, ni l’auteur des attributions ne sont mentionnés. De manière tout aussi mystérieuse (la construction moyenne permettant d’effacer l’agent) « chaque planète se voit attribuer une signification propre »22 (L’Astrologie, p. 8). Aussi formulera-t-on l’hypothèse que le discours astrologique contemporain ne participe pas à l’élaboration d’un savoir nouveau, mais qu’il est entièrement absorbé par la construction d’une légitimité sociale qui dépendrait de la scientificité du domaine. Pour ce faire, il privilégierait l’argument d’autorité23 aux dépens de la démonstration scientifique, i.e. l’exposition des fondements théoriques. Par exemple, A. Barbault : Il faut tout de même se rappeler que, jusqu’au XVIIe siècle, les plus illustres génies de l’humanité ont eu « la faiblesse » de pratiquer ou de défendre l’astrologie : les astronomes d’Hipparque à Newton en passant par Ptolémée, Copernic, Tycho Brahe, Kepler et Galilée ; les philosophes comme Pythagore, Platon, Aristote, Plotin, Sénèque, Maïmonide… ; les médecins comme Hippocrate, Galien, Avicenne, Averroès… ; les théologiens comme Origène, Albert le Grand, Thomas d’Aquin ; les poètes comme Homère, Virgile, Dante, Ronsard, Goethe… ; pour ne citer que quelques-uns des plus grands noms (Connaissance de l’astrologie, p. 14) et É. Teissier : « On a peine à croire que les hommes les plus célèbres de tous les temps, que Tacite, Galien, saint Thomas d’Aquin, Tycho Brahe, Kepler et mille autres s’en soient occupés » Sans oublier Newton, Dante, Balzac, Einstein, Jung… et quelques autres. (Le Larousse du début du siècle, cité et commenté par Teissier, L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 26) utilisent comme cautions un certain nombre de personnalités dont les domaines de prédilection, c’est-à-dire les fondements de leur réputation, ne sont pas nécessairement en relation avec l’astrologie. Les astronomes, au sein de cette liste hétérogène du point de vue de l’appartenance disciplinaire, sont sans doute a priori les plus avertis. Cependant, on peut s’étonner de voir figurer parmi eux des défenseurs (et initiateurs) de l’héliocentrisme tels que Copernic et Galilée, alors que « l’astrologie travaille en système géocentrique » (L’Astrologie, p. 13)24. L’autorité repose donc sur le prestige des énonciateurs25, renforcé par l’insistance sur la dimension ancestrale d’une préoccupation astrologique, qui est présentée comme étroitement liée aux connaissances astronomiques : Tout était prêt pour qu’un seul esprit puisse synthétiser l’ensemble des connaissances astrologiques grecques. Ce fut le cas de l’astronome Claude Ptolémée, auteur célèbre de l’Almageste qui fut la référence astronomique jusqu’au Moyen âge. Auteur aussi d’une Géographie qui fit longtemps autorité. En 140 ap. J.-C., Ptolémée rassemble les connaissances astrologiques en son Tétrabiblos (= ouvrage contenant 4 livres) qui devient la « bible » des astrologues. (L’Astrologie, p. 41) Finalement, l’œuvre maîtresse date du second siècle de notre ère : il s’agit des Quatre Livres des jugements des astres communément appelés la Tetrabible ou le Quadripartit, de Claude Ptolémée. Dans le panthéon de la science universelle, celui-ci occupe une place d’honneur : le « système de Ptolémée » (c’était déjà celui d’Hipparque) qu’il expose dans son Almageste, va régner souverainement sur l’astronomie durant un millénaire et demi, faisant la loi jusqu’à la révolution copernicienne ! Il en sera tout autant de sa Tetrabible avec l’astrologie, trônant même presque jusqu’à notre siècle ! Cette pièce royale de la tradition est bien nommée : c’est la bible astrologique. (Connaissance de l’astrologie, p. 44) Tous les hellénistes noteront la traduction légèrement tendancieuse, faite par les astrologues, du nom grec βιβλίον qui désigne de manière générique tout livre et qui se trouve ici pourvu de l’acception spécifique, mais valorisante, de livre sacré. Néanmoins, « l’absence de fondements scientifiques » des critiques émises par des scientifiques sur l’astrologie constitue le leitmotiv commun à tous les auteurs26 du corpus. R. Abellio27, préfacier d’É. Teissier, s’interrogeant sur les origines du rejet de l’astrologie exprimé par « des spécialistes prestigieux », remet en cause, en usant d’un vocabulaire psychologique, la scientificité même de la science, qu’il désigne comme classique ou officielle : Les raisons en sont profondément enfouies dans le subconscient de nos savants, mais à nos yeux elles sont claires. Et elles mettent en jeu, en effet, non pas les fondements de l’astrologie, mais ceux de la science officielle elle-même […] ce qu’on lui reproche, c’est justement de n’avoir atteint que l’utilité quantitative et matérielle et, comme telle, de n’avoir été qu’une piètre nourriture pour l’esprit […] ce n’est pas par hasard que l’actuelle déroute des fondements de cette science coïncide avec la vigoureuse renaissance de l’astrologie. (« Préface » dans L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 19) La perspective argumentative de tous ces écrits repose donc sur un paradoxe, puisque les critiques formulées par certains scientifiques à l’égard de l’astrologie seraient dénuées de scientificité – ce qui aurait des répercussions sur la validité même de la science –, alors que les prises de position louangeuses exprimées par d’autres scientifiques sont données comme incontestables. Pourvues d’une infaillibilité liée à l’aura des énonciateurs, elles sont de ce fait utilisées comme preuves irréfutables. Cette polémique se traduit discursivement par une hétérogénéité énonciative tout à fait caractéristique, laquelle se trouve accrue par le fait que tous les astrologues du corpus assoient la validité de leurs propos à la reprise d’assertions (empruntées à des auteurs fort anciens) promues au rang de postulats. Tous les astrologues ont donc recours à des fragments de discours directs28 pour cautionner leurs dires, mais on peut souligner l’usage systématique qu’en fait É. Teissier, laquelle place en épigraphe de chacun des chapitres une ou plusieurs citations qui s’apparente(nt) à la citation-preuve. Ainsi des phrases empruntées à un certain nombre de scientifiques, de philosophes et de littéraires qui jouissent d’une grande renommée – parmi lesquels on trouve : Einstein, saint Thomas d’Aquin, Bachelard, Pascal, Pasteur, Claude Bernard, Kepler, Ptolémée, Kierkegaard, Socrate, Jung… – préconditionnent le lecteur qui possède un niveau d’étude secondaire ou supérieur (Ruphy et Huré 1996), car la plupart de ces noms ne disent rien à ceux qui arrêtent leur formation antérieurement29. Un inventaire exhaustif des discours, des personnes cités, et des modalités dont use le locuteur – rapportant dans tous les ouvrages constituant le corpus pourrait faire l’objet d’une étude à part entière. Mais, au sein de cette rapide esquisse typologique, on n’évoquera que quelques syntagmes de locution30 qui montrent que l’objectivité recherchée par le biais du discours direct peut être indirectement neutralisée par les appréciatifs laudatifs (ou dépréciatifs) : Le grand astronome Jean Millier, dit Régiomontanus, attache son nom à un système de division astrologique du ciel (Connaissance de l’astrologie, p. 28) La célébration du cinq centième anniversaire de la naissance de Nicolas Copernic donne l’occasion de citer ce passage de l’œuvre du grand astronome, De Revolutionibus orbium celestium […] (ibid., p. 29) Le grand astronome du XVIe siècle Tycho Brahe, qui disait […] (L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 29) […] Cette déclaration de Tycho Brahe situe l’intelligence profonde qu’avait ce grand astronome de notre connaissance (Connaissance de l’astrologie, p. 29) Quant au grand astronome-astrologue Kepler, il pensait que « […] » (L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 84) Le nom propre se trouve apposé31 au syntagme nominal axiologique grand astronome, lequel s’inscrit comme une sorte de coup de force discursif, dans la mesure où la grandeur est, ici, imposée comme une propriété indissociable non seulement de la qualité d’astronome, mais encore de l’astronome en question. Le fait que Kepler/Tycho Brahe/Copernic/Jean Muller soient de grands astronomes est « présenté comme une donnée à partir de laquelle on parle, mais qui n’est pas directement en jeu dans la parole »32. En d’autres termes, les constructions Ν + épithète, ou Ν apposé à SN participent d’une stratégie de persuasion reposant sur une prescription implicite (qu’O. Ducrot associerait sans doute au présupposé). Alors que la construction attributive en œuvre, par exemple, dans la phrase : Celui qui parle ainsi est un des plus grands génies de l’humanité, Johannes Kepler. L’astrologie dans sa vie tient une place aussi grande que l’astronomie (Connaissance de l’astrologie, p. 30) permet de nier ou de remettre en question le prédicat (Kepler est-il un des plus grand génie de l’humanité ? Kepler n’est pas un des plus grand génie de l’humanité), l’apposition pose le dire comme incontestable (indéniable et ininterrogeable). En outre, lorsqu’il s’agit d’introduire les propos d’astrologues plus contemporains, on note une tendance à abandonner l’appréciatif axiologique au profit de la mention d’un certain nombre de titres implicitement valorisants33, tels que « polytechnicien » : C’est alors qu’apparaît la personnalité éminente de l’astrologie de l’époque : un polytechnicien officier d’artillerie, Paul Choisnard (1867-1930). Il va de façon très originale tenter de relier l’astrologie traditionnelle avec les exigences strictes de sa formation rationnelle. (L’Astrologie, p. 70) « chercheur au C.N.R.S. » : Ils seront suivis par le chercheur du C.N.R.S. (centre national de la recherche scientifique) M. Gauquelin, qui fera des recherches statistiques sur les groupes professionnels, avec des résultats lumineux en faveur de la théorie traditionnelle de l’astrologie. (L’Astrologie, science du XXe siècle, p. 55) ou encore « professeur des universités » : Lucien Malavard, professeur de sciences à la Sorbonne et membre de l’Institut, déclarait en 1971 : « […] je demeure, envers les interprétations astrologiques, dans une attitude d’intérêt et de curiosité » (Connaissance de l’astrologie, p. 77) La validité des propos des astrologues s’appuie également sur la référence à un savoir partagé34, consensuel au sein de la communauté35, mais qui demeure anonyme ; et, dans ce cadre, les allusions à la « Tradition » sont non seulement fréquentes36 mais totalement intégrées aux dires de l’auteur-vulgarisateur. L’hétérogénéité énonciative, qui se manifeste au moyen de propos rapportés ou empruntés ne permettant pas de démontrer la validité des concepts astrologiques, est donc utilisée à des fins persuasives. Il semble en effet que la stratégie argumentative adoptée par les auteurs relève davantage de la persuasion37 que de la conviction dans la mesure où les discours convoqués n’apportent pas d’explications rationnelles, mais contiennent des assertions. 2.2 L’hétérogénéité discursive : à la rencontre de l’astronomie L’aspect scientifique du discours tenu par les astrologues se construit également grâce à l’hétérogénéité discursive, par l’ancrage dans des discours dont le statut académique est incontesté, comme les discours astronomiques38, mathématiques, etc. Les références à ces savoirs sont assumées totalement par les locuteurs astrologues39, qui acquièrent de ce fait, aux yeux de leur lectorat, une autorité liée à la présupposition d’une compétence étendue à plusieurs disciplines scientifiques. L’astronomie étant au centre de cet ouvrage, et l’astrologie partageant un champ d’observation similaire – en l’occurrence l’étude des astres –, il paraît opportun de privilégier l’observation de la place de l’astronomie dans le discours astrologique, i.e. d’analyser les relations discursives et lexicales établies entre ces deux domaines. On peut en effet se demander si l’utilisation, par exemple, de dénominations communes est un critère suffisant pour envisager l’existence d’un lien sémantique et/ou notionnel qui pourrait être soit de l’ordre de l’identique (du fait de l’utilisation d’une même terminologie), soit de l’ordre de la captation-disjonctive, par la reprise des appellations et leur détournement sémantique. En d’autres termes, on s’interroge sur le caractère formel ou essentiel de la relation entre ces deux champs discursifs. L’analyse des références astronomiques dans le discours astrologique d’une part, et d’autre part la confrontation des définitions données par les astrologues, à celles que P. de la Cotardière propose dans le Dictionnaire de l’astronomie40, favorisent une approche linguistique du problème. 2.2.1 L’astronomie dans le discours astrologique Tous les astrologues présentent Colbert comme le responsable de la « dé-scientisation » de l’astrologie, qu’ils corrèlent à l’interdiction pesant sur les astronomes de poursuivre leur double activité : Le grand coup est donné en France en 1666, quand Colbert fonde l’Académie des sciences : il interdit aux astronomes de se consacrer à l’astrologie. (Connaissance de l’astrologie, p. 35) L’interdiction faite par Colbert aux astronomes de s’occuper désormais d’astrologie, en sonnant le glas de l’astrologie savante, allait être déterminante, reléguant l’« art royal des astres » dans l’obscurité et la clandestinité (L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 98) Le divorce entre astrologie et astronomie fut effectivement consommé et institutionnalisé au XVIIe siècle, mais cette séparation est la conséquence d’une fracture épistémologique : l’adoption par les astronomes de la conception héliocentrique de Copernic venant ruiner la représentation géocentrique promue par Ptolémée qui, d’après le Dictionnaire de l’astronomie, fit autorité au sein de cette communauté jusqu’au XVIe siècle. Seul J. Halbronn reconnaît que : Si l’astrologie perdit alors [au XVIIe s.] définitivement son ancien crédit, ce qu’atteste son absence parmi les disciplines reconnues par l’Académie royale des sciences, il convient de faire justice du mythe selon lequel Colbert, le fondateur en 1666 de cette compagnie, serait responsable de cette exclusion, par on ne sait quel édit. (Encyclopaedia Universalis, « L’Astrologie », p. 9) Toutefois, l’astrologie puise toujours sa légitimité scientifique dans la filiation astronomique. Certains astrologues manifestent d’ailleurs la volonté d’établir une relation fusionnelle entre les deux disciplines, fondée sur un glissement analogique, comme en témoignent les phrases de R. Emerson rapportée par E. Teissier : L’astrologie est l’astronomie apportée sur la terre et appliquée aux affaires des autres (R. Emerson (1802-1882), cité en incipit par Teissier, L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 44) et celle de Jacques Halbronn : L’astrologie étant en quelque sorte une astronomie appliquée au vivant (Encyclopaedia Universalis, « L’Astrologie », p. 7) qui modalise le lien en usant d’un marqueur d’approximation. Ces deux phrases sont, en outre, particulièrement représentatives du fonctionnement du discours astrologique qui recourt fréquemment à une reformulation définitionnelle masquée41, lorsqu’il s’agit de mettre en rapport astrologie et science (comme nous le verrons par la suite) ou astrologie et astronomie, la référence à cette dernière garantissant, aux yeux des astrologues, la teneur scientifique de leur propos. Ainsi la relation astronomie/astrologie est parfois présentée comme métonymique : Ce discours inaugural [de la Tétrabible de Ptolémée] est frappant et fait taire aussitôt le préjugé de la confusion tardive entre astronomie et astrologie : science des certitudes astronomiques et art de la conjecture astrologique ne sauraient se confondre, la première n’étant que le support du second, comme dans le rapport de l’anatomie à la physio-psychologie (Barbault, reformulant les propos de Ptolémée, Connaissance de l’astrologie, p. 47) L’astrologie chaldéenne qu’on pratique [en Mésopotamie] repose déjà sur une astronomie scientifique, fondée sur des observations méthodiques, calculant pour prévoir l’évolution du temps. C’est déjà « l’astronomie de position » et c’est en particulier une astronomie des mouvements angulaires (ibid., p. 17) Les éléments d’Astronomie et de Cosmographie constituent pour l’instant les seules Bases scientifiques de l’Astrologie (Bases scientifiques de l’astrologie, p. 11) L’astronomie n’a pas seulement fourni à l’astrologie des corps célestes, mais encore toutes sortes de découpage (Encyclopaedia Universalis, « L’Astrologie », p. 15) Mais, parallèlement, les astrologues reconnaissent que les données astronomiques auxquelles ils se réfèrent sont archaïques et inexactes. Ainsi S. FuzeauBraesch articule-t-elle l’explication astrologique et astronomique autour par exemple, des modaux épistémiques tels que en fait, en réalité42 qui introduisent des correctifs, des reformulations astronomiques invalidant implicitement ce qui est précédé de la mention en astrologie ou pour l’astrologie43. La pérennité concurrentielle des deux termes astrologie et astronomie – dont le sens compositionnel est similaire : forgés à partir de la base astre et des suffixes –logie et -nomie –, présents dans beaucoup de noms de sciences (agronomie, économie, ergonomie, psychologie, biologie) ou d’arts (gastronomie, graphologie), c’est-à-dire au sein de dénominations de domaines – paraît témoigner de l’existence de deux approches du même objet. Interstice différentiel dont un dictionnaire usuel, tel que le Nouveau Petit Robert (désormais NPR), rend compte en affectant à astrologie le générique art et à astronomie celui de science ; art et science s’opposent par leur finalité, le premier étant plus pragmatique, le second plus théorique, comme tend à l’attester la fréquence d’une construction syntaxique du type l’art de + verbe d’action, ou verbe support (l’art de faire la cuisine/l’art de cuisiner /l’art d’écrire), alors que le lexème science n’admet que difficilement cette construction44 ; en revanche, il peut être suivi d’un syntagme prépositionnel qui comprenne le nom de l’objet de savoir (science de l’univers, science du langage, etc.). Le mot astrologie permettrait actuellement, d’après les lexicographes, de désigner un savoir-faire, tandis que astronomie renverrait à un savoir, une somme de connaissances pré-construites – opposition que récusent les astrologues au profit d’une relation inclusive45. Le fait que le discours astrologique soit parsemé d’allusions à l’astronomie, alors qu’on ne trouve aucune référence explicite, dans le discours astronomique, à l’astrologie, pourrait conforter l’écart statutaire mis au jour précédemment et confirmer l’existence d’une polémique entre les tenants des deux doctrines. Ainsi, consultant le Dictionnaire pratique d’Astrologie, on découvre à la suite de plusieurs entrées consacrées à des traditions culturelles astrologiques diverses (arabe, aztèque, celtique, chinoise, hébraïque, hindoue et mondiale), une glose définitionnelle qui concerne astronomie : ASTRONOMIE Science qui consiste en l’observation des astres et des phénomènes cosmiques. L’astronomie et l’astrologie ont été indissociables jusqu’au XVIIe siècle, lorsque Colbert supprima la charge officielle d’astrologue à la Cour de France. La plupart des astronomes du temps passé exerçaient simultanément les deux professions, qui d’ailleurs n’en faisaient qu’une. (Dictionnaire pratique d’Astrologie, p. 48) insistant sur la proximité des deux disciplines, dont les fondements sont présentés comme identiques (observation des astres), même si à travers l’évocation de deux professions est suggérée une différence d’activité, d’ailleurs immédiatement déniée. Alors que le Dictionnaire d’astronomie, qui ne contient pas d’entrée astrologie, définit son champ dans les termes suivants : astronomie n.f. (du grec astron, astre et nomos, loi). Science qui étudie les positions relatives, les mouvements, la structure et l’évolution des astres. L’astronomie étudie principalement : les planètes et leurs satellites, leur mouvement, leurs dimensions, leur structure […] le Soleil, sa structure […] le milieu interplanétaire, ses constituants solides de toutes tailles (depuis les poussières impalpables jusqu’aux astéroïdes) […] les étoiles […] les nébuleuses, brillantes ou obscures […] la Galaxie, immense agglomération […] les galaxies, qui constituent la population de l’Univers […] Même lorsque l’auteur fait référence aux balbutiements originels de l’astronomie : La branche la plus ancienne de l’astronomie est l’astronomie de position, ou astrométrie, dont l’objet est la détermination des positions et des mouvements des astres […] il occulte, totalement, l’éventualité d’une relation initiale avec l’astrologie, alors même que les deux termes furent synonymes46. Cet ostracisme se manifeste également au sein des trois fiches biographiques communes aux deux dictionnaires diffusés par les éditions Larousse. Ainsi, Tycho Brahe est présenté comme « astrologue et astronome danois » dans le dictionnaire d’astrologie, mais se trouve dépourvu de sa qualité d’astrologue dans le dictionnaire d’astronomie ; de même, l’activité astrologique de Kepler est d’une part valorisée par J.-L. Brau, dans les termes suivants : « il révolutionna également l’astrologie en permettant, grâce au calcul des trajectoires planétaires, de dresser des thèmes astrologiques précis » et d’autre part ramenée à des contingences purement économiques par P. de la Cotardière : « À court d’argent, il en était réduit pour vivre à composer et à vendre de petits almanachs ». Enfin, Ptolémée est présenté par les astrologues tels que S. Fuzeau-Braesch et A. Barbault, ainsi que nous l’avons vu précédemment, comme un grand astronome fondateur de l’astrologie moderne. Il occupe, en effet, une place de choix dans le discours astronomique, mais sa contribution astrologique n’est évoquée que lapidairement et passe du statut de livre sacré (« Bible ») à celui d’un simple ouvrage didactique : « Parmi ses autres ouvrages figurent un traité d’astrologie, intitulé Tetrabiblon. » Les deux auteurs, qu’ils soient astronomes ou astrologues, s’accordent donc sur le statut scientifique de l’astronomie, mais les premiers ne prêtent à l’astrologie qu’un intérêt anecdotique, lorsqu’ils ne peuvent purement et simplement l’ignorer. Tous ces éléments témoignent d’un contraste entre l’hypervalorisation des connaissances astronomiques, y compris dans le discours astrologique, et la dévalorisation systématique de l’activité astrologique par les astronomes. On remarque, notamment à propos des planètes, la prise en compte systématique de données astronomiques dans des ouvrages spécialisés consacrés a priori exclusivement à l’astrologie. Par exemple, dans le manuel de C. Ross et A. Paquet, la présentation des « sept planètes » est divisée en trois parties minimum : la première précédée de la mention En astronomie est constante, la deuxième En astrologie est parfois remplacée par Les fonctions […] (suivi de l’adjectif relationnel désignant la planète concernée, par exemple Les fonctions vénusiennes) et la troisième Dans le zodiaque est permanente. Toutefois, lorsque l’on compare les énoncés définitoires : La lune En astronomie La lune est un satellite de la Terre. Elle est éclairée par le Soleil comme nous. Mais il n’y a pas de vie sur la Lune et son reflet vient du Soleil. Elle est proche de la Terre, mobile et rapide. C’est le plus rapide des astres du zodiaque. En astrologie Le Soleil et la Lune sont des luminaires. La Lune est l’Astre de la nuit […]. (L’Astrologie : comprendre, apprendre…, p. 84) on peut s’interroger sur l’objectif poursuivi par les astrologues lorsqu’ils établissent ce parallélisme, en accordant la primauté à la dimension astronomique : souhaitent-ils souligner la dimension différentielle, dissocier les deux disciplines ou cherchent-ils à les faire coïncider, à les associer malgré les divergences de point de vue ? Il n’y a, en effet, aucun point commun entre les deux formules définitionnelles, seul le nom – et donc éventuellement le référent – établit un lien identitaire. La Lune étant présentée d’une part comme un satellite et d’autre part comme un luminaire, on peut supputer un découpage notionnel différent qui implique une redistribution lexico-sémantique. La définition astronomique qui est fournie par les astrologues, ne permettant pas d’accéder à la valeur astrologique, elle est susceptible d’avoir pour finalité de persuader de la scientificité du propos par l’exhibition d’un ancrage tangible dans une science reconnue. 2.2.2 La terminologie astronomique et la terminologie astrologique Les dictionnaires de langue, tels le Nouveau Petit Robert (NPR) et le Trésor de la Langue Française (TLF), qui utilisent des mentions spécificatrices, confirment l’existence de l’usage dans les deux domaines de vocables communs, mais ils soulignent simultanément des écarts de sens entre les deux acceptions. Par exemple, à l’entrée astre, dans le TLF, on trouve : Astre, subst. masc. A. – Astron. Corps céleste, lumineux par lui-même (soleil, étoiles) ou réfléchissant la lumière solaire (lune, planètes) […] – Astrol. Corps céleste considéré par rapport à son influence supposée sur les hommes. Est mise ainsi en évidence la polysémie du lexème, construite à partir de l’identité des archisémèmes et la présence, dans le second énoncé, d’une glose métalinguistique implicitement différentielle qui exhibe une divergence de point de vue, sans pour autant invalider les sèmes spécifiques complémentaires contenus dans le premier énoncé. L’écart sémantique se manifeste essentiellement à travers l’usage de cotextes axiologiques susceptibles d’accompagner les actualisations astrologiques : astre favorable, maléfique, bienveillant, etc. Dans le Petit Robert électronique, sur vingt-huit items où apparaît la mention « ASTROL. », seize sont munis aussi de la mention « ASTRON. », et la glose définitionnelle n’est identique dans les deux domaines que pour un seul cas47. Ce serait donc au niveau de la terminologie que se manifesterait le plus clairement la nature et l’intensité d’un lien éventuel entre les deux approches. Une comparaison systématique des nomenclatures du dictionnaire d’astronomie et des dictionnaires d’astrologie incite à vérifier le type de relations sémantiques existant entre les vocables partageant le même signifiant et à analyser la gestion de cette similarité par les astrologues : est-elle exploitée à des fins de légitimisation ? S’agit-il d’un artefact permettant d’entretenir une confusion, ou y a-t-il réellement proximité notionnelle et conceptuelle ? Il semble, en fait, qu’il y ait plusieurs types de relations sémantiques exploitées différemment et correspondant à des degrés de proximité divers. On examine, en premier lieu, les vocables dont les significations sont identiques. Dans cette catégorie, on opère une distinction entre ceux dont l’identité est marquée par les astrologues et ceux pour lesquels l’identité demeure implicite. À titre d’exemple, sont reproduites, ci-dessous, dans la colonne de gauche quelques définitions fournies par les astrologues (notamment le Dictionnaire de l’astrologie de J.-L. Brau, et l’on a mis en relief par des caractères italiques gras certains énoncés situés au milieu de l’article) et on a reproduit dans la colonne de droite des définitions du Dictionnaire de l’astronomie, qui permettent de vérifier les propositions concernant les définitions astronomiques faites par les astrologues : Dictionnaire de l’astrologie Dictionnaire de l’astronomie, ascension droite désignée généralement par AR, abréviation de l’expression latine ascensio recta. L’AR est avec la déclinaison, la principale coordonnée céleste utilisée en astrologie comme en astronomie. On la définit comme l’angle compris entre l’équateur céleste et le point vernal (alors que la longitude est l’angle entre le même point et l’écliptique). [V. coordonnées célestes] ascension droite, l’une des deux coordonnées équatoriales permettant de repérer la position d’un point sur la sphère céleste. Analogue à la longitude sur la Terre, elle représente la distance angulaire de la projection du point du ciel considéré sur le plan de l’équateur céleste, comptée dans le sens direct à partir du point vernal, en heures, minutes et secondes. L’autre coordonnée équatoriale, analogue à la latitude est la déclinaison. étoiles fixes Cette expression, courante aussi bien dans le langage astrologique que dans le langage astronomique, est peu exacte puisque ces astres, lumineux par eux-mêmes, sortes de soleils gisant dans l’espace à des distances considérables, se déplacent à des vitesses comparables à celles des planètes de notre système solaire. […] Dès l’origine de l’astrologie, on leur a accordé de l’importance, aussi bien en astrologie généthliaque qu’en astrologie mondiale […] La position des principales étoiles est portée sur la carte du ciel d’après leur longitude et leur déclinaison, dans le cas où l’une d’elles se trouve en conjonction avec une planète, leurs effets se renforcent mutuellement. Lorsqu’elle est isolée, il faut pour que son action étoile n. f. Astre doué d’un éclat propre, observable sous l’aspect d’un point lumineux (à l’exception du Soleil) […] fixe adj Se disait autrefois des étoiles, qui paraissent conserver des positions invariables les unes par rapport aux autres, par opposition aux planètes (astres errants), qui se déplacent parmi les constellations. soit sensible, qu’elle soit située en position angulaire. D’après une tradition qui s’est constituée à la suite des travaux de Ptolémée […], on admet que chaque étoile fixe partage la nature d’une ou de plusieurs planètes par le canal desquelles son influence s’exerce : « ainsi, une étoile de la nature de Mars pourra signifier de grands dangers […] » Au sein des deux définitions données par J.-L. Brau, sont mis en évidence des marqueurs de domaines (en astrologie / en astronomie ; langage astrologique / langage astronomique) qui pourraient être interprétés comme des indicateurs de distinctivité. Toutefois ceux-là ont, en l’occurrence, pour fonction d’abolir la séparation, de réduire la fracture supposée par le recours au comme, aussi bien qui induisent l’équivalence. Ces exemples viennent étayer l’assertion de C. Aubier, à laquelle nous avons fait allusion précédemment : l’indissociabilité originelle des deux domaines. Un certain déterminisme semble, en effet, se manifester à partir de ces rappels réguliers qui établissent une correspondance un peu artificielle, apparemment non motivés, puisque, notamment à propos des étoiles fixes, l’astronome de référence souligne l’obsolescence de cette notion. Ces indications disciplinaires semblent d’autant plus suspectes qu’à d’autres moments l’identité sémantique est perceptible mais ne fait pas l’objet d’une mention spéciale, comme dans les exemples suivants : Discours des astrologues Dictionnaire de l’astronomie astéroïdes, petites planètes invisibles à l’œil nu, circulant entre les orbites de Mars et de Jupiter. (Dictionnaire de l’astrologie) astéroïde n.m. (de aster [o]- et - oïde). Petite planète dont les dimensions ne dépassent pas quelques centaines de kilomètres. Les astéroïdes, petites planètes circulant entre les orbites de Mars et de Jupiter, incalculables pour un thème, ne sont pas pris en compte par l’astrologie (L’Astrologie, p. 12 [note]) Nom donné à des groupes de petits astres qui gravitent sur des orbites situés pour la plupart entre celles de Mars et de Jupiter (Dictionnaire pratique d’Astrologie, p. 38) Entre Mars, la dernière des planètes telluriques, et Jupiter, la première des géantes, s’étend une grande lacune qui partage en deux le système solaire. […] Orbites, la plupart des petites planètes se concentrent entre l’orbite de Mars et celle de Jupiter, à une distance moyenne du Soleil comprise entre 2,17 et 3,3 unités astronomiques (ua). […]. Masse et dimensions […]. Composition superficielle […]. Origine […]. comètes. Comme les planètes, les comètes sont des astres qui parcourent notre système solaire. Elles comportent, aux yeux d’un observateur, trois parties : le noyau, la chevelure et la queue. Ces corps célestes sont mal connus […] (Dictionnaire de l’astrologie) Du grec komê, chevelure. Les comètes sont de petits corps célestes qui décrivent autour du Soleil une trajectoire voisine d’une ellipse. Elles apparaissent comme composées d’un noyau brillant entouré d’un halo ovale, sont formées de poussière et de gaz, et sont observables uniquement lors de leurs passages rapprochées de la terre. […] (Dictionnaire pratique d’Astrologie, p. 63) comète n. f. (du grec kométes, chevelu). Astre du système solaire, d’aspect diffus, observable à proximité du Soleil. […] À propos d’autres termes, la relation exhibée par les astrologues atteste d’une identité partielle : Dictionnaire de l’astrologie Dictionnaire de l’astronomie heure. Il existe en astronomie plusieurs types d’heures, dont certaines sont d’un emploi courant en astrologie pour le calcul de la domification et la recherche de la longitude des planètes. L’heure vraie est la vingt-quatrième partie du jour correspondant à deux passages successifs du Soleil au méridien. C’est l’heure qui est donnée par les cadrans solaires, mais, comme le mouvement apparent du Soleil varie sur l’écliptique, la durée du jour vraie est variable. L’heure astronomique est celle que l’on compte de midi à midi, de zéro à vingt-quatre, et qui est réglée sur le jour astronomique. L’heure légale est celle qui est fixée par la loi […]. L’heure d’été, avançant d’une heure sur l’heure légale […]. L’heure locale est calculée d’après la longitude du lieu de naissance. Dans la pratique, on l’obtient en ajoutant ou en retranchant cette longitude à l’heure GMT selon que le lieu de naissance se trouve à l’est ou à l’ouest du méridien de Greenwich. C’est cette heure là qui sert à établir la domification. L’heure sidérale est la vingt-quatrième partie du jour sidéral correspondant au temps que met la Terre pour effectuer un tour complet sur elle-même. Elle est indiquée par les éphémérides pour chaque jour à 0 h ou à midi selon le cas. C’est elle qui sert à calculer l’ascension droite […] heure n.f. Unité de mesure d’angle plan valant 15°. (On l’utilise notamment pour exprimer les ascensions droites.) heure (Bureau international de l’) [B.I.H.], organisme créé en 1911 afin d’unifier l’heure dans le monde […] Il établit le temps atomique international et le temps universel coordonné, et permet de synchroniser les horloges nationales sur le temps universel coordonné […] L’astrologie serait ainsi placée dans une position plus sélective à l’égard des possibilités concrètes offertes par l’astronomie et, de ce fait, le lexème heure, désigné comme fortement polysémique dans le discours astronomique, subirait une réduction de ses possibilités d’actualisation dans l’usage astrologique. De même, certains termes communs entretiendraient, d’après les astrologues, des relations qui seraient du type extension de sens48, comme en témoigne la définition de astre proposée par J.-L. Brau : Dictionnaire de l’astrologie Dictionnaire de l’astronomie astre, terme employé par les astrologues dans une acception plus large que par les astronomes. Désigne non seulement tout corps céleste, mais aussi tout point remarquable comme l’Ascendant, le Milieu du ciel, le Fond du ciel, etc. < ne constitue pas une entrée > Mais le sens astrologique peut également être présenté comme plus restreint : Dictionnaire de l’astrologie Dictionnaire de l’astronomie cycles. En astronomie, cycle est synonyme de révolution, mais en astrologie on emploie plus particulièrement ce mot pour désigner le nombre d’années entières que met une planète pour revenir au même point du zodiaque. Vénus : 8 ans (avec une orbe de 1 à 2°) […] cycle dominical ou solaire, période de 28 ans au terme de laquelle l’année recommence par le même jour de la semaine. (C’est l’un des éléments du comput ecclésiastique) cycle lunaire ou Méton, période de 235 lunaisons imaginée au Ve S. av. J.-C. par l’astronome athénien Méton […] En observant toujours le discours astrologique, on constate que parfois l’écart de sens demeure implicite, qu’il est suggéré mais non explicité, parce qu’il n’y a insistance que sur le sens astronomique, ce qui pourrait confirmer l’identité des points de vue, si la mention spécificatrice, « en astronomie », ne sous-entendait l’existence d’un sens astrologique particulier : Dictionnaire de l’astrologie, Dictionnaire de l’astronomie révolution, laps de temps mis par un astre pour revenir à un même point de son orbite. On distingue en astronomie trois révolutions principales selon le point de l’orbite considéré : topique pour le point vernal, anomalistique pour le périgée et draconitique pour le Dragon, c’est-à-dire le Nœud ascendant. Les révolutions planétaires ont les durées suivantes […] révolution n. f. Synonyme de période de révolution période n. f. Intervalle de temps constant après lequel, dans l’évolution d’un phénomène dit périodique, une grandeur reprend toujours de nouveau la même valeur. – Période de révolution, en parlant d’un corps en mouvement orbital autour d’un autre, intervalle de temps séparant deux passages consécutifs de ce corps en un point quelconque de son orbite. (On dit aussi, en abrégé, révolution) Ce peut être aussi parce que, à l’inverse, est souligné le sens astrologique (en astrologie), ce qui permet d’attribuer la phrase précédant cette précision au discours astronomique (attribution validée par la glose extraite du dictionnaire de l’astronomie) : Dictionnaire de l’astrologie Dictionnaire de l’astronomie zénith, point situé au-dessus de la tête de l’observateur, à l’intersection de la sphère céleste et de la verticale du lieu. En astrologie, ce terme désigne le Milieu du ciel. Dans le cas d’une naissance survenue dans une zone comprise entre 23° 27’ de latitude nord et 23° 27’de latitude sud, aucune planète ne peut se trouver au zénith d’un thème. zénith n. m. (lecture erronée de l’arabe sam [ar-ra’s], chemin [au-dessus de la tête]). Point de la sphère céleste représentatif de la verticale ascendante, en un lieu donné. Cependant, la mise en discours la plus fréquente consiste en l’addition de sens, opérée au moyen de la juxtaposition. Cette procédure a déjà été signalée à propos des descriptions de la Lune et elle est susceptible d’être utilisée dans des définitions de noms communs : Discours astrologiques Dictionnaire de l’astronomie planètes. En astronomie, on définit les planètes comme des corps célestes non lumineux par eux-mêmes qui tournent autour du Soleil. […] En astrologie, la position, au moment de la naissance, des planètes, parmi lesquelles on compte les deux luminaires, Soleil et Lune, est d’une importance capitale dans l’interprétation des thèmes. Les planètes sont définies par les astronomes comme des corps célestes non lumineux par eux-mêmes, tournant autour du Soleil […] Pour l’astrologie, Soleil et Lune sont qualifiés de « luminaires » et positionnés dans les Ephémérides géocentriques comme les planètes (L’Astrologie, p. 11) planète, (du grec planétes, errant). Corps céleste non lumineux par lui-même qui gravite autour du Soleil ou, éventuellement, autour d’autres étoiles. Si dans les explications fournies par le dictionnaire et le discours encyclopédique (Que sais-je ?), la structure binaire est respectée (en astrologie/en astronomie ; par les astronomes / pour l’astrologie), on peut considérer que l’incompatibilité des deux définitions est considérablement atténuée. En effet, les auteurs indiquent un léger écart et n’insistent pas sur la contradiction conceptuelle qui se matérialise à travers une catégorisation différente. La Lune est, pour les astrologues, une planète et, pour les astronomes, un satellite, de même le Soleil est une planète pour les astrologues et une étoile pour les astronomes. Enfin, la Terre est une planète pour les astronomes et elle est dépourvue de ce statut de corps céleste, dans le discours astrologique, au profit du statut d’élément (« Terre, l’un des quatre éléments selon la théorie hermétique », Dictionnaire de l’astrologie, p. 205). Une situation semblable, dans la mesure où les informations astronomiques et astrologiques sont accolées mais non articulées, se trouve réactivée pour tous les noms propres, comme ceux qui concernent les planètes, les constellations et les astéroïdes. Toutefois, pour cette catégorie de noms les délimitations de domaines restent implicites. À titre d’illustration, sont reproduites ci-dessous trois gloses descriptives concernant des astéroïdes (nous avons mis en valeur par des caractères italiques gras les verbes de parole présents dans les définitions astrologiques) : Dictionnaire de l’astrologie Dictionnaire de l’astronomie Accrux, première étoile fixe de la constellation de la Croix, de nature jupitérienne, située dans le Scorpion. Elle révèle le goût du faste. Acrux, étoile (de la Croix du Sud). Magnitude apparente visuelle : 0,8. C’est une étoile double, dont les composantes, écartées de 4,3”, de type spectral Bl, sont respectivement pour magnitude apparente 1,4 et 2,1. Distance : 370 années lumière. Agena, étoile fixe de la constellation du Centaure, de nature vénusienne et jupitérienne, située dans le Scorpion. Elle annonce le succès. Agena, étoile (du Centaure). Magnitude apparente visuelle : 0,6. Type spectral : Bl. Distance : 490 années de lumière. On l’appelle aussi Hadar. Aldédaran, première étoile fixe de la constellation du Taureau, de nature martienne, située dans les Gémaux. Elle annonce les honneurs publics ou militaires et le courage. Aldédaran, (de l’arabe al-dabaran, la suivante, parce qu’elle suit les Pléiades), étoile (du Taureau). Magnitude apparente visuelle : 0,9. Type spectral : K5. Distance : 68 années de lumière. Rayon : 54 fois celui du soleil. C’est une géante rouge. À la vue de ces séquences, on peut remarquer que contrairement à une idée répandue, l’usage des mêmes dénominations au sein des deux discours n’aboutit pas inexorablement à des emplois homonymiques ou énantiosémiques49. Les deux gloses descriptives ne sont pas contradictoires, elles pourraient même être perçues comme complémentaires. On trouve, en effet, comme donnée commune aux deux définitions, une information sur l’appartenance à la constellation (Croix, Centaure, Taureau), c’est-à-dire un élément de localisation cosmographique, qui tend à prouver que l’emploi de la même dénomination (malgré un écart orthographique dans le premier exemple) indique l’unicité du référent. Toutefois les critères de description « physique » (le flux de rayonnement de l’astre, son degré de fluorescence, son éloignement de la terre, etc.) qui pourraient être associés à ce que P. Cadiot et F. Nemo50 appellent des « propriétés intrinsèques (PI) », ne sont pas retenus par le discours astrologique. En revanche, au sein de ce dernier, les corps célestes sont pourvus d’une caractéristique planétaire51 d’inspiration mythologique52 – sans pertinence astronomique : nature martienne, nature vénusienne, nature jupitérienne – et d’un domicile d’élection qui correspond à un signe zodiacal. Ces deux indications semblent constituer les fondements implicites d’une interprétation qui pourvoit l’étoile d’une fonction signifiante de nature discursive. Ainsi l’ensemble des étoiles fixes prises en considération par les astrologues sont associées, du fait de la valeur sémantique des verbes, à deux types d’annonces : celles qui contiennent des verbes dynamiques d’anticipation, à caractère temporel, d’aspect perfectif, comme prédire, ou annoncer, et qui concernent des événements à venir – les étoiles sont dans ce cas pourvues d’un rôle agentif, d’ordre discursif – ; et celles qui comprennent des verbes de « révélation », de « monstration », comme révéler, dénoter, qui informent sur les propriétés caractéristiques des êtres (« Deneb […] dénote l’autorité ») et pourvoient discursivement l’astéroïde du rôle de patient. Dans certaines occurrences53, toutefois, l’étoile assume un rôle de siège du procès (elle est interprétée) identique à celui qui lui est fréquemment prêté dans les discours astronomiques, bien qu’au sein de ces deniers l’activité interprétative ne pourrait avoir pour objet un élément concret, mais un phénomène. On formulera l’hypothèse que les astéroïdes (comme tous les corps célestes désignés par un nom propre) sont pourvus dans le discours astrologique de traits particuliers, par l’attribution d’une « nature » (qualifiée de « jupitérienne », « vénusienne » ou encore de « martienne »). De ce fait, le nom propre, qui ne serait dans le discours astronomique qu’une simple étiquette, et qui, par définition54, a pour fonction de dénommer différentiellement (en l’occurrence un astéroïde), devient dans le discours astrologique, par métonymie, qualifiant, porteur d’une signification, que l’on pourrait qualifier, en quelque sorte, d’extra-référentielle (il perd son statut de non-animé au profit d’un statut animé). Ε semble que, dans ce cas (comme pour toutes les dénominations s’apparentant à ce qu’on appelle traditionnellement le nom propre), on ne puisse, à proprement parler, considérer que l’emprunt effectué par le discours astrologique aboutisse à une altération du sens astronomique, puisque dans ce dernier contexte nous n’avons que des éléments dénotatifs, mais à une captation référentielle et dénominative, qui permet d’ancrer le discours astrologique dans une réalité astronomique et donc de le pourvoir implicitement, par contamination, d’un statut scientifique. Cela expliquerait pourquoi, lorsque les acceptions sont antinomiques, voire énantiosémiques, les astrologues dérogent à leur habitude en ne donnant, ni implicitement, ni explicitement, la moindre indication astronomique : Discours astrologiques Dictionnaire de l’astronomie écliptique, trajectoire apparente du soleil, décrite en une année autour de la Terre, considérée comme immobile au centre de la voûte céleste dans le système géocentrique, sur lequel est basée l’astrologie occidentale. […] (Dictionnaire de l’astrologie) écliptique, plan de l’orbite terreste autour du soleil ; grand cercle de la sphère céleste, trace du plan précédent [..] Nom donné à la trajectoire apparente décrite par le Soleil autour de la Terre en un an, au cours de laquelle il visite successivement les douze signes du Zodiaque. Le plan de l’écliptique est incliné de 23°27 environ sur l’équateur céleste ; il le coupe en deux points : l’équinoxe de printemps (point vernal) et l’équinoxe d’automne (Voir : Cosmographie) » (Dictionnaire pratique d’Astrologie, p. 77) L’écliptique n’est autre que la trajectoire apparente du Soleil décrite dans l’année autour de la Terre, telle qu’elle apparaît à un habitant de notre globe : c’est donc une donnée du système géocentrique (L’Astrologie, p. 5) Ce parcours comparatif, certes non exhaustif, montre la volonté des astrologues de ne pas être marginalisés par rapport aux astronomes, lesquels sont présentés comme les témoins de la réalité. Ainsi astrologues et astronomes ont la même perception des concepts géocentrique et héliocentrique : géocentrique (système) conception de l’univers ayant la Terre pour centre. C’est sur ce système qu’est fondée l’astrologie occidentale, système faux dans son principe, ce qui est sans importance puisque les astrologues s’intéressent aux écarts angulaires relatifs entre les astres et non à leurs positions réelles. Les éphémérides courantes donnent d’ailleurs toutes les coordonnées en système géocentrique, comme verrait les astres un observateur situé au centre de la Terre. géocentrique adj relatif à un système de coordonnées dont l’origine est le centre de la terre. héliocentrique (système) Les éphémérides courantes donnent la position des planètes selon des coordonnées géocentriques, c’est-à-dire en se mettant à la place d’un observateur situé idéalement au centre de la Terre. Le système héliocentrique, plus conforme à la mécanique réelle de notre univers, donne des coordonnées par rapport au centre du Soleil. Comme la différence entre les deux systèmes de coordonnées est très faible pour les planètes autres que Mercure et Vénus, il s’est trouvé, après les découvertes de Copernic, des astrologues pour proposer d’établir des horoscopes héliocentriques : ce fut en particulier le cas de Boulainvilliers à la fin du XVIIe siècle. Mais ces tentatives ne furent pas poursuivies. héliocentrique adj. Relatif à un système de coordonnées dont l’origine est le centre du Soleil.héliocentrisme n. m. Système astronomique d’après lequel on considère le Soleil comme le centre de l’Univers (astron. anc.) ou comme l’astre autour duquel s’effectue la rotation des planètes. (Ce système s’oppose au géocentrisme) Les astrologues jugent donc l’héliocentrisme comme plus conforme à la réalité et simultanément indiquent que ce système n’est pas pertinent dans le cadre de l’exercice de leur discipline. Étant donné que c’est justement le choix du système de référence qui forme le contentieux entre les deux disciplines, on peut estimer que les termes adoptés pour la définition masquent, dédramatisent l’opposition disciplinaire. Une comparaison systématique des deux vocabulaires fait apparaître, encore, des disjonctions fondamentales entre la catégorisation d’éléments essentiels, comme planète – l’acception astrologique intégrant le Soleil et la Lune, mais ne prenant pas en compte la Terre – ou astre – les astrologues ajoutant différents « points remarquables » tels que l’Ascendant, le Milieu du ciel et le Fond du ciel. On constate également un privilège accordé à certaines dénominations ; ainsi ce que les astronomes désignent exclusivement par le terme zénith est appelé de manière préférentielle, dans le discours astrologique, milieu du ciel, de même nadir devient fond du ciel. En outre lorsque les astronomes parlent de sphère céleste, les astrologues évoquent la voûte céleste. Cependant, pour la majorité des termes, il y a ajout en astrologie de significations étrangères à l’astronomie (par l’agrégation de valeurs pragmatiques constitutives de l’interprétation), ce qui revient à dire que l’astrologie utilise des termes astronomiques mais leur associe un contenu (message ou présage) qui les pourvoit d’une fonction spécifique. De ce fait et si, comme certains astrologues le disent55, les connaissances astronomiques sont superfétatoires, on peut envisager que les données astronomiques apparaissant dans le discours des astrologues n’ont qu’une fonction conative, ne servent qu’à légitimer le propos. Cela expliquerait que les astrologues tentent de réduire au minimum les marques qui pourraient témoigner des écarts entre les deux domaines, en utilisant des constructions attributives (ambiguïté du est), ou des constructions appositives. 3 Quelles représentations les auteurs astrologues donnent-ils de l’astrologie ? Dans la perspective linguistique adoptée dans cet ouvrage, ce n’est pas tant la représentation en elle-même qui nous intéresse que les moyens discursifs qui sont utilisés pour la construire. Aussi, après avoir évoqué le rôle joué par l’hétérogénéité énonciative et l’hétérogénéité discursive, on s’intéresse aux définitions explicites du domaine que les uns et les autres fournissent, avant d’examiner ce que véhiculent sémantiquement les divers reformulants. 3.1 Définition de l’astrologie La nécessité ressentie par chacun des auteurs de présenter une, voire plusieurs, définition(s) de l’astrologie semble témoigner d’une démarche à coloration scientifique, puisque la délimitation du domaine permet de constituer celui-ci en objet d’étude. En outre, de manière plus générale, l’activité définitoire – de même que la rédaction d’ouvrages d’initiation au sein desquels celle-ci peut s’épanouir – témoigne d’un souci de vulgarisation dont la légitimité sous entend l’existence d’un savoir spécialisé non accessible aux novices. Aussi lorsque É. Benveniste affirme que : « Une science ne commence d’exister ou ne peut s’imposer que dans la mesure où elle fait exister et où elle impose ses concepts dans leur dénomination » et en conclut que : « Dénommer, c’est-à-dire créer un concept, est l’opération en même temps première et dernière d’une science » (Benveniste 1969, p. 247), il montre a contrario que l’opération corrélative à la construction d’une science s’inscrit du côté de la définition explicitant les concepts. On retrouve, ainsi, l’idée commune qu’il n’existe pas de science sans terminologie et donc pas de terminologie56 sans une élaboration conceptuelle préalable. La publication de plusieurs dictionnaires57 et la présence de glossaires58 attestent de l’existence d’un vocabulaire astrologique spécifique, lequel témoigne de la constitution d’un savoir particulier et révèle un point de vue original porté sur le monde (même si cette originalité est parfois niée par les astrologues). Aussi, en se reportant à la définition (dite moderne) de la science fournie par le NPR, qui, comme tout dictionnaire usuel, témoigne d’une représentation sociale des usages discursifs : 1. Corps de connaissances ayant un objet déterminé et reconnu, et une méthode propre ; domaine organisé du savoir […] Science de l’être (ontologie), du beau (esthétique) => philosophie. Sciences abstraites. Sciences occultes : occultisme. 2. Ensemble de connaissances, d’études d’une valeur universelle, caractérisées par un objet (domaine) et une méthode déterminés, et fondées sur des relations objectives vérifiables on est amené à penser que l’astrologie remplit a priori les conditions nécessaires pour être considérée comme une science : un flux discursif qui témoigne d’un ensemble de connaissances partagé par une communauté, donc connu ou reconnu par un collectif, certes non institutionnel ; une prétention à l’universalité59 ; un domaine, un objet d’étude qui serait l’influence exercée par les planètes sur le caractère et le destin des hommes ; une méthode exposée dans tous les ouvrages d’initiation (le montage d’un thème), fondée sur des « relations objectives vérifiables », puisque reposant sur des données astronomiques. Toutefois les tentatives effectuées pour vérifier l’influence présupposée ont donné lieu à des résultats diversement appréciés60. Aussi n’est-ce pas tant le degré d’étrangeté du discours astrologique par rapport à d’autres discours scientifiques qui suscite son exclusion, que sa parenté même, comme le suggère J.-L. Brau : Si les principales attaques, et le plus virulentes, des rationalistes sont portées contre l’astrologie plutôt que contre les sciences occultes, c’est qu’une de ses parties, l’établissement des cartes du ciel pour un moment donné, fait appel à des connaissances astronomiques précises. D’où l’accusation contre les astrologues de « dévoyer » la science. (Dictionnaire de l’astrologie, p. 6). 3.2 Les gloses définitionnelles On examinera donc ici les gloses définitionnelles concernant l’astrologie, qui sont fournies, et non seulement élaborées, par les auteurs du corpus. Le recours à l’interdiscursivité n’est pas innocent ; hormis l’effet de prestige évoqué précédemment, le message cité concourt également à la construction de la représentation que le locuteur rapportant veut véhiculer. À considérer les énoncés du corpus, on remarque qu’ils témoignent de diverses approches, les unes plus linguistiques, les autres plus encyclopédiques, voire idéologiques. 3.2.1 Approche étymologique On rangera dans la première catégorie les définitions qui s’appuient sur la motivation étymologique, donc sur la double acception61 du suffixe -logie, provenant du grec logia, lequel est susceptible de signifier parole, discours (comme dans néologie, phraséologie, nécrologie, philologie…) et par extension étude méthodique (comme dans dermatologie, ophtalmologie, géologie). Aussi sommes-nous face à un mot qui relève de la « composition savante » et qui suggère l’existence d’une équivalence originelle entre discours et sciences produisant synchroniquement une ambiguïté interprétative. Deux auteurs, en effet, relient l’astrologie à un discours : Qu’est-ce que l’astrologie ? Un « discours sur les astres », le dialogue de l’Homme avec le Cosmos, qu’il reflète et qui le reflète, à travers une interdépendance et des correspondances mystérieuses fondées sur le rythme (Votre horoscope 1997. L’année lumière, p. 9) L’astrologie n’est-elle pas un simple discours analogique ? (Encyclopaedia Universalis, « L’Astrologie », p. 9) et deux autres la situent dans le cadre d’une observation méthodique en cours, dont la perspective serait d’établir soit une relation interactive, soit une relation de type analogique entre les astres et la terre, voire le terrien : Étude de la correspondance entre le mouvement des astres et les phénomènes terrestres ; synthèse des correspondances universelles (Larousse « contemporain », cité par Teissier, L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 29) L’astrologie ne serait alors rien d’autre que l’étude des lois de résonance entre systèmes isomorphes [isomorphisme structurel entre les êtres vivants et les systèmes astronomiques], c’est-à-dire identiquement constitués (Qu’est-ce que l’astrologie, p. 10) Certains auteurs, moins soucieux de définir le mot que de consacrer l’existence discursive de la chose, présentent l’astrologie comme un fait culturel : L’astrologie est avant tout une donnée de civilisation liée à la prise de conscience par l’Homme du temps qui s’écoule et des rythmes de la nature (L’Astrologie, p. 3) L’astrologie – nous l’avons affirmé au départ – est un fait de civilisation ; comme tel, elle a droit a priori à un certain respect, celui que l’on accorde à un très ancien et traditionnel savoir perpétué à travers les âges par l’être humain et dont nous avons suivi les méandres (L’Astrologie, p. 120) Par son ancienneté et son universalité, l’astrologie est devenue un fait culturel et de civilisation. Cette affirmation ne pose pas le problème du bien-fondé en tant que science ou art conjectural (Dictionnaire de l’astrologie, p. 5) 3.2.2 Approche statutaire Étant donné que la reconnaissance de la « discipline » constitue, pour la plupart des astrologues, une préoccupation, ils tentent à travers les définitions produites de situer statutairement le domaine, par exemple en réfutant la place que leur attribuent les « antiastrologues », comme la glose rapportée par S. Fuzeau-Braesch : L’astrologie est une superstition qui a pris naissance dans la préhistoire… On peut la considérer avec les autres superstitions comme un caractère primitif, comme un reste de barbarie que l’évolution de notre espèce et la civilisation n’ont pas encore réussi à éliminer (P. Couderc, auteur de l’ancienne version (1978) de L’Astrologie, Que saisje ? n°508, cité par Fuzeau-Braesch, Astrologie : la preuve par deux, p. 67) qui est purement axiologique et donc ne renseigne pas sur le sens du mot ni sur le contenu de la notion, mais sur une certaine perception du domaine. Ainsi satisfait-elle à la visée argumentative de l’auteur rapportant, qui veut, par là, dénoncer l’attitude partiale de l’astronome, auteur de ce propos : l’absence d’objectivité qui règne dans les « principales publications antiastrologiques » (Astrologie : la preuve par deux, p. 67) est présentée comme le critère absolu de la non-scientificité, que pourfend S. Fuzeau-Braesch62. Toutefois la réfutation n’est pas la seule tactique employée et la visée essentielle est de convaincre, là encore, du statut scientifique et/ou technique de l’astrologie. S’inscrivant dans une perspective scientiste, É. Teissier cite à deux reprises la définition d’un scientifique prestigieux63, qui est à la fois qualifiante et classifiante : L’astrologie est une science en soi, illuminatrice. J’ai beaucoup appris grâce à elle et je lui dois beaucoup. Les connaissances géophysiques mettent en relief le pouvoir des étoiles et des planètes sur le destin terrestre. À son tour, en un certain sens, l’Astrologie le renforce. C’est pourquoi c’est une espèce d’élixir de vie pour l’humanité (A. Einstein, cité en incipit par Teissier, L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 23 et p. 277) Aussi la répartition entre classifiant et qualifiant nécessite-t-elle quelques précisions. En effet, si l’on se situe strictement du côté de la langue, dire que l’astrologie est une superstition ou une science relève d’une opération classificatoire, dans la mesure où il y a inclusion taxinomique et que les hyperonymes choisis sont des noms, par opposition à l’adjectif illuminatrice qui se présente comme un appréciatif. Mais, dans une perspective discursive, ces rapprochements sont respectivement dépréciatif et laudatif, donc qualifiants, puisqu’ils s’inscrivent de part et d’autre de l’axe vérité/fausseté, rationnel/irrationnel, et qu’aucun des éléments contenus dans ces définitions ne permet de justifier ce classement. À travers les énoncés qui visent à présenter l’astrologie comme une science s’expriment les perceptions de ce qu’est une science exacte ou humaine : L’astrologie, en vérité, est une science humaine, et l’âme humaine n’est pas réductible à des formules mathématiques (Devenir astrologue en 20 leçons, p. 251) L’astrologie n’est ni déterministe, ni causaliste, ni probabiliste dans son essence… Elle est avant tout une science de l’âme, science de l’être humain et s’appuie sur le fait que l’image de l’homme est symbole à part entière (S. de Mailly-Nesle citée par Fuzeau-Braesch, Astrologie : la preuve par deux, p. 93) Ces deux phrases établissent une disjonction entre les sciences exactes, dont le prototype serait les mathématiques, et dont les fondements existentiels résideraient dans un mode d’expression particulier (les formules) et les sciences humaines qui se définiraient en fonction d’une préoccupation, d’un objet, lequel serait de l’ordre de la psychologie, au sens étymologique et non disciplinaire du terme, comme le confirme Elisabeth Teissier : Et l’astrologie […] n’est autre, selon l’expression d’un universitaire belge, que « la science par excellence de la personnalité », celle-ci se trouvant être bien plus précise, en l’occurrence, que la psychologie classique. Pourquoi ? simplement parce que l’astrologie prend pour référence ce que Raymond Abellio appelle une « structure universelle », objective puisque mathématique, dont participe le cours des astres, alors que la psychologie se fonde obligatoirement sur l’expérimentation, l’observation d’un comportement, qui peut très bien n’être qu’un reflet, voire un avatar de la vraie psyché (L’Astrologie, science du XXe siècle, p. 60) En revanche, pour d’autres astrologues, l’objet d’investigation « rationnelle » et donc le champ de connaissance à constituer, se situerait au niveau de l’évaluation de l’impact exercé par l’environnement cosmique sur l’homme : L’astrologie pourrait se définir simplement comme la science des influences exercées par les corps célestes sur l’homme (Bases scientifiques de l’astrologie, p. 7) L’astrologie est la science des rythmes du temps astral et des influences sur les plantes, sur les bêtes et sur les hommes (Saintyves P., 1937, L’Astrologie populaire, édit. Émile Nourry, cité par Barbault, Connaissances de l’astrologie, p. 62) On notera, au passage, que cette notion est profondément ancrée dans l’histoire de notre langue, puisque, étymologiquement, le mot influence a été emprunté pour désigner, de manière exclusive, ce phénomène64 Hormis les tentatives d’établissement d’une relation directe entre astrologie et science de type partie-tout (méronyme/holonyme), on a vu précédemment que les insertions de références astronomiques contribuent à étayer cette proposition, mais d’autres disciplines sont également sollicitées. Ainsi, la physique et les mathématiques sont présentées comme garants de la scientificité de l’astrologie : La théorie de la connaissance astrologique passe obligatoirement par le traitement des fondements de la physique, celle-ci étant devenue la science universelle, sa théorie constituant la base de notre intelligence des phénomènes de la nature identifiée au réel (Connaissances de l’astrologie, p. 73) C’est là [observatoire astronomique d’Alexandrie] que l’horoscope fut fondé sur des bases mathématiques – science si bien représentée par des savants tel Euclide qui y rédigea son célèbre traité de géométrie (L’Astrologie, p. 38) L’Astrologie reste un art, mais édifié sur une structure mathématique (Bases scientifiques de l’astrologie, p. 9). Par ailleurs, toutes les définitions associant l’astrologie à un art mettent en exergue l’activité astrologique et sa finalité, c’est-à-dire sa dimension technique : Astrologie : Art de prédire les événements d’après l’inspection des astres. Cette science chimérique prétendait prédire l’avenir par l’inspection des astres comme s’ils pouvaient avoir quelque influence sur les événements qui dépendent uniquement de l’homme et de son libre arbitre (Larousse du début du siècle, cité par Teissier, L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 26) Art de prédire l’avenir par l’inspection des astres, par la connaissance de leur influence propre et de celle que leur donne leur position dans le ciel (Larousse universel de 1975, cité par Teissier, L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 26) Art de déterminer le caractère et de prévoir le destin des hommes par l’étude des influences astrales, des aspects, des astres, des signes. Connaissance des correspondances célestes et terrestres (Le Robert, cité par Teissier, L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 26) L’astrologie est l’art de prédire des événements futurs par les aspects, les positions et les influences des corps célestes (Diderot, Encyclopédie, p 780, cité par Fuzeau-Braesch, Astrologie : la preuve par deux, p. 53 et L’Astrologie, p. 60) C’est essentiellement dans les ouvrages destinés à transmettre un savoir-faire, lequel se résume à l’élaboration d’un thème astral (appelé aussi thème de naissance, horoscope, ou carte du ciel), que la dimension technique de l’astrologie apparaît. Ainsi A. Boudineau reconnaît qu’ : il est essentiel de remarquer que l’Astrologie, bien que basée sur des données astronomiques et mathématiques précises, en ce qui concerne l’édification proprement dite du thème (état du ciel au moment de la naissance, schématisé par une « carte du ciel ») et son évolution dans le temps sinon dans l’espace (directions, progressions, révolutions diverses…), relève, quand il s’agit de son interprétation, de l’art plus que de la science, ce qui n’exclut pas, bien au contraire, une certaine technique (Bases scientifiques de l’astrologie, p. 8) On peut supposer d’ailleurs que l’image scientiste de l’astrologie provient en grande partie de la complexité des calculs mis en œuvre pour dresser la carte du ciel. En effet, hormis la nécessité de disposer d’un matériel particulier (utilisé en géométrie, tel que compas, rapporteur, règle) et de documents spécifiques (graphiques zodiacaux, éphémérides, table des Maisons, table des positions géographiques, table des unités d’angle, table des logarithmes, atlas), il faut se livrer à des calculs de l’heure locale de naissance, puis de l’heure sidérale, de la omification65 et enfin des aspects66. Ces opérations exercent sans aucun doute une certaine fascination, donnant de l’astrologie une image rigoureuse et objective, que l’usage des ordinateurs67 a conforté. Donc, les astrologues, auteurs des ouvrages pris en considération, sont conscients de l’impossibilité de démontrer la validité de la thèse astrologique, et néanmoins demeurent persuadés que ce déficit explicatif est conjoncturel : l’astronome est freiné dans ses conceptions par l’absence d’une explication scientifique concernant ce qu’on appelle l’influence des astres. Soyons sérieux, l’absence d’explication scientifique a-t-elle jamais eu la moindre incidence sur la réalité du monde […] ? (L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 47) d’où l’affirmation anticipatrice d’É. Teissier68 : L’astrologie, science du XXIe siècle. *** Ainsi, tout est mis en œuvre au sein de ces ouvrages pour tenter de persuader le lecteur que l’astrologie est une science en devenir. Toutefois, la présence d’éléments paratextuels, le recours aux arguments d’autorité, la réfutation des propos des anti-astrologues, les allusions à des « preuves statistiques »69 concourent à produire l’image d’un discours plus polémique que scientifique. En revanche, la dimension technique pesant sur l’élaboration du thème de naissance peut expliquer qu’un certain nombre de scientifiques qui œuvrent dans le domaine des sciences exactes soient, paradoxalement, plus enclins à adhérer au dogme astrologique que les scientifiques, qui ont pour champ d’exploration les sciences humaines. Corpus d’étude L’Astrologie (1ère édit. 1989, 3e édit. corrigée 1995) par S. Fuzeau-Braesch, PUF, Que sais-je ? n°2481, Paris. L’Astrologie : comprendre, apprendre, enseigner le thème astral (1994) par C. Ross et A. Paquet, Albin Michel, Paris. Astrologie : la preuve par deux (1992) par S. Fuzeau-Braesch, Robert Laffont, Paris. L’Astrologie, science du XXIe siècle (1ère édit. 1988, réédition 1994) par É. Teissier, Édition°1, Paris. Bases scientifiques de l’astrologie. Pour le calcul et l’érection du thème (1982) par A. Boudineau, Éditions Traditionnelles, Paris. Connaissance de l’astrologie (1975) par A. Barbault, Seuil, Paris. Devenir astrologue en 20 leçons (1994) par C. Aubier, Édition Solar, Paris. Dictionnaire de l’astrologie (1ère édition 1977, réédition 1987) par J.-L. Brau, Larousse, Paris. Dictionnaire de l’astronomie (1987) par P. de la Cotardière, Larousse, Paris. Dictionnaire pratique d’Astrologie (1994) par C. Aubier, Éditions Solar, Paris. L’Encyclopaedia Universalis 1996 (électronique), « L’astrologie » par J. Halbronn Interprétation pas à pas. méthodologie et exemples d’interprétation (1993), par G. Dupuis, Éditions Saint-Michel, Saint-Michel-de Boulogne. Manuel pratique d’astrologie (1985) par G. Antarès, Éditions Buissière, Paris. Pour l’astrologie. Réflexions d’une scientifique ou l’astrologie à l’épreuve de la science (1996) par S. Fuzeau-Braesch S., Albin Michel, Paris. Qu’est-ce que l’astrologie ? interview radiophonique (Radio Nantes) de P. Houdaille du 5 décembre 1995. Votre horoscope 1997. L’année lumière (1996) par É. Teissier, Édition n°1, Paris. Notes de bas de page 1« Font florès les jeux médiatiques, les journaux bien peu scientifiques - astrologie, en somme populaire, loin de celle précise et riche, que j’avais patiemment apprise » (Pour l’astrologie…, p. 11). 2« Postulat […] 2. SC. Principe non démontré que l’on accepte et que l’on formule à la base d’une recherche ou d’une théorie » (Trésor de la langue française (TLF), p. 898) ; « Postulat […] LOG. sc. Principe indémontrable qui paraît légitime, incontestable » (Nouveau Petit Robert (NPR), p. 1739). 3« Il semblerait que la crédibilité du discours scientifique passe par l’effacement du sujet parlant. Du même coup, une présence trop importante du je pourrait faire penser que le discours d’apparence scientifique devient polémique (à moins que ce ne soit l’inverse) » (Charaudeau 1992, p. 157). 4Quotidiennes, notamment sur Europe 1 (où officiait Madame Soleil dans les années 70), ou Nostalgie. 5Dans le fascicule « Les pages Minitel », élaboré par France Télécom, une vingtaine de services astrologiques sont recensés. 6Les pages jaunes (annuaire France Télécom) consacre une rubrique à l’astrologie, au sein de laquelle on trouve, avec un certain bonheur, une publicité pour « la voyance directe par téléphone » ; cette activité a sans doute été facilitée par l’utilisation de la fibre optique dans la fabrication des câbles. 7Telles l’École supérieure d’Astropsychologie ou l’École d’astrologie par correspondance, ce qui d’après le raisonnement tautologique poursuivi avec humour par R. Barthes (1967) confirmerait le caractère scientifique de cette discipline, puisque pour lui « la science, c’est ce qui s’enseigne ». 8Les plus représentatives semblent être : les Éditions Saint Michel, l’Édition°1, les Éditions traditionnelles, les Éditions du Rocher. 9« Où trouver des ouvrages traitant d’astrologie et le matériel nécessaire pour monter un thème […] à Paris : L’espace bleu, 91 rue de Seine, 75006 Paris, Librairies Astres, 10 rue Crussol, 75011 Paris, les Éditions traditionnelles, 11 quai Saint-Michel, 75005 Paris » (Devenir astrologue en 20 leçons). 10D’après Fuzeau-Braesch (Astrologie : la preuve par deux, p. 64) : « Les premiers horoscopes prévisionnels apparaissent dans la presse féminine (Journal de la femme, 1932) et dans la presse quotidienne (première publication dans Paris-soir, 1935) ». 11Dans ELLE, par exemple, figure l’encart : « Si vous souhaitez en savoir plus, tapez 3615 ELLE, rubrique ASTRO-ELLE, ou téléphonez au 08 36 68 04 90. Donnez vos date, heure et lieu de naissance, et découvrez ce que vous réservent personnellement les astres » ; dans Télé-loisirs : « Si vous possédez un Minitel tapez le 3615 code TELELOISIRS, rubrique astrologique, puis thème astral. Par téléphone, composez le 08 36 68 68 78 », etc. 12« Séparée de l’astronomie, passée du service d’une élite dirigeante et puissante vers celui des particuliers, certes plus nombreux, désireux eux aussi de se trouver un destin et de se protéger contre la pression sociale, l’astrologie allait séduire la mère de famille, et serait d’ailleurs de plus en plus symbolisée par une femme, une Madame Irma dont l’archétype est Melle Lenormand, la « sibylle du XIXe siècle », […] au point que certains auteurs prirent des pseudonymes féminins, tel Collin de Plancy » (Encyclopaedia Universalis, « L’Astrologie », p. 10) ; « Quant aux femmes astrologues, rares sont celles qui cherchent à se faire connaître sous un patronyme, véritable ou emprunté. En majorité, elles adoptent un prénom à consonance espagnole, évocation du mythe gitan ou égyptien » (Dictionnaire de l’astrologie, p. 109). 13« Nous en sommes pour l’instant, aux ravages de l’astrologie populaire obnubilée par son décan zodiacal de naissance, incroyablement confiante dans l’anodine formule horoscopique de la santé, des affaires et des amours de la journée, que lisent en même temps des milliers de gens » (Connaissance de l’astrologie, p. 183). 14« À part les miraculeuses collections de milliers de tablettes d’argile de Babylone, il ne reste pratiquement rien des anciennes collections de livres du monde méditerranéen […] Le monde occidental actuel se reporte donc aux copies du Moyen âge [sic] issues d’un long cheminement ». (L’Astrologie, p. 29). 15Nous interrogeant sur l’existence des « sciences d’État », nous nous sommes aperçue qu’il s’agissait de la biologie. 16« paratexte, c’est-à-dire l’ensemble des marques (titre, sous-titre, intertitres, dédicaces, préfaces, notes, etc.) à fonction pragmatique qui accompagnent le texte proprement dit » (Schaeffer 1995, p. 175). 17Ces énoncés sont assimilables à ce que D. Maingueneau appelle la citation-preuve : « Ces citations peuvent être utilisées en raison de leur contenu, ou tout simplement à cause de leur auteur ; dans ce dernier cas, on a affaire à une “citation-autorité” où seule la signature donne du poids au contenu intrinsèque » (Maingueneau 1991, p. 138). 18Nous usons de ce néologisme afin de mettre en valeur le fait qu’ici nous ne nous prononçons pas sur les fondements mais sur l’effet produit. 19« La fameuse loi d’Hermès, selon laquelle “ce qui est en haut est analogue à ce qui est en bas et ce qui est en bas est analogue à ce qui est en haut, afin que s’accomplisse l’Unité”, correspond à une vérité fondamentale que la science moderne des particules de la matière semble redécouvrir » (L’Astrologie, science du XXe siècle, p. 28). Cette phrase d’Hermès, père de l’hermétisme, est qualifiée par C. Aubier, dans son dictionnaire, de « célèbre formule de la Table d’émeraude » (Dictionnaire pratique d’Astrologie, p. 97) et se trouve promue par E. Teissier au rang d’une anticipation scientifique. 20« Personne n’a nié l’importance de l’analogie dans la conduite de l’intelligence. Toutefois, reconnue par tous comme un facteur essentiel d’invention, elle a été regardée avec méfiance dès que l’on voulait en faire un moyen de preuve » (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1992, p. 499). 21À titre d’illustration, on cite quelques-unes de ces « acceptions les plus généralement admises » : « Bélier : élan – énergie - volonté – enthousiasme – ardeur – action. Taureau : patience – persévérance – stabilité – matérialité – fertilité – entêtement », etc. (L’Astrologie, p. 8) ; l’auteur précisera cependant, dans un ouvrage ultérieur : « on voit une certaine continuité, avec néanmoins des perfectionnements, dans les caractères propres attribués par Ptolémée et les astrologues contemporains à chaque signe » (Pour l’astrologie…, p. 30). 22Ainsi Vénus est mise en correspondance avec « sentiments, amour, harmonie, beauté, arts » et Mars avec « lutte, guerre, rivalité, énergie, agressivité », etc. 23« L’argument de prestige le plus nettement caractérisé est l’argument d’autorité, lequel utilise des actes ou des jugements d’une personne ou d’un groupe de personnes comme moyen de preuve en faveur d’une thèse. L’argument d’autorité est le mode de raisonnement rhétorique qui fut le plus vivement attaqué parce que, dans les milieux hostiles à la libre recherche scientifique, il fut le plus largement utilisé et cela d’une manière abusive, péremptoire, c’est-à-dire en lui accordant une valeur contraignante, comme si les autorités invoquées avaient été infaillibles » (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1992, p. 411). 24Principe confirmé par tous les astrologues du corpus : « Dans la mesure où l’astrologie se réfère à un ciel géocentrique et interprète même le ciel du lieu de naissance, on a fait de l’immobilité de la Terre son postulat nécessaire » (Connaissance de l’astrologie, p. 68) ; « Nous allons supposer que, puisque nous sommes installés en un point précis de la terre, il va devenir un point fixe. Nous allons être géocentristes : nous stoppons cette terre sous nos pieds et nous observons que tout bouge autour d’elle dans le ciel » (L’Astrologie : comprendre, apprendre…, p. 9) ; « Géocentrisme Vient du Grec Gea, la terre. C’est le point de vue qui prend la terre pour centre. Toute l’astrologie est fondée sur une perspective géocentrique. Les données dont elle dispose concernent les mouvements apparents des astres, vus de notre planète » (Dictionnaire pratique d’Astrologie, p. 91) ; « Nous disons géocentrique, car c’est vu de la Terre que ce phénomène est défini du point de vue astrologique » (Bases scientifiques de l’astrologie, p. 32) ; « géocentrique (système) conception de l’univers ayant la Terre pour centre. C’est sur ce système qu’est fondée l’astrologie occidentale, système faux dans son principe, ce qui est sans importance puisque les astrologues s’intéressent aux écarts angulaires relatifs entre les astres et non à leurs positions réelles. Les éphémérides courantes donnent d’ailleurs toutes les coordonnées en système géocentrique, comme verrait les astres un observateurs situé au centre de la Terre » (Dictionnaire de l’astrologie, p. 115). 25Ainsi, A. Barbault conclut cette longue énumération en précisant qu’« un tel rappel nous place devant une contradiction monumentale : l’adhésion de tant des plus prestigieux esprits de l’humanité à ce qui n’aurait été qu’une indigne et stupide superstition » (Connaissance de l’astrologie, p. 14). De même Elisabeth Teissier, par le biais d’une tournure interrogative, incite ses lecteurs à des conclusions analogues : « Peut-être faudrait-il s’interroger sur les raisons de cet intérêt persistant à travers les siècles ? Cela ne tiendrait-il pas à la nature et la valeur même de l’astrologie ? » (L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 26). 26« “L’astrologie n’a pas été réfutée, elle est tombée en désuétude” ; voilà l’avis de P. Thuillier, spécialiste d’histoire des sciences (exprimé en 1983 dans un journal scientifique) » (Astrologie : la preuve par deux, p. 25) ; « En matière de certitude, la science n’aurait rien de mieux à offrir que l’établissement de la relation de cause à effet ; or, entre les astres et l’homme, la preuve de cette relation causale n’existe pas ou n’est pas connue. Mais la preuve contraire, qu’aucune relation de cet ordre n’est possible, n’existe pas davantage, au désespoir du plus intégriste adversaire, l’astronome P. Couderc : "Il n’existe, c’est un fait, aucun critère immédiat et indiscutable, qui rende évidente l’erreur astrologique" » (Connaissance de l’astrologie, p. 77) ; « Les travaux de recherches anti-astrologiques ne semblent pas concluants, on l’a vu, généralement en raison d’une faiblesse méthodologique regrettable » (L’Astrologie, p. 121). 27Présenté par E. Teissier dans les termes suivants : « Le polytechnicien philosophe Raymond Abellio ». 28« si l’on se retranche ainsi derrière les propos d’un tiers, c’est tout simplement par honnêteté intellectuelle (rendre à César ce qui lui appartient), ou que cela constitue pour lui une manière habile parce qu’indirecte de suggérer son opinion sans avoir à s’en porter garant » (Kerbrat Orecchioni 1980, p. 115). 29S’y référer constitue un indice permettant de construire le public que les astrologues cherchent à se concilier. 30Nous désignons ainsi les énoncés antéposés, en incise ou postposés qui sont constitués d’une désignation d’un locuteur second et d’un verbe de parole. Plusieurs linguistes se sont intéressés aux valeurs sémantiques des verbes de communication (suivant la terminologie de M. Charolles), lesquels sont fréquemment, mais improprement, appelés verbes introducteurs. Il nous a paru important de ne pas considérer séparément ces verbes catégorisant le dire rapporté et le mode de désignation du locuteur second. En outre, parler de syntagme de locution permet de prendre en compte, s’il y a lieu, des modalisateurs adverbiaux ou adjectivaux qui contribuent à orienter la lecture que l’on peut faire du propos rapporté. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer : « a déclaré agressivement/ironiquement/cet imbécile » avec « a déclaré sagement tranquillement ce vieil homme ». 31C’est-à-dire que nous avons une coréférentialité signalée uniquement par la juxtaposition. 32Ducrot 1972, p. 23. 33À ce propos, on signalera la mise au point faite par S. Fuzeau-Braesch (Pour l’astrologie…, p. 201) : « L’astrologue E. Teissier par exemple fait de M. Auphan un polytechnicien : il ne l’est pas ; de même de M. Gauquelin, un membre du CNRS : il ne l’a jamais été, à son grand regret ». 34« connaissance préliminaire de la technique astrologique occidentale telle qu’elle est généralement admise aujourd’hui » (L’Astrologie, p. 5) ; « les acceptions les plus généralement admises » (L’Astrologie, p. 8) ; « Ce principe est généralement admis » (L’Astrologie, p. 20). 35« Comme pour l’ensemble des signes du zodiaque et des planètes, l’esquisse que nous brossons emprunte les traits relevés par la plupart des astrologues » (Dictionnaire de l’astrologie, p. 55). 36« l’interprétation demande certaines connaissances - un ensemble de règles établies depuis des siècles et qui constituent la "Tradition" astrologique » (Dictionnaire de l’astrologie, p. 8) ; « La tradition déclare que Jupiter à la culmination (conjonction au Milieu du Ciel) est un facteur de succès, de réussite sociale » (Connaissance de l’astrologie, p. 78) ; « Les règles de l’interprétation sont en effet d’origine traditionnelle » (Bases scientifiques de l’astrologie, p. 8) ; « La Tradition donne une classification subtile des planètes que mentionnent tous les ouvrages » (L’Astrologie : comprendre, apprendre…, p. 80). 37« La rhétorique classique […] distingue la “persuasion”, activité discursive dirigée par l’intention de faire croire ou de faire faire, et la recherche de la “conviction”, qui consiste à donner des arguments rationnels en faveur de telle ou telle conclusion » (Ducrot 1992, p. 153). 38À titre d’illustration, on signale que le premier chapitre de l’ouvrage Bases scientifiques de l’astrologie, d’A. Boudineau, s’intitule : « Rappel de quelques notions d’astronomie et de cosmographie » (p. 11-34). 39Si l’on reprend la terminologie de P. Charaudeau (1992, p. 625), on se trouverait dans le cadre du discours évoqué, dans la mesure où les traces du locuteur d’origine sont effacées : « Le discours d’origine n’apparaît plus que comme une touche évocatrice de ce qu’a dit le locuteur d’origine », ce dernier correspondant de plus à un collectif (« les astronomes »). 40Cet ouvrage, contemporain du Dictionnaire de l’astrologie, est diffusé par le même éditeur : Larousse. 41Nous parlons de reformulation masquée parce que dans ce cas, comme dans le cas d’une contruction appositive, nous constatons l’absence de marques métalinguistiques explicites, ce qui nous semble militer en faveur d’une dénégation de l’interstice différentiel. Comme le suggère, en effet, M.-F. Mortureux (1993, p. 126), le verbe être, parce qu’il supporte « des prédications mondaines aussi bien que métalinguistiques », complique « la répartition entre reformulé et reformulant, en substituant à la dépendance du second relativement au premier une apparente équivalence ». 42Par exemple : « Au cours de sa révolution annuelle sur l’écliptique, le Soleil parcourt les 12 signes du zodiaque en avançant approximativement de 1° par jour (= 360° par an). En fait, il est bien connu que c’est le déplacement réel de la Terre autour du Soleil […] Les 12 signes zodiacaux correspondent à 12 constellations d’étoiles fixes telles qu’elles ont été vues et définies dans l’Antiquité et dont elles conservent les noms […] En réalité, le point vernal se déplace » (L’Astrologie, p. 6) (Les termes soulignés le sont par nos soins). 43« Pour l’astrologie, Soleil et Lune sont qualifiés de "luminaires" et positionnés dans les Éphémérides géocentriques comme les planètes » (L’Astrologie, p. 11). 44Elle est absente du NPR, et jugée rare par le TLF qui propose malgré tout deux exemples : « la science de lire les sentiments » Villiers de l’Ile Adam, « science de vivre heureux » F. Mauriac, qui peuvent paraître archaïques, car aujourd’hui on parlera plus volontiers de l’art de vivre heureux. 45Par exemple, É. Teissier regroupe plusieurs chapitres de son ouvrage L’Astrologie, science du XXIe siècle sous le titre : « L’astrologie, mère de toutes les sciences ». 46« Astronomie semble plus ancien d’un siècle (1160) que astrologie […] En grec comme en latin, le mot concerne l’étude des astres et de leur position, tant pour des motifs d’observation que de prédiction et de divination. Le mot français correspond d’abord au contexte de la divination, qui sera investi par astrologie » (Rey et autres, 1992). 47« rencontre […] astron., astrol. Conjonction ou opposition d’astres » 48« Une telle relation est dite “extension de sens”. Elle consiste dans un effacement de sèmes spécifiques » (Martin 1983, p. 66). 49Si l’homonymie suppose l’inexistence de tout trait sémantique commun entre deux lexèmes ayant un signifiant identique (louer une voiture et louer le courage de quelqu’un), l’énantiosémie suppose l’existence d’acceptions opposées associées à un même signifiant (louer : « donner en location » et « prendre en location »). 50« Pour décrire un objet il faut décrire à la fois ses propriétés intrinsèques (désormais PI), propriétés neganthropiques, et le type de rapport que l’on entretient avec lui que nous appellerons propriétés extrinsèques (désormais ΡΕ) » (Cadiot et Nemo 1997, p. 24). 51« D’après une tradition qui s’est constituée à la suite des travaux de Ptolémée, Fludd, Alvidas et Robson, on admet que chaque étoile fixe partage la nature d’une ou de plusieurs planètes par le canal desquelles son influence s’exerce : "Ainsi, une étoile de la nature de Mars pourra signifier de grands dangers […]” » (Dictionnaire de l’astrologie, p. 108). 52« Les planètes tirent leur nom de celui des dieux du panthéon romain, lui-même hérité de celui des Grecs. Les dieux y ont forme humaine. Ils vivent sur le mont Olympe et ont chacun leur caractère, leurs attributions et leurs aventures. C’est à la mythologie grecque qu’il est fait référence » (L’Astrologie : comprendre, apprendre…, p. 37). 53Par exemple : « Sirius […] s’interprète comme un signe de renommée ». 54« le nom propre est autoréférentiel, n’a pas d’autre signifié que le nom (l’appellation) luimême » (Dubois et autres, 1994, p. 384). 55« une personne ignorant totalement les fondements de l’astronomie et connaissant bien les règles traditionnelles de l’interprétation pourrait fort bien se prétendre astrologue. P. Choisnard, pourtant de formation scientifique, affirmait que l’astrologue n’avait pas plus à s’inquiéter du système astronomique que l’artiste peintre n’avait à connaître les théories de la chimie organique » (Dictionnaire de l’astrologie, p. 85) ; « On peut très bien être astrologue sans avoir de connaissances en cosmographie » (Dictionnaire pratique d’Astrologie, p. 67). 56« Toute discipline, et à plus forte raison toute science, a besoin d’un ensemble de termes, définis rigoureusement, par lesquels elle désigne les notions qui lui sont utiles : cet ensemble de termes constitue sa terminologie » (Dubois et autres 1994, p. 481). 57Hormis les deux qui sont intégrés à notre corpus, nous signalons l’existence du Dictionnaire astrologique, élaboré par H.-J. Gouchon et publié en 1975, puis 1984 par Dervy-livres, dont la première édition date de 1940. 58Par exemple, un glossaire figure dans Astrologie : la preuve par deux et dans L’Astrologie : comprendre, apprendre… 59Par exemple, alors que les incrédules ont mis en évidence l’impossibilité de dresser le thème astral des esquimaux du fait de l’absence d’alternance quotidienne du jour et de la nuit, les astrologues répondent : « Il est alors préférable d’utiliser un autre système de domification, avec des Maisons égales. D’ailleurs, quel que soit le système de domification utilisé, nous trouverons pour ces lieux de naissance les mêmes aspects entre planètes que pour n’importe quel autre point du globe, un Ascendant et un Milieu du Ciel : facteurs principaux de l’interprétation d’un thème » (Dictionnaire pratique d’Astrologie, p. 251). 60S. Ruphy et J.-M. Huré en énumèrent quelques-uns, par exemple à propos de la thèse de l’influence de la Lune sur les comportements : « une enquête publiée dans la revue de l’Union médicale du Canada n’a pas relevé de corrélation entre le nombre de naissances et les périodes de pleines lunes. De même, dans des enquêtes s’appuyant sur les registres de police, des pompiers ou d’hôpitaux psychiatriques, aucune corrélation n’a été observée entre les phases de la Lune et le nombre de crimes, délits ou comportements psychiques anormaux ». 61« Le suffixe -logie forme des noms de sciences, d’études méthodiques, de façon de parler, de discours et de types d’ouvrages » (Rey et autres 1992). 62Laquelle décrit sa méthode : « rester le plus objectif possible, c’est-à-dire présenter partout au lecteur des faits précis » (p. 67). 63C. Aubier place la même phrase en exergue de son ouvrage (Devenir astrologue en 20 leçons, p. 3). 64« Influence n. f. est un emprunt du XIIIe (v. 1240) au latin médiéval influentia “flux provenant des astres et agissant sur l’action des hommes et des choses” » (Rey et autres 1992). 65« La domification consiste à diviser la voûte céleste en douze Maisons, à partir d’un point qui est appelé l’Ascendant, point d’intersection de l’horizon avec l’écliptique » (Dictionnaire de l’astrologie, p. 12). 66« Les aspects, c’est-à-dire les écarts angulaires entre les planètes, sont relevés avec un rapporteur » (Dictionnaire de l’astrologie, p. 13). 67« Un ordinateur ne peut pas être intuitif. Les textes qui en sortent ne sont que le résultat d’une programmation intelligente certes, mais fonctionnant de façon tout à fait mécanique. Il y a donc un “codage” possible des coordonnées natales aboutissant à un texte qui ne semble pas, à première vue, être le résultat d’un hasard » (Astrologie : la preuve par deux, p. 13). 68« Il est certain que l’Astrologie ne prétend pas être une science achevée qui est synonyme de science morte. C’est une science en marche, en plein devenir, enrichie et enrichissable asymptotiquement, en fonction des découvertes présentes et à venir » (L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 336). 69« Heureusement, et c’est un point capital, il y a les statistiques qui sont favorables à l’astrologie d’une façon à la fois péremptoire et éclatante » (L’Astrologie, science du XXIe siècle, p. 99) ; « L’astro-statistique dispose d’un bilan insuffisant pour une théorie scientifique de l’astrologie, mais indéniable pour l’affirmation d’une relation physique et naturelle entre le ciel et les hommes » (J.-P. Nicola, cité par Fuzeau-Braesch, Pour l’astrologie…, p. 202) ; « Ne craignons pas de dire que le bilan statistique général de Michel Gauquelin, et de Françoise son épouse collaboratrice, constitue un événement capital, qui contribue d’une façon définitive à la démonstration et à l’édification de l’astrologie ! » (Connaissance de l’astrologie, p. 99) ; « Il devient donc évident que les statistiques permettent de dégager et de confirmer l’existence de “tempéraments” planétaires correspondant aux planètes dominantes du thème astral, et au symbolisme classique des planètes » (Dictionnaire pratique d’Astrologie, p. 224). Notes de fin *Ce chapitre a été rédigé par Fabienne Cusin-Berche, maître de conférences, université Paris XI.

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