Site de l'Association La Vie Astrologique (ex Mouvement Astrologique Universitaire). 8, rue de la Providence. 75013 Paris/ Une approche historico-critique de la littérature astrologique.
Faculté Libre d'Astrologie de Paris (FLAP)
Le but de ce blog est lié à la création en 1975 du Mouvement Astrologique Universitaire (MAU) . Il sera donc question des passerelles entre Astrologie et Université mais aussi des tentatives de constituer des enseignements astrologiques.
Constatant les lacunes des astrologues dans le domaine des
sciences sociales (hommes et femmes, structures
nationales et supranationales etc), la FLAP assurera à ses
étudiants des connaissances de première main et les plus
récentes qui leur serviront de socle pour appréhender
l'astrologie et en repenser les contours.
.
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vendredi 5 août 2022
Patrice Guinard Penser l'astrologie
Astrologie : Le Manifeste 1/2
Un Nouveau modèle pour un ancien Savoir
Qu'est-ce que l'astrologie ?
par Patrice Guinard
1. Penser l'Astrologie
2. Quelle Raison pour l'Astrologie ?
3. La Science face à l'Astrologie
4. Le Ternaire de la Connaissance
5. Un Modèle Structural de l'Astrologie
6. Matrice Astrale et Raison Matricielle
Le Manifeste 2/2 : Qui a peur de l'astrologie ?
Lorsque j'ai proposé après mon DEA de philosophie, dès 1984, un premier projet de thèse à un professeur d'une université de Bordeaux, il aurait fallu que je présente l'astrologie "dans son ensemble" (puisqu'elle n'est pas censée être connue du lecteur académique), avant de la comparer à divers systèmes philosophiques classiques : comme s'il existait UNE astrologie, comme s'il n'y avait pas autant de diversité en ce domaine qu'il y en a dans ce mode de penser occidental qu'on appelle la philosophie. Tâche irréalisable qui m'a conduit à éconduire un directeur de thèse dont on m'avait loué "l'ouverture tolérante à des savoirs marginaux". Ainsi l'absence de connaissance préalable concernant ce savoir, légitimée par son éradication de la culture européenne, aurait dû motiver une approche comparative spécieuse entre des philosophies ancrées dans notre mémoire culturelle et un ersatz d'astrologie auquel on n'octroie, généreusement, le droit de comparaître que sous la forme d'un amalgame bâtardisé.
Une ébauche de ce texte existe dans ma thèse en Sorbonne (1993), dont les chapitres 1, 44, 45 et 63 ont été réécrits. Une nouvelle version est parue sous forme de 9 articles dans le magazine parisien "L'Astrologue" (n°113-118, 1996-1997 et n°126-128, 1999). La version Internet, considérablement remaniée, date de 1999. Sa traduction espagnole est parue dans le magazine "Mercurio-3" de Jaume Martín (2000-2001). Sa traduction anglaise a été publiée à New York dans le magazine "Considerations" de Ken Gillman (2001-2002). On cherche ici à comprendre pourquoi l'astrologie est mise à l'écart de la pensée moderne (Qu'est-ce que l'astrologie?) et comment fonctionne ce rejet dans l'intelligentsia, notamment universitaire (Qui a peur de l'astrologie?).
1. PENSER L'ASTROLOGIE
"Quant aux philosophes, l'astrologie est leur affaire." (Paul Valéry : Cahiers)
L'astrologie n'est pas née de la seule observation des astres, mais aussi de l'étonnement de l'ego devant la diversité humaine et devant le sentiment de son altérité : pourquoi suis-je ainsi, et non pas tel que cet autre ? La conscience astrologique ne procède pas d'un double constat qui serait celui de l'observation extérieure et celui de l'introspection, mais d'une expérience au sens large, extérieure-intérieure, psychique et cognitive : c'est dans un même mouvement que je comprends mon être, autrui, le monde extérieur, et leurs racines astrales communes. On ne vient à l'astrologie que par un saisissement, assez proche d'une révélation de nature spirituelle, puis par un assentiment, intuitif et intellectuel, à la participation de chaque être à l'ordre cosmique et à la plénitude de l'univers.
On n'apprend pas l'astrologie : on la reçoit soudainement, non seulement par la découverte de textes et de pratiques marginalisés par un savoir institutionnalisé qui ne répond pas à ses aspirations, mais surtout parce que l'on a vécu à une époque où la conscience cherche à se connaître elle-même, généralement à l'âge de l'adolescence, une métamorphose de sa compréhension du monde et de soi-même. En revanche on apprend à ne pas "croire" à l'astrologie, mais à considérer ce savoir millénaire de l'humain, eu égard à la totalité de son expérience existentielle, et à répudier les discours superstitieux et les techniques contrefaites qui s'en réclament. L'astrologie n'est pas affaire de croyance mentale, ni de vérification expérimentale, mais d'adhésion psychique : il existe une réalité qui nous affecte et dont ne rendent pas compte les systèmes de représentation environnants.
Penser l'astrologie, c'est chercher à définir son statut, à déterminer ses fondements, ses structures opératives et ses niveaux d'articulation, à circonscrire ses limites et ses champs d'application, à élucider ses perspectives anthropologiques. L'astrologie se distingue de l'ensemble des discours religieux, philosophiques et idéologiques, par sa pérennité, par son ubiquité, par sa capacité à persister et à se régénérer en dépit des normes et des modes culturelles. Traversant les âges et les civilisations, elle renouvelle incessamment ses habits conceptuels, empruntant aux milieux culturels le nécessaire pour sa perpétuation. [1] Malgré la cécité spirituelle et la tumescence mentale actuelles, son objet reste le même : la relation structurante de l'environnement géo-solaire à la psychè.
La conscience est immergée dans une multitude d'idées, d'images, de souvenirs, d'informations - et de désinformation - issus du monde extérieur ou générés par sa propre inquiétude. Le mental est lui-même un champ de forces aux orientations divergentes, d'irruptions et d'agitation incessante. Comment ordonner ce chaos que reflète le tohu-bohu environnant ? Les systèmes philosophiques recherchent l'unification dans l'affirmation d'une perspective ou d'une orientation particulière de la conscience. C'est pourquoi ils sont si dissemblables et caractérisent le plus souvent, comme l'a souligné Nietzsche, le tempérament de leurs créateurs. La science qui a envahi le terrain d'une spéculation métaphysique devenue moribonde, présente, non pas une véritable perspective unifiée du réel, mais des instruments d'analyse du monde extérieur, par la fragmentation des objets, la mesure, et l'expérimentation des phénomènes. Elle a substitué son objectivité désorientée à la subjectivité ordonnée des philosophies.
L'astrologie admet logiquement trois postulats :
- 1. Le monde des faits, du concret, des choses, de "l'expérience", comme celui des lois, des mots, des représentations mentales, n'apparaissent à la conscience que grâce à la présence d'un premier monde, psychique, interne, qui les reçoit et les modèle. Les idées de l'esprit ne naissent qu'en raison de l'appréhension du monde extérieur par une intériorité qualifiée. Les états psychiques priment les choses et les mots.
- 2. Ce monde intérieur est en perpétuelle mouvance, en innervation continue par les cycles planétaires. C'est pourquoi je le nomme psychique-astral, comme j'appelle impressional (l'impressio de Paracelse) la marque de cette imprégnation psychique par les opérateurs astraux.
- 3. Les impressionaux se différencient à travers des structures. Cette structuration de la psychè, individuelle et collective, s'effectue à travers quatre milieux conditionnels : énergétiquement par les Forces planétaires, spatialement par les Maisons, temporellement par les Cycles planétaires, structurellement par les Signes zodiacaux.
L'intégration organique des rythmes planétaires, au niveau du système nerveux ou du code génétique, hypothèse de base de la réalité astrale, nécessite donc une catégorie d'étants - les impressionaux ou impressions astrales - qui désignent le rapport de l'astral à la conscience. Tout ce qu'on peut dire d'une impression astrale, c'est qu'elle laisse une trace fugitive dans la conscience, un coloris psychique évanescent. A ces impressionaux, directement et intérieurement expérimentés par la conscience, mais invérifiables, impondérables, trop ténus pour être exploités par les machineries de la pensée logico-expérimentale, sont assignés des formes archétypales [2] , symboliques ou mythiques, qui résorbent le déséquilibre psycho-mental provoqué par l'impossibilité à en fixer les caractéristiques. Le symbole a pour fonction de qualifier ces entités liminales, réfractaires à toute tentative de détermination, et de suppléer l'inaptitude de la raison à rendre compte du réel dans son intégralité. On ne parlera pas d'influence (terme qui a une connotation physique et qui contient l'idée d'une sorte d'action d'origine extérieure), mais d'incidence, c'est-à-dire d'une intégration intérieure, psychique, de provenance astrale.
Le signal astronomique est ressenti comme impressional, et exprimé comme symbole. L'astral (les impressionaux) relève du psychique, l'astrologique (les symboles et les structures opératives) du mental. L'astral désigne ce qui est ressenti, vécu, "imprimé" dans la psychè, perçu fugitivement, "imperçu" ; l'astrologique ce qui est structuré, conceptualisé, modélisé. Cette distinction est au coeur du débat relatif à la nature et aux conséquences pratiques du savoir astrologique.
Présumée irrationnelle, imaginaire ou improbable, parce qu'inaccessible aux instruments d'observation et inanalysable par les lois de la causalité, l'astrologie, science de l'impondérable, connaissance de l'évanescent, savoir de l'imperceptible, ne relève pas du physique ou du mental, mais de leur souche commune qui est "derrière nos yeux" (Paracelse), ni d'un au-delà, mais d'un en-deçà, intime, propre, proche de nous-mêmes et pourtant si étrange.
Au début du XVIè siècle l'astrologie et l'astronomie sont encore tributaires des principes de rationalisation proposés par Ptolémée. En 1543, Copernic réoriente la perspective astronomique de ses contemporains (malheureusement ses recommandations économiques n'ont pas connu la même postérité). Une véritable "révolution astrologique" s'est produite simultanément avec la rédaction, cinq ans avant la publication du traité de Copernic, de l'Astronomia magna de Paracelse, mais elle est passée inaperçue. Décédé deux ans avant son aîné, Philippus Bombastus a été l'instigateur de ce renouveau, en développant la doctrine du ciel ou du firmament intérieur, visuel et non visible, de l'astre intérieur [3] , des mythes intérieurs en chacun, et de l'impressio, produite en chacun par les influx planétaires, marque intériorisée de la présence des astres, et non plus signe ou cause d'une extériorité visible et factuelle. A l'instar de Copernic pour l'héliocentrisme, Paracelse n'a pas inventé son modèle mais l'a retrouvé. Il n'est pas improbable que les premiers intellectuels du christianisme se soient particulièrement acharnés à faire disparaître les écrits païens, pythagoriciens et hermétiques significatifs, qui n'ont laissé que quelques traces altérées dans les Adversus composés par les Pères de l'Église. Et tout comme pour l'héliocentrisme copernicien, la conception astrologique paracelsienne ne s'est pas entièrement dégagée d'anciens enracinements (les orbites circulaires des planètes chez Copernic, l'astrologie médicale chez Paracelse). Difficile de s'affranchir de modèles vieux de près de deux millénaires !
L'astrologie a pour fonction de déterminer les lois structurelles de l'intériorité. Dans son application pratique "horoscopique", elle est un outil de compréhension du vécu : comparable au Yi King, elle ponctue l'expérience de la conscience. Elle n'a pas de conséquence prévisionnelle ou divinatoire immédiate, d'abord parce que le praticien n'est pas en mesure d'évaluer avec sûreté le poids des facteurs extra-astrologiques (biologiques, socio-culturels, familiaux, professionnels, climatiques...), mais surtout parce que l'incidence astrale n'opère pas au niveau du factuel, de l'événementiel, du concret existentiel, mais de leur avènement intérieur. Elle agit sur le rapport de ce qui est ressenti à ce qui se manifeste. C'est pourquoi l'interprétation psycho-mentale et l'explication physiologique ne suffisent pas à rendre compte de sa nature. La notion d'impressional libère l'astrologie de son asservissement à une psychologie extérieure, qu'elle soit psychanalytique, behavioriste, phénoménologique, gestaltiste, existentialiste ou même réflexologique. Il est temps pour l'astrologie de forger ses propres concepts.
2. QUELLE RAISON POUR L'ASTROLOGIE ?
"Vienne un temps d'arrêt dans le ronron de votre philosophie,
un croc-en-jambe du sort (...) et la voici, la grande Question (...)
Voici l'éternelle Astrologie, à quoi beaucoup de sagesse vous ramène
- si un peu de science vous en éloigne." (Léon-Paul Fargue : Les quat' saisons)
La technolâtrie moderne ne favorise plus la contemplation du ciel étoilé, laquelle animait encore les soirées solitaires de Kant, mais plutôt une sorte d'envoûtement, d'hébétement, d'agitation convulsive, devant la retransmission d'un match ou d'une émission télévisée. Assurément ce n'est plus le même "spectacle", ni surtout le même regard : le filtrage de notre perception du réel implique un dessaisissement de notre relation naturelle au monde. Une membrane préservative nous sépare des choses. La médiatisation de notre rapport au réel, conjuguée à la spécialisation de notre activité, engendre une uniformité de vues massive, d'autant plus obtuse qu'elle s'enracine dans des besoins artificiels. Nous ne sommes plus saisis par la réalité psychique et physique, mais obnubilés par nos techniques de substitution. Comment cette perte de contact et cette désensibilisation pourraient-elles rester sans effet sur la justesse de nos représentations mentales?
On peut admettre avec Kant au moins trois acceptions à l'idée de vérité, selon qu'elle s'applique au langage et au discours, aux objets de l'expérience sensible, ou aux capacités de l'esprit.
La vérité formelle, condition préalable et nécessaire de toute vérité, consiste dans l'accord de la connaissance avec elle-même, c'est-à-dire dans l'organisation logique du discours et dans l'agencement cohérent et non contradictoire des concepts et des propositions [4]
La vérité expérimentale, ou matérielle, relative au contenu de la connaissance, aux faits et aux constatations empiriques, dont le critère de validité est la vérification, suppose la possibilité pour les concepts de l'entendement de désigner et de décrire le réel sensible, et par suite une adéquation de la pensée à la chose pensée.
La vérité transcendantale, inventée par Kant et susceptible selon lui de sauver la métaphysique, ne concerne pas les objets de connaissance, mais la pensée dans sa capacité à connaître le réel, et suppose que l'entendement humain recèle une faculté d'émettre des jugements "purs", des "jugements synthétiques a priori".
La raison pure contiendrait en elle-même les principes garantissant la rectitude des idées. Le rationalisme idéaliste kantien présuppose un entendement illusoirement libre de tout enracinement interne et de toute contrainte externe, proche en cela du sens commun, du "bon sens" cartésien, c'est-à-dire de cette faculté innée de l'esprit à distinguer le vrai du faux. Or si la raison garantit la justesse et la cohérence des représentations mentales, c'est qu'il existe nécessairement une intelligibilité immanente au réel, un ordre implicite de la totalité, un fond indéterminé mais lumineux, antérieur à la transparence des représentations verbales comme à l'opacité des manifestations sensibles.
Friedrich Jacobi a développé l'idée selon laquelle aucune expérience cognitive n'est vraiment indépendante de l'"instinct primordial" (Grundtrieb) propre à chacun. La connaissance ne peut être déracinée de son soubassement vital. Pour Nietzsche, une force instinctive indéfinie se manifeste à travers l'activité de l'esprit : la raison à tout prix apparaît comme une puissance qui ronge la vie. Dans son usage commun, la raison se manifeste par un mélange d'évidences et d'opinions qui apparaissent comme "raisonnables" au sein d'une communauté, par un ramassis d'idées reçues et d'habitudes de pensée qui renvoient à des pratiques normalisées, par des jugements de valeur calqués sur ce qui est socialement et culturellement admis, par la croyance en une conformité de surface entre les représentations verbales et le réel appréhendé. Autrement dit : la raison est comme "un cheval courant vers son écurie" [5]
Pour Johann Hamann, contemporain de Kant, il n'est de raison qu'ancrée dans des "passions" et des pratiques individuelles, dans des intérêts, subordonnée aux valeurs d'un milieu socio-culturel, et asservie aux structures du langage. Un siècle plus tard, Wilhelm Dilthey développe cette critique de la raison kantienne et montre que la connaissance dépend des données psychiques et de la diversité des dispositions psychologiques.
Platon avait déjà attiré l'attention sur les effets pervers de la rhétorique des Sophistes, sur la cohésion artificielle d'une argumentation qui se contente de développer des opinions de "philodoxe", et sur les débats oiseux qui mobilisent les habitants de "la Caverne". C'est pourquoi le mythos a sa place dans la philosophie platonicienne, comme chez Hérodote, une place qu'il partage avec un logos antérieur à toute démonstration de "vraisemblance" [6] , non parce que l'histoire et la philosophie ne peuvent se libérer du mythe, mais parce que le mythe est nécessaire à l'édification de la pensée, parce qu'il n'est pas d'accomplissement sans préservation des modèles primordiaux, parce que le mythe était déjà une forme évoluée de philosophie et d'histoire.
Depuis Aristote, on brocarde communément les représentations mythiques, supposées issues d'une humanité infantile ou archaïque, au nom d'une pensée raisonneuse et bavarde - c'est encore l'attitude de Hegel et des positivistes de la fin du XIXè siècle - , comme si elles ne relevaient pas d'une cohérence ordonnée, qui laisse parfois loin derrière les constructions bancales de la pensée moderne. On croit communément que les représentations mythiques ne sont que des balbutiements de la pensée : au contraire, c'est à la suite de longues périodes stériles de débats et d'explications, que l'esprit humain, las de "donner des raisons", a forgé la pensée mythique.
L'astrologie, qui s'est développée en tant que conception philosophique au sein de l'univers stoïcien et peut-être déjà chez les premiers pythagoriciens, était l'héritière du logos comme du mythos. Son objet n'a jamais été les significations particulières des opérateurs et des figures astrologiques, mais la recherche, à travers ces significations, de leurs structures sous-jacentes et de leurs formes archétypales, psychiques-astrales, directement et intérieurement expérimentées par la conscience. Les contenus spécifiques dérivent de la charpente qui les engendre, les harmonise et leur donne un sens. C'est pourquoi il n'y a pas de typologies en astrologie, mais des archétypologies. Ces structures opératives, inscrites dans la psychè et animées par la périodicité des cycles planétaires, rendent possible la formation d'idées "transcendantales" et font naître des représentations idéelles, symboliques et mythiques, généralement refoulées par une raison qui ne s'organise qu'à la surface du discours.
Luigi Aurigemma observe la permanence transhistorique du symbole astrologique : les variations symboliques "semblent s'organiser autour d'un noyau de significations dont le degré de permanence apparaît très élevé. Assez élevé même pour que nous en venions à nous demander si, au-dessous de ces tonalités et colorations historiques, nous ne risquons de rencontrer, à ce niveau de la vie du symbole, la figuration de quelque expérience collective endopsychique aussi bien que concrète indéfiniment renouvelée, et de ce fait chargée d'une énorme affectivité, d'une densité, d'un degré de réalité capables de lui donner une telle permanence à la limite du métahistorique." [7] Ernst Cassirer définit le lien qui unit le symbole à son origine endopsychique par la notion de prégnance symbolique : "C'est au contraire la perception elle-même qui doit à sa propre organisation immanente une sorte d'"articulation" spirituelle et qui, prise dans sa texture intérieure, appartient aussi à une texture déterminée de sens." [8]
La pensée astrologique ne se détourne pas de la raison au nom d'un "irrationnel" nébuleux, tirant parti d'un environnement propice (crise de la conscience moderne, sentiment complaisant d'absurdité...), mais préconise d'aller au bout de la raison, d'accéder à une rationalité plus ample, de déplacer le point d'assemblage (Castaneda) de l'esprit, lequel détermine ce que nous percevons et sommes amenés à connaître et reconnaître au sein du réel. "L'homme a abandonné la connaissance silencieuse pour le monde de la raison (...) Plus il s'accroche au monde de la raison, plus l'intention devient éphémère." [9] L'intention est cette disposition psychique qui met l'esprit humain en contact direct avec le réel dans sa totalité. La "petite raison", qui obstrue cette liaison, est une attitude défensive de l'esprit humain, la position la plus retranchée et la plus stérile du point d'assemblage. Elle n'est qu'une béquille pour la pensée : "La pensée ne commence que lorsque nous avons éprouvé que la raison, tant magnifiée depuis des siècles, est l'adversaire le plus opiniâtre de la pensée." [10] Heidegger souligne l'importance de veiller "à ce que le message silencieux de la parole concernant l'Être l'emporte sur l'appel bruyant du principium rationis en tant que principe de toute représentation." [11] Car "l'homme d'aujourd'hui court le danger de ne plus mesurer la grandeur de ce qui est grand, si ce n'est à la mesure de la domination du principium rationis." [12]
L'astrologie ne saurait être toisée à l'aune des expérimentations et des modèles scientifiques actuels, ni arraisonnée (Heidegger) aux critères de la scientificité : elle génère un autre type de rationalité qui se rapporte aux états psychiques, non à des objets physiques ou idéaux. Elle oeuvre par ensembles, non par éléments ; elle appréhende le réel dans sa globalité et à travers les opérateurs psychiques-astraux, par une approche transversale, et non horizontale. Elle relève d'un paradigme organiciste, et non mécaniste. Elle possède sa logique, ses exigences et ses méthodes propres, qu'on aurait tort de qualifier d'intuitives avant d'y regarder de plus près. Elle possède son langage, un "proto-langage", qui rend compte d'un "phénomène" dans sa totalité et sous ses diverses facettes, tel qu'il apparaît à la conscience. Elle développe un mode de raisonnement propre, la raison matricielle, qui n'est pas assimilable à la raison expérimentale de la science, ni à la raison discursive des philosophes.
La science subsume tout phénomène sous une même perspective ; l'astrologie coordonne diverses perspectives tout en préservant la spécificité de chacune et les conjugue à partir des dispositions archétypales de l'esprit, ce qui implique une intériorisation du phénomène appréhendé. Et précisément parce qu'elle génère un mode de rationalité plus englobant (Karl Jaspers) que le mode scientifique, l'astrologie est décriée par les allégations scientistes. Ernst Jünger note que la science "se laisse ranger sans difficulté et sans rien perdre de sa dignité dans le système astrologique, mais non l'inverse." [13] En effet, le Saturne des astrologues est un opérateur symbolique qui rend compte de la démarche scientifique dans son ensemble.
L'astrologie est véritablement cette psychologie ou "phénoménologie transcendantale" annoncée et formalisée par Husserl : "Dans la mesure où la science de l'esprit, en tant que science omni-englobante du monde de l'esprit, possède comme thème toutes les personnes, toutes les sortes de personnes et de prestations personnelles, toutes les sortes de configurations personnelles, qui s'appellent ici des configurations culturelles, elle englobe aussi par conséquent la science de la nature et la nature au sens d'une telle science, la nature en tant que réalité." [14]
3. LA SCIENCE FACE À L'ASTROLOGIE
"Tout le monde finira par ressembler à tout le monde ! (...) une race de savants et de mathématiciens,
tous destinés à et tous travaillant pour la plus grande gloire de la super-civilisation."
(Edward Albee, Qui a peur de Virginia Woolf ?)
Le matérialisme moderne est cet état d'esprit engendré par l'hypertrophie du mental, par la présence envahissante de la technique mécanisée, par l'obsession à appréhender le réel par la faîtière de la "petite raison", et par le rétrécissement conséquent de notre horizon existentiel et émotionnel. Dans la technopole moderne, il est devenu désuet de formuler des jugements synthétiques (Kant), a priori ou même a posteriori. Ce qui n'est pas "scientifique" n'est pas connaissance, mais littérature. La raison expérimentale qui règne en maître absolu, ne cherche pas à comprendre ce qui est, mais à décrire et expliquer ce qui fonctionne. Le faire scientifique est un savoir rehaussé d'un pouvoir. Il ne répond pas au pourquoi, mais au comment. Il évacue les questions métaphysiques décisives qui ont perdu toute signification dans le contexte de sa démarche. Les technosciences n'explorent pas les fondements et les principes de leur réalité. Elles ne répondent pas même aux interrogations soulevées par leurs propres résultats, comme la question des constantes physiques (vitesse de la lumière, charge de l'électron, constante de gravitation...) [15] D'un point de vue métaphysique : "Le savoir scientifique de la nature ne donne (...) aucune connaissance effectivement éclairante de la nature, aucune connaissance ultime." [16]
Le jugement est asservi aux données et aux résultats de techniques empiriques : "De simples sciences de faits forment une simple humanité de fait." [17] La connaissance scientifique n'est pas seulement charriée par les "faits", elle l'est surtout par ses instruments de mesure et ses dispositifs expérimentaux. L'observation, l'expérience et la théorie ont partie liée avec les moyens de l'expérimentation. La démarche instrumentale naît au début du XVIIè siècle : "Avant 1590, le parc instrumental des sciences physiques se limitait aux appareils d'observation astronomique. Dans la centaine d'années qui suit, on constate l'introduction et l'usage du télescope, du microscope, du thermomètre, du baromètre, de la pompe à air, du détecteur de charge électrique et de quantité d'autres dispositifs expérimentaux. (...) En moins d'un siècle, la science physique devient instrumentale." [18] Cette révolution technologique conduit à la fabrication d'objets calculés, mesurés, et contrôlés par des appareillages dont on ignore la réalité sous-jacente. C'est l'analyse du fonctionnement de la machine à vapeur qui conduit Sadi Carnot à la formulation du deuxième principe de la thermodynamique. C'est l'utilisation de la lunette d'approche qui conduit Galilée à la découverte des satellites de Jupiter. Il ne suffisait pas de regarder à travers la lunette : il fallait surtout apprendre à ajuster son regard à la lunette. Comme l'énonce Bachelard, "les instruments ne sont que des théories matérialisées." [19] L'exercice technico-scientifique codifie des opérations instrumentales. Max Horkheimer souligne les dangers de l'instrumentalisation de la raison au sein de la culture techno-logique et technocratique : l'utilisation des moyens techniques en vue d'une efficacité maximale au détriment des fins, la réduction de l'action humaine au travail planifié, et l'extension illimitée du pouvoir technique sur les choses et sur des individus chosifiés [20]
Au XXè siècle, la physique mécaniste est devenue probabiliste. L'expérience s'attache à ratifier une probabilité de masse. En opérant sur du quantitatif, non sur du qualitatif, elle présuppose la comparabilité des phénomènes. Dans ses applications, le critère utilitariste évince le dessein cognitif. Les théories sont sélectionnées d'après leur efficacité, leur performance, ou leur retentissement technologique. Toute aporie susceptible de déboucher sur une connaissance transcendante à des pratiques normalisées est éliminée. [21] Thomas Kuhn montre l'incommensurabilité des théories scientifiques à travers les siècles, et leur concurrence pendant les périodes de "crise" précédant l'avènement d'un nouveau "paradigme". Il décrit "le développement scientifique comme une succession de périodes traditionalistes, ponctuées par des ruptures non cumulatives." [22]
L'idéologie scientiste revendique le monopole de la connaissance comme de l'objectivité impersonnelle. En fait l'objectivité scientifique, cette subjectivité des scientifiques, résulte de l'acceptation de méthodes, de pratiques, et de théories cautionnées par une communauté d'experts autorisés. La recherche scientifique s'appuie sur une praxis socio-culturelle institutionnalisée et sur un consensus idéologique qu'elle influence. Elle s'inscrit dans un système de valeurs et de croyances collectives : hier la théorie de l'éther, aujourd'hui celle du Big Bang, ou encore la pratique de la saignée, aujourd'hui celles de l'ablation et de la vaccination. De ce point de vue, la rationalité scientifique n'est pas plus "objective" que la cosmologie sumérienne, ou que la mythologie bantoue. Comme toute connaissance, elle est en partie une "fiction", une présomption de l'esprit humain, un artefact de la conscience.
De son côté, la pensée rationaliste rejette toute proposition non "démontrée" d'après ses critères, selon le présupposé qu'un énoncé doit renvoyer à une réalité tangible et mesurable, déracinée des impressions qui sont à l'origine du jugement. Or cette réalité qui sert de référent, n'est qu'une supposition (Guillaume d'Ockham), un schéma simplifié de l'expérience vécue. Ainsi l'on prive la conscience de voir, et l'intellect de penser, ce qui vaut la peine d'être vu et pensé. Chacun est ferré par les pratiques technico-analytiques sur un fragment de réel, extirpé des réalités qui lui sont liées. L'avènement de la science moderne mène à un relativisme qui obscurcit toute intention métaphysique. L'essentiel disparaît progressivement des préoccupations de la conscience. La neutralisation du corps et de l'esprit, et surtout la "décivilisation de l'âme" (Robert Musil) accroissent le sectarisme des contestations et des réhabilitations partielles. Dans les fabriques modernes du savoir, l'organisation de la recherche impose un morcellement excessif des capacités : on accrédite le médiocre ou l'insignifiant, réalisé avec plus ou moins de dextérité, on impose une technicité ultra-performante au service de travaux dérisoires. Obscurantisme pointilleux qui nous éloigne toujours plus de nous-mêmes. [23]
La science contribue à modeler l'environnement socio-économique par ses productions technologiques. [24] Sa conception du réel n'est pas la plus légitime ou la plus féconde, mais celle qui est ancrée dans nos modes de vie et de perception. Et que sont ces modes de vie ? Surgit ici l'étonnante contradiction de la mentalité moderne : d'une part on affirme la justesse de nos représentations mentales et la nécessité du maintien exclusif des critères scientifiques, au détriment des autres formes de connaissance, car ces critères seraient les seuls à garantir la justesse de leurs résultats et à satisfaire aux exigences de la raison moderne; d'autre part on concède volontiers que la civilisation, malgré tous ses bienfaits technologiques, est un fiasco sur le plan humain : habitat intolérable des métropoles industrialisées, prolifération du suicide des jeunes et des moins jeunes, dégradation des moeurs, déliquescence des composantes éthique et affective de la conscience, disparition de toute convivialité dans les échanges interindividuels, destruction lente et inexorable des écosystèmes - qui ne sont que les manifestations visibles du seul "événement" de l'histoire contemporaine : la destruction intérieure de l'homme. Il y aurait donc à la fois compétence intellectuelle et impuissance politique : le monde serait pensé par des phénix, mais gouverné par des incapables. Bien évidemment nos productions matérielles et nos représentations mentales infléchissent nos conditions d'existence. La modernité n'obtient que le monde qu'elle entretient.
La science apparaît comme une activité, un savoir fonctionnel, qui crée des objets, des accélérateurs de particules, des ordinateurs, des produits alimentaires... Par ailleurs cette activité est soutenue par des institutions mises en place pour la faire fonctionner. Par sa dimension idéologique, la science est devenue ce que la religion et la morale chrétienne, au siècle de Marx, paraissaient encore être : l'opium du peuple. La critique des sciences positives et de la technologie moderne, formulée selon des points de vue divers par Ernst Mach, Edmund Husserl, Heidegger, Bohr, Habermas, Kuhn, Feyerabend et bien d'autres, ne signifie pas leur condamnation, mais la mise en évidence de leurs limites et de leurs abus : objectivité relative de la rationalité scientifique, ingérence dans des domaines où elle ne peut s'appliquer, production intrinsèque d'une idéologie, dite scientiste, qui entrave le déploiement d'autres formes de savoir. La critique ne vise donc pas la science en tant que théorie de la nature, mais à travers ses applications technologiques abusives et son monopole idéologique de la connaissance.
4. LE TERNAIRE DE LA CONNAISSANCE
"Le Tout est présent aux lieux de toute vraie naissance, de tout éveil. (...) Or "comprendre" n'est pas qu'embrasser et réunifier la multiplicité
mais fonder l'acte de connaissance sur un sol vécu comme archaïque et originel : moins en fonction d'une antériorité historique réellement mise à jour
que par le rapport, lui-même archaïque, que chaque âme entretient avec les strates oubliées de sa psyché consciente ou inconsciente." (Françoise Bonardel : L'hermétisme)
L'astrologie existe, non parce qu'on rencontre encore des partisans de pratiques horoscopiques, mais parce que la connaissance astrale est une forme particulière du savoir, issue de la tridimensionnalité du réel et de la diversité irréductible des dispositions cognitives de l'esprit humain.
En effet le réel apparaît à la conscience selon trois modalités distinctes : en tant qu'objet, en tant que signe, en tant qu'état, autrement dit comme entité physique, mentale ou psychique. On peut en inférer qu'il existe, relativement à ce découpage, trois espaces majeurs au développement de la connaissance et trois types de "sciences" qui les couvrent : les sciences des objets, empirico-analytiques (les sciences bio-chimico-physiques), lesquelles observent, mesurent, expérimentent et modélisent les phénomènes matériels, les sciences des signes, historico-herméneutiques (dites "sociales" ou "humaines"), lesquelles relèvent du regroupement des témoignages et de l'interprétation de l'activité culturelle, et les sciences des états, psycho-synthétiques (l'astrologie et les disciplines connexes), lesquelles appréhendent le réel à travers la totalité de l'être psychique [1b]
A chacun de ces types de "science" correspond une forme d'organisation archétypale, de structure idéelle, élaborée ou dévoilée selon 3 phases successives : une phase d'observation, une phase de formalisation, une phase de transformation.
1. Le CRISTAL, ou structure empirico-analytique, est la forme idéale des relations entre objets, qu'ils soient "naturels" (cas des sciences physiques) ou abstraits, idéaux (les nombres, figures, fonctions et ensembles des mathématiques). "A ce règne de l'objet, comme mode de la présence, correspond la science, pour autant que, de son côté, comme théorie, elle provoque le réel, visant spécialement son objectité." [2b] Trois phases caractérisent la démarche scientifique :
- l'observation empirique et l'enregistrement des faits.
- l'élaboration, par induction, de lois qui établissent les modalités de variation de la diversité objectale et s'organisent au sein de théories.
- l'expérimentation et la transformation de l'objet en vue d'établir de nouvelles connexions. Elles permettent de renouveler le processus d'observation et de redéfinir précisément ce qui doit être considéré comme "fait".
L'ensemble de ces processus tend à expliquer le fonctionnement de la réalité objectale, et à maîtriser et transformer l'objet en tant que résistance au mental. Ainsi le réel scientifique se construit à travers la médiation de l'esprit. L'expérimentation et l'observation elles-mêmes résultent d'agencements instrumentaux et de dispositions mentales spécifiques. Les lois de la physique résultent du regard porté par l'expérimentateur sur le réel appréhendé. Heisenberg a souligné que le "phénomène" résulte d'une interaction entre l'objet expérimenté, le dispositif de mesure, et l'expérimentateur. C'est la théorie qui détermine ce qui doit être observé [3b] Selon Bachelard, la science naît précisément de la rupture avec la perception commune, et se construit "contre la Nature". Supposée de création récente (post-keplérienne et post-newtonienne) et de nature "matérialiste", elle a pour objet privilégié le règne minéral [4b] C'est pourquoi le Cristal est toujours en voie d'élaboration, tourné vers le futur, impliqué dans un processus illimité de construction et de reconstruction du réel.
2. Le CODE, ou structure historico-herméneutique (linguistique, sémiologique, socio-historique), est la forme idéale des relations entre signes au sein d'un complexe socio-culturel donné. Ferdinand de Saussure a défini la langue comme un système de signes, un produit social, un code relativement indépendant des manifestations individuelles de la "parole". L'unité linguistique n'a pas de réalité indépendamment de ses relations au tout : elle se définit à la fois par la place qu'elle occupe au sein du réseau de relations qui constituent la langue, et par ce en quoi elle diffère positivement d'autres unités comparables. [5b] Trois phases caractérisent la démarche culturologique:
- la collecte et l'enregistrement du matériau accessible (données linguistiques, archives et documents historiques, témoignages sociologiques et ethnologiques, informations culturelles diverses).
- la caractérisation des éléments recueillis et leur comparaison à travers leurs différences significatives.
- la réorganisation des éléments à travers leurs fonctions respectives, et l'interprétation des documents en rapport avec cette réorganisation.
Cette démarche ne cherche pas à expliquer un phénomène, mais à décrire et interpréter des données, autrement dit à élucider le sens des divers produits d'une culture en fonction des modèles interprétatifs qui auront été élaborés. Le Code est extrait du passé, identifié à travers ses formes re-connues, ouvert à toute nouvelle tentative de formalisation et à toute information susceptible de le modifier.
3. La MATRICE, ou structure psycho-synthétique (astrologique), est la forme idéale des relations entre états. Elle illustre l'organisation d'un réel potentiel, intangible, invisible, liminal, inconscient. Paul Valéry écrit en 1938 : " 'Au-dessous' de toute figuration, de toute connaissance et de tout sentiment, il y a le fond énergétique, la source et son débit, et les trois ou quatre formes que peut prendre cette énergie, libre ou liée, et les 3 ou 4 distributions différenciées qui issues de la source, l'opposent à elle-même, réagissent sur le débit etc." [6b] Les impressionaux ne sont pas les états psychiques, mais les formes "minimales", archétypales, en nombre limité, qui les innervent. A l'instar du Cristal et du Code, trois phases caractérisent la démarche psycho-synthétique :
- la visualisation, par "observation abstractive" (Peirce), de l'organisation circulaire de la psychè et de l'interdépendance de ses éléments.
- l'assignation par abduction des formes archétypales et leur symbolisation.
- l'intégration du possible par la répartition des entités et par la distribution des perspectives.
Charles Peirce a spécifié dans ses écrits l'existence nécessaire et logique d'une faculté d'observation abstractive qui assure la cohérence du réel appréhendé et permet de "découvrir ce qui doit être et non simplement ce qui est dans le monde réel." [7b] A ce mode d'appréhension du réel correspond le raisonnement par abduction susceptible d'identifier un réel invérifiable. L'abduction se distingue de la déduction, mode de raisonnement propre à la logique formelle (Aristote, Leibniz...) et de l'induction, propre à la méthode expérimentale. La rigueur du logicien témoigne en faveur de l'attachement de certains penseurs spiritualistes à préserver ce qu'ils nomment "imagination symbolique" (Henry Corbin). La démarche astrologique ne cherche plus à expliquer un phénomène, ni à interpréter des données, mais à comprendre une réalité sous-jacente, en tant que phénomènes et données culturelles trouvent leur source dans la psyché. La Matrice est à la fois présente et intemporelle : elle s'accorde au moment présent, tout en perpétuant un fond permanent et préexistant.
Wilhelm Dilthey, dans son projet kantien d'édifier une anthropologie générale, ne distingue pas le "psychique" du "socio-historique", et se contente d'opposer l'explication de la Nature à la compréhension (Verstehen) de la vie psychique à travers l'expérience vécue (Erlebnis). [8b] Or il existe bien trois niveaux : l'explication du monde physique, l'interprétation du monde culturel, et la compréhension du monde psychique. Comme il existe trois langages, c'est-à-dire trois modes abstraits de déclinaison et d'abstraction mentale du réel : les langues vivantes qui permettent de communiquer et de transmettre des informations, le langage mathématique qui opère essentiellement sur des nombres et rend compte de la variabilité des objets, le langage astrologique dont les opérateurs symbolisent les transformations de la psychè [9b]
L'astrologie est le foyer d'une compréhension structurale de la psychè. La compréhension astrologique diffère de l'explication des sciences dures comme de l'interprétation des sciences "humaines". Comprendre, au sens astrologique, c'est raisonner par abduction, c'est respecter une logique matricielle, non identitaire. Ce n'est pas démontrer, c'est montrer. Aucune méthode philosophique ou herméneutique, aucune technique analytique ou encore statistique, n'en rend compte sans la dégrader. La pensée matricielle s'attache, non pas à unifier la multitude des représentations mentales, mais à préserver l'organisation du multiple qui se situe au delà de ces représentations. Elle consiste à penser pluriellement la pluralité. L'astrologie ne peut se définir que dans l'espace qui est le sien : l'espace équalitaire de la potentialisation qualitative du psychisme.
Nombre d'astrologues contemporains, férus de statistiques et de rationalité scientifique, se méprennent sur la nature du savoir astrologique, en espérant de la part des scientifiques une "justification" de leurs pratiques. Les statistiques n'offrent en la matière que des interprétations incertaines de "résultats" partiels : "Il ne saurait être question de 'prouver' par elles l'astrologie ; la 'preuve' (...) ressortit au domaine des faits, alors que l'astrologie opère sur des structures." [10b] L'extension inadéquate à l'astrologie de méthodes qui appartiennent aux sciences physiques relève d'une méconnaissance de la nature de l'astrologie et d'un mépris de la réalité psychique. On ne mesure pas la lunarité (qualité Lune) comme on mesure la pression atmosphérique. L'affectivité et la conscience ne "s'expliquent" pas en termes mécanistes. Les méthodes instrumentales et les schémas astro-statistiques ne concernent pas davantage le contenu du savoir astrologique que les courbes de variation encéphalographiques ne concernent le contenu des rêves ou les transformations organiques issues des postures du yoga. S'il existe des influences planétaires au niveau physique ou macrophysique, elles ne relèvent pas de l'astrologie, mais de la cosmobiologie. [11b] Contrairement à ce qui est communément cru et péremptoirement affirmé, l'astrologie est une connaissance sérieuse : toute connaissance de l'humain est tributaire de la psychè, comme l'a souligné Jung dans ses ouvrages, et l'ignorance de ce facteur essentiel, si ce n'est sa négation, est la pierre d'achoppement de la recherche moderne. Ainsi la psychologie universitaire reste enlisée dans le désert des théories expérimentales quand elle n'est pas ballottée par les marées de la thérapie freudienne.
Il n'existe à ce jour aucun modèle d'explication causale pour l'astrologie et aucune des théories physiques qui ont été proposées n'est véritablement satisfaisante : citons pour mémoire le modèle élémental de Ptolémée, issu de conceptions astro-météorologiques, la théorie des rayons stellaires d'Al-Kindî et le modèle des harmoniques de Kepler. Même s'il est vraisemblable, en dernier ressort, que la science puisse découvrir une explication géo- ou bio-magnétique à l'intégration nerveuse, cellulaire, ou moléculaire des rythmes planétaires par la matière vivante, cette explication ne saurait éclaircir les transformations psychiques-astrales qui opèrent à un autre niveau de réalité, ni par conséquent légitimer aucune application particulière décisive dans la compréhension du thème natal et des cycles collectifs. De même la neurobiologie n'élucide pas les phénomènes de conscience. Cette autonomie de l'astrologie par rapport au champ scientifique n'implique pas qu'elle soit "anti-scientifique" contrairement à ce que proclament les scientistes [12b]
5. UN MODÈLE STRUCTURAL DE L'ASTROLOGIE
"Nous n'entendons pas désigner ainsi un empilage de structures toutes montées et immuables, mais des matrices
à partir desquelles s'engendrent des structures qui relèvent toutes d'un même ensemble." (Claude Lévi-Strauss : L'homme nu)
La dissolution de l'ontologie traditionnelle a été la cause d'un formidable désenchantement du Monde (Max Weber, Alexandre Koyré). Le déclin des notions globales de Nature et de Cosmos a préparé l'avènement de la Structure. Ce qui a été perdu dans la substitution, c'est l'interdépendance de l'homme à ses "environnants" dans un monde devenu acosmique par l'abolition de la ressemblance entre le microcosme et le "macanthrope" (Paracelse), par la "dé-supposition" d'une harmonie universelle au sein de laquelle tout se répondait et "s'entre-exprimait", et par l'intrusion d'une antinomie, d'une antipathie, entre le visible et un invisible déconsidéré. C'est à la modernité de gérer ce nouvel avatar.
La notion de structure, depuis son acception triviale d'organisation générale d'éléments formant une totalité, s'est enrichie et diversifiée en traversant des disciplines aussi différentes que l'ethnologie et les mathématiques, la biologie et la sociologie, la linguistique et la psychanalyse. La Structure interprète le réel comme un tissu de rapports entre des éléments en nombre indéfini, aucun de ces éléments, "anonymes", n'ayant de rapport particulier à la totalité. C'est en quoi la Structure est acosmique. Michel Serres définit le concept de structure en relation avec celui de modèle, qui en est l'illustration ou la réalisation : "Une structure est un ensemble opérationnel à signification indéfinie (...) groupant des éléments, en nombre quelconque, dont on ne spécifie pas le contenu, et des relations, en nombre fini, dont on ne spécifie pas la nature, mais dont on définit la fonction et certains résultats quant aux éléments. A supposer alors que l'on spécifie, d'une manière déterminée, le contenu des éléments et la nature des relations, on obtient un modèle (un paradigme) de cette structure : cette dernière est alors l'analogon formel de tous les modèles concrets qu'elle organise." [13b]
Dès ses débuts l'astrologie a rencontré des structures (le Zodiaque des Babyloniens au Vè siècle B.C., le Septénaire et le système des Maisons chez les Grecs...), mais en raison des déterminations pratiques auxquelles elles conduisent, l'accent a été mis sur les modèles, à leur détriment. Il est donc important de réorienter la réflexion sur ces contenants, desquels résulte toute tentative de formalisation. Je désigne les quatre structures cardinales de l'astrologie, qui apparaissent déjà chez les Grecs, par les termes de Planétaire (ou ensemble structuré des Planètes), de Dominion (ou ensemble structuré des Maisons), de Cyclade (ou ensemble structuré des Cycles, Aspects et Ages planétaires), et bien sûr de Zodiaque (ou ensemble structuré des Signes zodiacaux).
Elles résultent d'un archétype qui semble universel : celui des quatre modes de décomposition du réel par la conscience. Le naturaliste kantien Jakob von Uexküll (1864-1944), précurseur de l'éthologie, désigne par milieu (Umwelt) le résultat du découpage spécifique du réel par la perception : chaque organisme crée son milieu environnant et construit son expérience en fonction des conditions initiales de sa perception. [14b] Par ailleurs les ethnologues ont reconnu, dans les sociétés sans écriture, l'existence de quatre notions fondamentales, quatre catégories primordiales de l'esprit, à la source de l'activité culturelle et de l'organisation sociale : des forces indéfinies ou mana, leurs lieux de possession, leurs moments d'actualisation, et leur distribution ordonnée parmi les hommes, les êtres et les objets de la nature. [15b] Le réel serait un continuum que la perception dissocie selon quatre modes spécifiques. L'étude du comportement animal a permis d'établir que chaque espèce, mais aussi chaque individu, se forgeait son monde propre ; l'étude des cultures humaines a montré que le monde de l'homme obéissait à une logique quaternaire.
Les "cadres permanents de la vie mentale" [16b] résultent d'une conception intuitive de ce qu'on peut appeler milieux conditionnels : ce sont l'Énergie, l'Espace, le Temps et la Structure, désignés chez les Grecs par les termes de kratos, topos, kaïros et cosmos. Ainsi toute manifestation du réel induit des transformations perceptives spécifiques sur les plans énergétique (différenciation de forces), spatial (différenciation de lieux), temporel (différenciation de moments et de phases), et structural (différenciation de formes, ou encore organisation d'ensemble des forces, lieux et moments). Chaque chose est un agencement complexe de force-forme à un lieu-moment donné.
La physique conserve cette conception à travers ses quatre notions fondamentales de masse (mesure de la quantité de matière), de longueur (mesure de l'étendue), de temps (mesure de la durée) et de température (mesure de l'agitation moléculaire et de l'organisation de la matière), mais aussi la mathématique, dont les opérateurs (nombres arithmétiques, figures géométriques, fonctions analytiques, et ensembles algébriques) sont des analogons respectivement énergétiques, spatiaux, temporels, et structuraux des concepts de la physique. Ainsi le Cristal est une représentation plus élaborée d'une prédisposition primordiale, originelle et archétypale.
On peut observer une quadripartition équivalente dans l'organisation des langues : les verbes (qui marquent l'action, la transformation, ou encore la stabilité), les noms (qui, en désignant un objet, une substance ou une personne, les localisent en quelque sorte), les adjectifs et adverbes (qui marquent la qualité d'une entité ou les conditions d'une situation, en principe temporellement variables), et les termes syntaxiques, comme les prépositions, conjonctions et pronoms (qui organisent le discours, établissent des liaisons, et caractérisent une situation élocutoire).
Le Cristal, le Code et la Matrice obéissent aux mêmes lois structurales. En effet les 4 milieux conditionnels génèrent, en ce qui concerne l'astrologie, une quadruple répartition équivalente : par polarisation énergétique, par domification spatiale, par périodisation temporelle, par différenciation structurale. D'où les Planètes, Maisons, Cycles et Signes des structures astrologiques. La planète est à l'astrologie ce que le nombre est aux mathématiques et ce que le verbe est au langage articulé ; la maison est à l'astrologie ce que la figure géométrique est aux mathématiques et ce que le nom est au langage articulé... En outre signes, cycles, maisons et planètes, inégalement distribués dans le thème natal, figurent, pour chacun, sa perspective psychique-astrale propre, son monde, en lesquels se réfléchissent les relations qu'il entretient avec le monde.
L'astrologue noyé dans une symbolique laxiste est souvent incapable de distinguer la différence ontologique entre un signe zodiacal et une planète. En effet les facteurs astrologiques opèrent dans la conscience de chacun selon des modes spécifiques : les forces planétaires traduisent ses modes de perception et de découpage du monde environnant suivant l'état et les transformations de leur potentiel d'excitabilité ; les maisons astrales traduisent ses lieux d'actualisation et d'intégration à l'environnement, c'est-à-dire ses situations d'enracinement et de dégagement existentiels ; les opérateurs cycliques (aspects, transits et âges) traduisent ses modes d'évolution et ses échéances temporelles ; les signes zodiacaux traduisent ses modes de réactivité et de comportement, mais aussi d'identification et d'aspiration, en tant qu'ils synthétisent les autres facteurs. Autrement dit : les Planètes représentent les modes de perception du réel, les Maisons les modes de relation du sujet au réel perçu, les Cycles les modes de variation de ces relations, les Signes les modes de fixation du sujet après stabilisation de ces variations.
C'est la structuralité qui distribue les éléments et agencements astrologiques : formes, moments, lieux et forces sont des ruptures du même continuum, des découpes dans l'étoffe du réel. Le Planétaire, le Dominion, la Cyclade et le Zodiaque illustrent la même Matrice sous un angle différent. [17b] Certes il n'y a "dans le ciel astrologique" que des planètes. Cependant l'astre opère simultanément comme force énergétique, comme domaine de la sphère locale, comme phase d'un cycle, et comme forme zodiacale, car il relève des quatre modes conditionnels d'intégration organique : pour le vivant, il n'existe que des structures intégrées. Si les Maisons, les Cycles et les Signes zodiacaux peuvent apparaître comme des modalités spatiale, temporelle ou structurale d'éléments planétaires effectifs, les Planètes elles-mêmes sont les signaux apparents du processus de polarisation. Et s'il est légitime de concevoir le réel sous l'angle énergétique (primauté de la force, de la matière et de la présence visible), mais aussi spatial (tout résulte de champs d'attraction et de répulsion), ou même temporel (tout résulte de cycles de variation), c'est pourtant sous l'angle structural que se présentent ces diverses différenciations, et c'est encore la structure qui montre cette répartition tétradique, en s'incluant elle-même comme le quatrième et ultime repère.
En outre, ce qui caractérise la structuralité astrologique - et qui la distingue des modes mathématique et linguistique de la structure -, c'est sa nature périodique (spécificité dont ne rend pas compte la définition de Serres). Le zodiaque est un cycle annuel, le Dominion un cycle journalier, les cycles planétaires ont des périodes diverses (un mois pour le cycle lunaire, douze ans pour le cycle jupitérien, trente ans pour le cycle saturnien...). Les différentes qualités zodiacales, planétaires et sectorielles reviennent après une période de temps définie. Contrairement au mouvement pendulaire, au cycle de l'activité respiratoire, ou encore au flux et reflux des marées, qui sont de simples va-et-vient, le cycle astral présente une véritable alternance de phases interdépendantes. C'est la circularité qui confère aux structures astrales leur homogénéité.
Cette structuration cyclique est inscrite dans l'organisation nerveuse qui reproduit les variations périodiques des planètes. L'intégration neuro-physiologique des rythmes géo-solaires se traduit par une innervation psychique continue - l'incidence astrale - et une structuration du système nerveux par les impressionaux, qui donnent naissance aux représentations psycho-mentales. L'enjeu d'une astrologie structurale réside dans l'assignation et l'organisation cohérente de ces "vecteurs" psychiques qui sous-tendent les représentations mentales, en tant qu'elles résultent toujours de la médiation entre des états et des résistances à ces états dans la conscience, innervée par les impressionaux et énervée par un environnement contingent.
Les symboles astrologiques sont agencés au sein de structures opératives par la pensée matricielle. Cependant ces structures n'ont pas de signification déterminée, malgré la médiation obligée de toute démarche cognitive : elles préexistent aux systèmes d'interprétation et aux contenus spécifiques. Ce qui explique l'extrême plasticité du discours astrologique. C'est douze travaux qu'Héraclès devra accomplir. [18b] La symbolique astrologique est déjà systématique : à cohérence interne et à fonctions interdépendantes. Les places, au sein de la structure, prédéterminent les éléments qui s'y logeront et les fonctions dont ils seront les représentants. L'articulation des symboles préexiste à la détermination de leurs contenus. Les significations avancées sont des effets (à la fois produits conséquents et résultats dus à la perspective) des rapports structuraux. C'est la raison pour laquelle le discours astrologique a su s'adapter aux mentalités et aux univers culturels les plus variés. Aucun système de pensée n'a connu la pérennité et l'ubiquité de l'astrologie, cette algèbre de l'anthropos dont la présence est attestée au sein des cultures les plus diverses, des Chinois aux Arabes, et des Babyloniens aux Hindous.
La relative permanence des structures astrologiques [19b] contraste avec la variabilité indéfinie de leurs contenus. Elles sont à la source des divers modèles que l'histoire de l'astrologie commence tout juste à étudier (depuis le lent démarrage du début de ce siècle). Il n'y a pas "une astrologie", mais de l'humain, une pré-connaissance - parce qu'inscrite dans le psychisme de chacun - imprégnée de contenus culturels variables et qui subsiste à travers diverses formes de modélisation. Il existe autant de modèles de l'astrologie que de cultures au sein desquelles elle s'est développée, que d'astrologues qui l'ont pensée avec pertinence. Contrairement à ce qu'affirment Franz Boll et Carl Bezold (1917), Martin Nilsson (1943), Otto Neugebauer (1957) ou encore Wilhelm Gundel (1966), l'astrologie n'est pas une création des Grecs alexandrins. [20b] Elle a émergé des pratiques divinatrices et de la littérature ominale (des présages) akkadiennes (~2000-1500 B.C.) : les Mésopotamiens avaient déjà un long passé astrologique avant l'introduction d'une astrologie cyclique, zodiacale, puis horoscopique aux VIè et Vè siècles B.C.. L'astrologie, qui a beaucoup plus évolué pendant sa phase mésopotamienne qu'entre Ptolémée et Morin, n'est pas plus grecque, que babylonienne, ou arabe ; de même il existe une forme d'astrologie spécifique correspondant aux données culturelles des sociétés modernes et "post-modernes" des XXè et XXIè siècles.
Quelles sont les conditions minimales d'une théorie moderne de l'astrologie ? Certainement plus que de vagues présupposés spiritualistes en écho au fameux adage hermétiste Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, relayé par le récent regain d'intérêt pour la synchronicité jungienne. Beaucoup plus que l'acte de foi des empiristes, selon lequel ça marche et même tout marche en astrologie, souvent en vertu des supposés talents psychologiques de l'interprète. Certainement tout autre chose que les tests barbares de l'astro-statistique dont les bases positivistes surannées ne peuvent faire accéder à une quelconque compréhension du sujet. Une théorie moderne de l'astrologie, au-delà d'une hypothétique explication de l'intégration des rythmes planétaires par la matière vivante (explication qui relève de la physique et de la biologie), doit être en mesure d'émettre des hypothèses sur le fonctionnement possible de ces processus, et surtout d'en tirer des conséquences quant au modèle astrologique préconisé. L'astrologue peut ne pas savoir comment opèrent les signaux planétaires ; il doit cependant ne pas ignorer comment ils ne peuvent pas opérer.
Plusieurs théories physiques ont été récemment proposées. Le chimiste italien Giorgio Piccardi (1962) a tenté de montrer l'intégration organique des rythmes cosmiques au niveau de la molécule d'eau qui serait le milieu de réception du magnétisme terrestre. [21b] L'astrologue Frank McGillion (1980) a soutenu l'idée d'une intégration des rythmes planétaires par la glande pinéale à partir du troisième mois prénatal. [22b] Le biologiste Rupert Sheldrake (1981, 1988 et 1991) a défendu le principe de causalité formative et admis l'existence d'un champ morphogénétique propre à chaque organisme et d'une sorte de mémoire cumulative intrinsèque qui s'organise à travers la répétition (théorie qui ne se réfère pas explicitement à l'astrologie). [23b] Le biologiste Étienne Guillé (1983, 1989 et 1990) a analysé l'activité rythmique des cellules et montré l'existence de types vibratoires spécifiques liés aux cycles planétaires et intégrés au niveau de la molécule d'A.D.N. [24b] L'astronome d'origine sud-africaine Percy Seymour (1986, 1988 et 1992) a imaginé un processus de sensibilisation du système nerveux foetal par résonance au champ géo-magnétique, système d'interactions auquel participeraient les forces gravitationnelles planétaires [25b]
Ces théories sont rejetées en bloc par l'astro-statisticien Geoffrey Dean sous le prétexte qu'elles ne satisfont pas à certaines pratiques douteuses de l'astrologie : "Mais en principe toutes les théories physiques échouent, parce qu'il n'est pas possible qu'elles puissent s'appliquer quand le sujet analysé est une compagnie, un pays, ou une interrogation. Des forces physiques ne peuvent pas agir sur cette matière." [26b] Or ce n'est pas l'échec de la théorie qui est en question, mais une absence de réflexion sur les modèles. Dean et ses collaborateurs appréhendent l'astrologie et ses pratiques dans son ensemble, sans s'interroger sur la coexistence de différents modèles, aujourd'hui et hier, au sein même d'une même culture astrologique. Car précisément, toute théorie physique cohérente de l'astrologie permettrait d'éliminer un certain nombre d'appendices discutables de cette discipline, à savoir l'horoscopie des nations, celle des objets inanimés, la pratique des progressions et des directions...
Cette "critique" autorise la paresseuse interprétation, censée renverser l'adage hermétiste. As below, as above : ce ne seraient pas les incidences astrales qui conduiraient l'esprit à une conception astrologique et anthropomorphique [27b] des cultures et des hommes, mais ce seraient ces derniers qui projetteraient "dans le ciel" leurs complexions et leur organisation socio-culturelle. Outre que cette thèse, particulièrement affectionnée par l'anti-astrologie à orientation socio-ethnologique, n'a reçu aucun commencement de confirmation historique, elle inverse une position spiritualiste de l'astrologie, qui elle-même paraît insoutenable.
La structure d'un domaine se définit selon Deleuze comme une "virtualité de coexistence qui préexiste aux êtres, aux objets et aux oeuvres de ce domaine." [28b] La symbolique astrologique ne s'organise pas à partir de contenus disparates et contingents : elle est pré-organisée par des repères incidents qui prédisposent les symboles à prendre place au sein d'un complexe de relations obligées. Les contenus, eux, variables et contingents, se différencient, non par leur qualité propre, mais par la fonction qu'ils occupent au sein du modèle. Ainsi les Modèles sont toujours plus ou moins aléatoires. Les structures permettent une prospection de l'inconnu à partir de l'articulation du connu, stabilisé par le modèle (d'où le pouvoir d'anticipation de l'astrologie). Les Structures qui sont à la source du modèle, résultent d'une vision de la Matrice, laquelle est à la fois l'ensemble des structures (ou plutôt la même structure déclinée selon l'un ou l'autre des 4 modes conditionnels d'appréhension du réel), et le moule archétypal de la psychè, c'est-à-dire le fond potentiel susceptible d'engendrer des variations dans l'établissement des structures. La Matrice astrale ne provient pas du raisonnement ou de l'expérimentation, mais surgit en filigrane, se dévoile, et se dessine, en fonction de l'état de compréhension de la conscience qui l'appréhende.
6. MATRICE ASTRALE ET RAISON MATRICIELLE
"Pas de roman de l'époque, de construction temporelle synthétique ; non, le conflit d'Achille avec son époque.
Pas de Synthèse, mais une "répartition", grâce à lui !" (Robert Musil, Journaux)
L'astre est in-signe, c'est-à-dire signe intérieur, impressional. L'astrologie ne relève ni d'une logique de la cause physique, ni d'une logique du signe psycho-mental, mais d'une logique matricielle, d'une logique des formes et des répartitions issues des états psychiques-astraux, dont les opérateurs symboliques ne sont que l'outil d'expression. L'interprétation par la synchronicité, concept forgé par Jung pour désigner les "coïncidences signifiantes" entre l'état psychique de l'observateur et la manifestation d'événements extérieurs [29b], n'est pas plus recevable que l'explication par la causalité énergétique. Plotin, que Firmicus Maternus considérait comme un adversaire de l'astrologie, développe cette conception de l'astre-signe : "Le mouvement des astres annonce les événements futurs, mais (...) ne les produit pas." [30b] Les notions d'astre-cause et d'astre-signe présupposent la séparation de deux champs liés : le céleste et le terrestre-humain. Dans le premier cas il y aurait influence, dans le second coïncidence, cette dernière étant d'ailleurs difficilement imaginable, sans une certaine efficience de la première. Dans les deux cas, l'astre (ou la planète) est défini comme extérieur à l'organisme, dans les deux cas il est la marque d'un événementiel, d'un factuel. Ces notions autorisent une pratique divinatoire de l'astrologie qui la discrédite dans son ensemble, tant il est vrai que, depuis deux millénaires, l'astrologie, par elle-même, n'a strictement prédit aucun événement politique ou culturel majeur. Pire : elles ne rendent compte que très superficiellement de la réalité des signes zodiacaux et des maisons astrologiques, et conduisirent d'ailleurs Kepler, prisonnier de l'alternative, à abandonner maisons et signes dans "l'eau du bain".
Le XIVè siècle européen a connu, simultanément à la prolifération de guerres, d'épidémies et de famines, un véritable essor de la prédiction astrologique. Il est généralement admis - pas seulement parmi les astrologues - à la fin du siècle, donc après coup, que la conjonction de 1345 avait été la cause de la Grande Peste de 1348. La prédiction, individuelle ou collective, est restée la Circé des astrologues contemporains, dont on sait l'incapacité à avoir prévu la Seconde Guerre mondiale [31b], en dépit de ses signes annonciateurs, comme celles d'Algérie, d'Indochine ou du Golfe. Même les scientifiques John Gribbin et Stephen Plagemann ont cru à la venue d'un tremblement de terre dévastateur en Californie d'après la théorie astrologique de l'alignement planétaire de 1982. [32b] Ils ont analysé leur échec dans un ouvrage paru l'année suivante. Et "curieusement", deux des plus célèbres prédictions astrologiques de l'histoire, tout au moins sous la forme dont elles sont généralement rapportées, sont des faux. Pierre d'Ailly n'a jamais prédit l'avènement de la révolution française, ni Johannes Stoeffler le déluge universel ou la fin du monde pour 1524 [33b]
L'astrologie matricielle diffère par nature des pratiques divinatoires : elle n'a pas le même dessein cognitif et ne met pas en jeu les mêmes dispositions psycho-mentales. Elle n'est pas plus conjecturale - ce que soutiennent de nombreux praticiens - que divinatrice, comme l'affirment ses adversaires avec Pico. Elle donne à voir une réalité continuellement présente et familière à la conscience, non à prévoir une réalité qui lui serait extérieure. Elle n'est pas astromantique : elle reste attachée au logos matriciel, sans annexer le nomos expérimental de l'astronomie, ni la manteia augurale des pratiques divinatoires, même si elle entretient certaines relations avec eux [34b]
Jung a insisté sur le fait que le principe de synchronicité n'explique rien, mais permet seulement de rendre compte de la manifestation des coïncidences signifiantes. En outre il a exclu qu'il puisse s'appliquer à la réalité astrologique : "Bien qu'on ne sache nullement au juste sur quoi repose la validité d'un horoscope de naissance, il n'en est pas moins devenu pensable qu'une relation de nature causale puisse exister entre des aspects planétaires et des dispositions psychophysiologiques. En conséquence, on fera bien de considérer les résultats issus de la théorie astrologique comme des phénomènes relevant non pas de la synchronicité mais éventuellement de la causalité. Partout en effet où raisonnablement on peut envisager l'existence d'une cause, la synchronicité devient une affaire douteuse à l'extrême." [35b] L'idée de synchronicité, ou plutôt de "coïncidence fatale" est évoquée dès 1903 par un collègue de Paul Choisnard à l'École Polytechnique, le matinal général Orcel: "A 5 heures du matin, quelques moments avant que ma pendule ne sonne les cinq coups ou après, j'entends mon coq chanter. Le fait se reproduit journellement ; s'ensuit-il que ma pendule sonne parce que mon coq chante, ou que le coq chante parce que ma pendule sonne? Ni l'un ni l'autre, et cependant l'un des événements se produira certainement en même temps que l'autre, parce que tous deux sont le résultat d'un même troisième : le lever du jour." [36b] Une coïncidence événementielle est un indice factuel, non une explication, et qui réclame une explication d'ordre causal.
L'idée de connexion acausale entre divers événements prend sa source dans les expériences de Joseph Rhine sur la télépathie et la perception extra-sensorielle. Les résultats de l'expérience statistique de Jung sur les couples mariés doivent être interprétés selon lui par le hasard et par les intentions inconscientes de l'expérimentateur. [37b] Le résultat statistique, "voulu" par l'opérateur émotionnellement attentif, serait en partie une projection imaginaire de son inconscient. Ce qui disqualifie d'abord l'application des statistiques à l'astrologie : "La vérification statistique des 'vérités' astrologiques est discutable et même improbable. (...) Leur utilisation superstitieuse (qu'il s'agisse de la prédiction de l'avenir ou de l'établissement de certains faits à travers les possibilités psychologiques) est fallacieuse." [38b]
La synchronicité n'est pas un modèle de compréhension de l'astrologie : elle n'est qu'une interprétation du constat que deux événements apparaissent simultanément à la conscience, sans que l'on sache pourquoi : Je me suis rasé ce matin au moment même où ma chatte grattait à la vitre ! Rien à voir avec une quelconque cyclicité. La synchronicité concerne deux événements synchrones que je relie et que j'interprète en tant qu'événements. Prenons un autre exemple : Je suis tombé amoureux d'Hélène au moment où Vénus, à son lever, transitait mon Soleil natal. La position de Vénus à son lever, et sa projection sur l'écliptique au transit de mon Soleil natal, n'est pas un événement, un fait d'expérience, mais un calcul, une constatation astronomique, et aussi le résultat d'une théorie astrologique. La proposition selon laquelle je suis tombé amoureux d'Hélène, à ce moment, n'est pas plus un événement : c'est un état, un avènement intérieur. Il n'y a pas synchronicité parce qu'il n'y a pas d'événement extérieur, parce que je ne connais la position de Vénus qu'après l'avoir calculée, et parce que ma proposition ne correspond pas à une constatation empirique, mais au résultat d'un calcul et d'une théorie.
L'inutilité de la notion de synchronicité jungienne pour l'astrologie rend dérisoire la précipitation de nombreux astrologues contemporains à la hisser comme fer de lance et panacée d'une justification de la réalité astrale. Certains en viennent même jusqu'à croire qu'elle pourrait justifier le moment de la consultation. Telle qu'elle est définie par Jung, elle s'appliquerait davantage au Yi King et à l'astrologie dite "horaire" qu'à l'astrologie natale. Or Jung, peut-être par ignorance, ne fait pas allusion dans ses écrits à la pratique des interrogations [39b]
L'astrologie relève d'un tout autre paradigme que l'herméneutique ou que la physique. Les notions de coïncidence d'événements signifiants, et d'influence de forces physiques [40b] ne lui conviennent pas. Il n'y a pas "influence externe", mais incidence formative interne, c'est-à-dire organisation d' effets structurels suite à l'imprégnation du système nerveux par les cycles planétaires. [41b] L'astral n'influe pas sur le physique : il sollicite et façonne le psychique. Ce qui invalide l'argument d'Augustin, repris par Pic de la Mirandole, selon lequel l'astrologue est incapable de prévoir le sexe d'une personne d'après son thème. L'impression psychique-astrale n'est pas la marque physique des "influences", mais un état intérieur fugitif. Il n'y a pas d'empreinte du thème au moment de la naissance, mais une intégration conditionnelle et occasionnelle (au sens de Malebranche) de formes endopsychiques différenciées qui s'actualisent par leur répétition et leur fréquence. L'incidence astrale nécessite une approche systémique et rythmique.
Qu'en résulte-t-il de la nature de l'astrologie ? Elle n'est pas une science, car elle n'est pas soumise au principe de vérification ; ses modèles ne sont pas "falsifiables" [42b], quoiqu'ils le sont davantage que les énoncés de la littérature popperienne. Elle n'est pas une religion, car elle ne soutient aucun dogme révélé, ni aucune croyance particulière, et ne requiert ni clergé, ni temple, ni rituel. Elle n'est pas une philosophie, car elle relativise la valeur d'une rationalité dont l'ultime critère de certitude est l'évidence. Mais elle est à la fois un certain type de science, de religion et de philosophie, c'est-à-dire une conception du réel qui requiert des techniques de repérage empruntées à l'astronomie, et qui suppose la conviction de la résonance et du retentissement des rythmes de l'environnement géo-solaire sur le psychisme. C'est une forme spécifique de rationalité admettant comme condition préalable la différenciation structurelle d'une matrice archétypale. Elle ne ressortit ni à la raison expérimentale, ni à la foi, ni à la raison discursive, mais à la raison matricielle.
[Il semblerait qu'elle apparaisse comme une religion, qu'elle se manifeste en tant que métaphysique, qu'elle soit une science critique dans son essence, une "quasi-science". C'est en raison de sa triple nature [43b] et parce qu'elle a été perçue, au niveau de la connaissance, comme une rivale de la philosophie, du christianisme et de la science, qu'elle a été successivement combattue par le scepticisme grec, par les Pères de l'Église, et par le rationalisme moderne. En effet le statut épistémologique de l'astrologie a varié selon l'optique de ses opposants. Pour les sceptiques Carnéade et Sextus Empiricus, elle est combattue au sein d'une critique générale de la connaissance et de la science, alors que les apologistes chrétiens Tatien et Tertullien l'abominent conjointement à la philosophie et au paganisme polythéiste grecs. A la naissance du rationalisme anti-astrologique moderne, représenté en France par le philosophe mécaniste Pierre Gassendi, par les jésuites Jacques de Billy et Jean François, par le gassendiste François Bernier, par l'historien Jean-Baptiste Thiers, par le sceptique Pierre Bayle, ou encore par l'abbé Laurent Bordelon, elle est rattachée au domaine de l'irrationnel et du superstitieux. [44b] C'est à l'avènement du monisme mécaniste que s'élabore la notion de raison moderne, conglomérat idéologique auquel participent la science naissante, la philosophie matérialiste et la religion chrétienne, et qui s'est perpétué jusque dans l'exégèse historique contemporaine. [45b] La condamnation sans procès de l'astrologie se reproduit naturellement, et conjointement au déclin de la métaphysique et de la spiritualité, sous les "Lumières" rationalistes, par l'obscurantisme positiviste, puis dans la grisaille de la pensée unique du XXè siècle. En l'espace de quatre siècles, la perception de l'astrologie change de statut à mesure des transformations du consensus et des impératifs idéologiques : non plus erreur, mais illusion au XVIIIè siècle, idiotie au XIXè, absurdité au XXè.]
Le jugement matriciel diffère du jugement synthétique de Kant par son exigence de répartition, selon le nombre et selon des données calculées, et par son objectivation du réel dont il reproduit l'ordre immanent, même si cet ordre relève d'abord de la structuration du psychisme humain. Il n'est pas rationnel, mais méta-rationnel, c'est-à-dire qu'il suppose non pas une adéquation entre les concepts et les objets de l'expérience sensible, mais une cohérence, exprimée en termes symboliques, de l'expérience intérieure-extérieure du réel.
L'équalité du jugement matriciel, c'est-à-dire le mode d'objectivité de la répartition qualitative, diffère du mode d'objectivation scientifique : la démarche expérimentale décompose le réel et rassemble les phénomènes d'après des critères quantitatifs ; la démarche matricielle les répartit d'après des critères qualitatifs. John West et Jan Toonder notent que seuls ceux "qui n'ont jamais construit une cathédrale, exécuté une danse derviche, ou médité seulement une demi-heure, nient la possibilité d'une telle différence qualitative." [46b] Les répartitions ne proviennent pas d'une réflexion de type philosophique sur des idées, ni d'une expérience de type scientifique sur des objets définis dont on observe les variations, mais directement de l'esprit. Elles apparaissent à la conscience par suite de l'innervation continuelle et de la structuration du psychisme par les impressions astrales.
Le philosophe et pédagogue tchèque Jan Komensky (1592-1670), latinisé sous le nom de Comenius, a élaboré un concept méthodologique de description du réel, qui présente des affinités avec l'observation abstractive de Peirce et avec mon concept de pensée matricielle. Par ce qu'il appelle la syncrise, sorte de processus global d'analyse du réel, il devient possible de connaître le réel inaccessible par celui qui est accessible, pourvu qu'à leur racine on puisse distinguer les mêmes "archétypes". La méthode synthétique et critique contrarie la tendance au morcellement du savoir et à la spécialisation excessive. Il en va de même pour la pensée matricielle, laquelle ordonne la multiplicité par regroupements provisoires. La fonction de répartition prévaut sur la représentation actuelle et contingente qui est faite de l'objet. Les archétypes sont les repères ou les pôles du processus de répartition. Il n'est pas dans la nature de la pensée matricielle de produire une taxinomie sous forme de catalogue, d'inventaire, ou de classification, mais de maintenir l'exigence de répartition sous ses modalités synchroniques et diachroniques. Elle ne se réfère pas seulement à l'état actuel de la réalité appréhendée, mais aussi à l'opération de procession de cette réalité. Ainsi ses découpages s'enracinent dans la double dimension, présente, et intemporelle, de cette réalité.
La raison matricielle n'est pas une sorte de qualité occulte que détiendraient les seuls astrologues. Elle opère dans la pensée à tous les niveaux, et chez les philosophes en particulier : avec évidence chez Pythagore, Platon, Paracelse ou Kepler, mais aussi chez Démocrite (critères de différenciation des atomes), Hippocrate (théorie des humeurs), Aristote (théorie des causes du mouvement), Damascius (théorie de l'unité), Raymond Lulle (combinatoire théologique), Nicolas de Cues (théorie des dix champs de la sagesse), Campanella, Descartes (règles de la méthode), Leibniz (caractéristique universelle), Kant (théorie des catégories), Hegel, Fourier... Dès que la pensée ne procède pas du seul raisonnement discursif mais fait appel à ses ressources les plus profondes, et qu'apparaissent des distinctions signifiantes dont la provenance n'est pas décelable dans la logique du discours, il fonctionne sur le mode matriciel. Autrement dit ces distinctions proviennent d'une répartition archétypale (par 3, par 4, par 8, par 10, par 12...) de nature psychique-astrale, laquelle conditionne le jugement matriciel.
La matrice astrale est d'abord structurée par quatre, et elle est structurante pour le psychisme et donc pour l'ensemble des productions psycho-mentales et socio-culturelles. En Mésopotamie, l'astrologie avait une fonction plus collective qu'individuelle. Aujourd'hui elle en est réduite à une sorte de thérapie individuelle à partir de thèmes natals. Les sciences dites "humaines" sont concernées par les cycles planétaires et par l'approche astrologique : on peut concevoir les modalités d'une histoire astrale, d'une géographie astrale, d'une psychologie astrale, d'une sociologie astrale. [47b] Les opérateurs astraux modulent et structurent le monde de l'homme, et sont les garde-fous du savoir anthropologique. La logique matricielle requiert précisément une réorganisation du langage et du savoir, une redistribution des représentations mentales, sociales et culturelles, et par suite une réévaluation des concepts habituellement utilisés dans un sens unilatéral ou sous des rapports dualistes.
Tout champ d'investigation, toute problématique conceptuelle ou toute activité de l'esprit relève d'un archétype quaternaire, dès lors qu'il se rapporte au psychisme humain. L'astrologie est l'étude des conséquences de la structuration quaternaire du psychisme, c'est-à-dire de la quadripartition du réel par l'esprit. Quatre perspectives irréductibles de la conscience, que l'incidence astrale distribue chez chacun en des proportions spécifiques, préexistent à toute confrontation au réel. L'appréhension des quatre perspectives est pour Carlos Castaneda (1925-1998), lecteur du Bardo Thödol, une affaire d'équanimité : "Être un nagual implique que l'on n'ait aucun point de vue à défendre." [48b] Paracelse a insisté sur la structure archétypale quaternaire de la conscience : la division quaternaire du "macanthrope" (de l'homme primordial), de nature psychique-astrale, est à l'origine de toute quadripartition d'ordre socio-culturel. [49b] Depuis Parménide et Anaxagore, la pensée gréco-européenne a tendance à raisonner par exclusion : de nombreuses méprises proviennent d'un empressement à unifier la multiplicité par la mise en place de dualités artificielles. [50b] A l'encontre des problématiques dualistes, le raisonnement matriciel consiste à s'interroger a priori sur la légitimité, pour les entités appréhendées, à comparaître dans un même champ d'application.
Le logos matriciel est de nature pythagoricienne. Il relève d'une métaphysique de la Tétrade et pré-suppose la co-présence de quatre formes archétypales qui pilotent le monde et orientent la pensée. La spécificité et la force de l'astro-philosophie, c'est la neutralité : ne pas privilégier une position particulière de l'esprit et se tenir à égale distance des quatre perspectives cardinales, des douze perspectives zodiacales, des dix perspectives planétaires... Plus précisément, l'équalité est l'attitude mentale qui consiste, tout en restant neutre face aux quatre qualités de l'esprit humain, à concevoir la quadriversité des points de vues. Ainsi les quatre tonalités psychiques, ou voix intérieures, se convertissent en quatre directions, ou voies conceptuelles. Et le centre demeure voilé, invisible. Dès lors le discours matriciel apparaît dans sa dimension critique comme susceptible de souligner, non les erreurs, mais les insuffisances et l'uni-vocité de tel ou tel discours ou système cognitif, et donc de juger (et en cela d'abord il est judiciaire), non pas de ce qui est dit ou pensé, mais de ce qui manque à être dit et pensé.
[1] "Il y a une unité astrologique transhistorique et transculturelle qui court comme le fil du collier à travers les perles." (Gilbert Durand, "L'astrologie, langage de l'Unus Mundus", in L'astrologie, collection Cahiers de l'Hermétisme (dir. Antoine Faivre & Frédérick Tristan), Albin Michel, 1985, p.201). « Texte
[2] L'archétype au sens jungien est une forme vide, une virtualité formatrice, une force psychique capable de structurer la conscience, sans contenu représentatif spécifique : toute interprétation de l'archétype n'est qu'une traduction possible au sein d'un système de représentations. "Les archétypes sont des facteurs d'ordre formel qui structurent les processus psychiques inconscients, des "patterns of behaviour". (...) L'archétype est la forme, saisissable par l'observation intérieure, de l'ordre a priori dans le domaine psychique." (Carl Jung, Synchronicité et Paracelsica, trad. fr. aux éd. Albin Michel, 1988, p.38 et p.106). « Texte
[3] Will Erich Peuckert considère cette notion comme le troisième principe de l'astrologie, après ceux de temps et d'ordre (in L'astrologie, trad. fr. aux éd. Payot, 1965, p.251-252). « Texte
[4] Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, trad. fr. aux éd. Garnier-Flammarion, 1976, p.114-115. « Texte
[5] La formule est du philosophe indonésien Ranggawarsita (XIXè siècle) : cf. Denis Huisman, Dictionnaire des philosophes, Paris, P.U.F., 1984, vol. 2, p.2191. « Texte
[6] Carnéade fut le premier à détourner l'esprit du platonisme. « Texte
[7] Luigi Aurigemma, Le signe zodiacal du Scorpion dans les traditions occidentales de l'Antiquité gréco-latine à la Renaissance, Paris, Mouton / E.H.E.S.S., 1976, p.104. « Texte
[8] Ernst Cassirer, La philosophie des formes symboliques, trad. fr. aux éd. de Minuit, 1972, vol. 3, p.229. « Texte
[9] Carlos Castaneda, La force du silence, trad. fr. aux éd. Gallimard, 1988, p.154. « Texte
[10] Martin Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, trad. fr. aux éd. Gallimard, 1962, p.322. « Texte
[11] Martin Heidegger, Le principe de raison, trad. fr. aux éd. Gallimard, 1962, p.268. « Texte
[12] Martin Heidegger, Ibid., p.254. « Texte
[13] Ernst Jünger, Le mur du temps, trad. fr. aux éd. Gallimard, 1963, p.14. « Texte
[14] Edmund Husserl, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, 1954; trad. fr. aux éd. Gallimard, 1976, p.330. « Texte
[15] Les constantes de la physique sont des limites opérationnelles. Elles marquent les limites de la compréhension de l'univers par l'approche expérimentale. Albert Einstein : "Je crois en effet qu'une théorie rationnelle ne doit pas introduire de constante qu'il soit loisible (à Dieu) de choisir. Lorsque l'on a éliminé les constantes dimensionnées, celles qui restent en fin de compte (constantes sans dimension) doivent, dans cette optique, ou bien être définies rationnellement (comme e ou pi), ou bien ne pas intervenir dans les lois." (in Lettre à Max von Laue, 24 avril 1950; Oeuvres choisies 5, Le Seuil 1991, p.113). "Leur existence apparente repose sur le fait que nous ne sommes pas allés suffisamment au fond des choses." (in Lettre à Ilse Rosenthal-Schneider, 11 mai 1945; Oeuvres choisies 5, Le Seuil 1991, p.111). « Texte
[16] Edmund Husserl, Op. cit., p.215. « Texte
[17] Edmund Husserl, Ibid., p.10. « Texte
[18] Thomas Kuhn, La tension essentielle, 1977; trad. fr. aux éd. Gallimard, 1990, p.85. « Texte
[19] Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, P.U.F., 1966, p.12. « Texte
[20] Max Horkheimer, Éclipse de la raison, 1947 ; trad. fr. aux éd. Payot, 1974. « Texte
[21] La médecine au sens large (y compris la chirurgie et la psychiatrie) est l'exemple caractéristique d'un tel abus de pouvoir : sur-médicalisation et rejet outrecuidant de pratiques et de savoirs marginalisés. « Texte
[22] Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, 1962; 1970; trad. fr. aux éd. Flammarion, 1983, p.282. « Texte
[23] "La fin ultime - la civilisation - se perd de vue; le moyen - l'activité scientifique moderne - barbarise..." (Nietzsche, Ecce Homo, in Oeuvres philosophiques complètes, vol. 8.1, tr. fr. Jean-Claude Hémery, Gallimard, 1974, p.291). « Texte
[24] Thomas Kuhn souligne que le rapprochement de la science et de la technologie ne date que de la fin du XIXè siècle : "Jusque tard dans le XIXè siècle, les innovations technologiques significatives ne sont presque jamais venues des hommes, des institutions ou des groupes sociaux qui contribuaient aux sciences." (in La tension essentielle, 1977; trad. fr. aux éd. Gallimard, 1990, p.204). « Texte
[1b] Cette distinction s'inspire de Wilhelm Dilthey, de Charles Peirce et de Jürgen Habermas, pour qui la troisième catégorie, les "sciences à vocation critique", comprend essentiellement la psychanalyse freudienne et la sociologie néo-marxiste. (cf. La technique et la science comme "idéologie", trad. fr. aux éd. Gallimard, 1973, p.145-150). Cependant seule l'astrologie équalitaire et "judiciaire" possède la capacité critique à rendre compte différenciellement des idiosyncrasies et des mentalités. « Texte
[2b] Martin Heidegger, Essais et conférences, trad. fr. aux éd. Gallimard, 1958, p.62. « Texte
[3b] "Les lois naturelles que, dans la théorie des quanta, nous formulons mathématiquement, ne concernent plus les particules élémentaires proprement dites, mais la connaissance que nous en avons." (Werner Heisenberg, in La nature dans la physique contemporaine, trad. de l'all., Gallimard 1962, p.18). Cf. aussi Physique et philosophie, trad. fr. aux éd. Albin Michel, 1971. « Texte
[4b] in La formation de l'esprit scientifique, Vrin, 1938; 1983. « Texte
[5b] in Cours de linguistique générale, 1916; Payot, 1967. « Texte
[6b] in Cahiers, "Psychologie", Judith Robinson (éd.), Gallimard, 1973, vol. 1, p.1067. « Texte
[7b] in Écrits sur le signe, Gérard Deledalle (éd.-tr.), Le Seuil, 1978, p.121. « Texte
[8b] in Le monde de l'esprit, trad. fr. aux éd. Aubier, 1947, vol. 1, p.150. « Texte
[9b] Le "langage génétique" (issu de l'organisation de la molécule d'A.D.N.) n'en est pas un, car il ne ressortit pas de l'opération créatrice que l'intellect met en oeuvre pour transmettre un contenu cognitif. « Texte
[10b] Daniel Verney, Fondements et avenir de l'astrologie, Paris, Fayard, 1974, p.284. « Texte
[11b] Le spécialiste actuel des recherches astro-cosmobiologiques est Theodor Landscheidt (cf. par exemple Sun-Earth-Man : A mesh of cosmic oscillations, London, Urania Trust, 1989). « Texte
[12b] Nous pensons, nous les astrologues, que c'est parmi les scientifiques, notamment les physiciens des particules et les théoriciens des graphes, et non chez les professeurs de philosophie, que se dissimulent les véritables métaphysiciens de ce siècle. « Texte
[13b] in La communication, Paris, Minuit, 1968, p.32. « Texte
[14b] Jakob von Uexküll, Mondes animaux et monde humain, 1934; trad. fr. aux éd. Denoël, 1956. « Texte
[15b] Cf. Marcel Mauss, "De quelques formes primitives de classification" in Année Sociologique, 1903; Oeuvres, Minuit, 1968-1969, 3 vol., et surtout Émile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, 1912; Paris, P.U.F., 1968. « Texte
[16b] Émile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse (1912; Paris, P.U.F., 1968, p.628). La problématique énergie/structure est exposée par l'astrologue Rudhyar qui oppose la permanence structurelle à la variabilité énergétique. (Dane Rudhyar, L'astrologie de la personnalité, New York, Lucis Press, 1936; version fr., Paris, Librairie de Médicis, 1984, p.122). « Texte
[17b] C'est pourquoi la théorie astrologique des Maîtrises semble être la clef de voûte de tout l'édifice. « Texte
[18b] La thèse selon laquelle la Nature, l'Univers-Dieu, et plus spécifiquement les astres, sont à l'origine des plus anciens cultes, mythologies et religions, a été soutenue par l'historien Scorpion Charles-François Dupuis (1742-1809) dans son Origine de tous les cultes, ou Religion universelle (3 vol., Paris, H. Agasse, an III [1794]) : "L'opinion dans laquelle ont été tous les peuples, que la cause de tout ce qui arrive, naît et croît ici-bas, est dans les astres." (vol. 1, p.83). Cf. le même ouvrage pour le rapprochement entre les 12 travaux d'Hercule et les signes zodiacaux. « Texte
[19b] Il existe d'importantes variations concernant les structures au sein même d'une même "culture astrologique", notammant en ce qui concerne le Dominion, le Planétaire et la Cyclade. Par ailleurs il a été avancé que les Chinois, les Égyptiens, les Hébreux (cf. les 10 Sephiroth du Sepher Yetsira) et les gnostiques valentiniens avaient une connaissance ésotérique des planètes trans-saturniennes. Le Brhatsamhitâ hindou (au § 68) énumère dix complexions : celles des 5 éléments liés aux 5 planètes, celles du Soleil et de la Lune, celles de Vishnu, d'Indra et de Yama (cf. Louis Renou, Anthologie sanskrite, Payot, 1947, p.363). « Texte
[20b] Cf. par exemple Wilhelm Gundel : "L'astrologie savante (...) est un enfant de l'hellénisme." (in Astrologumena, Wiesbaden, Franz Steiner, 1966, p.1). « Texte
[21b] in The chemical basis of medical climatology, Springfield (Illinois), Thomas, 1962. « Texte
[22b] in The opening eye, London, Coventure, 1980. « Texte
[23b] Cf. par exemple La mémoire de l'univers, London 1988; trad. fr. aux éd. Le Rocher, Monaco, 1988. « Texte
[24b] Cf. par exemple L'alchimie de la vie et Le langage vibratoire de la vie, Monaco, Le Rocher 1983 et 1990. « Texte
[25b] Cf. par exemple Astrology: The evidence of science, 1988; éd. rev., London, Arkana, 1990. « Texte
[26b] Geoffrey Dean / Peter Loptson / Ivan Kelly, "Theories of astrology" in Correlation 15.1, 1996, p.24. « Texte
[27b] L'astrologie est anthropo-morphique au sens fort du terme. Elle l'est sans devoir en rougir, nonobstant les invectives puériles de certains de ses détracteurs rationalistes, inconscients par ailleurs du caractère subjectiviste de larges pans de la pensée scientifique. « Texte
[28b] Gilles Deleuze, "A quoi reconnaît-on le structuralisme ?" in François Châtelet (dir.), Histoire de la philosophie, Hachette, 1973, vol. 8, p.313. « Texte
[29b] Cf. Carl Gustav Jung, Synchronicité et paracelsica, trad. fr. aux éd. Albin Michel, 1988, p.43, p.47, p.271... « Texte
[30b] in Énnéades, II 3.1, trad. fr. aux éd. des Belles Lettres, 1964, p.28. « Texte
[31b] Le malheureux Léon Lasson, en 1937, annonçait "quinze ans de Paix sur l'Europe" (in Astrologie mondiale, Bruxelles, Revue Demain, p.161). Maurice Privat, dans Demain la guerre? (Paris, Médicis, 1939) ne prédit pas le conflit malgré son imminence. Et même Alexandre Volguine, à la veille du déclenchement des hostilités, écrit : "Ce numéro paraissant aux heures troubles, doit apporter aux lecteurs un apaisement, car la guerre mondiale n'est pas inscrite dans le ciel d'Europe." ! (Cahiers Astrologiques, 11 (numéro de sept-oct 1939), p.200).
Quant aux capacités à prédire dans le domaine individuel (interprétation prédictive des thèmes natals), elle est quasi nulle. Le récent ouvrage de Rafael Nasser (Under one sky, Seven Paws Press, Chapel Hill NC, 2004) dresse le bilan de l'interprétation "à l'aveugle" d'un thème par 12 astrologues (12 aveugles?). Seule une astrologue (Evelyn Roberts, astrologie archétypale) atteint presque la moyenne, passable, qu'on peut espérer d'une approche quelque peu significative (soit 2,5 / 6) et six astrologues sur douze (dont Robert Schmidt, astrologie néo-hellénistique), soit la moitié, obtiennent un zéro pointé. Bilan catastrophique donc (voir le compte-rendu de Ken Gillman in Considerations, 19.3, 2004, p.94-96), à ne pas mettre entre toutes les mains, dit-il, sauf pour montrer enfin, aux astrologues comme aux sceptiques, que l'astrologie n'est définitivement pas de nature "prédictive" et qu'elle ne l'a jamais été. « Texte
[32b] in The Jupiter effect, London, Macmillan, 1974, p.115. « Texte
[33b] Thorndike a montré que Johannes Stoeffler (1452-1531) avait été crédité à tort - et continue de l'être - de l'annonce d'un déluge universel pour 1524 d'après son Almanach nova plurimis annis venturis inservientia [Ulm, 1499] (in A history of magic and experimental science, New York, Columbia University Press, 1941, vol. 5, p.181 ; cf. le texte incriminé et sa traduction in Pierre Brind'Amour, Nostradamus astrophile, Ottawa, Presses de l'Université, & Paris, Klincksieck, 1993, p.203). Dans un opuscule publié à Tübingen en 1523, l'astrologue de Justingen dénie avoir jamais prédit un déluge ou encouragé l'astrologie superstitieuse des prédictions sensationalistes. La "querelle de la conjonction de 1524" (Mars, Jupiter et Saturne à 9-10° des Poissons) a alimenté, surtout à partir de 1520, une littérature pléthorique (recensée par Gustav Hellmann in Beiträge zur Geschichte der Meteorologie, Berlin, Behrend, 1914, vol. 1, p.25-67). Quant à la fameuse prédiction de Petrus Alliacus (1350-1420) pour 1789, elle demeure extrêmement vague dans sa formulation : "Il y aura de nombreux bouleversements et mutations remarquables dans le monde, principalement en ce qui concerne les lois et les sectes religieuses." (in Concordantia astronomie cum hystorica narratione (1414), Augsburg 1490, chap. 60; cité in Laura Smoller, History, prophecy, and the stars, Princeton (New Jersey), Princeton University Press, 1994, p.194). Elle résulte d'une application des théories cycliques d'Albumasar, en particulier de celle du grand cycle saturnien de 300 ans (lequel n'est plus guère utilisé aujourd'hui), égal à 10 révolutions sidérales, et n'annonce pas spécifiquement la "révolution française" mais la venue de l'Antéchrist (cf. Laura Smoller, Ibid., p.105-106), même si l'on peut objecter qu'il s'agit de la même chose. « Texte
[34b] Ce qui n'interdit pas à d'authentiques voyants et visionnaires de prédire l'avenir en prenant pour support l'astrologie. Qu'on pense à Nostradamus qui l'utilise dans un siècle où elle était florissante. « Texte
[35b] in Synchronicité et Paracelsica, trad. fr. aux éd. Albin Michel, 1988, p.59 (cf. aussi p.272). « Texte
[36b] Lettre du 16 octobre 1903 à Paul Choisnard, in Paul Flambart [Choisnard], Entretiens sur l'astrologie, Paris, Chacornac, 1920, p.128). « Texte
[37b] Il semble par ailleurs que les "résultats" les plus significatifs n'aient pas été analysés : à savoir la disproportion dans la distribution des conjonctions et des oppositions, et les minima relevés pour les conjonction et opposition Soleil-Soleil, planète de l'identité sociale (Ibid., tableau II, p.63). « Texte
[38b] Carl Jung, in Correspondance (lettre du 15 novembre 1958), trad. fr. aux éd. Albin Michel, 1996, vol. 5, p.72-73. « Texte
[39b] Cette branche de l'astrologie, dite "astrologie horaire", concerne les thèmes dressés, non pas d'après des données de naissance, mais pour le moment où une question est présentée à l'analyse. « Texte
[40b] Les multiples contradictions qui résultent de ces notions et des modèles qu'elles sous-tendent, font la joie des anti-astrologues (cf. Geoffrey Dean / Peter Loptson, "Theories of astrology" in Correlation 15.1, 1996). « Texte
[41b] Raymond Abellio (in Solange de Mailly-Nesle, L'être cosmique, Paris, Flammarion, 1985, p.119) a compris qu'il existait trois conceptions de l'astrologie, ainsi hiérarchisées : l'astrologie causaliste ou "influentielle" (primaire), l'astrologie symboliste (intermédiaire), l'astrologie "structuraliste" (supérieure). « Texte
[42b] Karl Popper prend l'astrologie comme étalon de la non-scientificité (in Conjectures et réfutations, London, Routledge, 1963; 4è éd 1972; trad. fr. aux éd. Payot, 1985). « Texte
[43b] Jérôme (~347-420), le traducteur de la Bible en latin, a pressenti cette triple orientation quand il énonce dans son Prologus galeatus que l'astrologie "s'affirme par le dogme, s'explique par la méthode, se vérifie par l'expérience." (Sylvain Trébucq, "L'Astrologie chez les Gallo-Romains" in L'Influence Astrale, n°3, 1913 ; Paul Flambart (Choisnard), Entretiens sur l'astrologie, Paris, Chacornac, 1920, p.133). « Texte
[44b] Pierre Gassendi (Animadversiones, comprenant le De vanitate astrologorum, Leiden, 1649), Jacques de Billy (Le tombeau de l'astrologie judiciaire, Paris, Michel Soly, 1657), Jean François (Traite des influences celestes, Rennes, 1660), François Bernier (Abrégé de la philosophie de Mr Gassendi (seconde partie), Paris, Estienne Michallet, 1675), Jean-Baptiste Thiers (Traité des superstitions, Paris, Dezallier, 1679), Pierre Bayle (Pensées diverses sur la comète [de 1680], Rotterdam, Leers, 1682), Laurent Bordelon (De l'astrologie judiciaire, Paris, Louis Lucas & Étienne Ducastin, 1689). « Texte
[45b] Un Robert Lenoble évoque le "hiatus qui existe entre l'astrologie et la raison religieuse et scientifique" (in Mersenne ou la naissance du mécanisme, Paris, Vrin, 1943; 1971, p.128). « Texte
[46b] in The case for astrology, 1970; Penguin Books 1973, p.137. « Texte
[47b] Cf. ma thèse de doctorat : L'astrologie : Fondements, Logique et Perspectives (Paris I - Sorbonne, mars 1993, direction Françoise Bonardel, présidence du jury Gilbert Durand). « Texte
[48b] in Le feu du dedans (1984), trad. fr. Amal Naccache, Gallimard, 1985, p.47. "Les voyants voient [l'homme ou la femme nagual] comme une sphère lumineuse à quatre compartiments, comme s'il s'agissait de la condensation de quatre boules lumineuses." (Castaneda, in La force du silence (1987), trad. fr. Amal Naccache, Gallimard, 1988, p.13). « Texte
[49b] Cf. Carl Jung, Synchronicité et Paracelsica, trad. fr. aux éd. Albin Michel, 1988, p.177-180 et p.217-222. « Texte
[50b] Platon déplore que les philosophes de son temps ne se préoccupent plus du nombre d'unités que renferme une multiplicité donnée : "Les doctes du monde d'aujourd'hui font 'un' au petit bonheur, et 'plusieurs' trop vite ou trop lentement, passant immédiatement de l'un à l'infini, tandis que les [nombres] intermédiaires leur échappent" (in Oeuvres complètes : Philèbe, tr. fr. Léon Robin, Gallimard, 1950, vol. 2, p.557-558).« Texte
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